DEUXIÈME PARTIE
UN
FINANCEMENT ET UNE RÉALISATION DU PROJET ASSURÉS PAR UNE AGENCE
AD HOC, À GOUVERNANCE PARTAGÉE
I. UN OPÉRATEUR NOUVELLEMENT CRÉÉ, EN VUE D'ASSURER LA CONCERTATION ENTRE LES PARTIES PRENANTES ET UNE EFFICIENCE DANS LE DÉVELOPPEMENT DU PROJET
A. UNE AGENCE DU NUMÉRIQUE DE LA SÉCURITÉ CIVILE (ANSC) À GOUVERNANCE PARTAGÉE ENTRE L'ÉTAT ET LES ÉLUS LOCAUX
1. Une impulsion nationale qui ne peut s'affranchir d'une implication locale
a) Après l'expérience d'ANTARES, une voie nouvelle à trouver pour associer les futurs utilisateurs
Une méthode de gouvernance innovante a été préconisée par l'étude de faisabilité, sur fond des « stigmates laissées par ANTARES » , ainsi que l'évoquait l'ancienne présidente du conseil d'administration de l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), Françoise Dumont. Comme l'avait aussi souligné le rapporteur spécial dans un précédent rapport d'information 11 ( * ) , la gouvernance associée au projet ANTARES présentait plusieurs limites qui fragilisaient la bonne participation des utilisateurs finaux dans le processus de développement.
Dès l'étude de faisabilité, les réflexions en faveur d'une gouvernance plus adaptée aux besoins des utilisateurs ont été menées, et notamment à la lumière des limites constatées pour ANTARES. Ces réflexions ont ainsi abouti sur le double enjeu de garantir une gouvernance partagée et de mettre en place une structure ad hoc pour le portage du projet , en associant le ministère de l'intérieur, les SIS et les élus locaux.
b) La création d'un nouvel opérateur sur le modèle de l'EPA
Alors que le nombre d'opérateurs de l'État s'accroit, ainsi que leurs dépenses, la création d'un nouvel organisme au seul titre du développement d'un projet numérique n'est pas anodine . D'autant plus que l'objectif de rationaliser le paysage administratif a été soutenu par les précédents gouvernements, et plus récemment formalisé par une circulaire du 5 juin 2019 12 ( * ) du Premier ministre Édouard Philippe - certes postérieure à la création de l'ANSC en 2018. Par ailleurs, l'agence déroge à l'un des trois critères principaux permettant la qualification d'opérateurs de l'État, soit : une activité de service public, un contrôle direct par l'État, et un financement assuré majoritairement par l'État. Ce dernier critère, comme précisé infra, n'est pas respecté pour l'ANSC. Mais ainsi que le précise l'annexe budgétaire relative aux opérateurs de l'État (« Jaune opérateurs »), il est toutefois possible d'accorder cette qualité à « des organismes ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considérés comme porteurs d'enjeux importants pour l'État » .
La création d'un nouvel établissement public administratif (EPA), à travers la constitution de l'ANSC, s'est donc imposée , aucun autre modèle de structure ne donnant satisfaction quant aux objectifs recherchés pour le portage du projet. En effet, le modèle ciblé par l'étude de faisabilité devait à la fois permettre la représentation de l'État et des SIS, assurer l'agrégation des ressources nécessaires auprès des futurs bénéficiaires de NexSIS 18-112, et garantir l'efficacité du pilotage d'un projet d'intérêt public.
Or les autres options - recours à une structure privée ou à un partenariat public-privé, service à compétence nationale de l'État, groupement d'intérêt public (GIP), établissement public interdépartemental d'incendie et de secours (EPIDIS) - ne permettaient pas de satisfaire tout ou partie de ces critères.
Le régime de l'EPA permet ainsi à l'agence d'être majoritairement soumise au droit public, de disposer d'une certaine autonomie administrative et financière, afin de remplir une mission d'intérêt général précisément définie, sous le contrôle de l'État, des collectivités et des SIS.
2. Une double tutelle du ministère de l'intérieur
Le contrôle de l'État sur l'ANSC est prévu selon les modalités de droit commun de la tutelle sur ses opérateurs . Cette tutelle est exercée par le ministère de l'intérieur, d'abord représenté par la seule direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), puis, à compter de 2020, par la direction du numérique de ce ministère (DNUM). Comme l'a souligné Françoise Dumont, le contexte dans lequel s'est faite cette adjonction de la DNUM a généré des inquiétudes parmi les acteurs de la sécurité civile, qui craignaient une marginalisation de la DGSCGC dans la tutelle. Elle répondait en fait à une nouvelle obligation réglementaire consécutive à la création de cette nouvelle direction en charge des outils numériques 13 ( * ) , et le ministère de l'intérieur a veillé à conserver un rôle de « tête de pont » pour la DGSCGC, responsable « métier » de la sécurité civile dans l'exercice de la tutelle.
3. Un conseil d'administration de l'agence qui laisse une place importante aux élus locaux
a) Une représentation paritaire entre l'État et les collectivités
Le conseil d'administration compte 11 membres avec voix délibérante, et assure une parité de représentation entre l'État et les collectivités.
Composition du conseil d'administration de l'ANSC
Source : ANSC, rapport d'activité de l'année 2019
b) Une présidence du conseil d'administration confiée à un président de CASDIS
Le décret n° 2018-856 du 8 octobre 2018 constitutif de l'ANSC prévoit en outre que la présidence du conseil d'administration de l'ANSC revient à l'un des membres siégeant en qualité de président ou vice-président de conseil d'administration de SIS (CASDIS).
L'attribution de ce mandat à un élu local contribuait également à garantir l'association des collectivités territoriales dans le développement et le financement du projet . L'action menée par la première titulaire de ce mandat, Françoise Dumont, a semble-t-il répondu à ces attentes, malgré sa démission en septembre 2020 - son élection en tant que sénatrice l'ayant contrainte à quitter ses fonctions de présidente du conseil d'administration du SDIS du Var, et de facto à ne plus pouvoir présider celui de l'ANSC. Tel que le prévoit le décret de 2018 précité, l'intérim est désormais assuré par le DGSCGC, lequel a néanmoins tenu à ce que Françoise Dumont puisse formellement participer aux réunions de l'ANSC en qualité d'experte.
Cette situation transitoire, qui devait durer jusqu'aux prochaines élections départementales et au renouvellement consécutif des CASDIS, initialement prévu en mars 2021, s'est finalement prolongée à la suite du report des élections. Leur échéance étant désormais fixée en juin, il importe qu'un prochain conseil d'administration de l'agence puisse se réunir peu après pour assurer la nomination d'un nouveau président , d'autant que la phase de déploiement dans les premiers SIS est imminente.
Recommandation n° 3 : Nommer au plus tôt un nouveau président du conseil d'administration de l'ANSC à la suite des prochaines élections départementales, afin de garantir la présence d'un président de conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours à la tête de l'ANSC avant le début de la phase de déploiement.
* 11 Rapport d'information n° 365 (2015-2016) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 février 2016.
* 12 Cette circulaire prévoit un plusieurs axes de réduction du nombre d'opérateurs, à travers des suppressions et regroupements.
* 13 Article 3 du décret n°2019-994 du 27 septembre modifiant le décret n°2013-728 du 12 août 2013 modifié portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer .