B. DES DIFFICULTÉS DE GESTION MULTIPLES, RÉSULTANT DE FACTEURS INTERNES ET EXTERNES AUX UNIVERSITÉS ET ENTRAVANT L'OPTIMISATION DE L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

1. Un parc immobilier encore mal connu par les universités

Les données relatives au parc immobilier universitaire demeurent parcellaires et approximatives , qu'il s'agisse de son état, de son exploitation (gestion des salles, taux d'occupation des locaux, consommation énergétique, gardiennage) ou encore des dépenses afférentes à son entretien (nettoyage, maintenance) .

Il est indéniable que des progrès significatifs ont été accomplis au cours des dernières années. Depuis 2016, la DIE a ainsi développé, en lien avec la DGESIP, une version spécifique de ses outils de modélisation et de connaissance du parc : il s'agit du référentiel technique de l'enseignement supérieur et de la recherche (RT-ESR) pour la collecte des données et de l'outil d'aide au diagnostic de l'enseignement supérieur et de la recherche (OAD-ESR) pour la restitution de ces données, sous forme de cartographies, de statistiques, de tableaux de bord, d'indicateurs ou encore de notes de complétude.

Cet outil comporte des rubriques classiques (dépenses énergétiques, coûts d'exploitation, niveau de sûreté, degré d'accessibilité) mais également des fonctionnalités spécifiquement créées pour l'enseignement supérieur - par exemple, le suivi du taux d'occupation des salles - et se révèle donc particulièrement précieux pour les 45 % d'universités qui ne possèdent aucun système propre de pilotage immobilier.

Cette application repose cependant entièrement sur les saisies réalisées, bâtiment par bâtiment, par les différents opérateurs. Or, force est de constater l'existence de fortes disparités dans le degré de fiabilité des indicateurs renseignés par les universités . Ainsi, l'état du bâti n'est pas renseigné pour 12 % du parc immobilier. Par ailleurs, s'agissant des dépenses d'entretien, le Mesri a indiqué que les données n'étaient exploitables que pour la moitié des établissements publics d'enseignement supérieur, représentant 45 % des surfaces. Ces chiffres restent également à fiabiliser, dans la mesure où la notion de gros-entretien-renouvellement (GER) donne lieu à des interprétations différentes selon les établissements : certaines se limitent à communiquer des dépenses de maintenance, alors que d'autres fournissent les dépenses liées à des réhabilitations et rénovations lourdes.

De surcroît, si, en théorie, des intégrations automatiques de données sont possibles depuis les outils de gestion patrimoniale des opérateurs, dans les faits, l'application RT/OAD-ESR n'est pas toujours compatible avec les systèmes d'information des universités . Ainsi, selon la DGESIP : « l'absence de format d'échanges entre les systèmes d'information développés par la DIE et les systèmes de gestion du patrimoine immobilier existant au sein des établissements pose difficulté » 16 ( * ) . Par conséquent, les gestionnaires du patrimoine sont parfois réticents à compléter cet outil sur l'ensemble des rubriques - ce qui se traduit par des taux de complétude encore insatisfaisants sur certains items.

Enfin, toutes les universités ne disposent pas des informations qui leur sont demandées. Il ressort ainsi des travaux menés par le rapporteur que certaines universités ont une connaissance très limitée des taux d'occupation de leurs locaux. Ainsi, seules 76 % des universités disposent à ce jour d'un logiciel centralisé de gestion des salles .

Il en est de même en matière de consommation énergétique. Dans une réponse écrite adressée au rapporteur, la DGESIP avance ainsi que : « la consommation énergétique totale annuelle des opérateurs de l'ESR n'est pas connue de manière précise à ce jour » 17 ( * ) . Dans le RT-ESR, les données relatives au DPE des universités, à savoir les étiquettes énergie et climat, ne sont renseignées qu'à hauteur de respectivement 72 % et 54 % des surfaces .

Au demeurant, ces DPE ne sont pas effectués annuellement , si bien que les données afférentes ne reflètent pas les évolutions effectives en matière de consommation énergétique - qu'il s'agisse d'une réduction de la consommation liée à un meilleur pilotage des équipements, ou à une sensibilisation des usagers par exemple. Selon la DGESIP : « il n'est à ce jour pas possible d'évaluer, à l'échelle nationale, les réductions de consommation énergétiques consenties par chaque établissement » 18 ( * ) .

Il ressort ainsi des auditions menées par le rapporteur que des marges de progrès conséquentes existent en matière de connaissance fine, aussi bien quantitative que qualitative, du parc immobilier universitaire. Or, cette dernière constitue un prérequis indispensable à l'élaboration d'une stratégie immobilière efficace, permettant de réduire les coûts de fonctionnement et l'empreinte carbone .

2. En dépit de progrès récents, une gouvernance encore perfectible s'agissant des thématiques immobilières
a) La persistance de plusieurs freins à la définition, par les établissements, d'une stratégie immobilière
(1) Une co-construction entre plusieurs acteurs à différents niveaux, engendrant des frictions

À l'échelle nationale, la gouvernance de la politique immobilière a été recentrée en 2016 sur une instance interministérielle unique, la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP) , présidée dans son format stratégique, par le ministre chargé du domaine et, dans son format opérationnel, par la DIE. Le gouvernance de la politique immobilière de l'État s'adjoint également le conseil de l'immobilier de l'État (CIE), placé auprès du ministre en charge du domaine.

