ANNEXE 2 : RAPPORT INTER-INSPECTIONS N° 1
L'INCENDIE « LUBRIZOL / NL
LOGISTIQUE » DU 26 SEPTEMBRE 2019 À
ROUEN
ÉLÉMENTS D'ANALYSE ET PROPOSITIONS DE SUITES À
DONNER
Conseil général de l'environnement et du
développement durable (CGEDD)
Conseil général de
l'économie (CGE)
Recommandation 1 . Étudier les moyens de réduire la sensibilité au feu des stockages en GRV/IBC de liquides combustibles et inflammables (regroupement, détection incendie, rétention à la source et extinction automatique...) dans l'objectif de définir des prescriptions spécifiques aux stockages dans des conteneurs de ce type.
Recommandation 2 . Prévoir une classification différenciée pour les entrepôts selon qu'ils stockent, ou non, une quantité importante de liquides combustibles, avec une rubrique 1436 étendue aux liquides combustibles de point d'éclair supérieur à 93 °C.
Recommandation 3 . Compléter l'article R.513-2 en demandant la production d'une expertise aux établissements bénéficiant du droit d'antériorité (article L.513-1 du code de l'environnement), démontrant que l'exploitation peut se poursuivre sans risque significatif pour l'environnement et les populations, éventuellement avec des mesures complémentaires de prévention n'engageant pas le gros oeuvre des bâtiments.
Concernant les arrêtés définissant les prescriptions applicables aux stockages de combustibles (arrêtés du 11 avril 2017 et du 22 décembre 2008), subordonner les dérogations applicables aux établissements existants à une expertise démontrant que leur exploitation peut se poursuivre sans risque significatif pour l'environnement et les populations.
Une revue décennale pourrait être demandée afin de réexaminer les conditions de fonctionnement de ces sites dans une logique d'amélioration continue, jusqu'à leur convergence avec les performances obtenues par l'application des meilleures techniques disponibles.
Recommandation 4 . Pour les sites à enjeux importants d'incendie, dont les sites Seveso, adapter la réglementation pour que la production de chaque étude de dangers soit accompagnée d'une notice opérationnelle reprenant les éléments pertinents de l'avis du 8 février 2017, et pour les sites Seveso seuil haut, d'une expertise tierce portant sur la bonne application de la méthode des études de dangers.
Recommandation 5 . Travailler à une meilleure prise en compte du risque incendie dans les études de dangers au vu du retour d'expérience Lubrizol par la révision de leur guide d'élaboration, par l'organisation de formations à destination des responsables sécurité d'établissements, des bureaux d'études et de l'inspection. Il conviendra de faire vérifier, avec la profession, que les fragilités observées chez Lubrizol ne s'étendent pas à d'autres sites et, dans le cas contraire, de demander l'actualisation des études de dangers sur cet aspect pour les établissements à forts enjeux incendie.
Recommandation 6 . Établir un guide de cadrage des études de dangers sur les informations à présenter quant à la propagation d'un nuage de fumées, l'examen de ses impacts sanitaires potentiels, à court, moyen et long termes, à courte et longue distances, aux différentes phases d'un incendie, ainsi que sur les moyens de prélèvements et d'analyses à mettre en oeuvre rapidement dès la survenue d'un incendie permettant d'évaluer sa gravité environnementale et ses modalités de gestion.
Recommandation 7 . La doctrine « post-accidentelle » (circulaire du ministère chargé de l'environnement du 20 février 2012), qui vise à définir les actions à mener pour gérer au mieux les impacts à long terme, sanitaires, environnementaux et économiques, d'accidents industriels, devrait être « revisitée » à la lumière de l'expérience acquise depuis près de 10 ans. Une initiative interministérielle pourrait être lancée en ce sens, associant l'ensemble des parties prenantes.
Recommandation 8 . Organiser au niveau régional la disponibilité des moyens de prélèvement nécessaires en cas d'accident et planifier leur mise en oeuvre.
Recommandation 9 . Établir une procédure pour encadrer l'utilisation des lingettes, prévoir une organisation nationale pilotée par l'Ineris pour sécuriser la réalisation rapide des mesures nécessaires en cas d'accident et clarifier les conditions de la prise en charge financière des prélèvements et mesures d'urgence.
