II. DOCUMENTS ANNEXÉS
A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION POUR DÉNONCER ET AGIR CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES EN SITUATION DE HANDICAP
1. Texte de la proposition de résolution
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Des témoignages convergents recueillis depuis plusieurs années par des associations, des ONG et des institutions internationales, en France et dans le monde, ont mis en évidence la particulière vulnérabilité des femmes en situation de handicap aux violences. Selon les constats ainsi établis, ces violences, qu'elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques, menacent ces femmes dans tous les aspects de leur quotidien - dans les institutions où certaines sont hébergées, dans le cadre familial, dans la vie professionnelle où elles se heurtent à de nombreuses discriminations, ou encore lors de transports spécialisés. Elles peuvent être le fait tant de professionnels que de proches. Elles concernent tous les âges de la vie.
De surcroît, ces constats soulignent la nécessité de la prise de conscience d'une double corrélation entre violence et handicap, car si le handicap expose davantage les femmes et les enfants aux violences, il peut aussi, qu'il soit physique ou psychologique, être la conséquence de violences subies.
Pourtant, si la surexposition des femmes en situation de handicap aux violences est indéniable, les chiffres manquent et le besoin de statistiques complètes, régulièrement mises à jour, est évoqué par tous les experts.
Longtemps occulté par le terme de maltraitance, ce fléau semble constituer encore aujourd'hui un « angle mort » des politiques publiques de lutte contre les violences, a fortiori parce que la dénonciation des violences, déjà difficile pour les femmes dites valides, est compliquée par le lien de dépendance qui peut exister entre la victime handicapée et son agresseur, quand celui-ci est la personne - membre de la famille ou professionnel - qui est censée prendre soin d'elle.
De surcroît, la crédibilité des victimes est compromise par un préjugé trop largement répandu qui conduit à les considérer comme des mineures dont la parole peut être mise en doute, y compris par les professionnels chargés de recueillir leur plainte.
Ces violences effroyables sont donc non seulement invisibles, mais aussi inaudibles.
De ce fait, alors qu'elles sont plus exposées aux violences que la population dite valide, les femmes en situation de handicap confrontées aux violences rencontrent des difficultés accrues pour s'engager dans une démarche judiciaire.
Ces obstacles concernent notamment l'absence d'accessibilité des locaux de la police, de la gendarmerie ou de la justice. Ils tiennent également à un accès aux droits insuffisants, si l'on se réfère, entre autres exemples, à l'insuffisance de permanences juridiques en langue des signes ou à la formation lacunaire des professionnels de la police, de la gendarmerie et de la justice à l'accueil des victimes de violences en situation de handicap.
Quant à l'orientation et à l'accueil des femmes handicapées victimes de violences, ils sont rendus plus complexes par l'insuffisante accessibilité des centres d'hébergement d'urgence.
De plus, les acteurs de terrain et les experts constatent que les nombreuses discriminations subies dans le monde du travail contribuent à l'insuffisante autonomie économique des femmes en situation de handicap, ce qui les rend plus vulnérables aux violences, a fortiori lorsque celles-ci sont commises dans un contexte familial.
Les discriminations rencontrées par les femmes handicapées ne se limitent pas au cadre professionnel. Elles concernent aussi l'accès aux soins, très largement perfectible, qu'il s'agisse par exemple du suivi gynécologique ou du dépistage du cancer du sein, insuffisants faute de structures et de matériels adaptés. Il résulte de ces lacunes une dépendance aggravée, une dignité altérée et une prise en charge psychologique et sanitaire des victimes de violences très imparfaite au regard des traumatismes subis, avec des conséquences graves et durables sur leur santé.
L'amélioration de la prévention des violences qui menacent les femmes en situation de handicap passe, selon les experts 30 ( * ) , entre autres pistes :
- par des efforts en matière d'éducation à la sexualité des jeunes femmes concernées, afin de les aider à identifier d'éventuels prédateurs ;
- par une attention accrue au recrutement des professionnels et bénévoles intervenant au contact de personnes handicapées - plus particulièrement quand il s'agit d'enfants et de femmes - pour s'assurer que ces personnes ne sont pas inscrites au fichier automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) ;
- par une réflexion sur les responsabilités des professionnels, plus particulièrement des professionnels de santé, en matière de signalement des violences physiques, sexuelles ou psychiques commises sur des personnes handicapées dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.
La période actuelle est caractérisée par une volonté politique partagée de renforcer les politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce tournant a été encouragé par la prise de conscience de l'ampleur inacceptable des violences conjugales et des féminicides qui a marqué l'année 2019. Les femmes en situation de handicap ont toute leur place dans cette dynamique nouvelle, si l'on en juge par la permanence téléphonique Écoute violences femmes handicapées , qui observe que 35 % des violences signalées ont lieu au sein du couple et sont commises par le conjoint.
À l'heure où la mobilisation contre les violences faites aux femmes a franchi une étape significative dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences conjugales , il est donc primordial de réaliser des avancées concrètes au bénéfice des femmes en situation de handicap.
Par cette résolution, le Sénat :
- appelle à une prise de conscience généralisée des violences, notamment sexuelles, qui menacent les femmes handicapées et à une mobilisation de toute la société contre ce fléau ;
- encourage un changement de regard de l'ensemble de la société et des acteurs de la chaîne judiciaire sur les femmes en situation de handicap, afin que la femme et la citoyenne soient plus visibles que la personne handicapée et que la parole des victimes qui dénoncent des violences soit entendue ;
- rend hommage aux associations qui contribuent à lutter contre ces violences inacceptables en accueillant et en accompagnant les victimes ;
- rappelle que l'autonomie, plus particulièrement économique, des femmes en situation de handicap est une condition de leur protection contre le risque de violences auquel elles sont plus particulièrement exposées, ce qui suppose des efforts significatifs en termes d'accès aux études, aux formations et à l'emploi ;
- plaide pour que les femmes handicapées ne soient pas les oubliées des efforts actuellement envisagés dans le cadre de la Grande cause du quinquennat pour renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes ;
- suggère que la dimension de l'égalité entre femmes et hommes soit systématiquement intégrée à toutes les politiques du handicap et, inversement, que la dimension du handicap soit prise en compte dans toutes les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes.
Le Sénat,
Vu l'article 34-1 de la Constitution,
Vu la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989,
Vu la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006,
Vu la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l'Europe, dite Convention d'Istanbul, adoptée le 7 avril 2011,
Vu la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés,
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,
Vu la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes,
Vu la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne,
Vu la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes,
Vu la Résolution 2006/2277 (INI) du Parlement européen du 29 mars 2007 sur la situation des femmes handicapées dans l'Union européenne,
Vu la Résolution 2018/2685 (RSP) du Parlement européen du 29 novembre 2018 sur la situation des femmes handicapées,
Vu la recommandation CM/Rec(2012)6 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux États membres du 13 juin 2012 sur la protection et la promotion des droits des femmes et des filles handicapées,
Vu les recommandations du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme du 30 mars 2012 sur la question de la violence à l'égard des femmes et des filles et du handicap,
Vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 19 décembre 2017 sur la situation des femmes et des filles handicapées,
Vu la décision du Défenseur des droits n° 2017-257 portant recommandations générales destinées à améliorer la connaissance statistique de la situation et des besoins des personnes handicapées,
Considérant que, selon un rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen sur la situation des femmes handicapées dans l'Union européenne, publié en 2007, près de 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences, ces femmes étant quatre fois plus exposées au risque de violences sexuelles que les femmes dites valides ;
Considérant que l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a confirmé en mars 2016 la surexposition des femmes en situation de handicap au risque de violences au sein du couple ;
Considérant qu'une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2012 fait état d'un risque quatre fois plus élevé, pour les enfants en situation de handicap, d'être victimes de violences ;
Considérant que si le handicap accroît, pour les femmes, le risque de violences, notamment sexuelles, les violences elles-mêmes sont également à l'origine de handicaps, comme le relève l'Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides de la CNCDH du 26 mai 2016, qui souligne les troubles physiques et psychiques très invalidants imputables aux violences ainsi que les handicaps permanents liés aux violences sexuelles ;
Considérant que, selon les acteurs de terrain, les violences menaçant les femmes en situation de handicap sont généralement commises par l'entourage familial ou institutionnel, aucun lieu, pas même leur domicile, ne leur garantissant une parfaite sécurité ;
Considérant que les appels reçus par Écoute violences femmes handicapées , permanence d'accueil et d'accompagnement dédiée aux violences faites aux femmes en situation de handicap, mettent en évidence le fait que 35 % des violences signalées ont lieu dans le couple et sont commises par le conjoint ;
Considérant l'importance du signalement, par les professionnels, des faits de violence dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions pour mieux protéger les victimes, sanctionner les auteurs et prévenir le fléau des violences faites aux personnes vulnérables ;
Considérant que le manque de données statistiques coordonnées au niveau national et régulièrement actualisées empêche de prendre la mesure exacte de la surexposition des femmes et des jeunes filles handicapées aux violences, que celles-ci surviennent dans le cadre familial ou en institutions, et affecte la mise en place d'une politique publique de prévention et de lutte contre ces violences et de protection de ces personnes ;
