III. UNE DOUBLE CRISE QUI INCITE À UNE RÉVISION EN PROFONDEUR DU RÉGIME DES AIDES À LA PRESSE ÉCRITE
Les difficultés structurelles rencontrées par le secteur depuis quelques années ont été renforcées par la crise sanitaire. Celle-ci a débouché sur de nouvelles mesures de soutien.
Les aides à la presse représentaient, avant la mise en place de nouveaux dispositifs dans le cadre du Plan de relance ( cf infra ), 21,4 % du chiffre d'affaires du secteur , soit une progression de 6 points sur les dix dernières années.
Il y a lieu de s'interroger dans ces conditions tant sur le risque qu'une telle dépendance aux fonds publics peut faire peser sur l'indépendance de la presse que sur la pertinence des dispositifs mis en place . Ceux-ci permettent, en effet, de maintenir sous perfusion un secteur sans l'inciter réellement à mener à bien les choix industriels nécessaires en vue de s'adapter aux nouvelles habitudes de lecture . Un changement de philosophie apparaît indispensable, la crise sanitaire ayant manifestement accéléré cette mutation du lectorat.
L'absence d'évolution majeure du régime des aides à la presse conduit en effet inévitablement à la transformation de celui-ci en un mécanisme de rente .
A. LA CRISE SANITAIRE EST VENUE EXACERBER LES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES D'UN SECTEUR DÉJÀ FRAGILISÉ PAR L'EFFONDREMENT DE PRESSTALIS
1. La crise sanitaire a conforté les nouvelles habitudes de lecture
La diffusion de l'ensemble des titres de presse, qui était stabilisée autour de 7 milliards d'exemplaires pendant près de vingt ans connaît une forte érosion depuis 2009. Celle-ci est liée en grande partie à la chute de la diffusion de la presse gratuite d'annonces. Il n'en demeure pas moins que tous les types de presse sont concernés. Ainsi en 2018, la diffusion de l'ensemble des titres de presse s'établissait à 3,2 milliards d'exemplaires, soit une baisse de 43,5 % depuis 2009.
Entre 2009 et 2018, la plupart des acteurs ont connu une baisse de leur diffusion de 50 %, la presse locale d'information enregistrant une moindre baisse, établie à environ 30 %. L'indicateur 2.1 du programme 180 « Presse et médias » traduit assez nettement cette attrition.
Indice de diffusion de la presse écrite d'IPG nationale et locale (quotidiens payants et gratuits et magazines hebdomadaires)
(Base 100 en 2007)
2018 |
2019 |
2020 (prévision actualisée) |
2021 (prévision) |
2023 (cible) |
72,5 |
70 |
64,9 |
63,2 |
59,9 |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La crise sanitaire est, dans ces conditions, venue aggraver une situation déjà délicate pour la plupart des acteurs de la filière.
a) Des difficultés pour l'ensemble des éditeurs...
La perte de chiffre d'affaires pour l'ensemble du secteur est estimée, par le ministère de la culture, à 1,9 milliard d'euros en 2020 , soit une chute de 16 % par rapport à 2019 39 ( * ) . Circonscrite aux éditeurs de journaux, la perte atteint 559 millions d'euros par rapport à 2019 (- 15 %), les éditeurs de revue et de périodiques enregistrant un recul de 728 millions d'euros (- 16 %).
Toutes les familles de presse ont été fragilisées par la crise sanitaire et la liquidation concomitante de Presstalis. La diffusion de la presse quotidienne nationale en version papier a ainsi chuté de 25 % en 2020, celle de la presse quotidienne régionale de 7 %. La presse hebdomadaire régionale enregistre, quant à elle, un recul de sa diffusion papier de 5 %. Cette décrue se poursuit en 2021. Les ventes au numéro chutent de 22 % pour les quotidiens nationaux sur la période Janvier-Février, celles des quotidiens régionaux de 9 % et celles de la presse hebdomadaire régionale de 7 %.
Les abonnements numériques ne compensent pas pour la presse régionale cette forte attrition de la diffusion papier.
b) ... et la plupart des points de vente
L'activité presse moyenne d'un magasin spécialisé indépendant a de son côté baissé de 4,2 % par rapport à 2019.