Recommandation 10 . Rendre obligatoire la tenue des inventaires des produits stockés par les exploitants sur leur site, afin qu'ils puissent être transmis sans délai aux pouvoirs publics en cas d'incident ou d'accident. Une réflexion doit être menée sur le contenu de ces inventaires, l'objectif étant de disposer de documents opérationnels permettant de définir rapidement les mesures de protection des personnes et de l'environnement.
Recommandation 11 . Donner à l'inspection des installations classées des objectifs ambitieux de renforcement de sa communication spécifique, identifiée comme telle au sein de la communication de l'État, dans son programme d'action pluriannuel, en liaison en tant que de besoin avec les autres ministères concernés :
- en développant l'information sur son action quotidienne, en la commentant et l'expliquant ;
- avec une information équilibrée indiquant les succès obtenus, mais aussi les améliorations qu'il reste à apporter ;
- en l'ouvrant largement sur le public.
Recommandation 12 . Revoir le contenu de l'instruction du Gouvernement du 6 novembre 2017 et de la note DGPR du 20 février 2018, notamment au regard de la réglementation européenne, de la jurisprudence de la CADA et de l'accident Lubrizol/NL Logistique.
Recommandation 13 . Renforcer le rôle des instances réglementaires de concertation (Coderst et commissions de suivi de sites - CSS) en y élargissant le débat, y compris pour les services de l'État, et y abordant les aspects les plus techniques dès lors que des engagements de confidentialité et de règles de gestion strictes par les membres sont obtenus quant aux informations les plus sensibles, et revoir la composition des Coderst dans une approche plus équilibrée des parties prenantes.
Concernant spécifiquement les CSS (sites à risques), il est recommandé de :
- sortir la CSS de la sphère institutionnelle de l'État (présidence, secrétariat, lieux de réunion...) et laisser à l'industriel sa responsabilité première de rendre compte des actions menées en matière de maîtrise des risques, et à l'État de rendre compte de son action de contrôle ;
- ouvrir largement l'information et la concertation, sous les réserves requises (confidentialité...), en faire un processus continu, construire des ordres du jour sur la base des préoccupations du public et placer les citoyens ou leurs représentants dans une logique de co-construction de la sécurité des sites et, en cas de besoin, ouvrir les possibilités de recours à des expertises tierces, à des visites de « contrôle »... ;
- développer la communication des travaux de cette instance (site internet propre, conférences de presse, ouverture aux journalistes sous conditions...).
Recommandation 14 . Élaborer un plan d'action pluriannuel et ciblé d'inspections sur site à confier aux DREAL, reposant sur les éléments techniques principaux de gages par l'analyse de la mission (sites Seveso et sites voisins, modalités de stockages, efficacité des dispositifs existants de détection précoce, de réduction du risque à la source et de lutte contre l'incendie, dispositifs anti-intrusion, vérification d'une distance minimale d'éloignement des stockages par rapport à l'extérieur des sites, prise en compte de potentiels « effets dominos » depuis ou vers un site voisin...), en veillant à ce que l'élaboration de ce plan d'action s'accompagne de la mobilisation des effectifs supplémentaires nécessaires à sa mise en oeuvre.
Recommandation 15 . Intégrer les enseignements tirés de la mise en oeuvre du plan d'action pour faire évoluer, si besoin, les textes réglementaires définissant les prescriptions pour ces types d'installation, en premier lieu les arrêtés applicables à la rubrique n° 1436, étendue aux stockages de produits combustibles de point d'éclair supérieur à 93 °C. Il s'agit des textes suivants :
- l'arrêté du 16 juillet 2012 pour les stockages en récipients mobiles soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 1 er juin 2015 pour les stockages soumis à enregistrement ;
- l'arrêté du 22 décembre 2008 pour les stockages soumis à déclaration.
Recommandation 16 . Poursuivre l'organisation, à intervalles réguliers, des exercices de crise, y compris en dehors des horaires de travail courants.
Recommandation 17 . Créer un « Bureau d'enquêtes sur les accidents industriels et technologiques », sur les bases législatives des bureaux d'enquêtes sur les transports terrestres et la mer, doté d'une équipe restreinte, au champ de compétences large incluant l'ensemble des accidents technologiques et industriels, appuyée sur un réseau d'experts (dont l'Ineris) et intégrant l'équipe et les missions de l'actuel Barpi.