II. MALGRÉ UN RECUL ENCORE INSUFFISANT ET LE MANQUE DE DONNÉES NATIONALES CONSOLIDÉES, UNE CVEC PORTEUSE D'ATOUTS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE ÉTUDIANTE
A. LA DIFFICULTÉ D'ÉTABLIR UN BILAN À TROIS ANS
1. Trois années de mise en oeuvre incomplètes
Depuis sa création, la CVEC a fait l'objet de trois collectes , correspondant respectivement aux années universitaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021.
Comme l'ont néanmoins souligné plusieurs acteurs du secteur lors des auditions - des représentants d'établissements et la présidente du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) -, celles-ci ne constituent pas à proprement parler trois années « pleines » .
En effet, 2018-2019 a été une année d'appropriation du nouveau dispositif, et ce d'autant plus que la circulaire explicitant les modalités de fonctionnement et d'usage de la CVEC n'est parue que le 21 mars 2019, soit un an après la promulgation de la loi ORE. L'année 2019-2020 a, certes, permis l'essor de la CVEC à un rythme plus soutenu, mais celui-ci a été brutalement perturbé en 2020-2021 par l'irruption de la crise sanitaire, puis son inscription dans la durée, période au cours de laquelle la CVEC a été fortement mobilisée pour financer les aides aux étudiants en difficulté.
Il apparaît donc difficile de dresser un bilan à trois ans du fonctionnement de la CVEC , celle-ci n'ayant pas été déployée dans des conditions normales.
2. L'absence de données exhaustives agrégées au niveau national
À ce calendrier bouleversé s'ajoute l'absence de données quantitatives et qualitatives, consolidées au niveau national, sur l'usage de la CVEC . Ce constat fait l'objet de vives critiques tant de la part des représentants des étudiants que des représentants des établissements. La commission elle-même, par la voix de son rapporteur pour les crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, pointe régulièrement le manque d'information et de transparence sur les modalités d'utilisation de la CVEC . Celle-ci étant une taxe affectée, seul un plafond de recettes prévisionnelles figure en projet de loi de finances, ne permettant pas à la représentation nationale d'être pleinement informée de l'affectation de son produit, ni de pouvoir contrôler son bon usage.
L'enquête menée par le ministère de l'enseignement supérieur sur les collectes 2018-2019 et 2019-2020 est toujours en cours et ne devrait être finalisée qu'à l'automne prochain, un questionnaire complémentaire ayant été adressé aux établissements au printemps 2021. Pour expliquer ce retard, unanimement dénoncé par les acteurs de la vie étudiante , la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP), auditionnée par les rapporteurs, invoque un ordre des priorités perturbé par la crise sanitaire, le bilan de l'affectation des crédits CVEC en période d'avant-crise ayant été relégué au second plan. Le suivi de l'utilisation exceptionnelle de la CVEC dans le contexte de crise fait en revanche l'objet, depuis le premier confinement, d'une enquête du ministère, actualisée tous les quinze jours à partir des remontées d'informations des établissements.
Compte tenu des critiques exprimées sur le manque de transparence de l'usage de la CVEC, la ministre de l'enseignement supérieur a missionné l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) pour dresser un bilan de son utilisation ; les conclusions de cette mission devraient, selon les informations transmises aux rapporteurs, être rendues en octobre prochain. Une seconde mission, prenant la forme d'un audit interne à la DGESIP, est également en cours, portant plus spécifiquement sur le fonctionnement de la procédure CVEC.
3. Garantir impérativement une meilleure information et une plus grande transparence sur l'utilisation de la CVEC
Si l'irruption de la crise sanitaire a bien sûr compliqué la donne, les rapporteurs estiment que le ministère ne peut s'abriter derrière cette seule raison pour expliquer le retard pris dans la publication du bilan des collectes CVEC 2018-2019 et 2019-2020 . Cette insuffisance de données disponibles au niveau national est un obstacle au suivi du bon usage d'une taxe payée par les étudiants qui, les premiers, ont le droit d'être pleinement informés (cf. infra ).
Aussi, dans la continuité des recommandations formulées en 2019 par la Cour des comptes (cf. encadré ci-après), ils demandent au ministère de l'enseignement supérieur de rapidement :
Ø mettre en place un suivi plus fin et plus systématique de l'utilisation de la CVEC permettant la publication annuelle de données consolidées au niveau national ;
Ø mieux informer le Parlement , dans le cadre de l'examen annuel de la loi de finances, sur l'affectation des ressources issues de la CVEC ;
Ø lever le plafond auquel la CVEC est soumise en loi de finances puisque, par définition, celle-ci doit exclusivement être affectée à l'amélioration des conditions de vie des étudiants et ne saurait être reversée à d'autres postes budgétaires.
Les recommandations de la Cour des comptes pour une
meilleure transparence
de la CVEC
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018, rendue publique le 15 mai 2019, et adressée au ministère de l'enseignement supérieur, la Cour des comptes lui recommande de « veiller à la transparence de la nouvelle taxe affectée contribution vie étudiante et de campus ».
Si la Cour reconnaît que la CVEC correspond aux critères de création d'une taxe affectée - mode de financement qui échappe au contrôle annuel du Parlement -, elle rappelle que cela implique une « exigence d'affectation des ressources allouées à l'usage prévu mais aussi de suivi et de contrôle de cette juste affectation ». Or elle constate que « la circulaire du 21 mars 2019 laisse à chaque établissement affectataire de la CVEC le soin de dresser un bilan de l'utilisation de la CVEC, dans le respect de l'autonomie des établissements ».
Elle engage donc le ministère à « mettre en place des outils de suivi et de contrôle renforcés et normalisés de l'emploi effectif de cette contribution à son affectation sociale ». « Le ministère doit ainsi proposer des bilans type normés à renseigner par chaque établissement affectataire (universités, écoles mais aussi Crous), et ce afin de permettre le contrôle de l'usage des fonds alloués mais aussi la comparaison et la consolidation des données à l'échelle régionale et nationale », écrit la Cour. Elle « prend note de l'engagement du ministère à assurer une publication adéquate rendant compte de l'usage des fonds » et « s'assurera de son effectivité ».