LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Axe 1 : Affiner la connaissance qu'ont les universités de leur patrimoine immobilier

- Recommandation n° 1 : recentrer le champ des données collectées auprès des établissements sur quelques indicateurs clés, afin de disposer d'une base plus fiable et donc plus exploitable

- Recommandation n° 2 : faciliter les échanges de données entre les différents systèmes d'exploitation.

Axe 2 : Professionnaliser et renforcer la gouvernance immobilière

- Recommandation n° 3 : augmenter la part des universités qui disposent d'un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique, chargé de faciliter la communication interne sur ces sujets et de porter politiquement les projets les plus ambitieux.

- Recommandation n° 4 : élargir au niveau national le périmètre de compétence de l'EPAURIF.

Axe 3 : Garantir un pilotage pluriannuel des ressources et des dépenses en matière immobilière

- Recommandation n° 5 : rendre obligatoire la constitution d'un budget annexe immobilier pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur.

- Recommandation n° 6 : rendre la formalisation d'un SPSI plus contraignante pour les établissements, tout en renforçant les volets financiers et énergétiques de ce document, afin d'en faire un véritable outil de pilotage pluriannuel des dépenses immobilières.

Axe 4 : Revisiter le cadre juridique applicable à la commande publique

- Recommandation n° 7 : dresser un bilan des difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans leur recours à la commande publique.

Axe 5 : Ouvrir l'université sur son environnement socio-économique par le biais de la valorisation afin de dégager des ressources récurrentes pour l'entretien et l'exploitation

- Recommandation n° 8 : permettre l'ouverture du capital des sociétés publiques locales aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

- Recommandation n° 9 : mettre à l'étude un mode de calcul dérogatoire de la taxe foncière pour les universités, tenant compte du niveau de recettes perçues dans le cadre des activités de valorisation.

Axe 6 : Initier un vaste plan d'investissement pour la rénovation globale du parc universitaire afin de réduire la facture énergétique et de préfigurer les campus du XXI ème siècle

- Recommandation n° 10 : lancer un vaste plan « Transition Campus » de rénovation globale de l'immobilier universitaire

I. I. L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : DES ENJEUX DÉCISIFS IMPLIQUANT UNE GESTION PLUS ACTIVE PAR LES ÉTABLISSEMENTS

A. LE PATRIMOINE IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : UN ENSEMBLE DISPARATE, COÛTEUX ET COMPLEXE À ENTRETENIR, À LA CHARGE DES UNIVERSITÉS DEPUIS LEUR ACCESSION À L'AUTONOMIE

1. Un actif particulièrement coûteux et complexe à gérer
a) Un ensemble étendu, vétuste et énergivore : un parc coûteux à exploiter et entretenir

Le patrimoine immobilier des universités et des écoles comprend 6 300 biens pour 15,5 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB) et 18,75 millions de mètres carrés de surface hors oeuvre nette (SHON) , que se partagent 138 établissements 1 ( * ) sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares. Le parc universitaire représente ainsi à lui seul près de 20 % du patrimoine immobilier de l'État et constitue donc un enjeu majeur pour les finances publiques .

Les différentes mesures de la surface

La surface hors oeuvre nette (SHON) est définie à l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme et correspond à la somme des surfaces de plancher pour chaque niveau, après déduction des surfaces non habitables (caves, combles, terrasses, balcons, etc.)

La surface utile brute (SUB) est définie à l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation et fait référence à la surface intérieure nécessaire au fonctionnement d'une activité donnée. Elle ne comprend ni les circulations verticales et horizontales, ni les paliers d'étage, ni l'encombrement des ouvrages construits (murs, voiles, cloisons, poteaux, etc.). En revanche, les halls d'entrée ainsi que les espaces d'attente et d'orientation des personnes au sein du bâtiment sont inclus.

La SUB est donc égale à la SHON , moins les surfaces qui ne sont pas utilisables, pour des raisons tenant à la structure de l'immeuble (poteaux, murs extérieurs, circulations verticales, locaux techniques, etc.)