Considérant que l'une des conditions de la protection des femmes en situation de handicap contre les violences réside dans le renforcement de leur autonomie, ce qui concerne tant leur indépendance économique que leur accès à la santé ;
Considérant que, selon le rapport du Défenseur des droits sur L'emploi des femmes en situation de handicap , publié le 14 novembre 2016 dans le cadre de sa mission de suivi de l'application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, les femmes en situation de handicap sont davantage touchées par le chômage que la population générale ;
Considérant que, selon le même rapport, les femmes handicapées se heurtent non seulement à des difficultés d'accès à l'emploi liées à leur handicap, mais aussi aux obstacles auxquels sont trop souvent confrontées toutes les femmes dans leur parcours professionnel, s'agissant plus précisément de l'accès aux responsabilités : 1 % seulement des femmes en situation de handicap en emploi sont cadres contre 10 % pour leurs homologues masculins ;
Considérant que, selon le 11 e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi, réalisé en 2018 par le Défenseur des droits avec l'Organisation internationale du travail (OIT), 54 % des femmes handicapées déclarent avoir été confrontées à des discriminations durant les cinq années précédant cette enquête, soit plus d'une femme sur deux et une proportion nettement plus élevée que pour la population active âgée de 18 à 65 ans (34 %) ;
Considérant que ces discriminations, conjuguées à un accès imparfait aux études et à la formation ainsi qu'au poids des préjugés, affectent défavorablement le parcours professionnel des femmes en situation de handicap et sont à l'origine d'une dépendance économique qui accroît leur vulnérabilité aux violences, plus particulièrement dans le cadre familial ;
Considérant qu'une étude de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France publiée en mars 2018 montrait que, sur 1 000 femmes handicapées, 58 % seulement affirmaient bénéficier d'un suivi gynécologique régulier et 85,7 % déclaraient ne jamais avoir effectué de mammographie, cette insuffisance étant confirmée en novembre 2018 par un constat du Parlement européen sur une exposition accrue des femmes handicapées au cancer du sein, faute d'équipements de dépistage et de diagnostic adaptés ;
Considérant que l'autonomie des femmes en situation de handicap passe par un accès renforcé aux soins, notamment gynécologiques, et par un accompagnement personnalisé à la maternité ;
Considérant que l'accueil des femmes handicapées victimes de violences est largement inapproprié, qu'il s'agisse de l'accessibilité des locaux de la police et de la gendarmerie ainsi que des hébergements d'urgence ou de la sensibilisation des professionnels et bénévoles à leurs besoins, et qu'entre autres améliorations un effort pourrait être entrepris en matière d'interprétariat en langue des signes dans l'ensemble de la chaîne judiciaire ;
N'accepte pas le risque accru de violences, notamment sexuelles, lié au handicap, et exprime sa vive émotion que des enfants, des adolescentes et des femmes en situation de handicap puissent être menacés tant dans le cadre institutionnel que dans le contexte familial ;
S'alarme du danger auquel semblent plus particulièrement exposées les jeunes filles et les femmes atteintes d'un trouble du spectre autistique et suggère l'intégration d'un dispositif dédié à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles dans la Stratégie nationale pour l'autisme ;
Estime qu'une meilleure protection des adolescentes et des femmes en situation de handicap contre les violences, plus particulièrement sexuelles, passe par un véritable effort en matière d'éducation à la sexualité, susceptible de leur permettre d'identifier d'éventuels prédateurs ;
Souhaite la mise à l'étude de la désignation de référents Intégrité physique au sein des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont la mission serait de recueillir le témoignage et d'orienter toute personne accueillie dans un tel établissement qui déclarerait avoir été victime de violence ;
Souligne l'intérêt d'une réflexion sur les responsabilités des professionnels, incluant les soignants, en matière de signalement des violences, notamment sexuelles, dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ;
Appelle à la plus grande vigilance lors du recrutement des professionnels et bénévoles intervenant dans des établissements accueillant des personnes handicapées, a fortiori quand celles-ci sont mineures ;
Exprime sa profonde considération à tous les acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, rend hommage à la regrettée Maudy Piot, disparue en 2017, inlassable avocate des droits et de la citoyenneté des femmes handicapées et fondatrice de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir , association de référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes handicapées, et encourage l'équipe qui lui a succédé à poursuivre son combat ;
Souligne l'importance cruciale des moyens dont doivent pouvoir disposer les associations, indispensables à la lutte contre les violences, plus particulièrement celles que subissent les femmes en situation de handicap, pour leur permettre de remplir leurs missions, et insiste sur la nécessaire prévisibilité des subventions susceptibles d'être attribuées aux acteurs du monde associatif ;
Demande l'établissement de statistiques précises afin d'améliorer la connaissance des violences et des discriminations faites aux femmes handicapées, et appelle à intégrer le handicap aux enquêtes nationales sur les violences faites aux femmes telle que l'étude Violences et rapports de genre (Virage), y compris dans sa déclinaison ultramarine ;
Souhaite que le questionnement du lien entre une violence dénoncée et un éventuel handicap psychique ou physique soit systématique lors de l'accueil des personnes contactant un numéro d'urgence ou une plateforme d'écoute ;
Considère l'autonomie des femmes en situation de handicap comme un prérequis pour les protéger des violences, notamment conjugales, et à ce titre :
- préconise la mise en place de mesures concrètes pour rendre effectifs les aménagements de poste dans l'emploi et le renforcement des mesures destinées à l'accessibilité des établissements de formation, des entreprises et des administrations, afin de dynamiser l'insertion professionnelle des femmes en situation de handicap, ;
- suggère de mieux identifier les freins à l'emploi des femmes en situation de handicap par la réalisation d'études et de statistiques sur l'accès à l'éducation et à l'emploi des personnes handicapées croisant les variables de l'âge, du sexe, du type du handicap et de la catégorie socioprofessionnelle ;
- appelle à une réflexion sur l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) qui prenne en compte l'importance de celle-ci, dans le contexte de violences au sein du couple, pour l'autonomie de la victime par rapport à un conjoint violent ;
Juge indispensable que les femmes et les adolescentes en situation de handicap, qu'elles résident ou non dans des institutions, aient accès à un suivi gynécologique régulier, a fortiori dans le cadre d'un traitement contraceptif, et à un accompagnement personnalisé à la maternité, ce qui suppose entre autres efforts une meilleure accessibilité des structures médicales concernées ;
Demande que le matériel médical destiné au suivi gynécologique et obstétrical des patientes handicapées ainsi qu'au dépistage du cancer du sein soit adapté à leurs besoins sur tout le territoire, y compris dans les outre-mer ;
Est convaincu que l'amélioration de l'accueil des femmes handicapées victimes de violences par tous les acteurs de la chaîne judiciaire suppose un changement de regard sur ces personnes, afin qu'elles ne soient pas considérées comme des mineures et que leur parole et leur crédibilité ne soient pas mises en doute lorsqu'elles font état des violences qu'elles subissent ;
Affirme l'importance cruciale de l'accessibilité des lieux destinés à l'accueil des victimes de violences, qu'il s'agisse des locaux de la police et de la gendarmerie, des tribunaux ou des hébergements d'urgence, et du développement d'outils et de procédures permettant aux personnes handicapées de porter plainte dans des conditions adaptées à leur situation ;
Appelle à un effort accru de formation et de sensibilisation aux risques spécifiques de violences menaçant les femmes en situation de handicap, à destination de tous les acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que des soignants et des personnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ;
Salue le travail accompli par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) pour développer des supports de formation sur les violences faites aux femmes dans des formats divers, accessibles aux personnes handicapées et recommande la systématisation de cette démarche inclusive ;
Forme des voeux pour que la dynamique encouragée à l'égard des femmes en situation de handicap par les quatrième et cinquième plans de lutte contre les violences faites aux femmes soit amplifiée dans les plans à venir, y compris dans les territoires ultramarins ;
Appelle à l'intégration systématique de la dimension de l'égalité entre femmes et hommes dans les politiques du handicap et, inversement, à un renforcement de l'intégration du handicap dans toutes les politiques d'égalité entre femmes et hommes.
2. Compte rendu du débat en séance publique (8 janvier 2020)
Mme la présidente . L'ordre du jour appelle l'examen, à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de la proposition de résolution pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Annick Billon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 150).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annick Billon, auteure de la proposition de résolution.
Mme Annick Billon, auteure de la proposition de résolution . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution que mes collègues Roland Courteau, Chantal Deseyne, Françoise Laborde, Dominique Vérien et moi-même avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui est l'aboutissement de travaux conduits par la délégation aux droits des femmes sur un fléau qui est longtemps resté un « impensé » des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes : il s'agit des violences que subissent les femmes en situation de handicap.
À titre symbolique, nous avons souhaité déposer ce texte le 25 novembre 2019, journée consacrée chaque année, dans le monde entier, à la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est d'ailleurs le jour qu'a choisi le Gouvernement pour exposer les conclusions du Grenelle de lutte contre les violences conjugales , ouvert le 3 septembre dernier dans le contexte créé par la prise de conscience de la réalité des féminicides.
Notre proposition de résolution est largement partagée au sein du Sénat puisqu'elle réunit à ce jour 158 cosignataires, de tous les groupes.
