EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 9 février 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur le suivi des recommandations du rapport Algues vertes en Bretagne, de la nécessité d'une ambition plus forte .
M. Claude Raynal , président . - Le premier point de l'ordre du jour est consacré au contrôle budgétaire de Bernard Delcros sur le suivi des recommandations du rapport « Algues vertes en Bretagne, de la nécessité d'une ambition plus forte ».
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Je vous avais présenté en mai dernier les conclusions de mon travail de contrôle budgétaire sur le financement de la lutte contre les marées vertes en Bretagne. Il m'a semblé intéressant et utile de pouvoir, dix mois après, faire un suivi des recommandations, compte tenu des enjeux sous-jacents de santé publique, environnementaux et économiques. Il m'a semblé important de suivre l'évolution de la situation dans ces territoires et de vous la présenter.
Le principal constat qui ressortait de mon analyse au mois de mai était le suivant : les efforts de l'État dans le cadre des plans de lutte contre les algues vertes (PLAV) sont réels mais insuffisants pour obtenir des résultats à la hauteur des enjeux. Les financements ne sont pas assez ciblés sur les incitations au développement de pratiques agricoles prenant davantage en compte la situation spécifique de ces territoires. Je ne vais pas revenir sur les 23 propositions que j'avais formulées, mais je vais en rappeler les quatre axes principaux.
Le premier axe concernait la suite et l'organisation du plan de lutte contre les algues vertes. Nous demandions la prorogation de deux ans de ce plan et, par la suite, la mise en place d'un plan de troisième génération qui devait être plus ambitieux en termes d'objectifs de réduction des taux de nitrate, de crédits, mais également de moyens humains. En outre, ce nouveau plan devrait permettre de simplifier la gouvernance et de clarifier le pilotage entre les échelons départementaux et régional. Vous vous en souvenez, je vous avais démontré que le pilotage était extrêmement complexe et qu'il était difficile d'avoir de la visibilité.
Le deuxième axe portait sur l'architecture du financement de la lutte contre les algues vertes et l'articulation entre les différents financeurs ainsi que sur les modalités de gestion.
Le troisième axe portait sur les volumes financiers consacrés à la lutte contre la prolifération des algues vertes, leur ciblage et les questions de réglementation. Je notais que les moyens étaient à la fois insuffisants et pas assez ciblés sur l'accompagnement des agriculteurs vers la transformation de pratiques agricoles. Les montants étaient peu incitatifs au regard des aides de droit commun de la politique agricole commune (PAC), qui s'appliquent pour l'essentiel sans conditionnalité. J'indiquais également que la lutte contre les algues vertes ne pouvait faire l'économie d'une réglementation adaptée.
Quatrième axe, la reconduction des financements, qui doit aller de pair avec la mise en place de nouveaux outils d'évaluation et de suivi, d'indicateurs réalistes et partagés de manière à suivre annuellement les pratiques agricoles et l'origine des fuites de nitrates. J'ajoutais enfin qu'il était impératif de renforcer les moyens de contrôle des services de l'État, qui se sont grandement dégradés depuis 15 ans, pour que puissent être menés à bien des contrôles sérieux et suffisamment nombreux. Cette demande fait l'unanimité de tous les acteurs, y compris la chambre d'agriculture.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Les changements ont été nombreux et rapides. La lutte contre les algues vertes, qui est médiatisée, a bénéficié d'une conjonction d'événements favorables et convergents. D'abord, quinze jours après la parution de mon rapport, le tribunal administratif de Rennes a annulé le plan régional d'actions (PAR) de lutte contre la pollution par les nitrates en enjoignant au préfet de prendre des mesures renforcées sous quatre mois dans les baies « algues vertes ». En juillet, la Cour des comptes a également publié un rapport, commun avec la chambre régionale des comptes de Bretagne. Elle dénonce une politique de lutte aux objectifs mal définis et aux effets incertains sur la qualité des eaux, dont l'ambition s'est réduite au fil des années et dont les financements « relèvent en partie de l'affichage ». Les constats et recommandations de la Cour convergent avec les miens.