L'étendue de ce parc résulte en partie de la forte pression démographique à l'université , qui a entrainé une hausse de 50 % de l'immobilier universitaire entre 1995 et 2010. À compter de cette date, si les effectifs ont continué de progresser, la surface immobilière est restée constante, la politique immobilière faisant de l'entretien et de la rénovation du parc existant une priorité, notamment dans le cadre de l'opération Campus.

L'opération Campus

L'opération Campus a été annoncée par le Président de la République en 2007, avec pour objectif de rénover massivement le patrimoine immobilier universitaire, tout en accompagnant le mouvement de réforme de l'enseignement supérieur engagé par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007, dont l'immobilier constituait l'un des leviers de mise en oeuvre.

Cette opération a été financée par la vente de 3 % des actions du groupe EDF (3,7 milliards d'euros) complétée par 1,3 milliard d'euros du programme d'investissements d'avenir 1 (PIA 1). Le financement des opérations immobilières est assuré par les intérêts générés par cette dotation de 5 milliards d'euros déposée sur un compte au Trésor, soit 201 millions d'euros par an, qui ont vocation à aider les établissements à se fédérer autour de grands campus de demain, avec une visibilité internationale.

Source : commission des finances

Le patrimoine immobilier universitaire se compose aujourd'hui :

- de bâtiments historiques qui, s'ils sont globalement dans un état correct, nécessitent d'importants travaux de mise aux normes (sécurité, accessibilité, etc.) ;

- de constructions datant des années 1960 , qui arrivent souvent en fin de cycle de vie ;

- du bâti issu des deux vagues de constructions lancées dans les années 1990 - les plans « Université 20000 » (1990-1995) et « Université du troisième millénaire » (à compter de 1998), qui a mal vieilli, en raison des choix architecturaux et constructifs réalisés.

Dans ce contexte, et en dépit des investissements réalisés dans le cadre du plan Campus - qui ne concernait, au demeurant, que les deux tiers des surfaces universitaires - force est de constater que le patrimoine immobilier des établissements publics d'enseignement supérieur demeure en grande partie vétuste , même s'il existe de grandes disparités entre les sites.

Ainsi, selon les données issues du référentiel technique pour l'enseignement supérieur et la recherche (RT-ESR) 2 ( * ) , 31 % du bâti universitaire serait actuellement dans un état peu ou pas satisfaisant et 9 % du parc ne répondrait pas aux normes de sécurité des établissements recevant du public (ERP) .

État du bâti des établissements publics d'enseignement supérieur en 2019

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Le degré de vétusté du parc immobilier présente néanmoins de fortes disparités en fonction des régions . Ainsi, près de trois quarts des bâtiments sont dans un état satisfaisant dans les régions Grand-Est, Nouvelle Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire, qui comptabilisent un quart du parc immobilier total. En revanche, la proportion du bâti dans un bon état dépasse à peine les 50 % en Auvergne-Rhône-Alpes, en Normandie et dans les régions d'Outre-Mer, ces trois régions représentant près d'un cinquième du parc immobilier universitaire (19,7 %). Enfin, en Ile de France, en Corse et en PACA, les résultats ne sont pas significatifs en raison de la faible complétude des données ou de données erronées.

Surface utile et état du bâti par région

(en % de la surface utile totale et en % du bâti régional)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Indépendamment du vieillissement constaté, la plupart des bâtiments construits dans les années 1960 présentent également de très faibles niveaux d'efficacité énergétique , dans la mesure où ils n'ont pas connu de travaux significatifs de remise à niveau depuis leur édification. Ainsi, toujours selon les données issues du RT-ESR 3 ( * ) , 38 % des surfaces universitaires sont classées en étiquette énergie D, tandis que 21 % du bâti est considéré comme étant très énergivore (avec une étiquette énergie E, F ou G) .