Cette véritable mobilisation, qui nous rassemble par-delà nos appartenances politiques, montre un indéniable progrès dans la prise de conscience de la gravité de violences demeurées trop longtemps taboues. Signe d'une longue incapacité à nommer des comportements insupportables, les violences faites aux femmes en situation de handicap ont longtemps été banalisées et désignées par la notion de « maltraitance », terme plus acceptable socialement. Cette incapacité à nommer ces violences a trop longtemps rendu les victimes invisibles.
Les femmes handicapées sont longtemps restées « invisibles et oubliées des politiques publiques », comme nous le confiait APF France handicap . D'ailleurs, Soeurs oubliées - Forgotten Sisters - est précisément le titre d'un rapport consacré en octobre 2012 par l'agence ONU Femmes sur les violences faites aux femmes handicapées. Son auteure, Michelle Bachelet, faisait observer combien la violence à l'égard des femmes handicapées demeurait « largement ignorée ».
Aujourd'hui, grâce au combat inlassable d'associations comme Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir et de sa regrettée fondatrice, Maudy Piot, à qui je souhaite une nouvelle fois rendre hommage, la parole de celles qui dénoncent ces comportements effroyables commence à être entendue.
Plusieurs constats ressortent de notre travail.
Le premier constat est la prise de conscience très récente du lien entre le handicap et les violences faites aux femmes puisqu'elle remonte à 2006, avec l'adoption par l'ONU de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Ce texte est le premier à avoir reconnu explicitement que les femmes et les filles handicapées courent « des risques plus élevés de violence, d'atteinte à l'intégrité physique, d'abus, de délaissement ou de défaut de soins [...] ».
La même année, un plan d'action pour la promotion des droits des personnes handicapées, élaboré par le Conseil de l'Europe, soulignait les besoins spécifiques des femmes et des jeunes filles parmi lesquelles on compte une proportion de victimes d'abus et de violences largement supérieure à celle que l'on enregistre dans la population féminine non handicapée.
Le deuxième constat est que les violences peuvent être à la fois la cause et la conséquence du handicap. En effet, si le handicap accroît pour une femme ou une fille le risque de subir des violences, inversement il peut aussi être la conséquence de violences subies.
Ainsi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCH) relevait, dans un avis de mai 2016 : « Le handicap peut également être le résultat de la violence sexiste. Les violences subies peuvent être à l'origine chez les femmes battues de troubles psychiques et physiques importants, et les agressions sexuelles entraîner des handicaps permanents. »
Il était donc plus que temps que soient pris en compte les besoins particuliers des femmes en situation de handicap parmi les victimes de violences, même si, à ce stade, la particulière vulnérabilité de ces femmes aux violences est attestée par des témoignages convergents et par diverses enquêtes, sans toutefois que l'on puisse à ce jour s'appuyer sur une analyse statistique complète.
Le troisième constat est que les violences qui menacent les femmes en raison de leur handicap ne leur laissent aucun répit. Elles peuvent être le fait de l'entourage institutionnel ou familial. Selon une enquête réalisée par l'association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir , 60 % des violences subies par les femmes en situation de handicap surviennent à leur domicile. Cela signifie qu'elles ne sont nulle part à l'abri.
Le quatrième constat est qu'il existe une vulnérabilité particulière, s'agissant des violences sexuelles, liée au handicap mental ou psychique pour des victimes qui ne sont pas en mesure de comprendre l'agression dont elles font l'objet et dont l'« incapacité à dire non » peut être « perçue comme un signe de consentement à une relation sexuelle ».
À cet égard, la délégation aux droits des femmes a été plus particulièrement alertée sur l'exposition des femmes atteintes d'un trouble de l'autisme aux violences sexuelles. Je pense, bien sûr, au témoignage de Mme Marie Rabatel.
De manière générale, le risque de subir une violence sexuelle serait ainsi multiplié par six pour les femmes en situation de handicap mental. La réalité que recouvrent ces chiffres est insupportable !
Il est donc positif qu'un groupe de travail consacré aux femmes en situation de handicap se soit constitué lors du Grenelle de lutte contre les violences conjugales . On peut lire dans cette méthodologie le signe que la vulnérabilité liée au handicap est enfin intégrée aux politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes après en avoir été un « angle mort », pour reprendre l'expression de notre collègue Laurence Rossignol.
Je rappelle toutefois que l'exposition spécifique des femmes et des filles en situation de handicap aux violences ne doit pas se limiter au contexte conjugal, car elle concerne tout le champ des violences faites aux femmes. Le Grenelle ne saurait donc être considéré comme terminé depuis les annonces du 25 novembre. Il n'est qu'une étape dans un processus.
Aujourd'hui, les moyens humains et financiers doivent être déployés dans tous les territoires pour prévenir, former, informer, accompagner et soigner. Je précise bien dans tous les territoires : en France métropolitaine et dans les outre-mer, dans les grandes villes et dans les territoires plus ruraux, car la violence n'a pas de frontières.
M. François Bonhomme . Absolument !
Mme Annick Billon . Pour gagner ce combat, nous devons aussi et surtout tous changer notre regard sur les femmes en situation de handicap. Ces femmes aspirent à être considérées non comme d'« éternelles mineures » dépendantes de leur entourage, mais comme des citoyennes à part entière dont la parole ne saurait être mise en doute au nom de leur handicap quand elles dénoncent des violences. Bien entendu, ces dénonciations doivent avoir lieu dans un cadre particulier, car les victimes sont des personnes en situation de handicap, madame la secrétaire d'État. Il est donc nécessaire qu'elles soient reçues par des personnels formés et compétents : nous ne pouvons pas nous satisfaire de formations en ligne !
Nommer les violences et reconnaître ces femmes comme citoyennes, c'est déjà un pas pour lutter efficacement contre ce fléau. Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour mieux connaître ce fléau, avoir de véritables statistiques et enfin lutter contre ces violences, qui sont totalement inadmissibles et révoltantes dans une société comme la nôtre ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et LaREM.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous demander de bien vouloir excuser ma collègue Christine Prunaud, qui n'a pas pu être présente cet après-midi.
Je salue l'initiative prise par plusieurs membres de la délégation aux droits des femmes pour permettre la discussion de cette proposition de résolution. Dénoncer les violences faites aux femmes en situation de handicap et agir contre ces violences, tel est le louable et nécessaire objectif de ce texte.
En effet, ces femmes sont des victimes toutes désignées qui peinent à dénoncer et à se faire entendre. D'après un rapport de l'ONU, quatre femmes en situation de handicap sur cinq seraient victimes de tous types de violences.
De son côté, une étude de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales de 2018 montre que les femmes qui courent le plus de risques d'être victimes de violences conjugales sont celles de moins de 25 ans qui se trouvent en situation de handicap.
Le constat est le même pour l'association Femmes Solidaires , qui a mis en place un numéro d'écoute non surtaxé pour répondre à la détresse des femmes handicapées : 35 % des violences signalées sont commises par le conjoint, même si de nombreuses femmes n'appellent tout simplement pas, notamment en cas de handicap mental.
Cette proposition de résolution vise à formuler quatorze recommandations. Parmi elles, je citerai l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Elle permettra de sortir de la dépendance économique, qui rend compliquée la possibilité de quitter son conjoint violent. Au-delà de cette question, je rappelle que notre groupe a déposé une proposition de loi sur cette individualisation de l'AAH pour toutes les femmes handicapées, proposition de loi qui a malheureusement été rejetée en octobre 2018. Nombre d'associations qui accompagnent les personnes en situation de handicap n'ont pas compris que notre Haute Assemblée ne soutienne pas cette proposition, d'autant que 49 % des femmes handicapées sont inactives et que 13 % d'entre elles sont au chômage.
La formation des professionnels de justice et de santé est également impérieuse, l'éducation dès le plus jeune âge indispensable, la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes primordiale. Ce sont autant de recommandations défendues depuis de nombreuses années par les associations féministes.
Dans les Côtes-d'Armor, de nombreuses initiatives en ce sens sont menées. L'association Athéol , par exemple, prévoit un accompagnement et un hébergement spécifique pour les femmes handicapées. La Maison des Femmes du département regroupe vingt et une associations, dont Adalea , qui propose une veille et des réponses très spécifiques pour les femmes victimes de violences conjugales et familiales.
Je formulerai une dernière remarque sur l'accessibilité des bâtiments pour les femmes en situation de handicap. Je rappelle l'incompréhension de mon groupe concernant l'allongement de neuf ans du délai de mise en accessibilité des lieux publics, voté ici même en 2015.
Appeler à une prise de conscience de la situation du handicap, c'est bien, mais donner les moyens techniques, humains et financiers d'accompagner les femmes en situation de handicap, c'est mieux ! À ce propos, nous regrettons qu'aucune référence ne soit faite aux moyens financiers nécessaires pour accompagner ces mesures.
Former des professionnels, aménager des espaces d'hébergement adaptés, mener une politique publique d'inclusion sont autant d'objectifs annoncés, mais sans budget véritablement alloué.
Dans le département du Nord, en 2018, la moitié seulement des 8 000 appels reçus par l'association SOLFA a pu être traitée, faute d'effectifs. Le constat est le même pour l'hébergement d'urgence, puisque plus de 500 demandes n'ont pu aboutir. Les chiffres de 2019, encore inconnus pour le moment, ne seront malheureusement pas meilleurs. C'est dommage, d'autant que les subventions de cette association ont sans cesse diminué depuis 2010.
