TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 7 JUILLET 2021

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M. Laurent Lafon , président . - Je propose de poursuivre avec le rapport d'information sur la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). C'est un dispositif mis en place par la loi « Orientation et réussite des étudiants (ORE) ». Par l'intermédiaire de notre rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur », Stéphane Piednoir, nous nous sommes interrogés à plusieurs reprises sur la CVEC. Il nous a donc semblé utile de programmer ce point d'étape devant notre commission. Nous avons à cet effet confié à Céline Boulay-Espéronnier et Bernard Fialaire le soin de réaliser cette mission en mars dernier, mission qu'ils ont conduite dans des délais rapides. Je les remercie pour leur diligence car notre objectif était aussi de faire le lien entre leur mission et la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante dont nous avons présenté les conclusions hier après-midi.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , co-rapporteure . - Merci beaucoup monsieur le président pour cette introduction.

Depuis sa création par la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants du 8 mars 2018, notre commission porte une attention particulière à la contribution de vie étudiante et de campus. Il est vrai qu'en seulement trois années d'existence, celle-ci a déjà connu polémiques, critiques et rebondissements : polémiques, tout d'abord, sur son plafonnement à 95 millions d'euros en loi de finances pour 2019, laissant craindre une affectation du surplus de sa collecte au remboursement de la dette publique plutôt qu'à la vie étudiante ; critiques, ensuite, sur le manque d'information et de transparence quant à son utilisation, les étudiants peinant concrètement à voir où va l'argent dans ils s'acquittent ; rebondissements, enfin, pendant la crise sanitaire, période au cours de laquelle la CVEC a été fortement mobilisée pour venir en aide aux étudiants en difficulté financière et sociale.

C'est dans ce contexte mouvementé que la commission nous a confié cette mission d'information qui se veut parfaitement complémentaire à celle sur les conditions de la vie étudiante dont nous sommes d'ailleurs tous deux membres. Nous avons mené notre travail d'audition en parallèle de celui de la mission commune d'information, ce qui nous a permis d'approfondir un certain nombre de points soulevés par les différents acteurs de la vie étudiante et d'apporter un éclairage global.

Les constats et recommandations que nous vous présentons aujourd'hui viennent donc compléter ceux et celles qui ont été examinés hier en réunion de la mission d'information, ces deux travaux de contrôle s'enrichissant mutuellement.

Pour rappel, la CVEC est une taxe d'un montant de 92 euros à la rentrée universitaire 2020, acquittée par les étudiants lors de leur inscription dans l'enseignement supérieur et affectée au financement d'actions visant à améliorer les conditions de la vie étudiante dans les campus. Depuis sa création, la CVEC a fait l'objet de trois collectes correspondantes aux années universitaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021. Dans les faits, celles-ci ne constituent pas trois années « pleines » : la première a été une année d'appropriation du nouveau dispositif et la troisième a été très fortement perturbée par la crise. Il est donc difficile de dresser un bilan à trois ans du fonctionnement de la CVEC, celle-ci n'ayant pas été déployée dans les conditions normales. Un autre facteur vient compliquer la donne : l'absence de données quantitatives et qualitatives consolidées au niveau national sur l'usage de la CVEC. Cette lacune fait l'objet de critiques vives et régulières tant de la part des acteurs de la vie étudiante que de la Cour des comptes ou de la représentation nationale. Notre rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, pointe ainsi chaque année le manque d'information et de transparence sur les modalités d'utilisation de la CVEC. Celle-ci étant une taxe affectée, seul un plafond de recettes prévisionnelles figure en projet de loi de finances, ce qui ne nous permet pas d'être pleinement informés de son affectation, ni de pouvoir contrôler son bon usage.

Les résultats de l'enquête nationale menée par le ministère sur les collectes 2018-2019 et 2019-2020 ne sont toujours pas parus et ne devraient pas l'être avant l'automne prochain. Le ministère invoque un ordre des priorités bouleversé par la crise, qui a quand même bon dos. Face à une contestation grandissante, la ministre s'est décidée à diligenter deux missions, l'une confiée aux inspections générales pour dresser un bilan de l'utilisation des crédits CVEC, l'autre à la direction générale de l'enseignement supérieur pour analyser le fonctionnement de la procédure CVEC. Leurs conclusions sont elles aussi attendues pour l'automne.

