EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 24 NOVEMBRE 2021

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M. Laurent Lafon , président . - Notre ordre du jour appelait initialement ce matin l'examen des avis budgétaires consacrés aux crédits alloués à la « Création », aux « Patrimoines », au « Cinéma » et à l'« Action culturelle extérieure » au sein du projet de loi de finances pour 2022.

Le rejet de la première partie du texte hier après-midi dans l'hémicycle, qui a entrainé le rejet de l'ensemble du projet de loi de finances nous contraint cependant à transformer ces avis législatifs en rapport d'information.

Cette solution permet de prendre acte du rejet du texte par le Sénat tout en permettant à nos rapporteurs de faire connaître leurs analyses sur les missions, les crédits et les politiques publiques relevant de leurs compétences respectives.

Je cède la parole M. Claude Kern pour nous présenter son rapport sur les crédits consacrés à l'action extérieure de l'Etat.

M. Claude Kern , rapporteur . - Cet exercice budgétaire, à la tonalité un peu particulière compte tenu du vote intervenu hier, est l'occasion de faire le point sur la situation de notre réseau culturel et d'influence, dans le contexte de persistance de la crise sanitaire mondiale, et d'évaluer l'action que le Gouvernement mène pour le soutenir.

L'année dernière, j'avais dressé un panorama assez sombre de notre réseau qui a été mis à rude épreuve pendant la première vague épidémique : fermeture partielle ou totale des établissements, report ou annulation d'évènements, basculement en distanciel, pertes importantes de recettes.

Qu'en est-il un an plus tard ?

Je commencerai par notre réseau d'enseignement français à l'étranger.

L'année scolaire 2020-2021 s'est caractérisée par une forte sensibilité des établissements à l'évolution de la pandémie et une grande hétérogénéité des situations selon les zones géographiques. Après une accalmie en fin d'année 2020, puis une nouvelle dégradation au cours du premier semestre 2021, la situation s'est globalement améliorée, malgré le maintien de disparités liées aux conditions sanitaires locales et aux décisions prises par les autorités des différents pays.

À la rentrée de septembre dernier, cette tendance à l'amélioration s'est confirmée, le fonctionnement en présentiel atteignant 84 % sur l'ensemble du réseau contre 65 % en juin. Certaines situations locales demeuraient toutefois difficiles, en particulier au Liban, en Amérique du Sud et en Asie. L'année scolaire 2021-2022 devrait rester compliquée dans ces zones, avec des situations locales toujours très évolutives.

Le rétablissement général concerne aussi les effectifs. Ceux-ci repartent à la hausse (+ 2,1 %), après la baisse enregistrée à la rentrée 2020 (- 0,2 %) qui avait suscité de très fortes inquiétudes sur l'avenir du réseau. L'évolution est cependant différente d'une zone à l'autre : la progression est particulièrement soutenue au Maghreb et en Afrique, tandis qu'une baisse conséquente est constatée en Amérique du Sud, en Asie et au Moyen-Orient.

Des disparités existent également selon la nationalité des élèves : les effectifs des élèves étrangers augmentent, alors que ceux des élèves français diminuent en raison principalement du non-retour de nombreux expatriés.

La principale inquiétude pour le réseau porte aujourd'hui sur le Liban qui est le premier pôle d'enseignement français à l'étranger avec environ 60 000 élèves scolarisés. La situation dramatique que traverse le pays, tant sur le plan économique, social que sanitaire, appelle une attention toute particulière. Les 57 établissements libanais du réseau font en effet face à une déperdition de leurs enseignants locaux, dont le salaire a été divisé par dix, et à une insolvabilité croissante des familles, qui entraîne une baisse des effectifs. Le Gouvernement a débloqué plusieurs enveloppes pour soutenir les familles et les établissements libanais - j'y reviendrai.

Afin d'amortir le choc de la crise pour le réseau, vous vous souvenez que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a lancé, au printemps 2020, un plan de soutien qui s'est concrétisé budgétairement dans la troisième loi de finances rectificative (LFR 3) pour 2020 par trois enveloppes de 50 millions d'euros chacune, soit 150 millions d'euros au total.

Où en est-on du déploiement de ce plan ?

Le premier volet, qui concerne l'aide aux familles françaises, a donné lieu à un versement de 41,7 millions d'euros à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), après une réévaluation à la baisse des besoins.

Le dispositif a notamment consisté en la prise en compte des revenus 2020 pour le bénéfice de l'aide à la scolarité, dans le double objectif de réviser la quotité des familles déjà boursières et d'attribuer des bourses à de nouvelles familles.