Ces trois événements ont eu des conséquences immédiates et ont entraîné plusieurs évolutions positives. La mise en place d'un plan de 3 e génération 2022-2027, que nous avions demandée, est confirmée et officialisée dans le contrat de plan État-région. Sa gouvernance sera, comme nous le souhaitions, allégée et surtout recentrée au niveau départemental. Un expert de haut niveau a été spécialement recruté pour mieux accompagner les collectivités et l'ensemble des acteurs. Il y aura désormais un interlocuteur bien identifié.
Deuxième point à souligner, les moyens financiers ont été renforcés. Le besoin de crédits complémentaires pour le seul volet préventif du PLAV est évalué à 2 millions d'euros annuels, qui, d'après le préfet de région, devraient être accordés. En outre, 20 millions d'euros sur la période, soit 4 millions par an, devraient être engagés entre 2022 et 2027, pour la mise en place de paiements pour services environnementaux au travers du programme des interventions territoriales de l'État (PITE). C'est une nouveauté côté État. Il s'agit d'un dispositif de contractualisation avec les agriculteurs. Le montant total dédié à la lutte contre les algues vertes sur les crédits du programme 162 passerait donc de 5 à 12 millions d'euros par an, soit un peu plus du double. Je serai attentif à ce que ces augmentations se traduisent dans la prochaine loi de finances.
Autre évolution positive : la mise en place d'une réglementation adaptée et spécifique dans les baies algues vertes. Le sixième programme d'actions régional de lutte contre la pollution par les nitrates (PAR 6) a été modifié et le septième est en préparation. La principale innovation est la mise en place de zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) dans les baies algues vertes, ouvrant la voie à un cadre réglementaire renforcé et à un accompagnement financier adapté. Les ZSCE constituent un outil intéressant et utile, à condition évidemment qu'elles recouvrent des actions suffisamment innovantes et efficaces par rapport au cadre existant. Nous devrons être vigilants sur ce point.
Enfin, une avancée majeure, la révision de la PAC a ouvert la voie à la mise en place de financements européens dédiés aux baies algues vertes. Le projet français transmis à la Commission européenne dans le cadre de la nouvelle PAC prévoit ainsi la mise en place d'une nouvelle mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC) « nitrates ». Toutefois, les sommes engagées restent à ce stade assez faibles : 3 millions d'euros pour l'instant. Cela ouvre des perspectives pour mieux accompagner les agriculteurs dans l'évolution de leurs pratiques. Nous suivrons donc ce sujet avec attention.
Ce sont en tout 11 de mes recommandations, soit environ la moitié, qui ont déjà été partiellement ou totalement appliquées.
Je voudrais toutefois nuancer ce constat positif. Les évolutions récentes ne sont selon moi pas suffisamment ambitieuses pour permettre une réelle amélioration à court et moyen termes.
Concernant l'avancée que constitue la mise en place d'une nouvelle réglementation dans les baies algues vertes, je veux la relativiser. En réalité, le déploiement des ZSCE se fera en deux temps : une première phase de trois ans de contractualisation sur la base du volontariat à partir de 2022, puis éventuellement à partir de 2025 des obligations pour les exploitations agricoles qui auront refusé tout engagement au préalable. La modification de la réglementation ne portera vraisemblablement pleinement ses fruits qu'à l'issue de la phase volontaire, c'est-à-dire après 2025 au plus tôt.
Deuxième aspect problématique, tous les efforts continuent de se concentrer sur les 8 baies algues vertes des Côtes-d'Armor et du Finistère. Mais de nombreux territoires connaissent aujourd'hui des phénomènes de marées vertes de plus ou moins grandes amplitudes. C'est notamment le cas des vasières du Morbihan, oubliées par les évolutions dont j'ai parlé. Nous savons désormais le temps long qui est nécessaire pour obtenir des résultats significatifs à la suite des actions engagées : nous devons nous appuyer sur l'expérience acquise dans les baies algues vertes. Il ne faut pas attendre qu'il soit trop tard pour agir dans les territoires où ce phénomène apparaît et se développe.