Les associations féministes mobilisées sur le sujet espéraient sincèrement que le Grenelle déboucherait sur un plan Marshall doté au moins de 500 millions d'euros, voire de 1 milliard d'euros. Une somme bien loin des 79 millions d'euros spécifiquement alloués à cette lutte !
D'ailleurs, comment ne pas s'interroger sur le fait que les conclusions de ce Grenelle n'abordent même pas la question des femmes handicapées ? Elles en sont véritablement les grandes oubliées. C'est bien la preuve que cette proposition de résolution arrive à point nommé.
Parce qu'il montre l'engagement du Sénat sur cette question et qu'il représente un pas en faveur du droit des femmes, nous voterons sans réserve ce texte, cosigné déjà par deux de mes collègues, Christine Prunaud et Laurence Cohen. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le sujet des femmes en situation de handicap m'est apparu comme particulièrement grave et sous-estimé lors du travail que mes collègues co-rapporteurs et moi-même avons effectué au sein de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Il est sous-estimé, déjà, parce qu'il n'est pas estimé du tout !
Comme pour d'autres sujets, par exemple la protection de l'enfance, nous sommes confrontés à une absence de données. S'il existe quelques enquêtes sectorielles qui tendent à montrer que ces femmes sont plus exposées aux violences que la population générale, ces données sont anciennes.
Le chiffre fréquemment cité selon lequel 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences provient d'un rapport du Parlement européen de 2007.
Il nous faut donc des chiffres, car comment construire une politique publique sur un sujet dont on ne maîtrise ni la fréquence, ni l'ampleur, ni les différentes dimensions, qu'elles soient psychologiques, sexuelles, conjugales ou économiques ? La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) prévoit de réaliser entre 2021 et 2023 une grande enquête sur les personnes handicapées. Tant mieux ! Mais pourquoi en prévoir une si tard ?
Graves et sous-estimées, aussi, sont les défaillances dans la prise en charge de jeunes filles en situation de handicap dans les établissements spécialisés.
Défaillances quant à la prescription de contraceptifs, par exemple, qui se ferait sans véritable consentement ni réel suivi médical. Cela paraît même être une condition pour y être accueillie. Lors de nos auditions, certaines interlocutrices sont allées jusqu'à se demander si l'objectif de telles pratiques n'était pas de se prémunir contre les conséquences de viols...
On ne peut pas non plus passer sous silence les stérilisations qui ont été imposées par le passé à des femmes handicapées dans des institutions françaises. Le Sénat avait déjà dénoncé ces pratiques en 2003, dans le cadre d'une commission d'enquête. Il les jugeait alors sous-estimées. Aujourd'hui, les stérilisations sont heureusement encadrées par la loi et interdites sur les handicapés mentaux placés sous tutelle ou curatelle, sauf indication médicale.
Toutefois, je rappelle ici avec force qu'aucune adolescente, aucune femme en situation de handicap ne devrait être « obligée » de prendre une contraception ni faire l'objet d'une stérilisation dans des conditions contraires à la loi. Ce sont les femmes que l'on doit protéger et non les violences sexuelles !
Grave et sous-estimée toujours est la « culture de la soumission », qui caractérise les relations entre les familles des personnes en situation de handicap et les établissements spécialisés qui les accueillent.
Les familles seraient implicitement dissuadées de révéler des violences, par peur que leur enfant ne soit exclu de l'institution ou qu'il soit l'objet d'un signalement auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Par ailleurs, en tant que co-rapporteure de la mission commune d'information sur les infractions sexuelles sur mineurs commises par des adultes dans le cadre de leurs fonctions, le cas spécifique de ces établissements d'accueil nous a été signalé, mais les associations les ayant en gestion n'ont pas cru bon de répondre à notre invitation pour être auditionnées, excepté APF France handicap .
Nous avions alors proposé que le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIVS) soit obligatoirement consulté pour l'embauche de tout professionnel ou bénévole ayant à travailler dans de telles institutions. C'est une demande renouvelée aujourd'hui dans cette proposition de résolution.
Grave et sous-estimé, enfin, le manque de signalement. Or, vous le savez, le secret professionnel ne s'applique pas en cas de violences commises sur des personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur âge ou d'une incapacité physique ou psychique.
Il serait bon que le signalement ne soit plus considéré, notamment par les médecins, comme une délation ou une prise de risque de leur part, mais soit perçu comme un acte pouvant sauver une vie. Je souhaite donc que le débat sur la question de l'obligation de signaler, actuellement en cours au sein d'une mission d'information au Sénat, aboutisse à une solution permettant de protéger les personnes en situation de handicap, particulièrement les femmes.
Mes chers collègues, cette gravité et cette sous-estimation m'ont poussée à cosigner ce projet de résolution que je vous invite à voter. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. )
Mme Chantal Deseyne . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis de discuter aujourd'hui de cette proposition de résolution qui permet de mettre en lumière un sujet très grave et pourtant encore tabou.
Comme l'a rappelé Annick Billon, ce texte s'inscrit dans la continuité des travaux de la délégation aux droits des femmes, qui a publié au mois d'octobre dernier un rapport sur les violences faites aux femmes en situation de handicap, dont j'étais co-rapporteure avec Roland Courteau, Françoise Laborde et Dominique Vérien.
La proposition de résolution vise à insister sur les multiples formes que prennent ces violences, qu'elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques.
Elle tend aussi à souligner, il faut le rappeler, que la vulnérabilité des femmes en situation de handicap est exacerbée par une menace constante. En effet, ces violences peuvent être commises aussi bien au sein de leur domicile, par un conjoint ou par des proches, qu'au sein d'institutions, par des membres du personnel.
Pourtant, rares, voire inexistantes, sont les campagnes de prévention ou les actions de sensibilisation contre ces violences.
Mon intervention portera plus spécifiquement sur le lien qui peut exister entre précarité des femmes en situation de handicap et violences.
En effet, ces femmes sont d'autant plus fragiles et vulnérables qu'elles se trouvent bien souvent dans une situation de dépendance économique : elles ont du mal à poursuivre des études, à trouver un emploi et à évoluer dans leur carrière professionnelle. Elles subissent donc encore plus d'inégalités que l'ensemble de la population féminine.
Notre rapport identifie plus particulièrement trois facteurs aggravant la précarité et la dépendance économique des femmes handicapées.
Premier facteur aggravant : les femmes handicapées se heurtent à des obstacles dans le suivi de leur scolarité et de leurs études supérieures, victimes de préjugés à la fois sur leur sexe et sur leur handicap. L'association Droit Pluriel a plus particulièrement alerté la délégation aux droits de femmes sur le taux très élevé de personnes sourdes ne sachant ni lire ni écrire. On ne saurait se satisfaire de cette situation. Il faut impérativement prendre des mesures pour y remédier. L'une de nos recommandations appelle donc à améliorer l'accès aux études des jeunes filles en situation de handicap, car cela constitue un enjeu important de leur autonomisation. Dans cette logique, nous visons aussi les études supérieures.
Deuxième facteur aggravant : la « surdiscrimination » au travail des femmes en situation de handicap ne doit pas être sous-estimée, car elle a des conséquences sur la capacité de ces femmes à échapper à leurs éventuels agresseurs.
Un remarquable rapport du Défenseur des droits, publié en novembre 2016, analyse en détail les multiples discriminations dans l'emploi dont sont victimes les femmes en situation de handicap. Le constat est édifiant.
Le Onzième baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi , publié en 2018 par le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail, montre par exemple que 34 % de la population active âgée de 18 à 65 ans déclare avoir été confrontée à des discriminations durant les cinq dernières années, contre une proportion de 54 % pour les femmes en situation de handicap, soit plus d'une femme sur deux.
Les préjugés freinent ainsi l'insertion professionnelle des femmes handicapées, victimes d'une double exclusion, parce qu'elles sont femmes et parce qu'elles sont handicapées. À cet égard, il faut savoir que, dans un cadre professionnel, un homme handicapé sera considéré comme plus apte à surmonter son handicap qu'une femme handicapée.
Dans un premier temps, ces femmes sont soumises à une ségrégation horizontale puisqu'elles sont, davantage que les autres femmes, susceptibles d'occuper des emplois de niveau inférieur ou des temps partiels, généralement peu rémunérés, qui les maintiennent dans une situation de précarité.
Dans un second temps, elles subissent davantage les effets du « plafond de verre », puisque 1 % seulement des femmes handicapées en emploi sont cadres, contre 10 % de leurs homologues masculins.
L'une de nos recommandations vise donc à prévoir que le critère de l'égalité femmes-hommes soit mieux pris en compte dans les politiques visant à favoriser l'emploi et la formation des personnes en situation de handicap.
Suivant les préconisations du Défenseur des droits sur le sujet, nous recommandons aussi la mise en place de mesures concrètes pour rendre effectifs les aménagements de poste dans l'emploi et pour développer l'accessibilité des établissements de formation, des entreprises et des administrations au bénéfice des personnes en situation de handicap.