L'insuffisance des données disponibles fait obstacle au suivi du bon usage d'une taxe payée par les étudiants. Aussi nous demandons au ministère de rapidement mettre en place un suivi plus fin et plus systématique de l'utilisation de la CVEC permettant la publication annuelle de données consolidées au niveau national, de mieux informer le Parlement dans le cadre de l'examen annuel de la loi de finances sur l'affectation des ressources issues de la CVEC, de lever le plafond auquel elle est soumise en loi de finances puisque, par définition, la CVEC doit exclusivement être affectée à l'amélioration des conditions de vie étudiante et ne saurait être reversée à d'autres postes budgétaires.

Une meilleure transparence paraît d'autant plus nécessaire que le produit de la CVEC se révèle être dynamique. Au total, sur les années universitaires 2018-2019 et 2019-2020, ce sont près de 270 millions d'euros qui ont été collectés dont 230 millions d'euros au bénéfice des établissements affectataires et 40 millions d'euros au bénéfice des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). Malgré l'absence de bilan national consolidé, les informations transmises par les établissements et le réseau des oeuvres universitaires permettent d'identifier les principaux domaines faisant l'objet de financements CVEC : l'aide sociale, la santé, la culture, le sport, la vie associative et l'accueil des étudiants. Selon la conférence des présidents des universités, le premier poste de dépenses est l'aide sociale, suivi par le sport, puis la santé et la culture. S'agissant des actions portées par les Crous, les secteurs du social et de la culture sont ceux qui ont le plus bénéficié de l'apport de la CVEC.

De nos auditions, il ressort que la CVEC est un précieux levier pour l'essor et la structuration de la vie étudiante et de campus. Sa création a eu le grand mérite, au-delà de l'aspect financier, d'apporter de la visibilité à la vie étudiante, ce dont elle avait besoin, et de mettre en avant l'enjeu stratégique qu'elle représente à la fois pour la réussite académique des étudiants et l'attractivité des établissements. La CVEC est pour ceux-ci un instrument de déploiement et de pilotage de leur politique de la vie étudiante, et donc un outil au service de leur autonomie. Elle est, pour les étudiants, un vecteur d'association et de participation puisqu'elle repose sur un principe de gouvernance universitaire à travers les commissions CVEC des établissements. Elle constitue une opportunité de développement partenarial dans les territoires, les Crous étant chargés d'impulser des actions impliquant les établissements non-affectataires et plus largement l'ensemble des acteurs engagés dans la vie étudiante, les collectivités notamment. Enfin, elle s'est révélée être un outil rapidement mobilisable en situation de crise. Pour toutes ces raisons, nous estimons que l'instauration de la CVEC constitue une avancée certaine pour la vie étudiante et de campus.

Nous avons néanmoins identifié plusieurs insuffisances ou lacunes dans le dispositif qui est encore jeune, donc perfectible.

M. Bernard Fialaire , co-rapporteur . - Notre premier point de vigilance concerne l'information et l'association des étudiants. Très clairement, il reste beaucoup à faire en la matière pour donner réellement aux étudiants les moyens de s'approprier la CVEC. Nous avons été frappés par le consensus des organisations étudiantes à ce sujet. Toutes pointent un problème de visibilité. Les étudiants ne sont pas au courant des actions financées grâce à elle, ni au fait de ses procédures. Cette critique renvoie à la problématique plus générale de l'accès à l'information qui est centrale dans le monde étudiant et sur laquelle a beaucoup insisté la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante.

Les acteurs institutionnels, représentants des établissements, responsables de Crous, recteurs, ne partagent pas cette appréciation très négative des étudiants. Ils estiment au contraire que d'importants efforts sont faits pour les informer. Il est vrai que de nombreuses bonnes pratiques existent dans les établissements mais elles gagneraient sans doute à être davantage diffusées et partagées. Dans le même temps, nos interlocuteurs ont reconnu que des marges de progression existent, comme l'a souligné la présidente du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) qui a déclaré que « la communication à destination des étudiants doit être remise sur le métier fréquemment ».