Classe énergie des surfaces universitaires en 2018

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Partant, la consommation d'énergie finale des universités s'élevait en 2020 à 631 000 000 kilowattheures, soit une consommation moyenne de 166 kilowattheures par mètre carré SUB et par an, ce qui classe l'ensemble du parc immobilier en étiquette énergie D . L'énergie représenterait ainsi un coût annuel de 57 millions d'euros pour les universités, soit une dépense de l'ordre de 15 euros par mètre carré SUB.

En parallèle, la consommation finale d'eau s'élèverait à 4 000 000 mètres cube, soit 0,42 mètre cube par mètre carré SUB. Cette moyenne recouvre cependant une grande disparité de situations, puisque plus de 78 % des bâtiments universitaires présentent une consommation d'eau inférieure à 0,5 mètre cube par mètre carré SUB.

Répartition des consommations d'eau par bâtiment

(en mètre cube par mètre carré SUB)

Source : commission des finances, à partir des données transmises par la Direction de l'immobilier de l'État

Enfin, l'analyse des étiquettes gaz à effet de serre (GES), connues pour 54 % des surfaces en 2018, montre que l'empreinte carbone moyenne des établissements est en étiquette énergie D, à 33 grammes de CO2 par mètre carré et par an . L'empreinte totale universitaire 4 ( * ) est donc de 317 253 tonnes de CO2 par an.

Classe GES des surfaces universitaires en 2018

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Il ressort de ces données que seules 19 % des surfaces universitaires sont éco-responsables, c'est-à-dire associées à une classe GES comprise entre A et B .

Le rapporteur note cependant que l'ensemble de ces estimations (classe énergie, classe climat et consommation d'eau) demeurent sujettes à caution, eu égard au caractère extrêmement parcellaire et peu fiable des données collectées (cf. infra ).

Étant donné son étendue, mais également son caractère vieillissant, vétuste, et énergivore, le parc immobilier universitaire se caractérise par des coûts d'entretien et d'exploitation particulièrement élevés.

b) Des spécificités fonctionnelles et géographiques : un bâti atypique

Si l'immobilier universitaire se caractérise par son étendue, ainsi qu'un état globalement insatisfaisant, il présente également des spécificités fonctionnelles et géographiques , si bien que sa gestion diffère significativement de celle d'un parc immobilier classique.

Ainsi, près de 80 % des surfaces sont à usage d'enseignement, c'est-à-dire composées de salles de cours (amphithéâtres, salles spécialisées pour certaines disciplines, salle banalisées pour les examens, etc.), contre seulement 3 % de surfaces à usage de bureaux et 10 % à usage technique.

Répartition fonctionnelle des bâtiments
des établissements publics d'enseignement supérieur

(en %)

% par rapport

à la SUB totale

Enseignement ou sport

78 %

Bâtiments techniques

(locaux de recherche, plateformes et halles technologiques, locaux logistiques dont garages, ateliers, chaufferie...)

10 %

Bâtiments culturels

(bibliothèques universitaires, centres culturels, musées ...)

4 %

Bureaux

(services centraux, présidence, locaux administratifs)

4 %

Logements

(logements de fonction, logements pour chercheurs, logements étudiants en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et pour certains établissements (EC Lyon, INSA Lyon, ENS Lyon ...)

2 %

Bâtiments sanitaires et sociaux

(lieux de restauration, locaux de médecine préventive, logements étudiants pour certains établissements (EC Lyon, INSA Lyon, ENS Lyon ...)

2 %

Autres

(commerces, bâtiments agricoles, ouvrages d'art, espaces naturels...)

1 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire annuel

Or, les locaux d'enseignement, étant donné leurs caractéristiques, ne peuvent se voir appliquer les mêmes référentiels que des bâtiments plus classiques - qu'il s'agisse de la consommation d'énergie, du potentiel de valorisation ou du taux d'occupation.

Ce dernier demeure très variable au cours de l'année , le calendrier universitaire ménageant des alternances entre des périodes de cours, de stages, de vacances et examens . Le caractère non linéaire, au cours de l'année, de l'occupation des locaux, rend complexe la gestion de cet actif, en particulier s'agissant des efforts de valorisation.