Sur un plan plus strictement budgétaire, il n'y a pas eu de clarification de l'architecture financière, notamment afin de retracer les contributions des différents financeurs. L'opacité du transfert en gestion, souvent très tard dans l'année, ne contribue ni à l'efficacité des plans de lutte contre les algues vertes ni à la lisibilité pour les acteurs.
Enfin, il n'y a pas eu d'évolution concernant les moyens de contrôle, qui est, je le répète, demandée par les agriculteurs eux-mêmes. Seul 0,2 équivalent temps plein (ETP) est aujourd'hui affecté au suivi du plan de lutte contre les algues vertes. La Cour des comptes a indiqué que les contrôles dans les exploitations agricoles avaient baissé de 73 % entre 2010 et 2018 dans les bassins versants algues vertes. Pourtant, le renforcement des moyens de contrôle demeure indispensable et doit constituer une priorité, parallèlement aux évolutions réglementaires. Il est d'ailleurs souhaité par tous les acteurs, y compris par la chambre d'agriculture de Bretagne que j'avais rencontrée : un certain nombre d'agriculteurs font des efforts à travers la contractualisation, et leurs efforts se trouvent fragilisés par une part minoritaire d'agriculteurs qui refusent de s'engager dans ces démarches.
Je veux ajouter que le renforcement des moyens financiers demeure sans commune mesure par rapport aux financements de droit commun apportés par la PAC. C'est sur ces financements qu'il faut impérativement agir, me semble-t-il, en lien avec les agriculteurs, pour une amélioration de long terme de la qualité de l'eau en Bretagne, et donc la réduction des marées vertes. Il faut réorienter les crédits de la PAC dans ces territoires vers davantage d'aides conditionnées à des pratiques prenant en compte le contexte environnemental spécifique des baies algues vertes.
Par ailleurs, j'avais fait une proposition sur la question du transfert de foncier qui me paraît un outil efficace. Il n'y a pas eu pour l'instant de prise en compte de cet aspect.
Il me semble que le suivi de nos recommandations fait partie intégrante de notre travail. C'est pourquoi je continuerai au cours des prochains mois à être attentif aux évolutions relatives à la lutte contre les marées vertes, et à ce que mes recommandations continuent à être prises en compte. Je vous en tiendrai informés.
M. Claude Raynal , président . - Ce rapport, sur lequel nous avions échangé au mois de mai l'an dernier, a d'abord connu un certain succès. Il a été très repris dans la presse locale et également dans la presse nationale, tant le sujet était réel, concret et nécessitait des actions fortes. Vous l'avez dit, nous avons sans doute bénéficié d'une conjonction favorable, au travers notamment du tribunal administratif de Rennes qui a amené des améliorations relativement sensibles. Il est assez rare qu'un rapport donne lieu à des avancées notables dans l'année même. Le temps d'action de l'État est généralement plus long, mais dans ce cas précis, il faut souligner la réaction forte des acteurs. Il était donc judicieux que vous reveniez devant nous pour établir ce suivi ainsi que pour pousser les éléments qui n'ont pas encore été pris en compte mais qui pourraient l'être dans les prochains mois.
M. Vincent Delahaye . - Comme toujours, il faut des moyens supplémentaires d'action et de contrôle. Mais où les puiser ? Dans l'augmentation de la dette ou par redéploiement de crédits ? Les hausses dont vous nous parlez devraient avoir lieu après 2022. Pouvons-nous prendre ces annonces au sérieux ? S'agissant des transferts de foncier que vous avez mentionnés et dont la mise en oeuvre pourrait être complexe, quel serait l'objectif ?
