D. PENSER L'APRÈS-CRISE

1. Tirer les enseignements de la crise en matière d'engagement citoyen
a) La crise de Covid-19 : révélatrice de quatre tendances de fond traversant le secteur associatif et le bénévolat

La crise sanitaire et le confinement qu'elle a entrainé a permis de mettre en lumière trois aspects majeurs de la vie associative et de l'engagement en France.

• Une prédominance des plus âgés dans les réseaux associatifs

La publication de l'INJEP de juillet 2019 sur les chiffres clés de la vie associative en2019 avait déjà mis en avant le poids élevé des seniors parmi les présidents d'association, mais surtout l'accentuation de cette tendance ces dernières années. Alors que les plus de 65 ans représentaient 32 % des présidents d'association, cette part est passée à 41 % en 2017. Cette hausse s'explique par une baisse de de la part des présidents d'association âgés de 56 à 64 ans (-3 points entre 2011 et 2017) et surtout par celle de la tranche d'âge 46-55 ans (-5 points entre 2011 et 2017).

Par ailleurs, les seniors sont très nombreux à s'engager. Près d'une personne de plus de 65 ans sur trois est bénévole dans une association .

Taux d'engagement associatif par tranche d'âge

Source : L'évolution de l'engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2019

Un certain nombre d'associations ont vu leurs actions difficiles à mettre en oeuvre du fait de l'indisponibilité de leurs bénévoles les plus âgés, personnes à risque face à cette maladie. Tel est le cas de plusieurs associations d'aide d'urgence qui ont fait appel à des jeunes en service civique, redéployés à cette occasion, pour la distribution de colis alimentaires ou d'autres activités de terrain.

• Une volonté de s'engager notamment chez les jeunes

L'élan de solidarité qui a traversé le pays a l'occasion de cette crise témoigne de l'engagement des Français . On a constaté sur le terrain une volonté supplémentaire de s'engager. Les associations indiquent avoir reçu deux fois plus de sollicitation de la part de bénévoles potentiels que d'habitude, notamment chez les femmes - elles représentent selon les associations les deux tiers, voire les trois quart des « nouveaux » bénévoles - et chez les jeunes. Dans ce dernier cas, cela confirme une tendance observée depuis quelques années : l'augmentation de la part des jeunes parmi les bénévoles. Si les moins de 35 ans représentaient 16 % des bénévoles en 2010, en 2019 leur part bondit à 22 %.

Aussi, pour le groupe de travail, le défi des associations n'est pas de rajeunir le profil des bénévoles, mais celui de l'intergénérationnel.

• La nécessité d'une animation de la vie associative pour permettre son développement

La vie associative, le fait associatif nécessitent d'être animés. Alors qu'il s'agit d'une mission essentielle afin de faire vivre l'association, attirer et intégrer de nouveaux bénévoles, cette tâche est trop souvent passée sous silence par manque de temps. En outre, la crise et le confinement ont fait prendre conscience aux associations que ces dernières avaient trop souvent des missions formatées, par habitude, mais aussi par souci d'efficacité. Renouveler les pratiques permet de renouveler le lien associatif.

En France, la problématique ne se situe pas du côté de l'envie de s'engager, mais de celui de l'offre , de la capacité des associations à faire des propositions diverses et attractives, et à accueillir de nouveaux bénévoles, prendre le temps de leur expliquer les enjeux d'une mission ainsi que les attentes.

Pour le groupe de travail, cette crise a révélé la nécessité de renforcer les logiques d'intermédiation, d'accompagnement des associations afin d'augmenter leurs capacités d'accueil de nouveaux bénévoles.

Préconisation : renforcer l'accompagnement des associations dans l'accueil de nouveaux bénévoles

b) L'usage des outils numérique pour le suivi des jeunes en service civique

L'un des freins au développement du service civique en milieu rural, outre la mobilité et l'hébergement est la difficulté à trouver une structure capable d'accompagner et d'encadrer un jeune ainsi que de lui proposer une mission à temps complet.