Ces spécificités expliquent en partie le niveau peu élevé d'occupation des locaux sur l'année, de l'ordre de 60,5 % en 2020. Ce taux devrait être encore inférieur en 2021, étant donné que les cours se sont déroulés à distance pour le premier semestre et qu'une jauge de 20 % de capacités d'accueil des établissements a été fixée à compter du mois de février 2021.

Évolution du taux d'occupation des locaux depuis 2010 5 ( * )

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Ces spécificités fonctionnelles se traduisent également par des contraintes techniques et juridiques. Ainsi, les constructions universitaires, dans la mesure où elles accueillent du public et constituent des ERP, doivent respecter les règles de sécurité répertoriées aux articles R. 123-2 à R. 123-17 du code de la construction, ainsi que certaines règles d'accessibilité , toute non-conformité faisant courir le risque d'une fermeture administrative du bâtiment, assortie dans certains cas de sanctions pénales.

Enfin, le bâti universitaire présente des spécificités géographiques, puisqu'il se compose de très nombreux sites, et se caractérise, dans certaines académies, par une dispersion du bâti sur tout le territoire. Les bâtiments d'un même campus peuvent ainsi être éclatés entre plusieurs quartiers ; quand ils sont situés en centre-ville, il arrive également qu'ils soient partagés entre plusieurs opérateurs, ce qui n'en facilite pas la gestion, l'université n'ayant alors plus la responsabilité pleine et entière de son patrimoine.

Dans ce contexte, la gestion du bâti universitaire se révèle particulièrement complexe ; or, depuis 2007, cette tâche incombe aux établissements d'enseignement supérieur .

2. Un patrimoine à la charge des universités depuis leur accession à l'autonomie
a) En principe, un État propriétaire du bâti, des universités autonomes dans leur gestion immobilière

Depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007 6 ( * ) , les opérateurs du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) ont accédé à l'autonomie et partant, sont compétents pour assurer la gestion du patrimoine immobilier que l'État met à leur disposition .

L'État conserve donc la propriété du bâti, mais conclut des conventions d'utilisation avec les universités . Il incombe ensuite à ces dernières d'assumer, sous le contrôle de l'État et pour la durée de ces conventions, « l'ensemble des responsabilités, notamment les contrôles réglementaires » 7 ( * ) qui se rapportent aux immeubles dont ils disposent.

De surcroît, au terme de l'article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques : « les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou conjointement des ministres chargés de l'enseignement supérieur de l'agriculture sont compétents pour assurer l'entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l'État ».

L'État propriétaire est représenté au niveau central par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) depuis 2016, et au niveau local par les préfets, conformément au décret du 29 avril 2004 8 ( * ) .

Le Mesri n'intervient donc pas directement dans la gestion du patrimoine immobilier universitaire , mais mène une politique immobilière visant à renforcer l'autonomie et la performance de ses opérateurs en matière d'immobilier.

Le rôle du Mesri en matière de politique immobilière

La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a pour mission d'accompagner les opérateurs dans la gestion de leur parc immobilier et possède à cet effet une sous-direction dédiée, la sous-direction de l'immobilier. Au terme de l'arrêté du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche, cette dernière :

- élabore le cadre national de la stratégie patrimoniale des établissements d'enseignement supérieur, en lien notamment avec la direction de l'immobilier de l'État. Elle encourage les établissements à améliorer la connaissance de leur patrimoine, à professionnaliser leurs équipes et à développer des outils de gestion et de programmation des travaux ;

- assure le pilotage de la politique immobilière de l'État au niveau des sites, en relayant la mise en oeuvre des différents aspects de cette politique auprès des opérateurs, tout en faisant connaître les spécificités du parc des établissements d'enseignement supérieur ;

- assure le pilotage des grands projets immobiliers, ainsi que la programmation et la gestion des crédits dédiés à la sécurité et aux contrats de plan État-régions.