M. Michel Canévet . - Je voudrais moi aussi remercier le rapporteur spécial, non seulement d'avoir bien voulu établir un rapport initial sur les algues vertes en Bretagne qui, comme le Président l'a évoqué, avait fait sensation puisque la presse s'en était largement fait l'écho, mais surtout d'avoir fait aujourd'hui le point sur la gestion de la situation. Effectivement, dans une région aussi touristique que la nôtre, la présence aussi forte parfois d'algues vertes ternit la qualité de l'accueil et pose donc un certain nombre de difficultés à une bonne partie de la population.
Il ne faut pas pour autant montrer du doigt l'ensemble des agriculteurs, qui font des efforts extrêmement importants pour changer les pratiques agricoles. Il faut tout de même se rappeler que la France a voulu assurer sa souveraineté alimentaire et a donc souhaité que les agriculteurs puissent produire au moindre coût, de façon que le pouvoir d'achat soit préservé. Ils ont réussi, dès lors que la part de l'alimentaire dans le budget des foyers a largement diminué.
Les professionnels sont bien conscients de l'impact d'une partie des pratiques agricoles, mais ce ne sont pas les seules responsables du phénomène des algues vertes. Dans les Côtes-d'Armor en particulier, où il y a une densité d'algues vertes et de sites qui est assez propice à ce développement et où il y eut les incidents les plus notables - en tout cas un décès qui fut répertorié - on a identifié quelques installations de traitement des eaux usées qui ne sont pas en conformité. Cela avait d'ailleurs amené l'État à réduire les capacités d'urbanisation dans les territoires qui n'étaient pas aux normes. Il faut donc que, collectivement, un effort soit fait et que l'opprobre ne soit pas jeté uniquement sur les agriculteurs.
La difficulté pour les agriculteurs est très concrète : ils subissent aujourd'hui des prix qui ne sont pas suffisamment rémunérateurs. Nous l'avons largement dit en étudiant les projets de loi dits « EGalim 1 » puis « EGalim 2 ». La situation n'est pas encore stabilisée : aujourd'hui, les producteurs laitiers ou les producteurs porcins connaissent des cours des produits qui sont en deçà du prix de revient. Cela pose problème pour pouvoir mettre en oeuvre une politique de réduction des intrants, c'est-à-dire pour changer de façon d'exploiter. Cela nécessite donc qu'il y ait un accompagnement des exploitants, qui soit le plus fort possible de la part de l'État, pour concrétiser un véritable changement. Il faut également que nous fassions attention à ce que le potentiel de production de notre pays ne se trouve pas trop significativement réduit. Nous avons connu en 2021 le déficit le plus conséquent de la balance commerciale française, et il est quand même paradoxal, dans un pays agroalimentaire fort, que nous soyons obligés d'importer une bonne partie de notre production. Il faut donc à la fois que nous puissions tempérer en termes de réduction de la production - cela se fait par exemple pour le porc ou la volaille - mais il ne faut pas arriver à une situation où nous serions dépendants d'importations pour pouvoir nous nourrir demain.
Cela nécessite donc un accompagnement fort, un pilotage de l'État : j'ai ainsi rencontré très récemment l'expert de haut niveau qui a été affecté au suivi de la politique de lutte contre les algues vertes, par redéploiement budgétaire d'ailleurs, parce qu'il est effectivement important de ne pas alourdir la charge financière de l'État. Nous savons toutefois que pour ce qui concerne les contrôles - qui sont nécessaires, comme l'a évoqué le rapporteur - il faudra bien entendu des moyens supplémentaires. Il faut garder au niveau de l'État une capacité de contrôle. Il est donc nécessaire qu'il y ait un accompagnement significatif de l'État, y compris par la PAC, si l'on veut que des résultats soient obtenus à l'horizon 2030.