À l'échelon local, cette gouvernance est déclinée avec les conférences régionales de l'immobilier public (CRIP), issues de la circulaire du 27 février 2017 ; une instance dédiée à l'immobilier peut également être créée à l'échelon départemental, afin de participer aux travaux du schéma directeur de l'immobilier régional.

Dans ce contexte, s'il appartient à la DIE de fixer le cadre d'exercice de la politique immobilière de l'État, il s'agit avant tout d'un travail de co-construction avec le Mesri d'une part, et les universités d'autre part, qui sont chargées de la mise en oeuvre d'une stratégie métier propre à l'enseignement supérieur .

Or, selon les informations recueillies par le rapporteur, l'intervention de plusieurs acteurs en matière de gouvernance immobilière ne serait pas sans susciter des frictions, les périmètres de compétences n'étant pas toujours clairement définis, notamment entre le Mesri et la DIE.

Des ajustements seraient notamment nécessaires pour que le ministère de tutelle et le représentant de l'État propriétaire collaborent en bonne intelligence, notamment à l'échelle régionale. Du reste, l'intervention de la DIE n'est pas toujours perçue de manière positive par les établissements. Ainsi, selon la Conférence des présidents d'université : « beaucoup d'universités ressentent une forme de défiance de la DIE à leur encontre, alors même que la montée en compétence des fonctions immobilières des universités et la marche vers l'autonomie devrait au contraire favoriser l'émergence d'un climat de confiance ».

(2) La formalisation d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière : une avancée indéniable, un exercice encore limité

Les axes de politique immobilière impulsés par la DIE (optimisation et rationalisation de l'occupation et de la gestion du patrimoine immobilier national) et le Mesri (développement des capacités d'enseignement et de recherche) ont ainsi vocation à être conjugués au sein d'un même document, le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).

Depuis 2009, les opérateurs sont tenus d'élaborer ce schéma, selon des principes directeurs et un cadre méthodologique défini par la DIE, afin de formaliser leur stratégie immobilière pluriannuelle, en précisant les moyens humains et financiers disponibles pour la mettre en oeuvre .

La DIE et les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI)

Les principes directeurs de la deuxième vague de SPSI (2017-2022) ont été fixés par la circulaire du Premier ministre n°5888-SG en date du 19 septembre 2016.

Le SPSI doit ainsi comprendre une phase de diagnostic tridimensionnel du parc (bâtimentaire, humain et financier), qui permet ensuite de conduire la production :

- d'une stratégie patrimoniale : identification du parc cible au terme de la segmentation des actifs en « à conserver », « à céder » et en « actifs intermédiaires », et définition d'une perspective d'avenir pour chaque bien ;

- d'une stratégie d'intervention : politique de maintenance et de « gros entretien renouvellement » (GER) sur la durée du SPSI, différenciée en fonction du sort décidé pour chaque actif.

La DIE a mis à disposition des outils d' accompagnement méthodologique pour l'élaboration des SPSI , avec :

- un guide méthodologique d'élaboration à destination des opérateurs ;

- un plan-type de SPSI afin d'homogénéiser les documents produits ;

- un outil informatique de suivi de la validation des SPSI, proposant au ministère de tutelle une grille-type d'examen de chaque SPSI, et une synthèse littérale.

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires

Le SPSI est ensuite validé au terme d'un processus d'analyse impliquant le ministère de tutelle, le contrôleur budgétaire, le préfet et la DIE .

La DGESIP est ainsi chargée d'étudier plus spécifiquement l'articulation entre la stratégie métier (à savoir l'exercice des missions d'enseignement supérieur) et la stratégie immobilière proposée par l'opérateur. À cet égard, les auditions menées par le rapporteur ont montré qu'en dépit du nombre élevé d'opérateurs concernés, la DGESIP exerçait un pilotage actif des SPSI (organisation de la procédure d'avis, information des établissements, relances et points d'avancement) et produisait des analyses de qualité , témoignant d'une connaissance fine des enjeux particuliers à chaque université, ce qu'il convient de saluer.

Les recteurs et les responsables régionaux de la politique immobilière de l'État interviennent également dans le processus de validation du SPSI, au travers de l'avis du préfet. Il appartient enfin à la DIE d'instruire les SPSI des universités, dans le cadre d'une démarche d'analyse de projet. La DIE est ainsi amenée à demander des compléments et des améliorations aux opérateurs, notamment dans le cas où l'application des principes et normes de la politique immobilière de l'État n'apparaît pas clairement à la lecture du document.

Ainsi, la formalisation d'un SPSI présente incontestablement l'intérêt de familiariser les responsables des établissements avec les enjeux immobiliers, en les invitant à mieux connaitre leur patrimoine et à réfléchir à une stratégie immobilière .

Cependant, comme l'a souligné la DIE, ces documents de référence sont de qualité variable : « si la qualité d'analyse est globalement au rendez-vous, force est de constater qu'il persiste de grandes disparités entre établissements, reflet de la disparité des ressources dont ils disposent . »

Les SPSI, par ailleurs, ne permettent pas d'avoir une vision de long terme , puisque leur horizon temporel est de cinq ans. Paradoxalement, alors qu'ils ont vocation à incarner une vision stratégique de la politique immobilière d'un établissement sur le long terme, leur rédaction porte donc uniquement sur des opérations pensées à court et moyen terme.