Pour ce faire, elle s'appuie sur les services déconcentrés du Ministère de l'éducation nationale et du Mesri, notamment les services immobiliers des rectorats, dirigés par les Ingénieurs régionaux de l'équipement (IRE). Ces derniers sont chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre des CPER, de l'expertise des opérations immobilières, de la maîtrise d'ouvrages d'opérations, de la coordination des enquêtes ministérielles, de l'accompagnement des opérateurs dans leurs échanges avec les responsables régionaux de la politique immobilière de l'État (RRPIE), ou encore de l'avis sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) élaborés par les universités (cf. infra ).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGESIP

Pour assurer les droits et obligations du propriétaire, les établissements publics d'enseignement supérieur disposent de crédits budgétaires spécifiques , portés par l'action 14 « Immobilier » du programme 150 « Formations supérieure et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Ces crédits se décomposent, de manière schématique, en trois briques de financement distinctes.

La première brique « fonctionnement des établissements », dotée de 827 millions d'euros en 2021 (un chiffre stable depuis 2009), correspond aux crédits directement intégrés à la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à chaque opérateur afin de financer les dépenses de fonctionnement . Cette brique se compose de deux éléments :

- une enveloppe de 427 millions d'euros dédiée au financement de la masse salariale des personnels en charge de l'immobilier des établissements et budgétisée au titre de la « masse salariale RCE » ;

- une enveloppe de 400 millions d'euros afin de couvrir la maintenance et la logistique immobilière.

Une seconde brique « occupant/financement récurrent », dotée de 71,34 millions d'euros en 2021 , regroupe des crédits notifiés de façon spécifique, hors SCSP , ayant vocation à financer :

- les dépenses liées aux actions de mise en sécurité-sûreté du parc immobilier (sécurité incendie, sanitaire, pose de clôtures, mise en place de systèmes de contrôle d'accès, vidéosurveillance, etc.), pour un montant de 22,6 millions d'euros en 2021 . Cette enveloppe est répartie entre les établissements en fonction des besoins les plus prioritaires, identifiés dans le cadre d'une enquête bisannuelle menée par le Mesri, ainsi que de leur capacité à mobiliser des fonds propres pour financer ce type de travaux ;

- les dépenses locatives d'un nombre limité d'établissements 9 ( * ) , essentiellement franciliens, dont le recours à une prise à bail de locaux est justifié, pour un montant annuel de 19,3 millions d'euros ;

- le fonctionnement de l'EPAURIF , à hauteur de 7,5 millions d'euros ;

- les dotations récurrentes de dévolution versées aux établissements de la 1 ère vague de transfert en pleine propriété, pour un montant total de 21,9 millions d'euros par an 10 ( * ) (cf. infra ).

Enfin, une dernière brique « propriétaire / financement projets » regroupe des crédits destinés au financement d'opérations immobilières (inscrites dans les CPER, prévues hors CPER, relatives aux opérations Campus financées sur crédits budgétaires) pour lesquelles l'État assure de droit la maîtrise d'ouvrage. Ces crédits peuvent être versés aux établissements de manière directe ou par le biais de budgets opérationnels de programmes locaux, quand il s'agit de CPER notamment.

Répartition des crédits budgétaires dédiés à l'immobilier universitaire en 2021

(en millions d'euros)

AE

CP

Brique « fonctionnement des établissements » (SCSP)

834,3

834,3

Dont « masse salariale RCE »

427,19

427,19

Dont « maintenance et logistique immobilière »

407,11

407,11

Brique « occupant / financement récurrent)

71,34

71,34

Dont charges locatives

19,3

19,3

Dont mise en sécurité

22,6

22,6

Dont dévolution du patrimoine

21,94

21,94

Dont EPAURIF

7,5

7,5

Brique « propriétaire / financement projets »

162,76

261,26

Dont CPER

81,83

150,09

Dont opérations hors CPER

39,96

30,46

Dont Campus et PPP

40,97

80,71

Total

1068,39

1166,89

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

b) La dévolution patrimoniale : une expérimentation progressivement étendue

La loi relative aux libertés et responsabilités des Universités (LRU) a également ouvert la possibilité d'un transfert gratuit et en pleine propriété, au profit de certains établissements d'enseignement supérieur, des biens appartenant à l'État et précédemment mis à leur disposition .