Les chiffres transmis par Culture presse au rapporteur spécial mettent en avant, dans le réseau des diffuseurs, une progression des ventes magazines de 1,4 %, qui contraste avec la chute de 17 % des ventes. L'arrêt de toute manifestation sportive, puis une reprise sans public, ont pesé sur les ventes de l'Équipe qui tend à modeler la tendance, mais également des quotidiens hippiques. Cette baisse relative n'a toutefois pas été inversée, la fréquentation des points de vente n'étant pas revenue à son niveau d'avant crise. La perte du nombre de clients est ainsi estimée à 10 %, soit un million de clients en moins chaque jour pour le réseau des magasins indépendants.
L'exercice 2020 a par ailleurs été marqué par la suppression de 1 068 points de vente, 4,9 % du total ( cf. supra ), soit une nette accélération du rythme des fermetures , qui n'avait concerné que 2,6 % des points de vente l'année précédente. Ce mouvement de fermeture a été pour partie ralenti par l'accès de ces commerces aux dispositifs d'aides transversaux mis en place par l'État mais aussi plus largement par le dispositif d'accompagnement de la liquidation de Presstalis et du lancement de France Messagerie ( cf infra ) qui a permis de maintenir les marges des marchands sur leur activité presse.
Impact de la crise sanitaire sur différents indicateurs en 2020
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat
2. Une baisse des recettes publicitaires antérieure à la crise sanitaire
En dépit de la progression des téléchargements, la crise sanitaire est venue exacerber les difficultés rencontrées par le secteur qui se résument principalement à une chute des ventes et à une attrition concomitante des recettes publicitaires.
Les recettes des éditeurs de journaux et magazines proviennent principalement de quatre postes :
- la vente au numéro ;
- les abonnements ;
- les recettes publicitaires ;
- les recettes d'annonces.
Le chiffre d'affaires réalisé par les éditeurs grâce à leurs activités presse (ventes d'exemplaires et recettes publicitaires) aurait baissé de 3,9 % en 2018 par rapport à 2017 pour s'établir à 6,5 milliards d'euros (10,6 milliards d'euros en 2000). Sur les dix dernières années, le chiffre d'affaires de la presse s'est réduit de plus d'un tiers.
Les recettes liées aux ventes (numéros et abonnements) étaient ainsi en baisse de - 3,9 % en 2018, par rapport à l'année précédente. Le chiffre des recettes de ventes a diminué de 23 % : si une stabilité des recettes d'abonnement est observable, elle ne permet pas de compenser une décrue de 38 % des recettes de ventes au numéro.
Part des recettes dans le chiffre d'affaires pour l'ensemble de la presse payante
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 (p) |
2018 (p) |
|
Part des recettes de ventes dans le chiffre d'affaires |
65,8% |
64,8% |
66,6% |
67,7% |
69,4% |
69,6% |
70,2% |
70,6% |
71,1% |
Part des recettes de publicitaires dans le chiffre d'affaires |
34,2% |
35,2% |
33,4% |
32,3% |
30,6% |
30,4% |
29,8% |
29,4% |
28,9% |
Note : le chiffre d'affaires retenu dans le tableau correspond aux seules activités presse, qui ne constituent qu'une partie du chiffre d'affaires des éditeurs, ces derniers ayant fortement diversifié leurs sources de revenus (événementiel, services aux entreprises, etc.)
Source : Direction générale Médias et Industries culturelles, ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire 2021
En 2018, le chiffre d'affaires était réalisé pour environ 71 % par les ventes de journaux ou périodiques (par numéro ou par abonnement) et pour près de 29 % par la publicité (même si celle-ci est en nette baisse de 13 points sur les 10 dernières années). Les recettes des ventes par abonnement deviennent la principale composante du chiffre d'affaires des éditeurs , tendance appelée à progresser au regard des nouveaux modèles économiques des éditeurs de presse.
Part des recettes de ventes dans le chiffre d'affaires par famille de presse
(en %)
Famille de presse |
2010 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 (p) |
2018 (p) |
|
Part des recettes de ventes au numéro et par abonnement dans le chiffre d'affaires |
Presse Quotidienne Nationale |
61,0 |
64,4 |
66,8 |
67,6 |
67,3 |
65,9 |
66,1 |
65,5 |
Presse Quotidienne Régionale |
61,3 |
63,9 |
64,9 |
66,2 |
66,8 |
67,3 |
68,4 |
68,9 |
|
Presse magazine grand public |
75,2 |
74,8 |
74,8 |
75,7 |
78,2 |
78,1 |
78,5 |
80,3 |
|
Presse magazine technique et professionnelle |
50,5 |
51,4 |
57,1 |
56,8 |
54,2 |
58,1 |
58,0 |
56,9 |
Source : Direction générale Médias et Industries culturelles, ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire 2021
Il convient par ailleurs de rappeler que de nombreux éditeurs ont diversifié leurs activités ( business to business et business to consumer ) dans l'événementiel ou les services aux entreprises. Le chiffre d'affaires des activités presse tend ainsi à reculer dans le chiffre d'affaires des éditeurs.