Troisième facteur aggravant : lorsque la seule source de revenus des femmes en situation de handicap est l'allocation aux adultes handicapés, elles demeurent dans une situation de précarité et de dépendance intolérables. En effet, en tant que revenu de solidarité, l'AAH est soumise à des conditions de ressources et intègre les revenus du conjoint dans le barème de versement.
Convaincus que l'autonomie économique des femmes handicapées est un prérequis pour leur permettre d'échapper à des situations de violence, nous appelons donc à une réflexion sur l'allocation aux adultes handicapés qui prenne en compte l'importance de celle-ci, dans le contexte de violences au sein du couple, pour l'autonomie de la victime par rapport à un conjoint violent.
Pour conclure, je dirai que le renforcement de l'autonomie professionnelle est l'un des facteurs clés pour prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap.
Mme la présidente . Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Chantal Deseyne . Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. - Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec une émotion particulière que j'interviens cet après-midi à la tribune du Sénat pour défendre, avec mes collègues rapporteures et avec la présidente de la délégation aux droits des femmes, cette proposition de résolution.
Ce texte constitue l'aboutissement d'un travail de plusieurs mois sur les violences faites aux femmes en situation de handicap. Le rapport d'information qui en est issu a été adopté par notre délégation à l'unanimité.
Comme l'a souligné notre présidente, le fait que cette proposition de résolution soit cosignée par un si grand nombre de sénateurs et de sénatrices, de tous les groupes politiques, traduit l'implication de l'ensemble de notre assemblée pour défendre les victimes de ces violences insupportables, parce qu'elles visent des personnes vulnérables qu'il est de notre devoir de défendre contre les prédateurs qui les prennent pour cibles. Car il s'agit bien de prédateurs !
Mon engagement contre les violences faites aux femmes est ancien : c'est le fil conducteur de mon parcours d'élu. J'y travaille depuis de longues années, à la fois comme législateur et sur le terrain.
Si, ces dernières années, quelques avancées ont pu être constatées, notamment en matière de lutte contre les violences conjugales, on ne peut en dire autant des violences auxquelles sont confrontées les femmes en situation de handicap.
Deux adjectifs ont émergé des témoignages que nous avons entendus au cours de notre travail : « oubliées » et « invisibles ». Il faut y ajouter « inaudibles », car à toutes les violences que subissent ces femmes, s'ajoute la violence qui résulte d'une parole presque toujours mise en doute, au nom de leur handicap, comme si leur identité pouvait être réduite à celui-ci.
Certes, la prise en compte des femmes handicapées dans les politiques publiques de lutte contre les violences est récente, puisqu'elle remonte, en réalité, aux deux derniers plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes : le quatrième plan, qui couvre la période 2014-2016, et le cinquième plan, qui concerne les années 2017-2019.
On peut donc espérer que les dynamiques enclenchées depuis 2014 conduisent prochainement, si les moyens nécessaires sont mobilisés, à des résultats concrets.
Le quatrième plan a ainsi pris en compte les femmes handicapées dans les objectifs définis dans le domaine de la formation initiale et continue des agents du service public et des professionnels. C'était une orientation pertinente, car la formation des personnels est, on le sait, décisive dans ce domaine.
Dans le même temps, des clips de sensibilisation ont été adaptés à certaines formes de handicap, puisqu'ils ont été sous-titrés et traduits en langue des signes. Voilà une bonne pratique à rendre, si cela est possible, systématique !
Quant au cinquième plan, il prévoyait la formation des professionnels au contact des femmes handicapées, l'éducation à la vie sexuelle et affective dans les établissements médico-sociaux et la signature d'une convention entre le 3919 et le 3977, numéro national pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées, afin d'orienter les femmes en situation de handicap vers des structures spécialisées.
Nous avons par ailleurs noté que la feuille de route issue du comité interministériel du handicap, intitulée Gardons le cap, changeons le quotidien !, prenait aussi en compte la lutte contre les violences faites aux femmes, en contribuant notamment à renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel et les discriminations. Cette démarche devra donc être amplifiée à l'avenir.
Parmi les pistes à explorer, on pourrait promouvoir des campagnes de sensibilisation et de communication montrant des femmes en situation de handicap. Il faut que celles-ci cessent d'être invisibles pour sensibiliser l'opinion publique à la réalité des violences qu'elles subissent.
Il est certain que l'effort de formation des professionnels doit se poursuivre de manière plus ambitieuse, afin d'encourager et de crédibiliser la parole des victimes de violences et de leur garantir une prise en charge adaptée. C'est un impératif bien connu de la délégation aux droits des femmes. Il est encore plus prégnant dans le cas des femmes en situation de handicap.
Pour révéler les violences subies, les femmes doivent pouvoir se tourner vers des professionnels formés. Dans le cas des personnes en situation de handicap, une formation insuffisante des professionnels peut déboucher sur de graves écueils. Plus particulièrement, la méconnaissance des symptômes du psychotrauma par de nombreux praticiens conduit des professionnels à passer à côté d'une situation de violence.
Tous les professionnels et bénévoles en contact avec des personnes en situation de handicap, ou susceptibles de l'être, devraient être formés au repérage des violences. Ce point concerne aussi bien les soignants, les bénévoles des centres d'accueil, les écoutants des plateformes téléphoniques que les personnels de l'ASE ou des cellules de recueil des informations préoccupantes. Il vise aussi, bien évidemment, les professionnels de la chaîne judiciaire.
Madame la secrétaire d'État, nous comptons sur le Gouvernement pour que le sixième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, qui devrait commencer en 2020, poursuive et amplifie les quelques efforts déjà observés ces dernières années.
Par ailleurs, il nous a paru regrettable que la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement ne prévoie pas de mention explicite de la prévention et de la lutte contre ces violences, même si certaines mesures peuvent contribuer à une prévention indirecte des violences sexuelles à l'égard des femmes autistes. Il y a probablement là une piste d'évolution à envisager.
Quant au Grenelle contre les violences conjugales , je ne suis pas convaincu que les actions spécifiques annoncées le 25 novembre dernier à destination des femmes en situation de handicap soient à la hauteur des enjeux. La « formation en ligne certifiante s'adressant aux professionnels des établissements et services médico-sociaux » manque d'ambition. Je ne vois pas comment une formation en ligne pourrait se substituer à un réel apprentissage, compte tenu de la complexité et de la sensibilité de la question.
Permettez-moi aussi d'exprimer quelques doutes sur les « centres ressources prévus dans chaque région pour accompagner les femmes en situation de handicap dans leur vie intime et sexuelle et leur parentalité ».
Notre rapport souligne la nécessité d'une éducation à la sexualité pour toutes les jeunes femmes en situation de handicap, dans une perspective de prévention des violences et d'accompagnement à la maternité. Or ces centres ressources ne sont à la hauteur de cet enjeu ni par leur nombre, trop faible, ni par leurs objectifs, formulés en des termes aussi abstraits que flous.
Il nous a donc semblé que deux évolutions étaient nécessaires pour mieux accueillir les femmes handicapées victimes de violences. D'une part, il s'agit de faire en sorte que les politiques publiques du handicap intègrent la dimension de l'égalité femmes-hommes dès le plus jeune âge. D'autre part, les politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes doivent systématiquement prendre en compte la dimension du handicap.
Seule cette approche transversale des questions relatives au handicap et des politiques publiques de lutte contre les violences, croisant le genre et le handicap, pourrait permettre aux femmes en situation de handicap d'avoir toute leur place dans les plans de lutte contre les violences.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe socialiste votera bien sûr sans réserve ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, RDSE et UC.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Françoise Laborde . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureuse de défendre aujourd'hui cette proposition de résolution visant à dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap.
Comme l'ont déjà dit les orateurs précédents, ce texte s'inscrit dans la continuité d'un rapport de la délégation aux droits des femmes. Il nous a semblé important d'étudier en détail la situation de ces victimes parmi les plus vulnérables. Les personnes auditionnées nous ont rappelé l'importance de considérer les individus en situation de handicap non comme des « objets de soin », mais comme des « sujets de droit ».
Pour ma part, je centrerai mon intervention sur la question de l'accès aux droits pour ces femmes, véritable clé de la réussite dans la lutte contre les violences. Il faut, par exemple, permettre l'accessibilité aux structures d'accueil ou encore la prise en charge par les forces de police et de justice.
D'énormes progrès restent à faire en la matière. Si les démarches pour se rendre au commissariat et porter plainte sont éprouvantes pour les femmes victimes de violences, elles peuvent être insurmontables pour les femmes en situation de handicap. Le manque de formation des professionnels et l'inadaptation de certaines procédures aux formes de handicap sont des facteurs de blocage encore plus forts de la libération de la parole des femmes handicapées.
Cette spécificité nécessite une formation particulière, qui fait défaut aux forces de sécurité et aux personnels de la justice. La formation encore insuffisante à la question des violences faites aux femmes comporte encore davantage de lacunes lorsque ces violences concernent les personnes handicapées ! D'après les témoignages, l'accueil par la police des victimes en situation de handicap est largement perfectible : manque d'empathie parfois, attitude condescendante, inadaptation des questions... Comme l'ont dit mes collègues, cela ne s'apprend pas en ligne !