Lancée à titre expérimental en 2011, une première vague de dévolution patrimoniale a ainsi permis à trois universités - Clermont 1, Poitiers et Toulouse 1 - d'accéder à la propriété de leur patrimoine, et donc de bénéficier de nouvelles possibilités d'actions en termes de cession et de valorisation . Ces établissements ont bénéficié d'un accompagnement financier significatif de l'État, par le biais :

- d'une dotation initiale de remise à niveau en matière de mise en sécurité et d'accessibilité ;

- d'une dotation annuelle récurrente sur une période de 25 ans , destinée à couvrir la charge transférée en matière de gros entretien renouvellement (GER) et à se substituer aux financements antérieurs de l'État (Campus, CPER, crédits de sécurité-sûreté-accessibilité, SCSP).

Niveau des dotations aux trois universités propriétaires depuis 2011 - 2012

(en euros)

Dotation initiale de mise aux normes (unique)

Dotation de dévolution annuelle

Université de Poitiers

6 987 000

10 800 000

Université de Toulouse

5 930 000

5 000 000

Université de Clermont

14 000 000

6 135 000

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

À la suite de la publication d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) 11 ( * ) dressant un bilan positif de cette expérimentation, une seconde vague de dévolution a été initiée en 2016 et a abouti à la signature d'accords de dévolution avec 4 universités en 2017 : Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Tours.

Pour cette seconde vague, le ministère a fait le choix de maintenir les financements existants (Campus, CPER, sécurité-sûreté, accessibilité, SCSP). La seconde vague de dévolution ne prévoyait donc pas de dotation financière exceptionnelle, si bien que seules des universités présentant une situation financière satisfaisante et un potentiel de valorisation élevé pouvaient en réalité y accéder.

Cependant, en 2019, plusieurs ajustements ont été réalisés :

- une dotation exceptionnelle d'initialisation d'un montant de 6 millions d'euros pour les 4 candidats à la dévolution a été proposée au titre de la mise en sécurité et en accessibilité ;

- le principe d'un taux de retour à 100 % des produits de cession et de valorisation du patrimoine immobilier a été acté.

Enfin, en 2019, la ministre de l'enseignement supérieur a annoncé le lancement d'une « vague continue de dévolution » pour permettre à chaque établissement de saisir les opportunités liées à la valorisation de son patrimoine, d'ici la fin 2022. À ce stade, 7 candidats auraient d'ores et déjà été identifiés : Nantes, Strasbourg, Bordeaux Montaigne, Valenciennes, CentraleSupelec, Angers, AgroparisTech.

Le Mesri réfléchirait également à proposer des dévolutions partielles ou progressives , à condition toutefois que les établissements soient en mesure de les assumer d'un point de vue technique et financier. En tout état de cause, le Mesri travaillerait à l'élaboration d'un vade-mecum afin qu'un grand nombre d'établissements puisse s'engager dans cette démarche.

Indépendamment du cadre juridique applicable - simple autonomie ou dévolution, le parc immobilier universitaire représente à la fois, pour les établissements, une charge financière à optimiser et un actif à valoriser, afin de répondre aux multiples enjeux afférents au service public de l'enseignement supérieur.

3. Une gestion à optimiser pour améliorer l'adéquation fonctionnelle du parc immobilier tout en maitrisant la charge financière afférente
a) Un parc à envisager comme un actif stratégique à valoriser

L'immobilier constitue avant tout un actif stratégique au service des missions d'enseignement portées par les universités . Le bâti universitaire doit donc évoluer et se transformer pour aider le service public de l'enseignement supérieur à répondre aux défis actuels : défi de la réussite étudiante, défi de l'attractivité des établissements français à l'heure de l'internationalisation de l'économie de la connaissance, défi de la responsabilité sociétale et environnementale des pouvoirs publics.