Même si la vérité se situe sans doute à mi-chemin entre ces deux positions, l'accès à une information régulière, lisible et complète nous semble être un devoir vis-à-vis des étudiants contributeurs. C'est pourquoi nous préconisons, premièrement, de systématiser l'information des étudiants en amont, au moment du paiement de la CVEC, par exemple via la diffusion d'un livret d'information ou d'un guide pratique. Deuxièmement, nous proposons de généraliser l'utilisation du logo CVEC pour permettre, en aval, l'identification des actions et des projets financés sur crédits CVEC. Nous recommandons, troisièmement, dans le cadre de l'élaboration d'un portail d'information unique recensant l'ensemble des dispositifs dédiés aux étudiants - recommandation formulée par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante -, d'identifier clairement les actions et projets menés grâce à la CVEC. Enfin, nous proposons d'inciter les établissements d'enseignement supérieur à organiser des sessions de formation sur la CVEC à destination de leurs étudiants.

Les représentants étudiants pointent également collectivement le manque d'association active des étudiants aux procédures d'utilisation et de suivi des crédits CVEC, alors que sa création reposait sur une promesse de démocratie participative universitaire. Au niveau des commissions CVEC, les remontées de terrain font état d'un degré de prise en compte des étudiants qui varie fortement d'une instance à l'autre. Dans certains établissements, leur participation se limite à proposer des idées. Dans d'autres, ils sont davantage associés à la prise de décision et au suivi des projets, mais ne disposent pas toujours des moyens et des connaissances nécessaires pour jouer un rôle actif faute de formation. Cette participation encore trop limitée des étudiants explique qu'ils aient le sentiment d'une gestion de la CVEC qui leur échappe et d'être insuffisamment acteurs de sa mise en oeuvre. Le directeur de la vie étudiante au ministère a lui-même reconnu que le système de gouvernance de la CVEC n'avait pas encore trouvé ses marques. Plusieurs interlocuteurs nous ont également alertés sur le fait que ce sont souvent les mêmes représentants étudiants qui siègent dans les instances CVEC au niveau des établissements, des Crous, des rectorats, ce qui ne permet pas de refléter la diversité des publics étudiants et de leurs attentes. Ce constat plaide pour un élargissement du vivier des représentants en incitant tous les étudiants à s'investir et à se mobiliser dans le fonctionnement de la vie étudiante.

Pour permettre aux étudiants de mieux s'approprier la CVEC, nous formulons plusieurs recommandations qui sont les suivantes. Nous suggérons premièrement d'inciter les établissements, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, de déployer un modèle de gouvernance de la CVEC fondé sur la participation active des étudiants. Nous proposons deuxièmement d'encourager les établissements à mettre en place des formations à destination des représentants étudiants siégeant aux commissions CVEC. Nous recommandons troisièmement, à l'occasion de la prochaine rentrée universitaire, de lancer des actions de communication pour promouvoir l'engagement étudiant.

Notre deuxième point de vigilance porte sur les disparités entre étudiants et entre établissements qui, selon nous, appellent un meilleur cadrage national de la part du ministère.

S'agissant tout d'abord des étudiants, certains d'entre eux, pourtant assujettis à la CVEC, ne bénéficient pas ou peu des services et actions qu'elle finance. Tel est notamment le cas des étudiants inscrits dans des établissements non-affectataires, des étudiants effectuant leurs études sur des sites ou antennes délocalisés et des étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles. Or il n'est pas acceptable qu'un étudiant qui paie la CVEC ne puisse pas obtenir un retour sur investissement. Pour permettre à chaque étudiant de tirer les bénéfices de la CVEC dans sa vie de campus, nous estimons nécessaire de mieux prendre en compte l'ensemble des étudiants assujettis à la CVEC tant au niveau de la politique de la vie étudiante menée par les établissements que des projets territoriaux impulsés par les Crous. Nous nous interrogeons en outre sur la différence de traitement entre les élèves de classes préparatoires et les élèves de BTS non assujettis à la CVEC, alors que ces deux catégories d'étudiants suivent leurs formations au sein des lycées.