Sur l'année scolaire 2020-2021, 12,6 millions d'euros supplémentaires au titre des bourses ont ainsi été attribués. Le solde de l'enveloppe - de l'ordre de 29 millions d'euros - sera consacré à la poursuite du soutien aux familles françaises dans le cadre de l'année scolaire 2021-2022.

Après les réserves que j'avais émises l'année dernière sur la faible consommation des crédits dédiés, je constate une amélioration cette année, même si le nombre de rejets de dossiers a été important. Comme me l'a indiqué l'AEFE, le traitement des demandes a nécessité de trouver un équilibre entre la bienveillance attendue dans le contexte de crise et la nécessaire rigueur dans la gestion de deniers publics.

Le deuxième volet, qui porte sur l'aide aux familles étrangères et aux établissements, s'est traduit par le versement intégral de l'enveloppe de 50 millions d'euros à l'AEFE.

Le soutien financier apporté aux familles étrangères en difficulté pour payer les frais de scolarité de l'année 2019-2020 a concerné plus de 18 300 élèves, pour un montant total de 13,4 millions d'euros. Avec la persistance de la crise, le dispositif a été reconduit pour l'année scolaire 2020-2021, pour un montant prévisionnel de 2,9 millions d'euros. L'aide a par ailleurs été adaptée à la situation particulière du Liban, où plus de 9 000 élèves en ont bénéficié pour un montant de 5 millions d'euros.

Les remontées de terrain montrent que ce dispositif a bien fonctionné et qu'il a sans doute participé au maintien de la confiance accordée par les familles étrangères au réseau d'enseignement français.

Ce deuxième volet du plan s'est aussi concrétisé par le versement d'aides ciblées aux établissements affectés par la crise : 5 millions d'euros à ceux de la Mission laïque française ; 6,8 millions d'euros aux 25 établissements libanais touchés par les explosions du port de Beyrouth ; 17,8 millions d'euros pour aider les établissements dans quatre domaines prioritaires : le numérique, l'accompagnement des élèves en difficulté, l'application des protocoles sanitaires, la formation des personnels à l'enseignement à distance ; enfin, 1 million d'euros pour les établissements partenaires en grande difficulté.

Grâce à cet appui financier, aucune fermeture définitive parmi les 543 établissements du réseau n'est à déplorer, même si la situation budgétaire de certains d'entre eux reste préoccupante, notamment parmi les petits établissements partenaires des zones les plus touchées par la pandémie (Amérique du Sud, Asie).

Au total, 47 millions sur les 50 millions d'euros de cette deuxième enveloppe ont été engagés au titre de l'aide aux familles étrangères et aux établissements. Le solde des crédits sera consacré à un nouveau plan de soutien aux familles étrangères et des établissements du Liban.

Le troisième volet du plan consiste en un système d'avances de trésorerie de l'Agence France Trésor (AFT), doté d'une ligne budgétaire de 50 millions d'euros, pour soutenir la trésorerie des établissements en difficulté.

À ce jour, ce dispositif a permis de mobiliser 20 millions d'euros d'avances au bénéfice de 37 établissements. Ce niveau de consommation assez faible s'explique par le court délai de remboursement prévu - 12 mois -, qui semble peu adapté à la situation d'établissements en difficulté. En conséquence, l'AEFE a été amenée à accorder des avances sur sa propre trésorerie, à hauteur de 5,2 millions d'euros pour 41 établissements.

En résumé, le réseau apparaît globalement en moins mauvaise santé qu'on ne pouvait le craindre l'année dernière. Il fait preuve d'une bonne capacité de résilience, que le plan de soutien a - reconnaissons-le - permis de renforcer.

La plus grande vigilance s'impose toutefois : d'une part, parce que la situation demeure très instable et évolutive, d'autre part, parce que certains établissements, notamment des petites structures, sont dans un état plus critique que d'autres.

Qu'en est-il maintenant de l'AEFE ?

L'opérateur voit, en 2022, sa subvention pour charges de service public stabilisée à 417 millions d'euros, confirmant les augmentations votées les deux dernières années après - je vous le rappelle - la réduction historique de 2017.

Son plafond d'emplois connaît également une quasi-stabilité, même si celle-ci ne doit pas masquer une tendance de fond : la baisse des emplois sous plafond (- 8 % sur la période 2016-2021) et la hausse continue des emplois hors plafond (+ 11 % sur la même période).