M. Dominique de Legge . - Je remercie le rapporteur de ce travail important et de ce suivi par rapport au travail initial. L'une des difficultés pour régler la situation, on le sait, est la multiplicité des intervenants. Nous sommes tous d'accord sur le diagnostic, tous d'accord sur la nécessité d'agir, mais quand il faut passer de la déclaration de principes à l'action, cela devient un peu plus compliqué du fait de la coexistence entre l'État, la région, l'agence de l'eau et les professionnels, sans compter le milieu associatif.
Je souhaiterais poser trois questions. Dans l'axe 3 des recommandations « Mieux cibler les projets financés », une première orientation consiste à dire qu'il faut engager dès maintenant une concertation avec l'ensemble des acteurs, mais je lis au sujet de l'état de mise en oeuvre « mise en oeuvre partielle ». Or, je ne vois pas comment une concertation peut être partielle. Quels sont les freins à cette concertation ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette concertation et l'état d'esprit de celle-ci ? Je lis également « Conditionner dans les territoires concernés les aides à l'installation des jeunes agriculteurs à des engagements en faveur de pratiques vertueuses, notamment concernant l'épandage ». À la lecture de la notation « non mis en oeuvre », je serais tenté de demander s'il s'agit d'un problème juridique ou de traduction technique ? Ma dernière question est plus générale : nous avons assisté à des évolutions législatives et réglementaires ces dernières années - je pense notamment au plan de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) et au transfert de l'eau et de l'assainissement aux intercommunalités - cela a-t-il été un élément facilitateur ou un élément de complexité par rapport à la question qui nous occupe aujourd'hui ?
Mme Christine Lavarde . - Je voudrais revenir sur une question que j'avais posée, lors de la première présentation du rapport. Est-ce que les services de l'État se servent de cette expérience sur le cas breton pour en tirer des enseignements et engager des actions sur la Méditerranée, où l'on commence à avoir aussi des problèmes de prolifération d'algues, et encore plus sur les outre-mer ? Je pense notamment à la Guadeloupe et à la Martinique, où il y a de véritables problèmes avec les sargasses.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je voulais moi aussi remercier Bernard Delcros de ce point d'étape, assez inhabituel pour un rapport récent. On s'aperçoit que si les choses ont évolué, c'est peut-être parce que ce sujet a trouvé sa place dans l'actualité, bien qu'ayant été porté par la commission des finances pour son volet financier et budgétaire. En outre, lorsque des rapports parlementaires sont complétés par des décisions de justice, cette conjonction induit davantage la mise en place de plans d'action - ce que l'État a commencé à faire. Nos recommandations peuvent donc porter leurs fruits. S'agissant de nos missions d'évaluation et de contrôle, il ne faut pas baisser la garde sur le suivi de nos travaux.
Vous évoquez les zones soumises à contraintes environnementales en indiquant que ce dispositif devrait être mis en place mais qu'il y a encore beaucoup à faire. À ce stade, qu'en attendez-vous, et quelles mesures vous paraîtraient devoir être prioritairement mises en oeuvre ?
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Concernant la question des moyens supplémentaires, s'agit-il d'un effet d'annonce ou d'une réalité ? Très franchement, je crois à la deuxième possibilité, car compte tenu des enjeux de santé publique, environnementaux et économiques, il ne peut pas en être autrement.
Où va-t-on chercher les crédits ? Les crédits de la PAC sont extrêmement importants - 426 millions d'euros pour la Bretagne en 2022 - au regard des quelques millions d'euros consacrés au plan de lutte contre les algues vertes. Grâce à cette enveloppe, on peut mettre en place un certain nombre d'aides, en accord avec les agriculteurs et les acteurs de terrain. Il faut que ces aides soient associées à une évolution des pratiques qui tiennent compte de la spécificité des territoires « algues vertes » et des problématiques qui sont en jeu. La vraie solution d'avenir n'est pas toujours des crédits supplémentaires, mais que les crédits de la PAC soient pour partie réorientés et redéployés en faveur de la lutte contre la pollution par les nitrates.