De surcroît, alors que les SPSI ont pour objet de traduire les projets de formation et de recherche de chaque établissement en besoins techniques et fonctionnels, ils se caractériseraient par une faible articulation avec la stratégie d'enseignement et de recherche de l'établissement , témoignant d'un manque de transversalité dans leur élaboration et d'un fonctionnement des services « en silos » .

Enfin, la mise en oeuvre des SPSI demeurerait tributaire du contexte dans lequel s'inscrit l'établissement (report des échéances de programmes de travaux dont l'université n'a pas la maîtrise, progression des effectifs étudiants, augmentation de la masse salariale), ce qui limiterait la portée réelle de cet exercice.

b) Au sein de chaque université, une fonction immobilière à professionnaliser et un portage politique à accentuer
(1) Une fonction immobilière encore en voie de professionnalisation

L'entretien des bâtiments n'ayant été confié aux universités qu'en 1989, la professionnalisation des services en charge de cette question se poursuit encore aujourd'hui.

Plusieurs initiatives récentes ont été prises à compter notamment de la loi LRU de 2007, pour accompagner et accélérer ce processus. La DGESIP a ainsi mis en place plusieurs types de séminaires afin de sensibiliser les équipes dirigeantes aux problématiques de rationalisation des surfaces et de valorisation du patrimoine .

La DIE a également lancé en 2016 un chantier interministériel de professionnalisation des acteurs immobiliers , dans le cadre duquel sont proposés des cursus de formation organisés en lien avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), avec :

- un premier volet, initié en 2017, relatif à la gestion stratégique d'actifs : fondamentaux de la politique immobilière de l'État, utilisation des systèmes d'information dédiés, analyse financière d'une opération immobilière, valorisation du foncier ;

- un second volet, à compter de septembre 2020, consacré à la thématique de la transition énergétique : cadre réglementaire, leviers d'action, acteurs et gouvernance, méthodologie de mise en place d'un plan d'action d'efficacité énergétique.

En parallèle, la DIE a instauré une procédure de labellisation des projets immobiliers - s'appliquant à l'immobilier de bureau, d'enseignement ou de logement - afin de professionnaliser leur conception et de vérifier leur performance technique, énergétique et financière avant leur inscription dans la programmation budgétaire.

Jusque récemment, cette procédure présentait l'inconvénient de s'additionner aux étapes de validation d'ores et déjà existantes - à savoir une expertise interne du Mesri et une évaluation socio-économique du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) si le coût de l'opération dépasse 20 millions d'euros. Afin de faciliter le travail des porteurs de projets et de mieux articuler ces différentes procédures, le Mesri, la DIE et le SGPI ont mené des travaux conjoints, aboutissant à l'été 2020 à la définition d'un dossier unique de validation 19 ( * ) , valant dossier d'expertise, dossier de labellisation et dossier d'évaluation socio-économique, instruit de manière conjointe par l'ingénieur régional de l'équipement (IRE) et le responsable régional de la politique immobilière de l'État (RRPIE).

Dans ce contexte, il est indéniable que progrès significatifs ont été accomplis, comme le souligne la DGESIP : « aujourd'hui, notamment dans les établissements ayant bénéficié du plan Campus et de la dévolution du patrimoine, les équipes mises à disposition pour gérer le patrimoine immobilier universitaire sont montées en compétence ».

Il ressort cependant des auditions menées par le rapporteur que de nombreux opérateurs ne disposent pas d'équipes immobilières suffisamment étoffées pour répondre aux enjeux stratégiques d'un parc universitaire aussi étendu .

Partant, ces équipes seraient essentiellement accaparées par les obligations techniques et réglementaires à satisfaire, ce qui obèrerait leurs capacités à lancer et conduire des projets innovants. En parallèle, ce sous-dimensionnement se traduirait par un manque d'expertise interne sur certains sujets de pointe - comme les nouvelles technologies embarquées, extrêmement techniques et réglementées.

En tout état de cause, les équipes immobilières ne seraient pas toujours en mesure d'élaborer des programmes opérationnels à partir d'objectifs énoncés en termes de stratégie métier (missions d'enseignement supérieur). Il s'agirait également d'un milieu professionnel dans lequel l'attrait du secteur privé est fort , car si les compétences requises y sont similaires, les emplois sont plus rémunérateurs.

Il serait dès lors opportun que les établissements travaillent à la professionnalisation de leurs équipes , par le biais de formations dédiées ou via le recrutement de contractuels sur des thématiques novatrices ou spécialisées, pour lesquelles les compétences ne peuvent s'acquérir facilement en interne : montages immobiliers complexes, économes de flux, etc.

(2) Un niveau de portage politique encore variable selon les universités

Depuis plusieurs années, la prise en compte de l'importance de disposer de locaux fonctionnels et de la responsabilité sociétale afférente à la gestion d'un patrimoine public aussi important ont permis de développer un réel intérêt des équipes présidentielles pour leur parc immobilier. Le passage aux responsabilités et compétences élargies, notamment, a amené les décideurs à s'interroger sur l'opportunité d'une dévolution de patrimoine, tandis que l'augmentation des coûts énergétiques a mis en exergue la nécessité de mieux appréhender les dépenses immobilières.