Alors que la crédibilité des victimes est centrale dans la procédure judiciaire, les personnes handicapées sont souvent infantilisées et présumées incapables. Les personnels n'intègrent pas le fait que les victimes puissent être particulièrement traumatisées par les violences subies.
Ces constats faits pour la police valent aussi pour la justice. Comme nous l'a indiqué la directrice de l'association Droit pluriel , les professionnels du droit ne comprennent pas, par exemple, la spécificité des personnes malentendantes. Le nombre de permanences juridiques en langue des signes reste à ce jour très limité, le public concerné est exclu de fait des lieux d'aide aux victimes.
En conséquence, nous plaidons pour le développement d'outils et de procédures permettant aux personnes handicapées d'entamer des démarches judiciaires dans des conditions adaptées. Cet effort doit notamment viser les personnes autistes et les personnes malentendantes.
L'accès aux droits des personnes en situation de handicap passe d'abord par l'accessibilité matérielle des dispositifs destinés aux victimes, comme les centres d'hébergement ou lieux de dépôt de plainte. Mais une meilleure accessibilité suppose aussi la formation et la sensibilisation des acteurs de la chaîne judiciaire aux problématiques du handicap ; construire des rampes d'accès ou des ascenseurs adaptés ne suffit pas.
Un autre volet essentiel des droits des personnes en situation de handicap est celui de leur accès à la santé et de leur autonomie en matière de soins, conditions nécessaires à leur dignité. Le Parlement européen, dans des résolutions de mars 2007 et novembre 2018, a souligné les difficultés liées à l'inadaptation des infrastructures médicales et regretté le manque de suivi gynécologique des femmes handicapées.
Une étude de l'agence régionale de santé d'Île-de-France, publiée en 2018, relative aux besoins et à la prise en charge gynécologique et obstétricale montre un déficit plus important dans le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap. Par exemple, 85 % d'entre elles n'ont jamais passé de mammographie.
On ne peut se satisfaire de cette situation ! L'accès aux soins et aux dépistages des cancers féminins est un droit qui ne peut être enlevé aux femmes en situation de handicap. L'une des recommandations de notre rapport porte donc sur le suivi gynécologique des femmes et adolescentes en situation de handicap : il est indispensable qu'il soit régulier , a fortiori dans le cadre d'un traitement contraceptif, qu'elles résident ou non dans des institutions. Nous demandons également que les équipements de dépistage du cancer du sein soient adaptés aux patientes handicapées.
L'information des adolescentes et des femmes handicapées sur la contraception et leur éducation à la sexualité doit s'inscrire dans la prévention des violences, y compris sexuelles, auxquelles elles sont particulièrement exposées et s'étendre à la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Pour conclure, je voudrais citer ces paroles fortes de Brigitte Bricout, alors présidente de Femmes pour le dire, Femmes pour agir , association de référence pour la prise en charge des femmes en situation de handicap victimes de violences : « Ce n'est pas notre handicap qui nous définit, c'est d'être femme. Les femmes qui constituent la moitié de la société civile sont des citoyennes, comme les femmes en situation de handicap. Cette position de citoyenne est constitutive de notre engagement. Nous ne sommes pas à côté de la société civile, mais à l'intérieur. »
Il est de notre devoir de garantir la citoyenneté à laquelle les femmes en situation de handicap aspirent légitimement.
Mes chers collègues, je vous invite, tout comme le feront les membres du groupe du RDSE, à voter cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
Mme la présidente . La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous étudions aujourd'hui une proposition de résolution présentée par nos collègues membres de la délégation aux droits des femmes.
Nous tenons à saluer l'initiative transpartisane que constitue cette proposition de résolution et nous souscrivons largement aux objectifs qui y sont énoncés.
La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat de tous les instants. Chaque année, 220 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Selon une étude de l'Institut français d'opinion publique (IFOP), 12 % des Françaises ont été victimes de viols et 43 % déclarent avoir subi des gestes sexuels sans leur consentement.
Nous partageons le constat, plus qu'alarmant, sur l'exposition particulièrement marquée des femmes en situation de handicap aux violences, que ce soit dans le cercle familial ou dans les institutions spécialisées. D'après un rapport de l'ONU, quatre femmes en situation de handicap sur cinq seraient victimes de tous types de violences, notamment sexuelles et conjugales.
Un autre chiffre nous démontre l'ampleur du phénomène : selon une étude de 2016 de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les femmes qui courent le plus de risques d'être victimes de violences conjugales sont celles de moins de 25 ans qui se trouvent en situation de handicap.
Il s'agit d'un cercle vicieux : le handicap accroît le risque de violence, les violences accroissent le handicap. Nous devons tout mettre en oeuvre pour sortir de cette spirale infernale et mieux protéger les femmes.
Cela passe tout d'abord par une meilleure prévention et une meilleure connaissance du phénomène grâce, notamment, à des études et des statistiques plus nombreuses.
Nous devons également travailler davantage avec les acteurs associatifs qui, chaque jour, proposent une écoute, un accompagnement juridique, social et psychologique à destination de ce public particulièrement exposé.
Enfin, la facilitation des démarches administratives et judiciaires apparaît nécessaire pour favoriser la prise en charge effective des victimes.
Le Gouvernement a pleinement conscience de cette réalité. Durant le Grenelle contre les violences conjugales , la prévention des violences faites aux femmes en situation de handicap avait fait l'objet d'un groupe de travail spécifique. Un certain nombre de propositions ont été annoncées et seront mises en oeuvre dès 2020.
Je pense notamment à la lutte contre les violences en établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) par un travail d'encadrement et de valorisation des bonnes pratiques déployées par les agences régionales de santé (ARS).
Je pense également à la formation des professionnels de santé intervenant dans les ESMS à la question des violences faites aux femmes, dont les violences conjugales.
L'objectif est également de faire connaître des dispositifs déjà mis en place et qui ont prouvé leur efficacité. Ainsi, le 3919, service d'écoute téléphonique pour les femmes victimes de violences, sera accessible aux personnes sourdes et malentendantes.
Nous sommes favorables à toute initiative visant à prévenir et à lutter contre les mauvais traitements infligés aux personnes en situation de handicap. La société inclusive que nous prônons est une société dans laquelle est intégrée chaque personne en dehors de toute autre considération. De ce fait, elle lutte contre les inégalités de destin par sa solidarité.
Aussi, nous saluons la qualité du rapport d'information du groupe de travail mené par notre collègue Roland Courteau au nom de la délégation aux droits des femmes, dont nous approuvons les propositions, car elles vont dans le sens d'une meilleure prise en charge des femmes en situation de handicap victimes de violences.
Les politiques publiques concernant l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale du quinquennat, s'entendent de manière générale. Elles concernent, a fortiori , les femmes les plus vulnérables et c'est pourquoi nous soutiendrons tous - en tout cas, je l'espère - cette proposition de résolution.
Voter ce texte à l'unanimité du Sénat enverrait un message fort et démontrerait notre volonté commune de lutter ardemment contre toutes les formes de violences faites aux femmes en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et SOCR.)
Mme la présidente . La parole est à M. Loïc Hervé. ( Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Annick Billon, mes chers collègues, le nombre de femmes décédées en 2019 sous les coups de leur conjoint est de 149. Durant le Grenelle contre les violences conjugales installé le 3 septembre dernier par le Gouvernement, une attention toute particulière a été portée à la question des féminicides et à leur ampleur, mais également à celle des violences faites aux femmes en situation de handicap.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, à laquelle j'appartiens, a voulu mettre l'accent sur ce fléau, souvent oublié par les politiques publiques, que sont les violences faites aux femmes handicapées. En effet, lors de la table ronde que nous avions organisée le 6 décembre 2018, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Mme Pascale Ribes, vice-présidente de l'association France handicap , rappelait une fois encore que « les femmes handicapées restent invisibles et oubliées des politiques publiques ».
Je tiens à remercier nos collègues Dominique Vérien, Chantal Deseyne, Françoise Laborde et Roland Courteau pour leur travail et ce rapport, qui nous permet aujourd'hui de mesurer tout l'enjeu de cette proposition de résolution.
De nombreux points mis en avant par le rapport ont déjà été rappelés. Pour ma part, je souhaite mettre l'accent sur l'effort nécessaire de formation des professionnels, en particulier des forces de police et de justice qui sont les premiers interlocuteurs de toute victime souhaitant déposer plainte. Dans de nombreux cas, l'accueil de victimes en situation de handicap reste difficile : absence d'empathie, manque d'égards, attitude condescendante, inadaptation des questions ou de la procédure. C'est pourquoi il est essentiel qu'ils acquièrent les connaissances solides afin d'accueillir dans de meilleures conditions et avec bienveillance les femmes en situation de handicap victimes de violences sexuelles.
Ainsi, au cours des auditions menées par nos collègues rapporteurs, ont notamment été soulevées les difficultés rencontrées par les personnes sourdes et malentendantes sur lesquelles je voudrais faire quelques remarques.
Tout d'abord, celles-ci ne sont pas familières du monde judiciaire, et les professionnels du droit sont peu réceptifs à leur situation.
Ensuite, force est de constater que le nombre de permanences juridiques en langue des signes reste à ce jour très limité, ce qui exclut encore davantage ces personnes des dispositifs mis en place pour l'aide aux victimes.
