B. LE FONDS POUR L'INNOVATION ET L'INDUSTRIE, UN INSTRUMENT QUI EXCLUT INUTILEMENT LE PARLEMENT DES CHOIX STRATÉGIQUES EN MATIÈRE DE SOUVERAINETÉ TECHNOLOGIQUE
Crée en 2018 afin de financer massivement l'innovation et de renforcer la souveraineté scientifique et technologique de la France, le FII était supposé être doté d'un capital de 10 milliards d'euros en numéraire issus de la cession de titres détenus par l'État dans Aéroports de Paris et dans la FDJ.
L'objectif du fonds est d'apporter un financement « stable et pérenne », à hauteur de 250 millions d'euros par an, aux entreprises à forte intensité technologique dont les projets sont caractérisés par une plus grande prise de risque et par d'importants besoins de financement. À plusieurs reprises, le Gouvernement a justifié la création du FII et son mécanisme budgétaire par le fait que les actions de l'État dans ces entreprises n'apportaient pas des recettes suffisamment régulières et que ces dernières étaient soumises aux fluctuations des marchés financiers, ce qui pénalisait la stabilité du financement de l'innovation.
Répartition des produits du FII entre les
actions de promotion
de l'innovation de rupture
Financement du plan « Deep Tech » par l'abondement de quatre dispositifs : les bourses French Tech Emergence (à hauteur de 90 000 €), les aides individuelles, le concours i-Lab qui cible les entreprises technologiquement innovantes récemment créées et le concours i-Nov qui soutient les projets innovants portés par des start-ups ou PME
Soutien aux filières stratégiques : le plan Nano 2022 (microélectronique), le plan batteries
Financement des « Grands défis » :
Comment sécuriser, certifier et fiabiliser les systèmes qui ont recours à l'intelligence artificielle ?
Comment améliorer les diagnostics médicaux par l'intelligence artificielle ?
Comment produire biologiquement et à coût réduit des biomédicaments ?
Comment automatiser la cybersécurité pour rendre nos systèmes durablement résilients aux cyberattaques ?
En investissant les 10 milliards d'euros dans des bons du Trésor, pour un rendement annuel de 2,5 %, le Gouvernement affirmait pouvoir ainsi assurer à l'innovation « de rupture » une source plus stable de financement, non sujette aux à-coups.
Depuis la création du Fonds, la commission des affaires économiques dénonce une usine à gaz budgétaire qui n'améliore en rien la stabilité du financement mais qui, en outre, exclut totalement le Parlement des décisions stratégiques en matière de souveraineté technologique.
Premièrement, la non-privatisation d'ADP a entraîné une modification de la composition de la dotation du Fonds. Au lieu de disposer de 10 milliards d'euros en numéraire, seuls 1,6 milliard d'euros y ont été versés, tandis que 8,4 milliards d'euros d'actions EDF et Thalès ont été apportés au FII, afin qu'il en perçoive les dividendes. Suite à l'introduction en bourse de la FDJ, le Gouvernement a doté le Fonds de 1,9 milliard d'euros supplémentaires, fin juillet 2020, portant la dotation totale en numéraire à 3,5 milliards d'euros. Le montant des participations sous forme d'actions est donc désormais de 6,5 milliards d'euros.
Deuxièmement, comme souligné dans les derniers avis budgétaires de la commission sur le CAS PFE, le décret de création du Fonds prévoit une clause de revoyure en 2023 permettant, le cas échéant, de diminuer le rendement du Fonds s'il s'avère que le taux servi par les bons du Trésor depuis sa création était supérieur à celui du marché. Or compte tenu des conditions actuelles de financement, il ne fait aucun doute qu'un taux annuel de 2,5 % est supérieur au taux de marché. Dès lors, le rendement du FII devrait être revu à la baisse à partir de 2023, au détriment de la stabilité pourtant promise.
Troisièmement, les décisions d'investissement des fonds sont prises par un comité au sein duquel aucun parlementaire ne siège. Par conséquent, là où une dotation budgétaire aurait permis un contrôle et une participation de la représentation nationale, le FII, lui, supprime toute voix au chapitre du Parlement. Ce contournement, dommageable en lui-même, est d'autant plus inutile que, compte tenu des éléments avancés supra, le FII n'apporte aucune plus-value ni aucune sécurisation du financement de l'innovation.
Quatrièmement, le bilan financier du FII ne lasse pas d'interroger. Non seulement sa composition hybride (numéraire et actions) le rend dépendant de la politique de dividendes des entreprises dont il possède des titres, mais en outre les revenus qu'il tire ne disent rien des décaissements effectivement réalisés. Ainsi, ses revenus en 2020 (125 millions d'euros contre 268 millions d'euros les deux années précédentes) ont été amputés par la décision d'EDF et de Thalès de ne pas verser de dividendes. De même, seuls 109 millions d'euros ont été décaissés en 2018 et 104 millions d'euros en 2019, contre des revenus de 229 et 228 millions d'euros.