Le groupe de travail note avec intérêt l'expérience relayée par Gabriel Attal lors de son audition et relative à la possibilité pour plusieurs structures d'un territoire de se regrouper pour accueillir ensemble un volontaire . Surtout, le suivi et l'accompagnement des jeunes via les outils numériques mis en place, par nécessité, pendant la crise de Covid-19 et le confinement présentent une opportunité intéressante. En effet, l'un des problématiques rencontrées par de grandes associations faisant de l'intermédiation entre le jeune et une petite structure - et prenant notamment en charge les questions administratives, de formation et d'encadrement souvent trop lourdes à gérer pour une petite structure - est celui de la proximité géographique entre l'encadrant et le groupe de jeunes qu'il suit . À titre d'exemple, un encadrant d'Unis-Cité suit 20 volontaires qu'il rencontre régulièrement. Un tel modèle est difficilement transposable en zone rurale.

Aussi, il est important de faire le bilan du recours à ce suivi à distance, via la visioconférence. Si celui-ci s'avère concluant, une solution mixte alternant suivi régulier du jeune à distance grâce aux outils numériques et rencontres sur le terrain plus espacées pourrait être une solution pour développer le service civique en zone rurale.

Préconisation : encourager le développement du service civique en zone rurale, en tirant pleinement profit des outils numériques pour le suivi et l'encadrement du jeune

2. Renforcer le recours au service civique pour limiter le coût social de la crise de Covid-19 dans les mois à venir

Depuis sa création en 2010, le service civique a accueilli plus de 400 000 jeunes et a démontré à de nombreuses reprises sa capacité d'insertion dans la vie professionnelle. Le groupe de travail note avec intérêt les résultats de deux études de l'INJEP.

Dans une note publiée en décembre 2018 et intitulée Le service civique en chiffres, l'INJEP constatait une surreprésentation des personnes ni en emploi ni scolarisées parmi celles qui réalisent un service civique, par rapport à la population des 16-25 ans. En 2017, 45 % des volontaires étaient demandeurs d'emploi à leur entrée en service civique et 21 % inactifs non étudiants, contre respectivement 10 % et 9 % de l'ensemble des 16-25 ans. Ce constat a été confirmé par une très récente étude de mars 2020 de l'INJEP - Les volontaires en service civique : des parcours de formation et d'insertion variées - qui note que « le dispositif attire davantage des jeunes en réorientation, n'ayant pas terminé leurs études ou ayant obtenu des diplômes qui ne permettent pas une insertion professionnelle aisée ».

Surtout, le groupe de travail souhaite souligner deux résultats témoignant de l'efficacité du service civique dans l'insertion professionnelle :

• Parmi les volontaires classés par cette étude de mars 2020 dans la catégorie des « précaires » ayant déjà une expérience professionnelle 76 ( * ) , 47 % d'entre eux étaient en emploi six mois après la fin de leur mission ;

• Parmi les volontaires au chômage de longue durée et sans expérience professionnelle 77 ( * ) , 57 % n'était plus en recherche d'emploi six mois après la fin de leur mission.

Le groupe de travail rappelle également les résultats d'une étude 78 ( * ) réalisée par Unis-Cité sur l'impact économique du service civique : le retour sur investissement social global du service civique représente près de deux fois (1,92) l'investissement initial de l'État.

Or, la crise sanitaire va avoir des répercussions importantes en termes d'emploi mais également de décrochage scolaire. Dans ces conditions, le groupe de travail estime nécessaire d'augmenter le nombre de missions proposées en 2021 - avec un contrôle strict pour en vérifier la qualité tant sur le contenu que sur l'accompagnement du jeune -, d'autant plus que l'on constate déjà depuis plusieurs années un écart très important entre le nombre de demandes et le nombre de places disponibles : on dénombre ainsi une mission pour trois à quatre demandes.

Enfin, le groupe de travail s'interroge sur l'opportunité de récréer pour une période transitoire des emplois aidés limités au secteur associatif. Cette solution reprend une préconisation du rapport intitulé Réduction des emplois aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif, 79 ( * ) adopté à l'unanimité par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication laquelle proposait d'augmenter temporairement le volume des emplois aidés en les réservant aux association de moins de cinq salariés, avant de les réduire progressivement sur deux ans.