L'immobilier reste un axe porteur de la réussite étudiante . En effet, la massification de l'enseignement supérieur impose aux établissements d'accueillir un nombre toujours plus élevé de jeunes ; en parallèle, l'évolution des pratiques pédagogique s, avec l'émergence des cours à distance puis sa généralisation dans le cadre de la crise sanitaire, impose d'ores et déjà une reconfiguration des espaces et des efforts d'équipement .

Le rejet suscité par le « tout-distanciel » laisse ainsi augurer, à l'avenir, d'une revalorisation du temps en présentiel, avec notamment un renforcement des volumes horaires de travaux dirigés et une diminution des effectifs, se traduisant par une demande accrue de petites salles de cours modulables.

En parallèle, la digitalisation de certains enseignements - notamment les cours magistraux - pourrait être pérennisée, nécessitant une montée en charge significative des universités en matière d'équipement informatique (connexion très haut débit, branchements dans les salles, systèmes de captation des images et du son, etc.)

Les gestionnaires immobiliers doivent donc par priorité s'attacher à garantir une adéquation fonctionnelle optimale entre les locaux et les activités d'enseignement menés par les universités. Il leur incombe également de porter la responsabilité sociétale et environnementale associée à la gestion d'un parc public particulièrement étendu.

Le bâti universitaire constitue ainsi un outil au service des politiques d'accessibilité et d'inclusion menées par les universités . L'article 123-2 du code de l'éducation, tel que modifié par l'article 6 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche 12 ( * ) dispose ainsi que le service public de l'enseignement supérieur contribue « à la construction d`une société inclusive. À cette fin, il veille à favoriser l'inclusion des individus sans distinction d'origine, de milieu social et de condition de santé ».

Par ailleurs, un contexte marqué par l'essor des préoccupations environnementales, les universités doivent garantir le caractère durable et écologique de l'immobilier dont elles ont la charge . Comme tous les opérateurs, les universités sont, en tout état de cause, soumises à la réglementation du « décret tertiaire » 13 ( * ) , qui précise les modalités d'application de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) 14 ( * ) sur les objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire français. Ainsi, les locaux universitaires courants (dévolus aux activités administratives et d'enseignement) sont tenus de réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030 15 ( * ) , 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 . Cette démarche, qui permettra de générer des économies de fonctionnement à long terme, suppose des investissements conséquents à court terme ; la recherche d'un modèle soutenable d'un point de vue économique et écologique se trouve ainsi au centre des préoccupations des universités.

L'immobilier universitaire se trouve également au coeur d'enjeux locaux, relatifs à l'aménagement du territoire . En effet, à l'heure de l'économie collaborative, de la transdisciplinarité et du partage de la connaissance, l'enceinte universitaire a vocation à s'ouvrir davantage vers la cité. Cette inflexion suppose une modernisation des espaces universitaires, afin que ces derniers puissent être mis à profit pour désenclaver certains territoires, soutenir le développement économique local (accueil de start-up, d'entreprises, essor des coworking, etc.), encourager la création artistique, renforcer les liens associatifs (mise en place de tiers lieux)... La gestion patrimoniale des universités intéresse donc au premier chef les collectivités territoriales.

L'optimisation de la gestion immobilière consiste donc en premier lieu à valoriser efficacement cet actif, pour permettre aux établissements de remplir leurs missions dans un environnement en pleine mutation . L'enseignement supérieur constituant un des moteurs essentiels du développement de notre pays et une condition de notre croissance économique future, l'enjeu est de taille.

b) Une charge financière à maîtriser

En parallèle, l'immobilier demeure une charge financière conséquente pour les établissements, puisqu'il représente le 2 ème poste de dépenses des universités, derrière la masse salariale.

Dans un contexte budgétaire contraint, caractérisé par une stagnation des subventions allouées aux établissements d'enseignement supérieur, une gestion immobilière optimale doit permettre de réduire autant que possible les dépenses d'exploitation et de fonctionnement attachées au bâti .

De nombreux leviers peuvent être actionnés à cet effet par les universités . Pour optimiser les coûts d'exploitation et la maintenance, il est ainsi possible de négocier des contrats plus avantageux ou d'agir sur le montant des factures énergétiques (fluides, électricité).