S'agissant ensuite des établissements, une inégalité originelle existe puisque certains sont affectataires de la CVEC, tandis que d'autres ne le sont pas, en particulier les établissements privés non labélisés établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG). Si un élargissement du périmètre des établissements affectataires ne semble pas évident au regard de la réglementation des finances publiques, il convient a minima de mieux inclure les établissements non-affectataires dans le cadre des projets partenariaux pilotés par les Crous. A ces inégalités vient s'ajouter une hétérogénéité de mise en oeuvre de la CVEC selon les établissements, qui est la contrepartie inhérente à leur autonomie. Ce constat est particulièrement visible au niveau du fonctionnement des commissions CVEC, très différentes d'un établissement à l'autre. Certaines commissions n'ont qu'un rôle consultatif, alors que d'autres sont décisionnaires. Le poids accordé à la représentation étudiante en leur sein varie de 20 % à 50 % ; les sites délocalisés sont parfois représentés mais parfois ne le sont pas. Le respect du principe d'autonomie ne permet certes pas d'imposer aux établissements les modalités des procédures CVEC, mais il appartient au ministère de fixer des orientations et d'assurer un pilotage national pour harmoniser les pratiques.

Afin de garantir un traitement plus équitable des étudiants sur l'ensemble des territoires, nous plaidons pour un cadrage plus qualitatif des établissements, c'est-à-dire : les inciter à garantir un fonctionnement des commissions CVEC conformes aux objectifs de gouvernance participative dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, favoriser l'échange de bonnes pratiques entre les établissements en développant des outils de partage et de diffusion, élaborer au niveau national un référentiel commun de fonctionnement des commissions CVEC portant notamment sur les modalités de représentation et de participation étudiantes.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , co-rapporteure . - Notre troisième point d'alerte porte sur la procédure de gestion de la CVEC par les établissements. Celle-ci est d'abord marquée par sa longueur. Il faut en effet compter six mois entre le paiement de la contribution par les étudiants (printemps de l'année N) et le premier versement aux établissements (fin de l'année N), puis à nouveau six mois entre celui-ci et le second versement (juin-juillet de l'année N+1). Ce laps de temps est source de complexité dans la saisie des écritures comptables, en particulier pour les petits établissements.

L'étalement de la procédure est, en outre, un facteur d'incompréhension chez les étudiants qui s'étonnent de ne pas pouvoir engager des actions une fois qu'ils se sont acquittés de la taxe.

Viennent également se greffer certaines lourdeurs administratives, notamment dues à la multiplication des demandes de remontées d'informations aux établissements de la part de leurs différents interlocuteurs publics (Crous, rectorat, ministère). Celles-ci sont souvent redondantes et ne font l'objet d'aucune centralisation. Dans le but d'alléger et de faciliter la gestion de la CVEC par les établissements, nous proposons donc de mettre à l'étude la possibilité d'un premier versement plus tôt dans l'année et de centraliser et consolider les données transmises par les établissements affectataires, soit au niveau des rectorats, soit au niveau national au moyen d'une plate-forme spécifique.

Notre quatrième remarque concerne le risque d'effet d'éviction financière. Au moment de la création de la CVEC, l'intention était de permettre aux établissements et aux Crous de mettre en oeuvre des actions nouvelles en faveur de la vie étudiante et de campus ou d'augmenter les financements alloués à des actions préexistantes. Cependant, l'attribution d'une nouvelle taxe affectée peut laisser craindre un désengagement de la part des financeurs traditionnels de la vie étudiante au premier rang desquels l'État, les établissements et les collectivités. Sur ce risque potentiel, les avis sont partagés. Plusieurs de nos interlocuteurs ont identifié des signaux dans certains territoires, certes faibles, mais qui doivent inciter à la vigilance pour éviter que la CVEC ne vienne en substitution à d'autres financements. Dans le même temps, le très fort engagement des collectivités en faveur de la vie étudiante a été souligné et salué, notamment dans le contexte de crise.

Face à un risque limité mais néanmoins réel, nous souhaitons réaffirmer que les ressources obtenues grâce à la CVEC ne se substituent pas aux financements apportés par les différents opérateurs publics de la vie étudiante, mais qu'elles viennent bien en plus.

Notre cinquième axe de vigilance porte sur la dynamique partenariale dont est porteuse la CVEC. Son déploiement est, de l'avis de tous les acteurs de la vie étudiante, à géométrie variable selon les territoires. Ce constat s'explique par un degré d'appropriation différent de l'outil CVEC par les Crous. Certains s'en sont très vite emparés pour impulser des projets territoriaux avec les établissements non-affectataires et les collectivités, alors que d'autres peinent à s'engager dans cette dynamique faute de temps et de personnel dédié.

