B. UN PLAN QUI NE DISSIPE PAS LES INQUIÉTUDES
1. Une pleine consommation des crédits encore incertaine
L'exécution du plan de relance constituant une priorité pour le Gouvernement, les services du ministère de la culture sont mobilisés pour permettre aux opérations retenues d'être achevées d'ici 2023. Ces efforts n'ont cependant pas empêché la survenance de plusieurs difficultés inhérentes aux chantiers patrimoniaux (marchés infructueux, retards de chantiers).
Une dizaine d'opérations ont été retirées du plan de relance, soit pour des retards qui ne permettaient pas de tenir les délais, soit pour des dépassements de coûts trop importants.
Des redéploiements de crédits sont intervenus dans des proportions limitées et ont été opérés dans le respect de l'enveloppe initiale à laquelle ils étaient affectés.
Les tensions sur les prix constatées depuis quelques mois, principalement imputables au renchérissement des matières premières, ainsi que les problèmes de disponibilité des matériaux , pourraient rendre plus délicate l'exécution du plan de relance dans les mois à venir. Outre les retards de chantiers qui pourraient en découler, des inquiétudes se font jour autour des opérations qui n'ont toujours pas été lancées , dans la mesure où leur coût pourrait dépasser les prévisions initiales.
Afin d'éviter que des opérations ne soient abandonnées ou qu'il soit fait appel aux crédits ordinaires pour compléter les crédits du plan de relance dans le but de mener ces opérations à bien, il serait souhaitable d'autoriser les services déconcentrés à pouvoir redéployer les crédits « relance » non consommés d'une enveloppe à une autre, les règles budgétaires ne faisant pas obstacle à leur fongibilité.
2. L'inquiétude de l'après-plan de relance
Les tensions sur les prix pourraient avoir des effets négatifs sur la mise en oeuvre des programmes de chantiers, beaucoup de propriétaires publics et privés préférant décaler des opérations dans l'attente d'une baisse des prix.
C'est l'une des raisons pour lesquelles les acteurs du patrimoine se montrent très inquiets de « l'après-plan de relance » . Ils craignent que les crédits ordinaires ne redescendent, dès 2023, à leur niveau de 2019. Une baisse brutale des crédits aurait des conséquences désastreuses à la fois sur la filière du patrimoine, qu'il s'agisse de l'emploi, de la formation ou de l'attractivité de ces métiers, et sur le patrimoine, dans la mesure où elle remettrait en cause l'achèvement de certains chantiers dont les premières tranches auraient été financées par les crédits « relance ».
La protection du patrimoine est peu compatible avec un financement par à-coups . Elle repose sur des programmations nécessitant un horizon pluriannuel. La formation des professionnels de la restauration du patrimoine s'appuie elle aussi sur un temps long et nécessite plusieurs années de pratique professionnelle pour atteindre le niveau de qualification requis. À cet égard, on peut d'ailleurs regretter que la mise en oeuvre du plan de relance ne se soit pas accompagnée d'un programme plus ambitieux d'actions de valorisation des métiers de la restauration auprès du grand public et des jeunes afin de susciter des vocations.
Le plan de relance a apporté la preuve que la protection du patrimoine est jusqu'ici sous-dotée : les besoins en matière de restauration nécessiteraient des budgets annuels plus élevés et les entreprises ont démontré, depuis un an, qu'elles sont en mesure d'absorber plus de 450 millions d'euros de crédits sans que des tensions majeures ne se fassent jour. L'échéance du plan de relance en 2023 doit conduire à réévaluer le niveau de la dotation de l'État au patrimoine monumental et à accroître son effort en matière d'entretien des monuments historiques afin d'enrayer la dégradation de l'état général des monuments par une vraie politique préventive . Une décision similaire avait d'ailleurs été prise à l'issue du plan de relance de 2009-2010, avant que le niveau des crédits ne soit finalement progressivement abaissé à partir de 2013.
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La protection du patrimoine n'est pas un enjeu accessoire . Elle n'est ni un obstacle, ni un coût, mais un formidable atout pour le développement économique local, la cohésion sociale et la qualité du cadre de vie.
L'entretien et la restauration du patrimoine ne sont qu'un des volets de sa bonne préservation . Les politiques menées dans le domaine du patrimoine doivent également s'attacher à mieux définir la fonction que les édifices patrimoniaux doivent occuper dans la cité. Leur entretien et leur restauration ne seront que facilités s'ils jouent un rôle au quotidien en matière culturelle et sociale.