a) Une tendance structurellement baissière
Les chiffres transmis par la direction générale Médias et Industries culturelles révèlent avant la crise sanitaire une baisse notable des recettes publicitaires depuis 2011. La part des recettes liées aux publicités et aux annonces dans la presse payante est en effet en constante diminution : établie à près de 35 % du chiffre d'affaires en 2011 elle est ramenée à 28,9 % en 2018.
Le recul des recettes publicitaires (recettes de publicités et d'annonces) est particulièrement net au cours des derniers exercices : - 5,8 % en 2018 par rapport à 2017 puis -4,1 % en 2019 par rapport à 2018.
Si la part des recettes publicitaires dans le chiffre d'affaires de la presse quotidienne nationale a progressé en 2018, elle résulte d'un effet mécanique lié à une forte baisse des abonnements papiers. La baisse des revenus publicitaires la plus prononcée concerne la presse magazine grand public (- 1,8 point), secteur marqué jusqu'alors par une grande stabilité des revenus publicitaires.
Part des recettes publicitaires dans le chiffre d'affaires par famille de presse
(en %)
Famille de presse |
2010 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 (p) |
2018 (p) |
|
Part des recettes de publicités et d'annonces dans le chiffre d'affaires |
Presse Quotidienne Nationale |
39,0 |
35,6 |
33,2 |
32,4 |
32,7 |
34,1 |
33,9 |
34,5 |
Presse Quotidienne Régionale |
38,7 |
36,1 |
35,1 |
33,8 |
33,2 |
32,7 |
31,6 |
31,1 |
|
Presse magazine grand public |
24,8 |
25,2 |
25,2 |
24,3 |
21,8 |
21,9 |
21,5 |
19,7 |
|
Presse magazine technique et professionnelle |
49,5 |
48,6 |
42,9 |
43,2 |
45,8 |
41,9 |
42,0 |
43,1 |
Source : Direction générale Médias et Industries culturelles, ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire 2021
Les recettes publicitaires totales reculent, en outre, sans que les recettes de la publicité en ligne, en grande partie captées par les géants du numérique (Google, Facebook, etc.), puissent compenser cette tendance : par exemple, les recettes publicitaires display de la presse sont en baisse (- 2 %) en 2017 alors que le marché du display est en croissance (+ 20 %).
b) Un effondrement en 2020
Le Baromètre Unifié du Marché Publicitaire constate en 2020 une baisse des dépenses de communication (-21,6%) supérieure au recul de l'activité économique. Cette réduction est nettement plus importante que celle constatée en 2009 : -8,5 %.
La presse papier a, dans ce contexte, perdu 23,7 % de ses recettes publicitaires par rapport à 2019 , les recettes publicitaires de la presse papier dépassant à peine 1,5 milliard d'euros. Toutes les familles de presse sont concernées par cette baisse.
Évolution des recettes publicitaires de la presse papier en 2020
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat
Les recettes sont cependant restées stables en ligne, même si des situations contrastées ont pu être observées selon la part de publicité programmatique et l'évolution des audiences de chacun des éditeurs. La presse quotidienne régionale a présenté des performances particulièrement intéressantes : +9 %. Reste que ces revenus supplémentaires ne couvrent que 5 % des pertes liées à la publicité imprimée.
Les perspectives pour 2021 sont également inquiétantes. Les mesures de confinement adoptées fin mars 2021 devraient affecter la reprise. Le rebond de 10 % des recettes publicitaires attendu pourrait être ramené à 8 %. Une baisse de 9 % du nombre d'annonceurs est également attendue, avec un risque croissant de transfert des opérations de communication vers d'autres supports.
Face à l'effondrement des recettes publicitaires mais aussi des flux financiers liés aux petites annonces, privées ou judiciaires et légales ( cf infra ) , l'évolution du chiffre d'affaires tend à montrer une dépendance accrue aux abonnements. Une telle évolution axée autour de la fidélisation du lectorat rend encore plus cruciale la question de la distribution du journal et induit une réflexion sur l'orientation des aides autour de ce sujet.