En effet, pour mettre en oeuvre le plan de développement du réseau voulu par le Président de la République, le ministère a fait le choix d'augmenter le nombre d'enseignants recrutés localement et de diminuer les postes d'enseignants résidents titulaires. Cette orientation s'est traduite par la création d'instituts régionaux de formation, au nombre de 16 actuellement, destinés à former sur place des personnels de droit local.

Parallèlement, le réseau poursuit son expansion en homologuant de nouveaux établissements via une procédure désormais simplifiée.

Vous connaissez mes réserves sur cette politique combinant augmentation des recrutements locaux et assouplissement des critères d'homologation. Je crains qu'elle affecte, à terme, la qualité de l'enseignement dispensé, alors que l'excellence pédagogique du réseau constitue son atout historique.

J'ai par ailleurs toujours émis des doutes sur la faisabilité de l'objectif présidentiel du doublement des effectifs du réseau à l'horizon 2030. Le caractère peu réaliste de cette cible, que nous avions pointé dès 2018, l'est encore moins depuis la survenue de la crise.

L'AEFE s'est bien sûr mise en ordre de marche pour se donner les moyens d'y parvenir, mais ses efforts sont nécessairement limités par la stabilité de ses moyens. L'Agence reconnaît elle-même que des financements supplémentaires permettraient de donner plus d'ampleur au plan de développement du réseau, notamment pour renforcer les actions de soutien aux établissements les plus fragiles et pour déployer plus de personnels formateurs dans les nouveaux instituts régionaux.

J'en viens maintenant à la situation du réseau des instituts culturels et des alliances françaises.

Après une année 2020 particulièrement difficile, la situation s'est améliorée à partir du printemps 2021, permettant la réouverture de certains établissements, en Europe principalement. L'activité est cependant restée très ralentie dans la zone des Amériques et, de manière plus contrastée, en Asie, Océanie, Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

À l'été dernier, la moitié des instituts français était en mesure d'accueillir du public et avait repris l'ensemble de leurs activités, tandis que plus d'un tiers ne les avait reprises que partiellement ; 12 étaient encore totalement fermés au public. Un tiers des alliances françaises connaissait un retour à la normale, un tiers n'avait repris qu'une partie de leurs activités et le dernier tiers était fermé au public.

Dans ce contexte encore très perturbé, les établissements, incités par leur tutelle, ont fortement développé leurs activités linguistiques et culturelles à distance. Sur le moyen terme, un certain nombre envisagent d'ailleurs de conserver une offre hybride, qui présente l'avantage d'attirer de nouveaux publics.

Cet essor du distanciel a, certes, joué un rôle clé dans la résilience du réseau, mais il n'a pas permis d'éviter la dégradation du bilan économique des instituts et des alliances. En effet, les mesures de fermeture prolongées des locaux aux publics, la baisse des activités génératrices de revenus et le ralentissement du mécénat ont entraîné des pertes importantes de recettes (- 27 % en 2020). Celles-ci devraient se redresser en 2021 mais atteindraient un niveau encore inférieur à celui d'avant crise.

Le taux d'autofinancement, qui était de 75 % en 2019, a diminué mais moins que prévu (68 % contre 65 % en prévisionnel) grâce notamment à la diversification de l'offre. Une légère amélioration est attendue pour 2021 et 2022, mais beaucoup d'incertitudes demeurent sur l'évolution de la pandémie et la capacité des établissements à retrouver leurs publics. La réouverture en présentiel et la reprise des mobilités internationales apparaissent comme des conditions déterminantes à la sortie de crise.

Depuis le début de celle-ci, le ministère a fait le choix de soutenir le réseau culturel en procédant par redéploiements de crédits. En 2020, 7 millions d'euros ont ainsi été reversés aux instituts français et 3 millions d'euros aux alliances françaises. En 2021, 1 million d'euros supplémentaire a été attribué aux établissements les plus en difficultés. Cette gestion budgétaire pragmatique est louable, mais suffira-t-elle à redresser les établissements en situation de grande vulnérabilité financière ? Je n'en suis pas sûr. Des mesures d'aide spécifiques devront, à mon sens, être envisagées, si les réouvertures venaient à être encore repoussées dans certaines zones.

Le ministère mise, par ailleurs, sur son plan de transformation numérique du réseau culturel pour accompagner la sortie de crise. À l'été dernier, un appel à projets, doté d'une enveloppe de près de 2,9 millions d'euros, a été lancé dans l'objectif de financer la montée en charge qualitative et quantitative des équipements numériques des établissements. Cette démarche de modernisation et de renforcement de l'attractivité du réseau culturel français par les technologies numériques a bien sûr toute sa pertinence dans le contexte concurrentiel mondial, mais on a comme l'impression que le ministère en fait l'alpha et l'oméga de son action de réponse à la crise.

