B. LA RÉVISION DE LA LOI « BICHET » DOIT DÉSORMAIS ÊTRE COMPLÉTÉE PAR UNE RÉVISION DU RÉGIME DES AIDES À LA PRESSE

La loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse est venue modifier en profondeur la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques (dite « loi Bichet »). Elle révise en premier lieu la régulation du secteur, désormais confiée à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).

1. Quel avenir pour la distribution postale de la presse ?

Une évaluation sur le long terme permet de constater une diminution de la part des ventes de titres de presse en magasin au profit de la diffusion postale et du portage. En 2018, plus de 6 000 publications, soit la quasi-totalité des titres inscrits sur les registres de la commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP), ont été distribuées par La Poste. 887 millions d'exemplaires de journaux et magazines ont été ainsi diffusés en 2019. Il s'agit là du principal canal de diffusion de la presse abonnée.

Les journaux et écrits périodiques ont la possibilité de bénéficier de tarifs préférentiels auprès de La Poste. L'État verse chaque année à La Poste une compensation pour financer le transport postal. Il convient, à ce stade, de relever que de 2009 à 2020, l'État a réduit de plus de 62 % sa contribution. Cette baisse substantielle reste difficilement amortissable. Le coût net de la mission de service public pour La Poste s'est ainsi élevé à 186 millions d'euros en 2019. Ce déficit, constitue, de fait, une aide supplémentaire à la presse.

Au-delà de la question du coût, trois éléments incitent aujourd'hui à une révision de ce soutien :

- une attrition des volumes de presse postés (- 35 % entre 2013 et 2018). Les projections indiquent, par ailleurs, que les volumes de presse postés devraient être divisés par 2,5 d'ici six ans, pour descendre à 300 millions d'exemplaires en 2026, ce qui induit un changement de modèle ;

- une baisse concomitante de la qualité du transport postal , relevé notamment par les éditeurs;

- une inadaptation plus globale de la distribution postale des quotidiens qu'il s'agisse du coût de cette distribution, de son impact écologique voire de son sens à l'heure du numérique.

Réunie à la demande du ministère de la culture, la mission Giannesini propose aujourd'hui de réviser à la hausse la grille tarifaire de La Poste et d'améliorer dans le même temps le soutien aux éditeurs en faveur du transport postal tout en favorisant l'ouverture des réseaux de portage et l'intérêt des éditeurs pour ces structures. Cette réforme apparaît tout aussi nécessaire que couteuse (40 millions d'euros la première année).

2. La nécessité de mettre en oeuvre une aide unique, destinée à accompagner les stratégies industrielles des titres

La distribution ne peut constituer le seul biais en vue d'une réforme des aides à la presse écrite. L'ajustement des tarifs postaux ne saurait, en effet, occulter une réflexion plus poussée sur la corrélation entre la nature des aides et leur modalités d'attribution d'un côté et les défis posés en termes industriels par la mutation de l'accès à l'information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse de l'autre.

La grille d'analyse sous-jacente à la maquette budgétaire tend en effet à souligner une inadéquation entre les enjeux actuels et les réponses, pour parties dépassées qui y sont apportées au plan financier. L'aide à la presse doit désormais être conçue comme une aide à l'investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n'ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s'agit de passer d'une logique de rafistolage à celle d'un accompagnement rationnel.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial plaide pour la refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Cet aggiornamento doit également permettre de supprimer les aides obsolètes, à l'instar des aides à l'exportation.

À côté de cette aide unique au titre, subsisterait un programme d'aide à la modernisation des distributeurs de presse, afin de les aider à maintenir leur activité et à s'adapter, une fois encore à l'évolution du lectorat.

3. La question de la qualification IPG

Les aides à la presse sont aujourd'hui principalement concentrées sur la presse d'information politique et générale (IPG). La qualification de presse d'IPG ouvre droit au bénéfice des aides indirectes (postales et fiscales) et des aides au pluralisme, au portage et à la modernisation. 99 % des aides seraient ainsi, selon le ministère de la culture, fléchées vers la presse IPG, au risque de faire passer ce critère comme une « fortification » protégeant certains titres.

Outre les mensuels Marie-Claire et Vanity Fair, les titres jeunesse Okapi et Phosphore, mais aussi Sélection Reader's Digest ont été reconnus, en février dernier, comme des médias IPG. Au regard du lien ténu entre ces publications et la notion d'information politique et générale, il y a lieu de s'interroger sur la validité de ce critère et, in fine , sur le ciblage retenu dans le cadre de l'attribution des aides à la presse.

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