Il est également envisageable de chercher à rationaliser les surfaces utilisées , la réduction du nombre des implantations et des accès aux sites pouvant générer d'importantes économies, notamment en termes de frais de gardiennage et de sécurité.

Cet effort de rationalisation peut prendre la forme d'opérations de cessions, mais également de mutualisations des activités et des enseignements . Depuis l'ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l'expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, les établissements peuvent également plus aisément fusionner ou créer des pôles universitaires , afin de mutualiser les surfaces et les compétences. Enfin, dans la mesure où certains bâtiments arrivent en fin de vie, la rationalisation du parc immobilier peut s'appuyer sur des opérations de démolition et reconstruction.

En parallèle, l'amélioration des taux d'occupation constitue un axe majeur d'optimisation , cet élément statistique figurant au demeurant parmi les indicateurs de suivi dans le cadre du document de politique transversale « Politique immobilière de l'État » pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », avec l'objectif d'atteindre un taux de 67 % en 2021. La palette des possibilités dans ce domaine est relativement large, puisque les universités peuvent étendre les plages d'occupation des locaux d'enseignement le soir et le week-end, mais aussi mettre à profit le caractère non linéaire de l'occupation des locaux.

Les établissements d'enseignement supérieur peuvent également chercher à dégager de nouvelles recettes en valorisant les locaux non utilisés sur certaines plages horaires (cf. infra ). La valorisation peut également prendre la forme de transformations d'usage - avec la création de complexes intégrant plusieurs types d'activités, mais ces opérations demeurent limitées, en raison de la spécificité des locaux d'enseignement.

L'optimisation de la gestion immobilière consiste donc également, pour les universités, à actionner ces différents leviers en fonction des spécificités de leur parc, afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour répondre aux défis susmentionnés .

Cependant, si la plupart des établissements partagent ces objectifs et s'accordent sur les moyens à mettre en oeuvre, les travaux menés par le rapporteur ont mis en exergue la persistance de nombreux freins à l'optimisation, par les universités, de leur patrimoine immobilier .


* 1 Dont 73 établissements appartenant à la catégorie « universités et assimilés (68 universités, le Centre Universitaire de formation et de recherche de Mayotte, l'Institut national Universitaire Jean François Champollion, l'Université de technologie de Compiègne, l'Université de technologie de Troyes et l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard).

* 2 Cette application retrace l'inventaire physique du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs. Les données sont saisies par les gestionnaires de patrimoine au niveau de chaque université ou extraites par l'import de données d'outils de gestion du patrimoine propres à chaque université.

* 3 Ces données ne sont renseignées que pour 72 % du bâti universitaire.

* 4 Pour les 54 % de surfaces pour lesquelles la classe GES est connue.

* 5 Sont comprises dans le périmètre les données relatives à l'occupation des salles de cours banalisées et des amphithéâtres pour des activités d'enseignement, d'accueil des étudiants, d'examens ainsi que pour tout autre usage comme les colloques, manifestations ou locations.

* 6 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 7 Arrêté du 6 novembre 2018 relatif au modèle de convention mentionné à l'article 2. 2313-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 8 Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements.

* 9 Universités Paris 1 et Paris 2, UPEC, UT Paris Dauphine, ENS Louis Lumière, EPHE, EHESS.

* 10 Ces dotations ont été déterminées au moment de la signature des conventions de dévolution en 2011, sur la base d'une surface cible (besoin en surfaces optimisé, induit par les activités de l'université et défini dans un schéma directeur immobilier) et d'un forfait en euro par mètre carré, arbitré en 2011 sur la base d'une étude réalisée par un prestataire. La dotation est ainsi de 6,1 millions d'euros pour l'université de Clermont-Auvergne, 10,8 millions d'euros pour l'université de Poitiers et 5,0 millions d'euros pour l'université Toulouse 1.

* 11 Inspection générale des finances, La dévolution du patrimoine aux universités, septembre 2016.

* 12 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 13 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 14 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 15 Base 2010.

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