Préconisations :

- Augmenter les moyens budgétaires du service civique en 2021 afin de pouvoir proposer un plus grand nombre de missions pour redonner confiance aux jeunes décrocheurs du système scolaire ou en difficulté d'insertion professionnelle en raison de la crise de Covid-19

- Récréer pour une période transitoire des emplois aidés réservés au secteur associatif

LES 14 PRÉCONISATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL « JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE »

Prendre en compte la spécificité du secteur associatif

1. Permettre aux associations non employeuses de bénéficier du report de charge et de l'accès aux fonds d'aide régionaux

2. Encourager les associations représentant les collectivités locales à signer une charte, afin d'inciter l'ensemble des collectivités à maintenir le versement des subventions promises si l'activité ne peut pas avoir lieu du fait de la crise sanitaire de Covid-19

3. Réévaluer le FDVA dont les montants versés aux associations restent inférieurs à ceux précédemment alloués via la réserve parlementaire

4. Mettre en place un fonds de soutien interministériel pour les associations en grande difficulté financière

Se donner les moyens de redynamiser les colonies de vacances

5. Inclure dans le plan de soutien au tourisme le secteur du tourisme associatif et prendre en compte ses caractéristiques

6. Indiquer rapidement aux professionnels du secteur les conditions sanitaires à respecter pour l'organisation des séjours de mineurs cet été

Préparer l'immédiat après-crise

7. Donner la possibilité juridique et les moyens budgétaires d'étendre de plusieurs semaines les contrats des jeunes en service civique qui le demandent, afin de permettre aux structures, en l'absence d'autres alternatives, de disposer de jeunes déjà formés, pour répondre aux besoins immédiats à la sortie du confinement

8. Reporter, en raison des difficultés d'organisation nées de la crise de Covid-19, l'élargissement à l'ensemble des départements de l'expérimentation du SNU à 2021 et réallouer tout ou partie du budget dédié au service civique

9. Augmenter les moyens budgétaires du service civique en 2021 afin de pouvoir proposer un plus grand nombre de missions pour redonner confiance aux jeunes décrocheurs du système scolaire ou en difficulté d'insertion professionnelle en raison de la crise de Covid-19

10. Récréer pour une période transitoire des emplois aidés réservés au secteur associatif

Tirer tous les enseignements de la crise

11. Intégrer dans les contrats des jeunes en service civique la possibilité de les transférer - avec leurs accords - sur une mission urgente en cas de besoin

12. Renforcer l'accompagnement des associations dans l'accueil de nouveaux bénévoles

13. Encourager le développement du service civique en zone rurale, en tirant pleinement profit des outils numériques pour le suivi et l'encadrement du jeune

14. Renforcer la reconnaissance de la Nation envers l'engagement citoyen


* 76 « La quatrième catégorie est celle des « précaires » ayant déjà une expérience professionnelle. Pour ces volontaires, les études sont plus loin : 94 % des volontaires de la catégorie sont sortis des études l'année précédant leur mission ou avant. Les personnes qui ont eu des expériences professionnelles, le plus souvent en CDD, y sont très surreprésentées. La plupart ont recherché un emploi avant leur entrée en mission, pour une durée généralement entre 1 et 6 mois. Les personnes ayant été pour leur dernière année d'études dans le secondaire professionnel (CAP-BEP, Bac pro, sorties en cours d'études professionnelles sans diplôme) y sont plus nombreuses qu'en moyenne ».

* 77 Il s'agit « plutôt des chômeurs de longue durée et sans expérience professionnelle. Ils sont également une grande majorité à avoir terminé leurs études il y a plus d'un an (91 %), mais à la différence de la catégorie 4, 92 % n'ont eu aucune expérience professionnelle en 2 ans. Ils sont à la recherche d'un emploi depuis longtemps : 55 % le sont depuis plus d'un an, 18 % entre 6 mois et 1 an, 9 % ne savent pas ».

* 78 L'impact économique du service civique, étude de GoodWill-management, février 2019.

* 79 Rapport d'information n° 321 de MM. Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner, Réduction des emplois aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif, (2017-2018).

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