Dans certain cas, cet intérêt pour les sujets immobiliers s'est traduit par la création d'un poste de vice-président « Patrimoine » , chargé du portage politique de ces sujets.

Cependant, le rôle et l'influence de ce dernier demeurent étroitement dépendants de la volonté politique du président de l'université, ainsi que de sa pérennité . Selon la Chancellerie de Paris, en effet : « il faut au moins deux mandats de président d'université (4 ans chacun) pour pouvoir développer des projets immobiliers qui soient structurants pour leur établissement » 20 ( * ) .

Au demeurant, toutes les universités n'ont pas fait le choix d'un pilotage aussi clairement identifié , les sujets patrimoniaux - essentiellement l'exploitation et la maintenance - étant alors laissés à la charge des directions techniques, sans que des moyens suffisants leur soient toujours alloués, tant en terme de crédits que de personnel.

Comparatif de l'organisation des fonctions immobilières
au sein de l'académie d'Ile de France

Portage politique

Gouvernance

Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne

Pas de vice-président.

L'immobilier est directement porté par la présidente de l'université.

Un chargé de mission « Patrimoine immobilier et mobilier » coordonne la stratégie immobilière de l'établissement et pilote les dossiers immobiliers.

Il s'appuie sur la direction du patrimoine immobilier et ses services, qui assure la programmation et le montage administratif, technique et économique des projets, ainsi que la mise en oeuvre, l'exploitation et la maintenance.

Université de Paris

Pas de vice-président.

L'immobilier est porté par un directeur général des services adjoint

Le directeur général des services adjoint assure le pilotage des grands investissements, avec la coordination des partenaires y participant.

La direction de l'immobilier est en charge de la réalisation des travaux et de l'exploitation-maintenance dans l'ensemble des bâtiments de l'établissement.

Un groupement de prestataires spécialisés en immobilier fournit un appui ponctuel.

Université Paris-Saclay

Vice-président « Patrimoine »

Le vice-président « Patrimoine » instruit les dossiers politiques et stratégiques pour la présidence, participe au processus décisionnel et constitue l'interlocuteur privilégié du Mesri, du rectorat et des collectivités territoriales.

Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines

Pas de vice-président.

L'immobilier est porté par le directeur général des services.

La direction du patrimoine assure les missions de maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre et de maintenance du bâti de l'université. Elle contribue à la définition de la politique immobilière, en lien avec la direction de l'université.

Université Paris-Est Créteil

Vice-président « Patrimoine et développement durable »

Le vice-président « Patrimoine et développement durable » est l'interface entre la direction du Patrimoine et l'équipe de direction politique de l'université ; il détermine, en lien avec cette dernière, la politique immobilière de l'établissement ; il constitue l'interlocuteur privilégié des services de l'État et des collectivités territoriales sur les questions de patrimoine.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

Enfin, même si le portage politique des projets immobiliers est réel, il se heurte parfois à des résistances en interne . Certains directeurs élus de composants 21 ( * ) (instituts universitaires technologiques ou écoles internes), qui ne sont pas membres de l'équipe présidentielle, peuvent s'opposer à la gouvernance centrale de l'université.

En effet, au terme de l'article 713-9 du code de l'éducation, le directeur de l'institut ou de l'école « est ordonnateur des recettes et des dépenses. Il a autorité sur l'ensemble des personnels », tandis que les instituts et les écoles « disposent, pour tenir compte des exigences de leur développement, de l'autonomie financière ».

Ces prérogatives particulières en matière de gestion budgétaire et de gestion du personnel peuvent constituer un frein significatif à la rationalisation du bâti universitaire et aux impulsions données par la direction centrale de l'université.

3. Une équation financière éminemment complexe

Alors que la qualité de la politique immobilière menée par les établissements dépend étroitement de l'existence de moyens budgétaires stables, la subvention reste actuellement le mode prédominant de financement des opérations, les modes de financement alternatifs étant peu développés.

a) Un budget d'entretien et d'exploitation globalement insuffisant pour enrayer la dégradation du parc immobilier

Selon les informations transmises au rapporteur, les ressources dédiées à l'entretien, l'exploitation et la maintenance des bâtiments, de l'ordre de 407 millions d'euros par an en 2021, se révèlent très nettement inférieures aux besoins identifiés .

Cette enveloppe globale de 400 millions d'euros, intégrée au sein de la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs, se décompose comme suit :

- un premier volet de 140 millions d'euros pour la maintenance (le « gros-entretien-renouvellement » - GER), soit une dotation d'environ 9 euros par mètre carré ;

- un second volet de 260 millions d'euros pour la logistique, soit une dotation d'environ 16 euros par mètre carré.

Ces chiffres sont à comparer aux montants aujourd'hui retenus par la DIE, notamment dans le cadre de l'analyse des projets labellisés , et présentés dans le tableau ci-après.

Dépenses de maintenance et logistique

(en euros)

Subvention versée aux universités

Montants retenus par la DIE dans ses analyses

Maintenance - Gros-entretien-renouvellement

9 euros / m²

30 euros / m² pour un bâtiment en état correct

50 euros / m² pour un bâtiment en fin de fin

Logistique - charges de fonctionnement

16 euros / m²

50 euros / m² dans le neuf

80 euros / m² dans l'ancien

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGESIP

Si les moyens budgétaires alloués par l'État à la maintenance et la logistique du parc immobilier universitaire paraissent donc, dans l'absolu, nettement insuffisants pour assurer un niveau d'entretien correct, la situation est d'autant plus critique que cette enveloppe est restée stable au cours des dernières années, en dépit du retard accumulé et de la pression démographique.