Sur la question du foncier, quand des jeunes exploitants s'installent, il y a souvent du transfert de foncier. On pourrait permettre dans le cahier des charges que la priorité soit donnée à des jeunes agriculteurs qui s'engageront dans des pratiques vertueuses. J'avais aussi proposé que l'on améliore la formation des jeunes sur cette question dans les établissements agricoles. Cela ne va pas donner des résultats du jour au lendemain, car il s'agit d'un processus de long terme, mais cela me semble essentiel pour l'avenir.
Concernant la question de Michel Canévet, je suis d'accord sur le fait qu'il y a d'autres causes que l'activité agricole à la pollution des sols, et notamment les installations de traitement des eaux usées qui ne sont pas toujours aux normes. Il est important qu'il y ait suffisamment de soutien financier pour que l'on puisse accélérer ces mises aux normes. Il n'en demeure pas moins que le problème des nitrates est majoritairement lié à des pratiques agricoles. Les agriculteurs aujourd'hui ne sont pas responsables responsables du passé et il ne s'agit pas de les mettre en accusation. C'est un modèle qui a été développé dans les années 1960 et 1970 pour répondre à des problématiques particulières de l'époque, et il faut composer avec. Il ne s'agit pas de discriminer les agriculteurs, mais de mieux les accompagner sur le plan financier, de mieux les sensibiliser et de mieux les former pour faire évoluer les pratiques agricoles. Mais il est également nécessaire de mettre en place des contrôles. Quand des agriculteurs ne respectent pas les règles, ils jettent un discrédit sur l'ensemble de la profession. Avec des contrôles renforcés, on servira l'intérêt de la profession et du territoire.
Dominique de Legge m'avait posé trois questions. S'agissant de la concertation avec les agriculteurs, le plan régional d'actions est actuellement le sixième, qui a été révisé suite à la décision du tribunal administratif, mais la préparation de la septième génération se déroule en parallèle. C'est dans le cadre de cette préparation qu'une concertation a été engagée.
Concernant la question du conditionnement des aides à l'installation, cela rejoint un peu la réponse précédente. Je pense qu'il y a à la fois des mesures immédiates à mettre en place pour obtenir des résultats rapides, mais qu'en même temps il faut viser le long terme, et en cela je pense qu'il faut cibler la nouvelle génération, à travers la formation, la sensibilisation, et l'accompagnement. Il faut peut-être aller jusqu'à mettre en place une forme de conditionnalité de certaines aides pour les jeunes qui s'installent ; il faut en tout cas que ces aides incitent les jeunes à s'engager dans des modes de production nouveaux par rapport à ce qui se faisait il y a trente ou quarante ans.
Christine Lavarde a évoqué la question de la Méditerranée et de l'Outre-mer, qui est également un enjeu important. À l'intérieur même de la Bretagne, la problématique se pose pour d'autres départements. À ce jour on ne prend pas suffisamment en compte l'histoire et les acquis de la lutte contre algues vertes dans les baies actuelles pour anticiper les problèmes à venir dans d'autres territoires. Toutefois, d'après les informations que l'on a eues, il devrait y avoir de nouvelles actions menées au travers du PITE à partir de 2023, notamment pour la lutte contre les sargasses.
Concernant la question du rapporteur général sur les ZSCE, quelles mesures pourraient être prioritaires ? On introduit trop de nitrates dans le sol, principalement via les exploitations agricoles. Pour lutter contre cela, il y a à la fois des outils incitatifs, notamment financiers, et des réglementations. Ces ZSCE ont été mises en place à la suite de la décision du tribunal administratif. Les trois premières années, les ZSCE se déploieront sur la base du volontariat, mais celui-ci ne suffit pas toujours. Le problème du volontariat est que ceux qui refusent pénalisent et anéantissent les efforts des agriculteurs qui ont compris l'enjeu et qui jouent le jeu.
M. Claude Raynal , président . - Merci pour cette présentation et ces réponses.
La commission a autorisé la publication de la communication du rapporteur spécial sous la forme d'un rapport d'information.