Des marges de progression ont été explicitement identifiées par la présidente du Cnous parmi lesquelles : impliquer davantage d'établissements non-affectataires de la CVEC afin de toucher le maximum d'étudiants sur les territoires, inciter les Crous à partager et diffuser leurs bonnes pratiques, mieux harmoniser les pratiques entre Crous pour traiter équitablement tous les territoires et donc tous les étudiants.

La dynamique partenariale doit aussi être mise en oeuvre au niveau des rectorats puisque les recteurs délégués à l'enseignement supérieur sont chargés de réunir annuellement des conférences territoriales de la vie étudiante. Là encore, de grandes disparités existent d'un territoire à l'autre. Des projets partenariaux financés grâce à la CVEC ont vu le jour dans certaines régions. Dans d'autres, les avancées sont beaucoup plus timides. L'irruption de la crise a néanmoins eu le mérite de mettre un coup d'accélérateur aux échanges entre acteurs territoriaux. Ainsi, à l'initiative de plusieurs rectorats, des ateliers thématiques régionaux portant sur la précarité étudiante ont été organisés, académie par académie, pour faire émerger des solutions coordonnées. Nous estimons qu'il convient de préserver cet acquis de la crise et même de le renforcer en incitant les rectorats à monter en puissance sur cette dynamique territoriale en faveur de la vie étudiante.

M. Bernard Fialaire , co-rapporteur . - Notre sixième et dernier point d'attention concerne la mobilisation exceptionnelle de la CVEC pendant la crise qui oblige à penser l'après.

Dès le début de l'épidémie, la ministre a invité les établissements à utiliser la CVEC pour mettre en place trois types d'actions prioritaires : la satisfaction des besoins alimentaires et hygiéniques des étudiants, le financement d'outils informatiques et de forfaits de téléphonie, l'octroi d'aides financières à ceux ayant perdu leur emploi ou leur stage gratifié. Ces orientations se sont accompagnées d'un assouplissement des obligations procédurales pesant sur l'engagement des crédits CVEC, ce qui a permis un déblocage très rapide des fonds et leur affectation sur des actions urgentes. Les établissements ont ainsi été autorisés à dépasser le plafond de 30 % du montant de la CVEC normalement dédié à l'aide sociale. Selon les données du ministère, 30 millions d'euros de CVEC ont été dépensés par les établissements affectataires pendant la crise, dont 80 % au titre de l'aide sociale. Ces crédits ont prioritairement servi à lutter contre la précarité étudiante sous toutes ses formes : financière, alimentaire, menstruelle, numérique.

De manière unanime, les représentants des établissements ont considéré que la CVEC avait constitué, pendant cette période, un levier d'intervention rapide et efficace ayant fortement contribué à amortir le premier choc de la crise. Les représentants des étudiants ont eux aussi reconnu que ce recours exceptionnel avait été bénéfique pour répondre plus vite aux besoins des plus fragilisés. Cependant, des inquiétudes s'expriment aussi sur ce ciblage de la CVEC sur l'aide sociale et sur l'avenir du financement de la vie étudiante et de campus.

Aussi, il nous paraît important de rappeler la nécessité de ne pas détourner la CVEC de son objectif premier, à savoir l'amélioration et le développement de la vie étudiante et de campus qui requiert des projets structurants inscrits dans la durée. Il ne faut pas non plus substituer les crédits CVEC aux dotations de l'État s'agissant de la prise en charge sanitaire et sociale des étudiants, laquelle exige des financements récurrents et pérennes au regard de l'ampleur des besoins révélés par la crise. Il ne faut pas faire non plus de la CVEC un palliatif au manquement financier de l'État. Une fois ces fondamentaux réaffirmés, nous pensons que la crise doit être mise à profit pour réfléchir dans un cadre concerté à d'éventuelles évolutions de la CVEC.