Répartition du chiffre d'affaires selon les recettes
(en pourcentage)
Source : Direction générale Médias et Industries culturelles, ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire 2021
La réforme des annonces judiciaires et légales et ses conséquences
Les annonces légales et judiciaires (AJL) représentent une manne annuelle de 240 millions d'euros pour la presse écrite. Cette recette est appelée à diminuer sensiblement au cours des cinq prochaines années.
Aux termes de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955, la publication des AJL est réservée à la seule presse imprimée. La procédure d'habilitation a cependant été révisée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », afin de tenir compte de l'émergence de la presse numérique. Ainsi, les SPEL sont désormais éligibles à la publication d'AJL.
Cette ouverture s'accompagne de la mise en place d'une nouvelle grille de tarification. La loi Pacte prévoit en effet la mise en oeuvre de tarifs forfaitaires dès janvier 2021 pour les annonces relatives à la constitution de sociétés. Ces forfaits doivent prendre la forme d'un tarif fixe, quelle que soit la taille de l'annonce, et différencié selon la forme juridique de la société créée. De plus, des tarifs forfaitaires spécifiques à l'outre-mer seront mis en place afin de tenir compte de la situation particulièrement dégradée de la presse dans ces territoires. D'autres catégories d'AJL pourront faire l'objet d'une tarification forfaitaire au cours des années suivantes. Les AJL ne faisant pas l'objet d'une tarification forfaitaire restent quant à elles facturées à la ligne.
La loi Pacte prévoit dans le même temps la détermination d'une trajectoire quinquennale de dégressivité du tarif de publication des annonces (forfait pour les annonces concernées et tarif au signe pour les autres). La période de 5 ans doit permettre aux éditeurs de faire évoluer leur modèle économique afin de faire en sorte que cette diminution tarifaire leur soit soutenable. Une première baisse des tarifs de 2,1 % a été mise en oeuvre au 1 er janvier 2020 en France métropolitaine. Afin de tenir compte de la situation exceptionnelle causée par la crise sanitaire, la dégressivité des tarifs est suspendue en 2021.
Source : commission des finances du Sénat
3. La liquidation de Presstalis résout une difficulté conjoncturelle majeure mais ne règle pas définitivement la question de la distribution
La loi de finances pour 2020 prévoyait un financement par l'État de Presstalis à hauteur de 27,79 millions d'euros, via l'aide à la distribution.
À la suite de la cessation des paiements de Presstalis en avril 2020, (l'impasse de trésorerie était alors estimée à 50 millions d'euros), l'État s'est engagé pour assurer les besoins de financement de la société avant sa reprise par une nouvelle structure :
- 35 millions d'euros ont été dégagés via un prêt du Fonds de développement économique et social (FDES) ;
- 17 millions d'euros ont, par ailleurs, servi au financement de la période intercalaire permettant aux actionnaires de finaliser leurs négociations pour éviter une liquidation sèche de la société.
La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a, également, permis de dégager 68 millions d'euros afin d'amorcer la reprise d'une partie des activités de Presstalis (la partie dépôt étant, à l'exception du site de Paris - Bobigny, liquidée) par la CDQ et la nouvelle société France Messagerie, via la création d'une troisième section de l'aide à la distribution 40 ( * ) . Celle-ci concerne les sociétés coopératives de groupage de presse qui sont associées d'une société agréée de distribution de la presse assurant la distribution de quotidiens nationaux d'information politique et générale. Seule la CDQ, structure de reprise de France Messagerie, est de jure éligible à cette section de l'aide. Un prêt de 12 millions d'euros à la CDQ vient compléter cette aide directe. D'une maturité de 6 ans son remboursement devrait débuter le 1 er janvier 2022.
Ce soutien de l'État a été conditionné à la prise en charge par les éditeurs du coût des départs pour la période 2021-2022 (133 salariés licenciés au niveau 1 auxquels s'ajoutent les 512 postes supprimés au titre de la suppression des activités de dépositaire). Ce coût est estimé à 47 millions d'euros. Une contribution de 2,25 % versée par les éditeurs permet un premier financement à hauteur de 27 millions d'euros. Une nouvelle contribution exceptionnelle, de la part des 30 premiers éditeurs, est instaurée pour les 20 millions d'euros restants.
L'État a également réglé les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019 (16,23 millions d'euros) et à hauteur de 11,56 millions d'euros, les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020.
Il convient de rappeler à ce stade que 436 éditeurs de presse ont perdu environ 120 millions d'euros de créances. La troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit en outre l'octroi d'une aide de 8 millions d'euros aux éditeurs IPG particulièrement touchés par la crise de la distribution de la presse et la faillite de Presstalis. Ce dispositif a bénéficié à 31 éditeurs.