Ainsi, la dotation allouée à la maintenance et la logistique immobilière a diminué de 1 % entre 2013 et 2019 , tandis que dans le même temps, le nombre d'étudiants inscrits à l'université (incluant les IUT) a progressé de plus de 10 %.

Évolution de la dotation budgétaire « maintenance et logistique » et du nombre d'étudiants inscrits à l'université depuis 2013

(en millions d'euros et en millions d'inscrits)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

Ce budget n'est par ailleurs pas sanctuarisé, puisque les crédits de maintenance et de logistique sont intégrés au sein du budget de fonctionnement des opérateurs, sans être fléchés spécifiquement vers les dépenses immobilières ; en pratique, les établissements déterminent donc librement les moyens qu'ils allouent à l'exploitation, l'entretien et la maintenance des locaux qui leurs sont confiés .

Or, étant donné que les dépenses d'entretien des bâtiments, souvent très onéreuses, peuvent être différées d'une année sur l'autre sans entraîner de conséquence visible, la tentation est grande pour les universités d'en faire une variable d'ajustement .

Selon l'outil OAD-ESR, les dépenses de GER des opérateurs s'élèvent ainsi à 171 millions d'euros en 2020, soit 13 euros par mètre carré SUB 22 ( * ) en moyenne. Seuls 22 % des établissements accordent en moyenne plus de 30 euros par mètre carré - le ratio recommandé par la DIE - aux opérations de GER, tandis que 25 % d'entre eux y consacrent moins de 5 euros par mètre carré.

Part des établissements en fonction de la fourchette des dépenses en 2019

(en %)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

Or, tout retard pris dans l'entretien de bâtiments peut être lourd de conséquences, accentuant la dégradation des bâtiments et entrainant in fine des travaux de très grande ampleur - associés, dans certains cas, à une indisponibilité partielle ou totale des bâtiments et donc à des dépenses additionnelles de location.

La situation est plus nuancée pour les universités ayant bénéficié de la première vague de dévolution, qui bénéficient d'une dotation destinée à couvrir les coûts prévisionnels de GER (cf. supra ). Cependant, tel n'est pas le cas pour les établissements ayant bénéficié de la seconde vague de dévolution .

Le faible montant des dépenses de maintenance explique donc en partie l'état dégradé d'environ un tiers du parc immobilier universitaire, et le recours nécessaire à des grands rendez-vous (contrats de plan État-régions), ou des opérations ponctuelles (Plan Campus, Plan France Relance) pour le remettre à niveau .

b) Une dépendance marquée aux grands plans d'investissement, peu compatible avec une programmation pluriannuelle efficace

Les universités demeurent très dépendantes des CPER, ainsi que des opérations ponctuelles - comme le Plan Campus - pour le financement de leurs opérations d'investissement.

Dans le CPER 2015 - 2020, sur les 533 opérations inscrites, pour un coût total de 2,9 milliards d'euros, près de la moitié des projets ont ainsi eu pour objet une remise à niveau du patrimoine : 41 % des opérations constituent des restructurations / réhabilitations, 5 % des reconstructions, 3 % des rénovations énergétiques et 1 % des travaux de mise en conformité.

Répartition des opérations inscrites au CPER 2015 - 2020
par nature de travaux

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Le plan Campus a également permis de mobiliser, au 31 décembre 2019, environ 2,720 millions d'euros à destination de 21 établissements bénéficiaires , dont 809,7 millions d'euros d'intérêts générés par la dotation non consomptible.

Bilan des financements alloués dans le cadre du Plan Campus

(en millions d'euros)

Source : DGESIP

Enfin, le Plan France Relance consacre une enveloppe budgétaire de 4 milliards d'euros en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments publics sur deux ans, dont 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État et de l'enseignement supérieur et de la recherche , 300 millions d'euros pour les régions et 1 milliard d'euros pour les collectivités locales du bloc communal.

Pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, 1 054 projets ont à ce stade été sélectionnés pour un total de 1,3 milliard d'euros, dont 957 projets à hauteur de 1,2 milliard d'euros pour le Mesri .

Répartition des crédits du plan de relance consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments publics

(en milliards d'euros)

Nombre de projets

Dotation financière

Total

/

4,0

Dont bâtiments de l'État

4 214

2,7

Dont enseignement supérieur, recherche et innovation

1 054

1,3

Dont Mesri

957

1,2

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

En pratique, près de 70 % des opérations retenues concernent les grands établissements ou les universités, pour un total de 814,3 millions d'euros , les 30 % restant étant fléchés vers les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et les bâtiments dédiés aux activités de recherche.

Répartition des projets du Mesri par typologie d'établissement

(en euros)

Nombre de projets

Dotation financière

% nombre projets

% dotation financière

CROUS

140

254, 2

14,6 %

21,0 %

Recherche

144

142,0

15,0 %

11,7 %

Grands établissements, grandes écoles, écoles d'ingénieur

112

101,1

11,7 %

8,3 %

Universités

561

713,2

58,6 %

58,9 %

Total Mesri

957

1 210,6

100 %

100 %

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Si ces financements ponctuels sont évidemment bienvenus, il ressort des auditions menées par le rapporteur qu'ils demeurent « non seulement insuffisants pour enrayer la dégradation constante du parc [...] mais également inadaptés dans leur temporalité pour répondre à des enjeux de long terme » 23 ( * ) .

