II. AXE 1 : RENFORCER ET COMPLÉTER LES MESURES DE SOUTIEN À LA TRÉSORERIE DES PROFESSIONNELS ET DES COLLECTIVITÉS
A. SOUTENIR LES ENTREPRISES DE L'ÉCOSYSTÈME TOURISTIQUE
Mesure n° 1 : préciser le périmètre de chaque mesure du « plan tourisme » afin de ne laisser aucun professionnel au bord du chemin.
Le tourisme est un écosystème complexe : si plus de 300 000 entreprises y participent directement, le nombre de professionnels qui y participent indirectement est bien plus élevé. Et la crise permet de constater à quel point le secteur est divers : l'annonce d'un « plan tourisme » s'est vite heurtée à la difficulté de ne pas oublier de nombreuses entreprises qui participent pleinement à faire du tourisme ce qu'il est dans notre pays.
Ainsi, le périmètre des mesures de trésorerie - fonds de solidarité, chômage partiel, exonérations de cotisations... - en soutien aux professionnels pourrait être élargi à des acteurs du tourisme qui en sont aujourd'hui écartés en raison de modes de calculs contestables - nous pensons à l'agritourisme 8 ( * ) - ou encore aux professionnels dont le chiffre d'affaires dépend en grande partie du tourisme de loisir ou d'affaires, comme les grossistes en boissons, les blanchisseries, les conciergeries pour les meublés de tourisme, les transporteurs spécialisés dans le tourisme, les agences immobilières spécialisées dans la location de meublés, les accompagnateurs de montagne, les loueurs d'articles de loisir et de sport (vélos, planches à voile...), les boutiques de souvenirs, certains parfumeurs, les parcs acrobatiques en hauteur, la myriade de sous-traitants de l'évènementiel etc. 9 ( * )
S'agissant des mesures du plan en elles-mêmes, il convient de les renforcer et de les compléter.
1. Renforcer le soutien à la trésorerie, à travers les mesures suivantes :
Mesure n° 2 : les exonérations de cotisations sociales devront s'appliquer au-delà de juin. En contrepartie, serait appliquée une clause de retour à meilleure fortune , permettant à l'État de recouvrer ces montants si l'activité de l'entreprise revient à son niveau initial. Une cellule de gestion des plans d'étalement du paiement des prélèvements obligatoires devrait également être mise en place, afin que soient prises en compte les dettes antérieures (notamment issues des mesures de compensation des effets de la crise des « gilets jaunes ») envers les Urssaf et l'administration fiscale.
Mesure n° 3 : l'éligibilité au fonds de solidarité pourrait être encore assouplie, en faisant passer le seuil de bénéfice imposable de 60 000 à 100 000 euros.
Mesure n° 4 : le chômage partiel pourrait être élargi pour les professionnels dont les effectifs n'ont été mobilisés que pour gérer les pertes , comme les voyagistes.
Mesure n° 5 : les reports d'échéances bancaires pourraient être étendus à dix-huit mois pour certains professionnels, en particulier pour les hébergements de plein air, qui n'auront pas de nouvelles rentrées de trésorerie avant la fin du printemps 2021.
Mesure n° 6 : sur le terrain, de trop nombreuses PME rencontrent encore des difficultés à accéder au prêt garanti par l'État (PGE) : il convient donc de s'assurer de l'accès des PME au PGE, et d'accélérer la mise en place du « PGE saison » annoncé dans le « plan tourisme ».
Mesure n° 7 : la contribution des assureurs aux pertes d'exploitation pourrait encore être élargie 10 ( * ) , sur le modèle de l'accord trouvé en Bavière (Allemagne) . Les assureurs se sont engagés à ce que les entreprises du secteur cafés-hôtellerie-restauration ayant souscrit des contrats couvrant une « fermeture d'activité » bénéficient de 10 à 15 % des indemnités journalières prévues par ces contrats.
2. Compléter le soutien à la trésorerie, à travers les mesures suivantes :
Mesure n° 8 : les professionnels attendent également des gestes quant aux loyers du parc privé, dans la logique « zéro recette, zéro dépense ». Une ordonnance 11 ( * ) a permis aux entreprises bénéficiant du fonds de solidarité de reporter le paiement des loyers. L'Italie est allée beaucoup plus loin en mettant en place un crédit d'impôt de 60 % sur les baux commerciaux des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 5 millions d'euros ayant subi une baisse de 50 % de leur chiffre d'affaires pour les mois de mars, avril et mai 2020, et sans référence à la baisse du chiffre d'affaires pour les hôtels. La France pourrait s'en inspirer.