C'est pourquoi nous proposons de lancer une consultation de l'ensemble des acteurs concernés sur la CVEC d'après-crise portant notamment sur son périmètre d'affectation. Faut-il procéder à un redimensionnement de ses domaines d'affectation, en particulier donner plus de poids au secteur du social et du sanitaire ? Faut-il introduire un fléchage sur ce qui relève du conjoncturel et du structurel ? Le financement des dispositifs exceptionnels mis en place pendant la crise grâce aux crédits CVEC doit-il être prolongé ou transformé ? Faut-il continuer à les financer par le biais de la CVEC ou les faire prendre en charge par l'État ou les collectivités ? En fonction des arbitrages rendus à l'issue de cette consultation, il conviendra de mettre en place un calendrier de sortie de l'usage exceptionnel de la CVEC comprenant des étapes de transition afin d'éviter un retour brutal de la situation d'avant-crise.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , co-rapporteure . - Conscients d'avoir été sans doute un peu longs, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Nous espérons que nos principaux constats et recommandations auront permis d'enrichir la vie étudiante et de campus de demain.

M. Laurent Lafon , président . - Merci à nos deux rapporteurs. Sans plus tarder, j'ouvre la discussion générale.

M. Stéphane Piednoir . - Merci pour cet exposé très complet qui relaie les observations que j'ai pu faire lors de la présentation de mes avis budgétaires. En fait, le péché originel est presque dans l'intitulé de la contribution de vie étudiante et de campus. En effet, si l'on opte pour le terme de CVEC, on est alors en droit d'attendre un retour effectif. Nous sommes nombreux à pointer cette défaillance car il n'y a pas de fléchage de cette manne financière qui coûte 92 euros par étudiant.

Je remercie les deux rapporteurs pour leurs propositions qui contribueront à une meilleure communication, à un fléchage plus lisible de la contribution et à une plus grande transparence. J'espère que ce rapport permettra à ce dispositif de gagner en maturité et en lisibilité. Si la CVEC a été mobilisée à d'autres fins pendant la crise, c'est qu'elle n'avait pas de finalité avant cela. C'est la démonstration par l'absurde.

Vous avez également pointé les disparités dans son utilisation par zone géographique et par typologie d'étudiants. Les étudiants de classes préparatoires sont effectivement assujettis à la CVEC, mais n'ont pas de campus puisqu'ils étudient dans des lycées, tandis que les étudiants de BTS n'y sont pas assujettis alors qu'ils suivent aussi leur parcours dans un lycée. De même, les étudiants des EESPIG paient la CVEC, mais ne perçoivent parfois aucun retour. Le mécontentement est donc en train de monter.

Je souscris bien évidemment à toutes les recommandations visant une meilleure gestion de la CVEC, notamment celle concernant son versement dans des délais plus raisonnables. Merci beaucoup pour votre travail.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci monsieur le président, merci mes chers collègues pour la qualité de votre rapport. C'est la première fois que j'entends un bilan aussi exact et fin de l'utilisation de la CVEC. Jusqu'alors, les informations fournies aux parlementaires étaient très nébuleuses.

Le Gouvernement nous avait promis une taxe affectée pour améliorer le consentement à l'impôt, mais nous constatons que l'affectation des crédits ne permet pas aux étudiants d'obtenir un retour efficace sur la manière dont leur argent est utilisé, ce qui ruine l'argument de départ. Bien entendu, il ne peut y avoir consentement à l'impôt si l'on n'en comprend pas l'objet.

J'entends que vous vous interrogez aussi sur les moyens de pilotage infra-annuel de la contribution, c'est-à-dire comment une augmentation soudaine des besoins en matière de vie étudiante peut affecter l'usage de la CVEC. Cependant, le Parlement n'a pas d'informations sur les outils de pilotage infra-annuel.

Enfin, l'essentiel des recettes perçues par les universités échappe au contrôle du Parlement car elles relèvent du domaine réglementaire. Je pense notamment aux droits d'inscription. Il faudrait peut-être mener une réflexion sur la réappropriation par le Parlement du contrôle des moyens financiers mis à disposition en l'autorisant à discuter du budget des universités. C'est d'ailleurs une tradition ancienne qui remonte à 1956, époque à laquelle le Parlement fixait le prix d'entrée au Louvre ! Sans en arriver là, il me semble juste que le Parlement se réapproprie ces outils budgétaires qui sont fondamentaux au moins à l'occasion d'une discussion qui aurait lieu une fois par an.