Le même constat peut également être fait à l'égard des personnes autistes ou malentendantes.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les différentes lacunes que j'ai relevées aujourd'hui nous conduisent à recommander un renforcement de la formation et de la sensibilisation des acteurs de la chaîne judiciaire aux problématiques du handicap.
En tant que membre de la délégation aux droits des femmes du Sénat, j'estime qu'il est absolument nécessaire que nous prenions tous conscience des agissements que j'ai dénoncés. Je vous invite donc, avec les membres du groupe Union Centriste, à adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Annick Billon, mes chers collègues, 80 % des femmes handicapées subissent des violences. Elles sont négligées, humiliées, insultées, frappées, violées, parfois tuées. Nous ne pouvons plus tolérer l'intolérable. Les gouvernements successifs se sont penchés sur ce sujet ô combien tragique, mais hélas, jusqu'à aujourd'hui, ces violences persistent.
Cette proposition de résolution en date du 25 novembre 2019 vient s'inscrire dans la continuité des travaux engagés au cours de la session 2017-2018 par notre délégation aux droits des femmes sur les violences faites aux femmes, et du rapport déposé le 3 octobre dernier par mes collègues Chantal Deseyne, Dominique Vérien, Françoise Laborde et Roland Courteau, dont je salue l'excellente initiative.
Il y a un sujet sur lequel nous ne pouvons pas transiger tant il est important. Un sujet qui, cependant, reste étrangement silencieux lorsqu'il s'agit des femmes en situation de handicap, qui comptent pourtant parmi les premières victimes d'abus, compte tenu de leur vulnérabilité. Ce sujet, vous l'aurez compris, mes chers collègues, c'est le consentement, qui est « l'angle mort » de la politique publique d'accompagnement du handicap. Pourtant, il n'est pas possible de le considérer comme « acquis par défaut », qu'il s'agisse de sexualité ou de tout autre domaine de la vie.
Je souhaite donc rappeler dans un premier temps qu'il est nécessaire de mieux relier les indicateurs de « violence » et de « handicap » dans la prise en charge institutionnelle et légale des victimes, afin d'obtenir des bases statistiques qualifiant et quantifiant mieux les faits.
Selon une étude menée par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, 31 % des femmes en situation de handicap sont ou ont été victimes de violences physiques ou sexuelles. Par ailleurs, 3,9 % des femmes handicapées sont victimes de violence dans le couple, contre 1,87 % des femmes en moyenne. Les filles et les femmes en situation de handicap ont jusqu'à dix fois plus de risques d'être maltraitées que les femmes valides.
En France, cependant, aucune étude nationale spécifique n'a été menée récemment pour mesurer ces violences. Maudy Piot, présidente de l'association Femmes pour le dire, Femmes pour agir estimait que quatre femmes handicapées sur cinq sont victimes de violences, notamment au-dessous de 25 ans. Les agresseurs sont les conjoints à 40 %, les ex-conjoints à 10 %, les enfants à 14 %, les parents à 9 % et les aidants extérieurs à 18 % selon les statistiques du 114, numéro d'urgence dédié aux personnes sourdes ou malentendantes. Ces femmes sont également victimes d'agressions sexuelles dans les institutions spécialisées qui les accueillent, comme les instituts médico-éducatifs (IME) ou les établissements et services d'aide par le travail (ÉSAT). Les dispositifs d'urgence existants doivent être renforcés pour repérer les victimes plus efficacement.
Cependant, ces abus de faiblesse ont lieu à 60 % au domicile, rendant le problème invisible. Beaucoup de femmes n'appellent pas ces numéros d'urgence, et n'entrent pas non plus en contact avec les nombreuses associations qui assurent un travail remarquable de terrain au quotidien, auxquelles je rends hommage aujourd'hui. Il convient de diversifier les systèmes de signalement et de contrôle afin que cette réalité soit prise en compte.
En dépit des conseils et de l'écoute des associations et institutions, les violences perdurent souvent. Il faut alors porter plainte. Mais la démarche est difficile, surtout lorsque des dépendances existent. Ces dépendances peuvent être financières, à travers la gestion de l'AAH par un proche maltraitant, mais également matérielles, au travers du logement ou de la nourriture, ou encore affectives, avec la pression morale exercée par le proche maltraitant. La peur des représailles est également très présente.
Dans un second temps, il faut donc évoquer la sécurisation d'un véritable parcours de plainte autonome et accessible pour toutes les femmes victimes de violence qui ont peur de se lancer dans une démarche judiciaire, pourtant essentielle.
Une fois ce cap franchi, le parcours de la combattante ne s'arrête pas ; il faut encore se déplacer et oser entrer dans le commissariat ou la gendarmerie. Or tous ces lieux ne sont pas encore entièrement accessibles. Il y a aussi la honte, face à des personnels parfois insuffisamment sensibilisés et formés pour recevoir ces plaintes. Trouver des solutions adaptées permettant de fluidifier la procédure est une priorité pour ces femmes. Il faut que l'ensemble des personnels d'accompagnement, les forces de l'ordre et plus largement les citoyens prennent conscience de la réalité des violences exercées à leur encontre. Cela implique de la pédagogie, de la formation, comme le rappelle le texte de notre proposition de résolution.
Je conclurai en disant que mon vote est bien entendu favorable à cette proposition de résolution que j'ai cosignée, mais également, mes chers collègues, que nous sommes tous les porte-parole de ces femmes en situation de handicap victimes de violence. Il faut absolument que la peur change de camp ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd'hui sur l'un des angles morts des politiques publiques françaises : les violences faites aux femmes en situation de handicap. Je remercie notre collègue et présidente Annick Billon d'avoir porté ce sujet au sein de la délégation aux droits des femmes.
Le rapport sénatorial remis le 3 octobre dernier par nos collègues Chantal Deseyne, Françoise Laborde, Dominique Vérien et Roland Courteau avait souligné un manque criant de données sur le sujet en France, alors même que plusieurs rapports internationaux sont unanimes pour souligner la surexposition des femmes handicapées aux violences.
Le constat est en effet sans appel : près de 80 % des femmes handicapées sont victimes de tous types de violences : tentatives de culpabilisation par des proches, moqueries et méchancetés gratuites au quotidien, maltraitances hospitalières, hospitalisations abusives en hôpital psychiatrique, abus de confiance...
Autre chiffre glaçant : les femmes handicapées sont quatre fois plus susceptibles de subir des violences sexuelles que le reste de la population féminine.
La vulnérabilité liée au handicap place bien souvent les femmes dans des situations de dépendance économique et émotionnelle vis-à-vis de leur agresseur. Beaucoup d'entre elles n'osent pas porter plainte par peur des représailles. D'autres, atteintes de handicap mental, sont même dans l'incapacité d'appeler les numéros d'urgence.
Lorsqu'elles osent ou peuvent franchir le pas, elles sont alors confrontées à d'autres violences psychologiques. C'est le cas de cette femme autiste dont on ne croit pas l'histoire parce qu'elle a du mal à s'exprimer et que ses émotions ne sont pas assez manifestes. On peut encore citer l'exemple terrible de cette femme malentendante qui se voit demander par des policiers de mimer le viol qu'elle a subi, car elle n'est pas capable de le raconter.
Cette proposition de résolution appelle à une prise de conscience sociétale, qui doit passer par une sensibilisation accrue de tous à ces violences.
D'abord, il est primordial de mieux former les professionnels à la spécificité des violences sexuelles commises contre les femmes en situation de handicap. Cet effort de formation doit même être étendu à tous les intervenants potentiels : les soignants, les écoutants des plateformes téléphoniques, les professionnels et les bénévoles en contact avec des personnes handicapées, sans oublier les magistrats et agents de police, qui sont en première ligne lorsqu'une victime souhaite déposer plainte.
Ensuite, il est nécessaire d'améliorer l'information des personnes handicapées sur leurs droits, ce qui suppose le développement d'outils de communication dans des formats accessibles, quel que soit le handicap. Une rencontre annuelle et obligatoire avec un psychologue constituerait aussi une véritable avancée pour aider les victimes à rompre le silence.
Enfin, il est temps de briser l'omerta qui règne encore trop souvent dans certains établissements spécialisés. Le secret professionnel ne doit pas permettre aux professionnels de s'exonérer de leurs responsabilités quand ils sont en mesure de présumer qu'une personne handicapée est victime de violences. J'ai ainsi en mémoire le témoignage accablant d'une professionnelle de santé travaillant dans le département dont je suis élue, l'Aisne, et qui soupçonnait un père de famille de viols incestueux réguliers sur ses deux filles placées en institution. Tout le monde savait ; personne n'a jamais osé parler... Parce que le signalement de situations de violences peut sauver des vies, nous devons soutenir l'introduction dans le code pénal d'une obligation de signalement des violences physiques, psychiques ou sexuelles, notamment pour les professionnels de santé.
Mes chers collègues, les violences faites aux femmes en situation de handicap sont aujourd'hui invisibles, mal connues et trop peu prises en compte. Nous voterons cette proposition de résolution, parce qu'elle encourage au changement de regard de l'ensemble de la société et des acteurs de la chaîne sur ces femmes oubliées. Nous devons les aider à sortir du silence et, surtout, faire entendre leur voix. Comme l'excellent rapport de nos quatre collègues nous y invite, il est temps de dénoncer l'invisible et d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE. - Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. - M. Daniel Chasseing et Mme Nicole Duranton applaudissent également.)