Mesure n° 9 : les ETI étant exclues de nombreux dispositifs du plan sans véritable logique économique, une attention particulière devra leur être apportée.
Mesure n° 10 : dédier une part des fonds dégagés dans le cadre du « plan tourisme » à l'aide à la mise en conformité avec les exigences sanitaires , sur le modèle italien, qui a fléché une enveloppe de 50 millions d'euros. Les prix ne pouvant pas être augmentés, les coûts de mise en conformité devront autrement être supportés par les professionnels.
Mesure n° 11 : les grandes plateformes en ligne devraient être appelées à témoigner de leur solidarité envers leurs partenaires les plus fragiles. Les plateformes de réservation en ligne (appelées OTA, pour « online travel agencies ») devraient proposer une diminution temporaire des commissions qu'elles prélèvent, alors que la crise a ravivé la défiance entre plateformes et professionnels du tourisme. Nous saluons à ce titre l'initiative prise par Leboncoin.fr de ne pas prélever de commission jusqu'à la fin 2020. S'agissant du duopole de la publicité en ligne formé d'Alphabet et de Facebook, ceux-ci pourraient consentir des facilités de trésorerie sur les campagnes de publicité , comme les membres d'un think ank du tourisme français y ont récemment appelé .
3. Deux mesures supplémentaires sont également essentielles pour soutenir les acteurs à moyen long terme :
Mesure n° 12 : il convient de ne lever les mesures de soutien à la trésorerie que de façon progressive . À moyen terme, les professionnels craignent de se retrouver face à un « mur » en cas de levée soudaine et générale des mesures de soutien à la trésorerie une fois l'activité reprise. En particulier, le chômage partiel devra être prolongé bien au-delà du mois de septembre proposé dans le « plan tourisme » : il conviendrait de maintenir le chômage partiel jusqu'en 2022 . En contrepartie, les entreprises bénéficiaires s'engageraient à ne procéder à aucun licenciement.
Mesure n° 13 : afin de permettre aux acteurs de « gommer la crise » et ainsi continuer à investir, mettre en place un PGE à long terme (15 à 25 ans) .
Nombre de professionnels du tourisme doivent investir en permanence pour améliorer leur offre et ne pas être dépassés. Les revenus des entreprises ne suffiront pas pour éponger leurs dettes historiques, la dette liée au coronavirus et, en même temps, poursuivre l'effort d'investissement. Les liquidités apportées par le soutien en fonds propres par la Banque des territoires et BPIfrance pourraient bien être utilisées uniquement pour « éponger » la crise et supporter les reports de charge, au détriment des investissements à réaliser. La mise en place d'un prêt garanti à long terme permettrait d'éviter cet écueil et favoriserait, en conséquence, l'investissement des acteurs.
* 8 Le seuil de 50 % de baisse du chiffre d'affaires pour l'éligibilité au fonds de solidarité devrait être calculé sur le chiffre d'affaires de l'activité touristique et non pas sur celui de l'ensemble de l'exploitation.
* 9 Lors du débat précité au Sénat, le secrétaire d'État a indiqué que des travaux en ce sens étaient en cours et aboutiraient à l'occasion du troisième projet de loi de finances rectificative, tout en assurant que les grossistes en boissons, la blanchisserie et les bus et les transports de voyageurs touristiques seraient concernés. Le cas des transporteurs routiers a fait l'objet de deux communiqués de presse gouvernementaux, le 15 mai et le 30 mai .
* 10 Selon le dossier de presse du comité interministériel du tourisme, les assureurs contribuent au soutien au secteur à hauteur d'1,05 milliard d'euros (600 millions d'euros d'indemnisation contractuelle, 300 millions d'euros d'indemnisation extra-contractuelle, et 150 millions d'euros d'investissements dans le secteur).
* 11 L'article 4 de cette ordonnance prévoit que les entreprises susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux », pour les paiements intervenant entre le 12 mars et deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.