Le PLF pour 2022 ne comporte ainsi pas de mesures particulières de soutien aux instituts et aux alliances, dont les dotations de fonctionnement sont toutefois stabilisées.

Quelques mots, enfin, sur l'Institut français de Paris, à valeur d'appel à la vigilance. En loi de finances initiale pour 2021, nous avions voté une subvention stabilisée à 28,8 millions d'euros. Or, dès le mois de janvier 2021, l'opérateur s'est vu notifier par le ministère, sans explication, une baisse de 500 000 euros - soit - 2 %, ce qui est loin d'être négligeable ! Le plus inquiétant, c'est que cette diminution intervenue en tout début d'exercice a été de facto reconduite dans le PLF pour 2022, qui fixe ainsi la subvention à 27,4 millions d'euros. Cette inscription automatique inquiète beaucoup les dirigeants de l'Institut, qui y voient le signe d'une possible pérennisation. Or ils font valoir, à juste titre, les risques que ferait peser une baisse des moyens à l'heure où l'opérateur voit le périmètre de ses missions étendu et ses modalités d'intervention diversifiées. Peut-être notre commission pourra-t-elle aborder ce sujet avec la nouvelle présidente de l'Institut (Mme Nguyen Binh), à l'occasion d'une prochaine audition ?

Dans l'immédiat, cette baisse de crédits non expliquée constitue, à mes yeux, un signal très négatif alors que le début de ce quinquennat avait été marqué par un rétablissement du niveau de la subvention versée à l'Institut.

Voilà, mes chers collègues, les éléments de constat et d'appréciation que je souhaitais porter à votre connaissance.

Compte tenu du vote d'hier, nous n'avons plus à nous prononcer sur les crédits. Je brandis néanmoins un carton rouge à ce budget.

Je vous remercie de votre attention.

M. Lucien Stanzione . - Merci pour cet excellent rapport, qui est confiant dans l'avenir de nos structures. Je le suis moins. J'ai, pour ma part, trouvé un directeur adjoint de l'AEFE déprimé, mettant l'accent sur les difficultés financières des établissements et la paupérisation des familles. Un point me paraît central : la dépréciation de la formation des enseignants du réseau. On s'appuie de plus en plus sur les recrutements locaux, au niveau d'exigence beaucoup moins élevé. La baisse globale des financements ne permet plus à ce réseau d'assurer la voix de la France à l'étranger. On ne peut pas être d'accord avec une telle politique !

Mme Samantha Cazebonne . - Permettez-moi de me présenter. Je suis anciennement députée et française de l'étranger depuis des années. J'ai été proviseure d'un établissement d'enseignement français et je suis aussi maman d'élèves scolarisés au sein de notre réseau.

Monsieur le rapporteur, vous avez rendu hommage au plan de soutien qui, il faut le souligner, est tout à fait exceptionnel. L'ensemble des familles en témoigne. Les 100 millions d'euros des deux premières enveloppes ont permis de corriger une situation dégradée du fait de la crise sanitaire. Les aides versées ont permis à des dizaines de milliers de familles de maintenir leurs enfants scolarisés au sein de notre réseau. Cela aurait été un crève-coeur pour les parents de devoir les retirer !

J'aurais aimé que cette commission salue le caractère exceptionnel du soutien spécifique apporté aux familles étrangères ; cela n'avait jamais été fait. Sans cet accompagnement, les familles étrangères auraient quitté le réseau. Or sans celles-ci, nos établissements ne fonctionnent pas.

Je tiens également à rappeler que l'homologation est toujours garante de la qualité de l'enseignement. Les enseignants sont d'ailleurs toujours plus nombreux à vouloir entrer dans notre réseau. Je précise que le nombre d'enseignants titulaires détachés auprès du réseau a augmenté de 1 000.

À ce sujet, je vous informe que je vais déposer une proposition de loi sur les instituts régionaux de formation ; j'espère que vous serez nombreux à la voter. L'objectif est de permettre le développement de ces structures pour soutenir la qualité de notre enseignement à l'étranger.

Au final, j'aurais aimé que ce rapport soit un peu moins à charge et qu'il souligne mieux les efforts réalisés.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Comme vous, madame, nous sommes très attachés à notre action culturelle extérieure ; j'interviendrai donc avec autant de passion.