M. Laurent Lafon , président . - Avant de vous laisser répondre, je souhaite ajouter quelques mots pour saluer la qualité de votre rapport et la solidité de vos propositions. C'est en effet le premier document de qualité que nous obtenons sur la CVEC.

Vous avez souligné que la CVEC avait permis d'affecter 270 millions d'euros de financement aux universités. Ces fonds ont été très utiles au-delà du contexte sanitaire que nous connaissons. Nous ne sommes pas loin du plafond inscrit dans la loi pour lequel nous nous sommes déjà battus afin de le revaloriser à 140 millions d'euros. Nous devrons sans doute être vigilants à ce sujet lors de la prochaine loi de finances.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , co-rapporteure . - Vous avez tout à fait raison de souligner que l'intitulé même de la CVEC laisse penser que l'étudiant est au centre du système, alors que les associations d'étudiants et les étudiants eux-mêmes s'estiment exclus et déplorent l'absence d'information. Il faut donc absolument que toutes les procédures soient plus lisibles.

Il est, par ailleurs, exact que la CVEC a été très utile pendant la crise et qu'il a été possible de la mobiliser rapidement au point de se demander si elle était aussi efficace en dehors de la crise sanitaire. Celle-ci nous a montré qu'il existait des leviers d'intervention rapides et que les crédits pouvaient être débloqués extrêmement rapidement, notamment pour lutter contre la précarité étudiante.

Avec ce rapport, nous souhaitons tirer des enseignements pour l'avenir et éventuellement redessiner des périmètres. Ces perspectives pourraient porter sur la pérennité des aides sociales, demande portée par certains étudiants, et sur le fonctionnement effectif de la démocratie participative.

M. Bernard Fialaire , co-rapporteur . - Tous les étudiants paient la CVEC sauf les étudiants boursiers les étudiants étrangers et quelques autres étudiants. Ces fonds sont ensuite redistribués aux établissements en fonction de leur effectif total. La quote-part est de 41 euros pour les étudiants des universités et de 20 euros pour ceux des EESPIG. Par le passé, les étudiants payaient des droits d'inscription à la sécurité sociale étudiante de l'ordre 217 euros, alors que la CVEC n'est que de 92 euros.

Sur la méthode, il faisait sens de mener nos travaux en même temps que ceux de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante. Nous regrettons toutefois que les conclusions de la mission d'inspection et de l'audit interne ne soient attendues que pour l'automne. Nous pourrons donc refaire le point à cette échéance sur la base de ces nouvelles informations.

Par ailleurs, laisser de la souplesse en période de crise est une bonne chose, mais nous souhaiterions que les efforts soient renforcés, notamment dans les territoires où il y a des lacunes en infrastructures sportives, culturelles ou de soutien à la vie étudiante. La situation ne pourra être améliorée que par davantage de communication entre les acteurs locaux de la vie étudiante. Dans certains territoires, les établissements éloignés des grands centres universitaires et les établissements non-affectataires peuvent bénéficier de la CVEC grâce à la part gérée par les Crous, ce qui contribue à prendre en compte l'ensemble des étudiants ; telle est bien la mission de la CVEC. Mais c'est un outil encore jeune et dont l'utilisation est aujourd'hui teintée par la crise.

Aujourd'hui, nous avons absolument besoin de la vigilance du Parlement sur le niveau de son plafond de recettes prévisionnelles et sur l'harmonisation des pratiques au niveau national.

Mme Monique de Marco . - Ce rapport est très intéressant mais il serait utile de disposer d'un suivi de l'utilisation de la CVEC. Un nouveau point d'étape pourrait donc être organisé d'ici un an, après avoir obtenu les données qualitatives et quantitatives qui vous manquent encore, notamment pour vérifier si vos préconisations ont été suivies d'effets.

M. Laurent Lafon , président . - Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de suivre attentivement l'usage de la CVEC. Après ce point d'étape très utile, il faudra confronter votre vision avec celle des deux missions engagées par le ministère. Lors de la prochaine loi de finances, nous devrons aussi être collectivement vigilants et notre rapporteur budgétaire le sera, je n'en doute pas.

Pour conclure, je dois vous demander l'autorisation de publier ce rapport.

La commission autorise la publication du rapport d'information .

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