L'aide aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes, accordée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative et dotée de 19 millions d'euros s'inscrit également dans le prolongement de la liquidation de Presstalis.
L'aide aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes
Cette aide exceptionnelle est destinée à répondre aux difficultés des 10 500 diffuseurs et spécialistes face aux mouvements de grève liés à la mise en redressement judiciaire de Presstalis. Trois dispositifs similaires avaient été instaurés en 2009 (50 millions d'euros reversés à 12 500 diffuseurs), 2011 (14 millions d'euros attribués à 10 000 diffuseurs) et 2014 (0,72 million d'euros attribué à 480 entreprises).
Forfaitaire, le montant de l'aide dépend de la zone géographique. Elle vise particulièrement les marchands dépendant des anciens dépôts de Presstalis SAD (Ajaccio, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Rennes, Toulouse et Tours) et SOPROCOM (Avignon, Bastia, Crépy-en-Valois, Fréjus, Le Mans, Nancy), particulièrement concernés par les mouvements sociaux, notamment à Lyon et Marseille.
1 500 euros sont donc attribués aux 6 619 diffuseurs indépendants et spécialistes non rattachés à un dépôt SAD et SOPROCOM. 2 000 euros sont versés aux 3 224 kiosques et aux diffuseurs indépendants et spécialistes qui étaient rattachés à un dépôt appartenant au niveau 2 de Presstalis, en dehors des zones de Lyon et Marseille. 3 000 euros sont enfin versés aux 680 diffuseurs indépendants et spécialistes qui étaient rattachés aux dépôts SAD de Lyon et Marseille.
Au 9 février 2021, 5 925 diffuseurs avaient été payés pour un montant de 10,6 millions d'euros.
Il convient de rappeler à ce stade que les diffuseurs ne sont pas traditionnellement couverts par le régime des aides à la presse.
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire et au questionnaire du rapporteur spécial
L'État a, en outre, renoncé aux créances dues par Presstalis au titre des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) octroyés en 2012 et 2015, le montant de cet abandon de créances est estimé à 86 millions d'euros, dont 7 millions d'euros d'intérêts.
Au final, en additionnant les abandons de créances aux crédits accordés en loi de finances initiale puis dans le cadre du troisième collectif budgétaire, l'aide de l'État accordée en vue de la liquidation de Presstalis et du lancement de France Messagerie s'est élevée à 300,58 millions d'euros en 2020. Un nouvel abandon de créances visant cette fois-ci 90 millions d'euros accordé en 2018 par le FDES aux deux actionnaires de Presstalis, la Coopérative de distribution des magazines (CDM) et la Coopérative de distribution des quotidiens (CDQ) est également envisagé .
Crédits dédiés à l'accompagnement de liquidation de Presstalis et son remplacement par France Messagerie
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Dans le cadre de ses nouvelles missions ( cf infra ), l'ARCEP a, de son côté, élaboré un cahier des charges pour les messageries de presse. Après avoir obtenu l'aval du ministère de la culture, ce document a été publié par décret le 13 avril 2021 41 ( * ) . Il devrait servir de feuille de route aux nouveaux acteurs, à l'instar de France Messagerie. Un agrément définitif devrait être accordé aux distributeurs d'ici la fin 2021 et consolider ainsi la position de France Messagerie.
L'ARCEP a, par ailleurs, favorisé le rapprochement de France Messagerie et des Messageries lyonnaises de presse en vue de la mise en place, en juillet 2022, d'un système d'information commun.
La situation du nouvel opérateur apparaît cependant toujours aussi fragile, dépendante de nombreux aléas, qu'il s'agisse des restrictions d'activité liées aux mesures sanitaires ou, plus structurellement, à l'attrition du nombre de lecteurs de journaux papiers. Rien n'indique aujourd'hui que les moyens dédiés par l'État à la sauvegarde de Presstalis, qui ont pour partie manqué au soutien à une nouvelle stratégie industrielle pour la presse, ne soient pas de nouveau à l'avenir fléchés vers le maintien sous assistance respiratoire de France Messagerie au détriment d'un soutien plus ciblé en faveur de la modernisation.
* 39 Analyse de l'impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels - Secteur de la presse, Département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture.
* 40 Décret n° 2020-814 du 30 juin 2020.
* 41 Décret n° 2021-440 du 13 avril 2021 portant cahier des charges des sociétés agréées de distribution de la presse.