Certes, le Gouvernement a été réactif et a accompagné le secteur durant la crise. Mais il faut entendre le rapporteur et savoir d'où l'on vient. Comme il l'a rappelé, les crédits - en particulier ceux attribués à l'AEFE et à l'Institut français - ont, par le passé, subi de fortes baisses. Rappelez-vous, nous avions failli ne pas voter le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français car les moyens n'étaient pas à la hauteur des ambitions ! Nous avons depuis retrouvé une certaine stabilisation. Mais gardons à l'esprit que la crise a frappé un secteur antérieurement fragilisé. Nous devons rester vigilants sur la suite car la situation demeure précaire.

Merci au rapporteur d'avoir fait un éclairage particulier sur le Liban, qui subit la double peine. Une attention toute particulière doit être portée à ce pays.

M. Pierre Ouzoulias . - Monsieur le rapporteur, de par vos origines alsaciennes et votre appartenance politique à la famille centriste, vous êtes la modération absolue. Alors quand vous sortez un carton rouge, c'est en pleine responsabilité !

Depuis 2017, vous nous alertez sur la dégradation financière de notre réseau. Cette année, il y a un budget de soutien du fait de la crise. Mais la fragilisation est structurelle. À chaque fois que je voyage, en Arménie notamment, je le constate. Notre système est soutenu à bout de bras. Il s'agit, par notre réseau culturel, de défendre la voix de la France, d'avoir la possibilité d'influer. L'Arménie, le Liban, ce ne sont pas des pays anecdotiques pour notre diplomatie ! Dans les Hauts-de-Seine, nous accueillons beaucoup de Libanais : c'est tout à fait naturel qu'ils viennent chez nous du fait des liens historiques et culturels entre nos deux pays.

Concernant le détachement de professeurs auprès de notre réseau, j'ai souvent écrit au ministre Blanquer pour qu'il soit facilité. Mais c'est toujours un refus de la part du rectorat de Versailles, au motif que les effectifs sont sous tension au niveau de l'académie. Il est pourtant essentiel que les professeurs puissent avoir accès à une mobilité internationale, qui contribue à enrichir leur pratique pédagogique.

M. Max Brisson . - Certes, on peut se réjouir que l'Exécutif n'ait pas laissé tomber le réseau. Mais s'il l'a fait, c'est parce que le Sénat, et notamment à travers vous, Monsieur le rapporteur, était en alerte. La réaction du Gouvernement n'a pas été si spontanée et immédiate. Il est cependant peu dans ses habitudes de le reconnaître.

La dégradation structurelle que plusieurs d'entre vous ont pointée tient à une absence de choix, à un manque d'arbitrage, à un défaut de réorganisation de notre politique d'influence dans le monde, dont ce Gouvernement n'est pas le seul responsable. Résultat : on fait face aujourd'hui à un affaiblissement généralisé de notre réseau, que l'on mesure quand on se rend sur place.

La difficulté du détachement des professeurs renvoie à un autre sujet, celui de la baisse de l'attractivité du métier d'enseignement. Ce qui explique que les rectorats soient peu enclins à les laisser partir.

Mme Samantha Cazebonne . - J'aurais souhaité un peu plus d'objectivité.

Sur la remarque concernant les possibilités de détachement dans l'académie de Versailles, c'est bien la première fois que j'entends les choses exprimées ainsi : on regrette de ne pas perdre des enseignants afin qu'ils soient mis à disposition du réseau !

J'insiste sur le fait que les instituts régionaux de formation sont là pour garantir la qualité des enseignants recrutés localement.

Mme Sonia de La Provôté . - Suivant ce budget depuis quelques années, je constate une baisse drastique des moyens sous cette mandature. La gestion de la crise a apporté des crédits, mais il reste des problématiques stratégiques et organisationnelles à régler. Il est ici question de la défense de la francophonie, laquelle ne doit pas seulement s'appuyer sur la future Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts. Notre réseau culturel à l'international est notre meilleur atout en matière de soft power .

M. Claude Kern , rapporteur . - Effectivement, madame Cazebonne, notre pays est le seul à avoir mis en place une aide aux familles étrangères : c'est précisé dans mon rapport écrit.

En tant qu'opérateur de l'État, l'AEFE s'est bien sûr mise en ordre de marche pour mettre en oeuvre le plan d'expansion du réseau : cela passe notamment par de nouvelles homologations et par le recrutement d'enseignants locaux. Mais cette stratégie n'est pas sans soulever des inquiétudes chez les parents d'élèves : leurs représentants, que j'ai auditionnés à plusieurs reprises, s'en sont fait l'écho.

Il est certain que l'absence de vision stratégique de la part des différents gouvernements n'a pas permis à la politique d'influence culturelle de la France de gagner en puissance.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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