En effet, si le vaste programme de rénovation du patrimoine universitaire prévu par l'opération Campus devrait indéniablement améliorer l'état du parc, son impact se limite à 15 % des surfaces totales des 21 universités concernées, dont 40,8 % étaient en état moyen ou dégradé .

Par ailleurs, le besoin global d'investissement dans l'immobilier universitaire est actuellement estimé à environ 7 milliards d'euros 24 ( * ) , soit un chiffre bien au-delà des dotations cumulées au titre du plan France Relance (814,3 millions d'euros) et des CPER 2021 - 2027 (3 milliards d'euros en incluant la contribution des collectivités territoriales) 25 ( * ) . Ainsi, le besoin résiduel de financement pour rénover les établissements publics d'enseignement supérieur serait de l'ordre de 3 milliards d'euros.

De surcroît, ces financements ponctuels sont peu compatibles avec une planification pluriannuelle des investissements.

Ainsi, l'inscription au titre des CPER est loin d'être automatique et fait l'objet d'une procédure de longue haleine ; les universités manquent donc de visibilité quant aux ressources dont elles disposeront à moyen terme, ce qui rend difficile l'établissement d'une programmation pluriannuelle.

Les établissements se heurtent également à l'absence de fongibilité entre les financements qui leurs sont alloués au titre du CPER . Le redéploiement de crédits non-utilisés doit être autorisé au terme d'une procédure complexe, faisant intervenir plusieurs acteurs, si bien que certaines opérations sont retardées, faute de pouvoir y affecter rapidement des crédits pourtant disponibles.

S'agissant du plan France Relance, force est de constater qu'il s'inscrit dans un calendrier de mise en oeuvre particulièrement contraint - notification des marchés de travaux au plus tard le 31 décembre 2021 et date limite de livraison des chantiers en 2023, voire 2024 pour les projets les plus complexes - ne permettant pas la réalisation d'opérations structurelles de rénovation, sauf si elles ont déjà été programmées (cf. infra ).

In fine , la temporalité des politiques publiques - environ 10 ans entre la décision de financer un projet et sa livraison - se heurte à celle, nettement plus courte, des financements publics ponctuels (France Relance) ou récurrents (CPER).

Dans ce contexte, la recherche de nouvelles sources de financement s'impose comme un prérequis indispensable à la mise en place d'une programmation pluriannuelle des investissements et donc, à celle d'une stratégie immobilière soutenable d'un point de vue économique .

c) Emprunt, cessions, valorisation : des sources de financement alternatives encore peu développées
(1) Le recours à l'emprunt : une voie quasiment fermée

Depuis 2010, le recours à l'emprunt est interdit pour les organismes divers d'administration centrale (ODAC) dont font partie les établissements d'enseignement supérieur . S'il existe deux dérogations à cette interdiction, à savoir la possibilité d'emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui n'est pas un établissement de crédit, et auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), les conditions d'accès à l'emprunt sont très encadrées, si bien que peu d'établissements les remplissent.

Ce cadre juridique particulièrement contraignant accentue la dépendance des établissements aux financements publics ponctuels et récurrents pour répondre à leurs besoins d'investissements immobiliers et mener des opérations de rénovation lourde.

(2) Les cessions : des produits limités pour les établissements

Les biens appartenant à l'État, mais devenus inutiles à l'activité des établissements, peuvent être cédés, après déclaration d'inutilité votée par le conseil d'administration de ces derniers et éventuellement déclassement du domaine public de l'État décidé par le ministère.

Les établissements d'enseignement supérieur peuvent bénéficier d'une partie du produit de cession des biens domaniaux qu'ils libèrent .

En pratique, ces produits sont fléchés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », géré par la DIE ; le ministère de tutelle (en l'occurrence, le Mesri) se voit doter d'une partie de ces produits, qu'il peut rétrocéder à l'opérateur, en fonction de ses besoins immobiliers.

Si le taux de retour au ministère de tutelle est désormais stabilisé autour de 50 %, il a souvent fluctué au cours des dernières années, entrainant pour les opérateurs un manque de visibilité fortement préjudiciable sur leur capacité à percevoir une partie des produits de cession.

Par ailleurs, au terme de l'article L. 719-14 du code de l'éducation, les opérateurs du Mesri bénéficient d'un régime dérogatoire avec un taux de retour à 100 % sur les produits de cession :

- des biens affectés ou mis à disposition des universités qui ont demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier. Ce retour à 100 % est effectif dès la signature de la décision de transfert par le Mesri et le ministre en charge du domaine ;

- de la part des biens immobiliers affectés ou mis à disposition d'établissements publics exerçant des missions d'enseignement supérieur ou de recherche qui contribuent au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre du plateau de Saclay.

Certaines opérations de cession peuvent donc se révéler avantageuses pour les établissements. Néanmoins, dans un contexte marqué par une forte pression démographique, les établissements sont peu incités à céder les biens dont ils disposent - le taux d'occupation dépassant les 100 %, par exemple, sur certains sites parisiens.

Par ailleurs, les opérations de cession sont rarement très intéressantes sur le plan financier , les biens cédés étant souvent vétustes ou excentrés.

