C. L'EFFORT DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE N'EST PAS VÉRITABLEMENT DOCUMENTÉ, AU RISQUE DE FRAGILISER LA CRÉDIBILITÉ DE LA TRAJECTOIRE PROPOSÉE

Si le scénario gouvernemental suppose la mise en oeuvre d'un effort d'économies inédit, ce dernier reste malheureusement très peu documenté , ainsi que l'a d'ailleurs souligné le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

Le projet de programme de stabilité se contente d'indiquer que cet effort « doit reposer sur la poursuite des réformes structurelles favorables à l'activité, ainsi que l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique » 18 ( * ) .

Sur le fond, seules deux pistes sont esquissées : la poursuite de « l'approche partenariale » avec les collectivités territoriales et une réforme des retraites visant à restaurer la soutenabilité du système en élevant le taux d'emploi des séniors.

À elles seules, elles seraient toutefois largement insuffisantes .

S'agissant de la contractualisation, les administrations publiques locales ne représentent que 20 % de la dépense publique totale et n'ont donc pas vocation à contribuer à l'effort d'économies au-delà de cette quote-part, ainsi que l'a toujours rappelé la commission des finances du Sénat.

S'agissant de la réforme des retraites , elle ne paraît pas non plus susceptible d'assurer une part significative du redressement des comptes publics attendu .

À titre d'illustration, le solde primaire des administrations publiques serait supérieur de 0,8 point environ à long terme en cas de décalage de l'âge d'ouverture des droits à la retraite de deux ans, soit un tiers des économies sur la dépense primaire nécessaires au cours du prochain quinquennat .

Mais la montée en charge des économies est en réalité très lente : au bout de cinq ans, la Direction générale du Trésor estime que le solde primaire ne s'améliorerait que de 0,1 point, soit un huitième de l'effet total attendu, du fait notamment de l'impact transitoire sur le chômage.

Estimation par la Direction générale du Trésor de l'impact d'une réforme des retraites consistant à reporter de deux ans l'âge d'ouverture des droits

(effet sur le solde, en points de PIB)

5 ans

10 ans

15 ans

20 ans

Long terme

Solde financier du système de retraite

+ 0,2

+ 0,4

+ 0,3

+ 0,3

+ 0,1

Solde primaire des administrations publiques

+ 0,1

+ 0,4

+ 0,7

+ 0,9

+ 0,8

Lecture : après 10 ans, le solde primaire des administrations publiques serait supérieur de 0,4 point environ dans le cas d'un décalage de l'âge d'ouverture des droits à la retraite à 64 ans au rythme de 3 mois par génération.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Julia Cuvilliez, Thomas Laurent et Cyril de Williencourt, « Les effets macroéconomiques d'une augmentation de l'âge d'ouverture des droits à la retraite », Direction générale du Trésor, document de travail du Conseil d'orientation des retraites, 19 octobre 2016)

Il n'est donc pas réaliste de se reposer majoritairement sur une réforme des retraites pour assurer le redressement des comptes publics à l'horizon du prochain quinquennat.

Compte tenu de l'ampleur du défi à venir, il apparaît indispensable d'engager sans tarder les travaux nécessaires pour identifier les gisements d'économies susceptibles d'être mobilisés au début du prochain quinquennat.

Au-delà de l'avantage politique à débattre des réformes envisagées lors des élections marquant le début d'un nouveau quinquennat, l'exemple des retraites montre que les réformes structurelles mettent du temps à produire leurs effets .

En outre, les pays ayant réussi à maîtriser leurs dépenses publiques sont ceux qui se sont montrés les plus « sélectifs » en réduisant prioritairement les dépenses jugées inefficaces ou simplement trop coûteuses - par opposition aux pays recourant à la stratégie du « coup de rabot », qui consiste à procéder à une réduction homothétique des dépenses, sans véritable ciblage 19 ( * ) . Sous la présente législature, le seul exercice au cours duquel la dépense publique a été maîtrisée (2018) est d'ailleurs celui qui avait été marqué par des choix politiques clairs et assumés sur les champs de la dépense publique ayant vocation à porter prioritairement les efforts d'économies au niveau de l'État (logement, contrats aidés), indépendamment de l'opinion que l'on peut porter sur ces réformes.

Dans ce contexte, le rapporteur général s'interroge sur le choix du Gouvernement de se concentrer actuellement sur la réforme de la gouvernance des finances publiques, plutôt que sur la mise en oeuvre de véritables revues de dépenses permettant de documenter les économies susceptibles d'être mises en oeuvre.

Au-delà, le projet de programme de stabilité est également muet sur la question du financement des dépenses d'avenir .


* 18 Projet de programme de stabilité 2021, p. 17.

* 19 Voir par exemple : N. Lorach et A. Sode, « Quelle sélectivité dans la réduction des dépenses publiques ? », La Note d'analyse - France Stratégie, n° 28, 2015.

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