D. UNE RÉFORME PAS FINANCÉE À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS
1. L'absence de plan de financement
La loi du 24 juillet 2019 réforme en profondeur l'accès aux études de santé, sans toutefois qu'un plan de financement lui soit associé .
Or, dès l'examen du projet de loi, au printemps 2019, le rapporteur de la commission, Laurent Lafon, notait que « la transformation de places de PACES en places de majeures ou de mineures « santé » sera nécessairement coûteuse , de l'ordre de 500 à 2 000 euros supplémentaires par étudiant et par an ; à ce stade aucun chiffrage n'a été donné par les ministères. Des augmentations de coûts liées aux nouvelles épreuves du concours sont également à attendre et ne sont pas non plus chiffrées à ce stade. » 4 ( * ) Puis, à l'automne 2019, le rapporteur de la commission pour les crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, alertait sur « le risque d'une mise en place a minima faute de moyens suffisants » 5 ( * ) .
Si l'ancien système de la PACES était l'une des formations de premier cycle les moins onéreuses (de l'ordre de 2 000 euros par an et par étudiant), tel n'est pas le cas du nouveau dispositif pour plusieurs raisons :
• il concerne l'ensemble des composantes universitaires, engendrant un « effet volume » ;
• il repose sur la création de nouvelles filières de formation, requérant les besoins pédagogiques et matériels correspondants ;
• il prévoit une augmentation des capacités d'accueil, impliquant des moyens supplémentaires pour la formation et l'accompagnement des étudiants.
Ces éléments auraient justifié une programmation pluriannuelle des financements nécessaires au déploiement de la réforme .
2. Un manque de transparence dans l'allocation des moyens dédiés à la réforme
La loi de finances pour 2020 a prévu une enveloppe de 17 millions d'euros supplémentaires sur le programme budgétaire 150 au titre de la réforme de l'accès aux études de santé, dont :
• 6 millions d'euros pour compenser la hausse des effectifs étudiants ;
• 10 millions d'euros, attribués dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, pour accompagner la mise en oeuvre des évolutions pédagogiques induites par la réforme ;
• 1 million d'euros au titre de la révision des effectifs d'enseignants-chercheurs.
La loi de finances pour 2021 a ouvert une nouvelle enveloppe de 19 millions d'euros sur ce même programme pour la poursuite du déploiement de la réforme, dont :
• 8 millions d'euros pour l'achèvement de la transformation du premier cycle des études de santé ;
• 11 millions d'euros pour le lancement de la réforme du deuxième cycle des études de santé, dont 5 millions d'euros pour les créations de places en première année du deuxième cycle, 3 millions d'euros pour l'acquisition de matériels de simulation, 3 millions d'euros pour la mise en place des examens cliniques objectifs et structurés (ECOS).
L'allocation de ces financements aux universités et l'utilisation qu'elles en font ne semblent toutefois pas être connues avec précision , ainsi que l'ont indiqué plusieurs responsables de formation. Ce manque de transparence s'expliquerait par le peu de directives ministérielles sur le fléchage des fonds dédiés à la réforme, constat qui avait été relevé, dès 2019, par le rapporteur de la commission pour les crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, en ces termes : « les modalités d'attribution de l'enveloppe budgétaire dédiée à la réforme sont, à ce stade, insuffisamment précises. » 6 ( * )
3. La non-budgétisation des besoins de formation
Les montants engagés à ce jour en lois de finances ne sont clairement pas à la hauteur des besoins de formation générés par l'ampleur de la réforme . Aussi, il y a comme une forme de schizophrénie à avoir voulu réorganiser en profondeur le système, sans avoir pensé la question des capacités de formation et celle de leur financement .
L'augmentation du nombre d'étudiants accueillis en deuxième année du premier cycle a en effet pour corollaire inévitable la hausse des besoins de formation en deuxième et troisième cycles , qu'il s'agisse des locaux, des matériels de travaux pratiques, des terrains de stage ou des personnels hospitalo-universitaires encadrants.
Faute d'une véritable budgétisation de ces besoins, c'est la qualité de la formation qui risque in fine de se voir affectée .
4. Une problématique immédiate : le financement de l'accueil des étudiants en L.AS 2
Élément central pour la réussite de la réforme, en particulier pour l'effectivité de la « seconde chance », la deuxième année de L.AS doit garantir, dès la rentrée prochaine, une place aux étudiants ayant validé leur année de PASS sans avoir été reçu en MMOP et aux étudiants de L.AS ayant validé leur première année de licence.
Or, particulièrement dans les filières déjà en tension, cet accueil de nouveaux étudiants ne pourra se faire sans l'attribution de moyens supplémentaires .
* 4 Rapport pour avis n° 516 (2018-2019).
* 5 Avis budgétaire n° 143 (2020-2021) de Mme Laure Darcos et M. Stéphane Piednoir, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2020.
* 6 Ibid.