Produits des cessions réalisées entre 2010 et 2020

(en millions d'euros)

Nombre de cessions

Montant des cessions

Retour des produits pour le Mesri

Taux de retour (en %)

2010

13

3,9

2,6

66,7%

2011

5

2,7

1,7

63,0%

2012

10

7,7

4,5

58,4%

2013

12

9,6

4,9

51,0%

2014

12

1,2

1

83,3%

2015

15

6,4

2,7

42,2%

2016

15

9,4

5,5

58,5%

2017

14

108,7

97,1 26 ( * )

89,3%

2018

12

10,6

5,1

48,1%

2019

13

42,6

35,8

84,0%

2020

8

18,1

10,5

58,0 %

Total

129

220,9

171,4

77,0 %

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Entre 2010 et 2020, les 129 cessions de bâtiments mis à disposition de l'enseignement supérieur ont généré un produit de 220,9 millions d'euros , dont 171,4 millions d'euros pour le Mesri. Les recettes moyennes associées à la vente d'un bâtiment s'élèvent donc à 1,3 million d'euros au cours des dernières années, faisant des cessions une source de financement marginale pour les opérateurs du Mesri.

(3) La valorisation : un cadre juridique récemment assoupli, mais une montée en puissance encore lente

Dans ce contexte, il devient crucial pour les opérateurs de développer leurs ressources propres pour renforcer leur assise financière . Plusieurs leviers sont à leur disposition : développement de partenariats, collecte de la taxe d'apprentissage, ou encore valorisation du patrimoine immobilier.

Pour le rapporteur, la valorisation constitue un axe de développement très vertueux , permettant aux établissements de faire évoluer leur modèle économique et de dégager davantage de ressources propres, tout en tirant le meilleur parti de leur patrimoine et en renforçant leur attractivité et leur ouverture.

Les possibilités ouvertes aux universités dans ce domaine demeuraient cependant très limitées jusque récemment , l'action des établissements publics étant circonscrite au périmètre de leurs missions eu égard au principe de spécialité auquel ils sont soumis. Les établissements pouvaient donc tirer marginalement des revenus de la location de locaux ou de terrains à des tiers.

Dans ce contexte, l'article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), introduit par l'article 154 de la loi de finances pour 2018 27 ( * ) a étendu le principe de spécialité des établissements publics d'enseignement supérieur à la gestion et à la valorisation de leur patrimoine immobilier . En pratique, cette disposition a ouvert le champ des activités envisageables sur le domaine de l'État, et autorisé la structuration professionnelle de l'activité de valorisation, qui peut désormais être confiée à un service spécialisé, à une filiale ou à un groupement.

Ces derniers peuvent désormais valoriser les biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l'État, en recueillir les fruits et délivrer le cas échéant des titres constitutifs de droits réels dont ils fixent les conditions financières. Le nouvel article L. 2341-2 du CG3P ouvre également aux établissements d'enseignement supérieur la possibilité de confier ces services de valorisation à différentes structures juridiques (filiale, fondation, etc.)

L'assouplissement du cadre juridique applicable permet donc désormais aux établissements de développer une véritable stratégie de valorisation de leur patrimoine , même sans lien immédiat avec les missions de l'enseignement supérieur.

Si ces évolutions sont bienvenues, elles sont encore trop récentes pour que le rapporteur puisse en mesurer l'impact sur la stratégie immobilière des universités . Au demeurant, de nombreux freins subsistent à la valorisation, par les universités, de leur patrimoine immobilier .

En premier lieu, étant donné la spécificité fonctionnelle des locaux universitaires, qui ne se révèlent pas toujours adaptés aux multi-usages, les possibilités de valorisation sont limitées . Le bâti universitaire se prête essentiellement à certaines manifestations évènementielles ponctuelles (colloques, conférences, tournages de film, défilés, expositions) peu susceptibles de procurer des revenus élevés.

Par ailleurs, le potentiel de valorisation dépend étroitement de la situation géographique des bâtiments ainsi que de leur état général . Comme l'a souligné l'Université Paris-Est-Créteil : « un bâtiment du XIX ème siècle en plein Paris sera assurément plus valorisable qu'un local amianté des années 1970 excentré ».

La valorisation immobilière nécessite également une expertise technique (établissement de grilles tarifaires en cohérence avec le marché privé local, mise en place de moyens humains adaptés pour piloter les opérations) et une ingénierie complexe sur le plan juridique et financier, dont les universités ne disposent pas toujours

Le faible succès de l'action « Sociétés universitaires et de recherche » (SUR) du troisième Programme d'investissements d'avenir (PIA 3) est à cet égard particulièrement emblématique.

L'action « Sociétés universitaires et de recherche » (SUR)

Les SUR avaient pour objectif de concevoir, déployer et gérer toute une typologie d'activités afin d'ouvrir les universités sur leur environnement socio-économique et de diversifier leurs compétences :

- valorisation des actifs immobiliers par la mise à disposition de foncier ou de bâtiments à des tiers susceptibles de répondre aux besoins de la communauté universitaire ou désireux de bénéficier d'un effet cluster et de l'accès à des équipements scientifiques existants ou en projets ;

- mise en oeuvre de la transition énergétique grâce à l'optimisation du parc existant, à des travaux de rénovation, à la production d'énergie et le cas échéant sa revente au réseau ;

- développement d'activités rentables, offrant un retour sur investissement significatif, et porteuses à ce titre d'une transformation majeure de la gestion des actifs immobiliers universitaires.

Source : commission des finances, à partir du questionnaire adressé à la DGESIP

Ainsi, l'appel à manifestation doté de 400 millions d'euros lancé le 23 mars 2018 a rencontré un très faible succès, puisque seuls deux établissements y ont répondu - ce qui a entrainé la mise en extinction progressive de cette action.

Dans ce contexte, les recettes associées aux opérations de valorisation réalisées par les universités demeurent ponctuelles et/ou limitées .

4. Un cadre juridique particulièrement rigide et contraignant

Lors de ses déplacements, il a été indiqué au rapporteur que les instruments contractuels à disposition des universités demeuraient caractérisés par une forte rigidité.

Ainsi, les outils contractuels de droit commun permettant des coopérations locales (filiale, prise de participation, fondations ou groupements) semblent relativement inadaptés pour créer des structures partenariales de long terme avec une gouvernance partagée entre acteurs locaux . En effet, les montages juridiques et les règles relatives à la constitution du capital sont complexes ; en parallèle, certaines structures sont dans l'impossibilité de recourir à l'emprunt car elles sont contrôlées par des établissements d'enseignement supérieur.

Par ailleurs, de nombreux établissements ont déploré la faible souplesse offerte par les règles de la commande publique . Les diverses obligations procédurales (mise en concurrence, publicité, consultations publiques) se traduisent en effet par un allongement significatif des délais , retardant de manière significative la réalisation des opérations immobilières.

Ces délais supplémentaires entrainent des réactions en chaine : les chantiers sont reportés, certaines entreprises ne sont plus à même d'honorer leurs engagements, etc. M. Guillaume Gellé, président de l'université de Reims, a ainsi indiqué au rapporteur que certains des projets immobiliers initiés en 2016 ne pourraient pas être livrés avant 2023, voire 2024.

Procédures de passation des marchés publics

Un marché public est soumis à des principes fixés par la législation : liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats, transparence. L'acheteur doit se conformer à des procédures différentes en fonction de la valeur estimée de la commande et de la nature du marché (travaux, fourniture ou services).

Les marchés sont ainsi passés selon l'une des possibilités suivantes :

- soit sans publicité ni mise en concurrence préalables (marché de gré à gré), si le montant est inférieur à 40 000 euros depuis le 1 er janvier 2020 ;

- soit selon une procédure adaptée ;

- soit selon une procédure formalisée (appel d'offres, procédure avec négociation, dialogue compétitif), à partir de 139 000 euros pour les marchés de fournitures et services à destination de l'État et ses établissements publics et 5 350 000 euros pour les marchés de travaux.

Le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018, dit « décret de Noël » a par ailleurs lancé l'expérimentation « achat public innovant », permettant aux acheteurs publics de passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, en dessous de 100 000 euros, à condition que les fournitures, services ou travaux concernés soient innovants.

Source : commission des finances, à partir du site internet marchés publics

Dans ce contexte, l'intérêt pour les marchés innovants est réel - même si le seuil de 100 000 euros fixé pour ces derniers demeure relativement faible.

Le recours aux marchés publics se traduit également, pour les universités, par des incertitudes significatives concernant le coût final des opérations immobilières .

En effet, les règles de la commande publique limitent la capacité des opérateurs à négocier avec leurs prestataires, ce qui leur est souvent préjudiciable.

À cet égard, plusieurs opérateurs ont fait part de leur intérêt pour les marchés globaux, dans le cadre duquel les gestionnaires universitaires maitrisent davantage le coût et le calendrier d'exécution - le prestataire s'engageant de manière contractuelle sur un budget et planning.

Les marchés globaux

Les marchés globaux sont des marchés passés en un lot unique et dérogeant ainsi au principe d'allotissement. Le code de la commande publique distingue trois types : les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels.

Les marchés publics de conception-réalisation permettent à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux.

Les marchés globaux de performance permettent aux acheteurs d'associer l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Les objectifs sont définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique.

Enfin, les marchés globaux sectoriels sont des marchés pour lesquels les acheteurs peuvent confier à un seul opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l'aménagement d'immeubles ou d'infrastructures affectés à des services publics sectoriels (santé, défense, établissements pénitentiaires, centres de rétention) avec ou sans l'entretien et la maintenance.

Source : site internet marchés publics

Pour le rapporteur, il importe que cadre juridique applicable aux opérations immobilières n'entrave pas les efforts des établissements, a fortiori quand ces derniers visent à rationaliser le parc immobilier.


* 16 Réponse écrite au questionnaire.

* 17 Réponse écrite au questionnaire.

* 18 Réponse écrite au questionnaire.

* 19 Circulaire n° ESRS2016520C du MESRI sur la procédure d'expertise interne des opérations immobilières publiée au journal officiel du 27 août 2020.

* 20 Réponse écrite au questionnaire.

* 21 Au terme de l'article 713-9 du code de l'éducation.

* 22 Le Mesri a indiqué que ces chiffres restaient à fiabiliser.

* 23 Réponse au questionnaire.

* 24 Estimations de la Conférence des présidents d'université.

* 25 La signature du CPER 2021-2027 est prévue à l'automne 2021.

* 26 Encaissement sur cession année antérieure.

* 27 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

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