M. Claude Malhuret . Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, longtemps les violences ont été taboues, en particulier celles qui étaient commises sur les enfants et sur les femmes.
L'année 2019 aura été une année importante dans la lutte pour la fin du silence en France ; il était temps. Une mobilisation sans précédent de la société civile contre les violences faites aux femmes a vu le jour, avec comme point d'orgue la marche organisée par le collectif Nous toutes au mois de novembre dernier. La prise de conscience est là ; c'est une première étape.
De nombreuses actions ont été mises en place. Dans nos rues, placardés sur les murs, comme une trace indélébile dans notre quotidien, nous pouvons voir les prénoms de celles qui ont péri sous les coups. Un Grenelle contre les violences conjugales s'est tenu à la fin de l'année dernière ; trente mesures, que nous soutenons, sont ou seront mises en place, avec, comme objectifs, la prévention et la protection.
Les violences infligées au sein même du cercle familial sont désormais audibles. Elles peuvent être physiques, mais aussi morales, psychologiques ou encore sexuelles. Elles touchent tous les âges et tous les sexes ; elles touchent toute notre société.
La délégation aux droits des femmes, que je souhaite saluer pour le travail sans relâche qu'elle conduit, sous l'égide de son infatigable présidente, Annick Billon, place aujourd'hui le Sénat face au fléau spécifique des violences que subissent les femmes en situation de handicap. Le rapport d'information publié en octobre dernier par cette délégation, sous un titre évocateur et avec des chiffres glaçants, nous donne des pistes de réflexion. La résolution proposée aujourd'hui en fait autant.
Une discussion s'ouvre, et elle doit absolument déboucher sur des réponses adaptées.
Les témoignages recueillis lors des auditions, mais également ceux que l'on entend tous les jours dans les médias et autour de nous, sont éloquents. Les femmes en situation de handicap sont confrontées à de nombreux obstacles et à des violences qui se produisent bien souvent au sein de la famille ou dans les institutions, qui devraient au contraire protéger. D'où l'importance de l'accès à des données fiables et actualisées, afin de prendre conscience de l'ampleur de cette situation.
La délégation a appelé à une prise en compte systématique, dans les politiques publiques, des femmes en situation de handicap. Les conclusions et les mesures dévoilées lors du Grenelle contre les violences conjugales constituent une avancée, qui doit être poursuivie.
La prévention et la sensibilisation sont primordiales, et une prise en charge adaptée en cas de violence l'est tout autant. La procédure en la matière doit être révisée ; tous les maillons du dispositif doivent être formés et sensibilisés aux besoins spécifiques des femmes handicapées.
La proposition de résolution fait à juste titre mention de l'accès aux établissements médicaux et aux locaux de police ou d'hébergement d'urgence. Cette accessibilité doit répondre à toutes les formes de handicaps.
Je souhaite aussi parler de la prise en charge lors des appels d'urgence. Il est nécessaire d'améliorer ce système grâce, là encore, à la sensibilisation et la formation du personnel. L'écoute est essentielle ; c'est l'une des recommandations de la mission d'information, et cela me semble nécessaire. On a prévu, à l'issue du Grenelle , l'ouverture 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 du numéro d'urgence 3919. Il est précisé, au travers de cette mesure, que ce dispositif sera rendu accessible aux personnes en situation de handicap. Celles-ci doivent être certaines qu'elles seront entendues, qu'une protection leur sera apportée et que leurs droits seront garantis.
Les difficultés d'accès se retrouvent aussi dans les diverses formes de soin, de dépistage et de diagnostic. La proposition de résolution le met en évidence, les études récentes ont démontré que les femmes handicapées étaient plus exposées au risque de cancer du sein, du fait d'un dépistage insuffisant. La question du suivi, notamment gynécologique, de ces femmes est aussi essentielle ; ce suivi ne paraît pas suffisamment bien assuré. La santé est un bien précieux pour chaque Français, pour chaque Française.
La délégation aux droits des femmes a soulevé un autre point substantiel et la proposition de résolution que nous étudions le reprend : il s'agit de l'autonomie économique des femmes en situation de handicap.
M. Roland Courteau . C'est essentiel !
M. Claude Malhuret . De nombreux témoignages font part des difficultés d'accès à l'éducation, pour ces femmes, dès le plus jeune âge. Cela se poursuit durant les études et, plus tard, lors d'une prise de poste ou de responsabilités supérieures. L'accès à l'éducation est un pilier de notre République ; la possibilité de créer son parcours professionnel et d'accéder à l'emploi forme la base de notre système et de notre conception de l'égalité des chances.
Il est important de mettre ici en lumière la situation, dans le milieu du travail, des femmes atteintes d'autisme, dont les témoignages appellent à l'urgence d'un meilleur dépistage. Chacun de nos concitoyens doit pouvoir prendre sa place dans notre société et ne pas s'en sentir exclu, mis de côté. Notre système doit s'adapter.
Chacun doit se sentir concerné par le sujet qui nous rassemble aujourd'hui. Les acteurs associatifs manquent de moyens et parfois de personnes suffisamment formées pour mener à bien leur combat. L'État, bien conscient de l'enjeu dont nous traitons, doit être encouragé à prendre, dans ses politiques publiques, des mesures de lutte, mais aussi de prévention, contre les violences faites aux femmes en situation de handicap. Les professionnels du secteur sont invités à avoir un haut niveau de formation et de sensibilisation sur ces violences. Enfin, nous, citoyens, devons modifier nos comportements et nos préjugés, car nous mènerons cette lutte ensemble pour bâtir une société plus tolérante et plus protectrice, où chacun trouvera sa place.
Le groupe Les Indépendants , dont tous les membres ont cosigné cette proposition de résolution, votera pour ce texte. Celui-ci nous propose de réfléchir et d'avancer ensemble, afin de répondre de manière adéquate à ce problème ; ce n'est que l'une des étapes de tout le travail qu'il reste à accomplir, mais elle est essentielle. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et SOCR. - M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . Madame la présidente, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer votre initiative, transpartisane et consensuelle, sur un sujet longtemps tabou mais qui devient prégnant dans notre société, et c'est tant mieux.
Vous l'avez très justement rappelé, être femme et en situation de handicap expose plus que tout à des situations de violences conjugales et sexuelles. Être femme et être en situation de handicap représentent souvent des motifs de discrimination, dont le cumul est plus qu'inacceptable.
Vous l'aurez noté, c'est la première fois qu'un gouvernement compte deux secrétariats d'État, l'un au handicap, l'autre à l'égalité femmes-hommes, directement rattachés au Premier ministre. Ainsi, ce sujet, loin d'être un angle mort, bénéficie au contraire pleinement de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de mettre ces sujets au coeur de l'action gouvernementale et de nos politiques publiques.
Vous l'avez souligné, d'après un rapport de l'ONU, sur cinq femmes en situation de handicap, quatre seraient victimes de violences. De même, une étude, en date de mars 2016, de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que les femmes qui courent le plus de risques d'être victimes de violences conjugales sont les jeunes femmes en situation de handicap de moins de 25 ans, qui se trouvent, souvent, chez elles.
L'association Femmes pour le dire, Femmes pour agir , dont je veux saluer l'engagement de l'ancienne présidente, Maudy Piot, qui nous a quittés, m'a fait part, au cours de mes visites, du nombre croissant d'appels qu'elle reçoit depuis l'ouverture, en 2015, de son numéro d'appel. Parmi les appelants, 86 % sont des victimes ; les autres font généralement partie de l'entourage d'une victime. Par ailleurs, 38 % des appelantes ont entre 45 et 65 ans ; 16 % de ces femmes ont entre 26 et 45 ans. En revanche, les moins de 25 ans, pourtant largement victimes - ce sont les plus exposées -, n'appellent pas ou le font très peu.
Les femmes touchées par des handicaps psychiques représentent plus d'un tiers des appelantes ; elles sont, pour la moitié d'entre elles, sans emploi. Les femmes ayant une difficulté liée à une déficience intellectuelle n'appellent pas.
Une autre enquête corroborant l'urgence à agir est celle qui a été menée par l' Association francophone de femmes autistes . Alors que, en France, 14,5 % des femmes ayant entre 20 et 69 ans ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie, ce chiffre passe à 90 % pour celles qui sont atteintes de troubles du spectre de l'autisme. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes...
Les paroles des femmes sont également éloquentes. Ainsi de ce témoignage d'une femme de 47 ans, atteinte d'une déficience physique à l'âge de 22 ans : quand j'ai réussi à tomber enceinte - c'était un projet du couple depuis plusieurs années -, mon conjoint m'a intimé d'avorter, de peur que je « ponde un handicapé » - sic -, puis m'a infligé, entre autres histoires sordides, des maltraitances physiques et psychologiques qui ont entraîné ma fuite quand mon fils a eu cinq ans.
Autre témoignage : violence de mon mari, qui me traitait de « fainéante » et de « handicapée égocentrique « devant les enfants, quand j'étais fatiguée. Il n'a jamais accepté la maladie ; il a supprimé mon accès aux comptes, à mon compte mail et a repris les clés de la maison quand j'étais en rééducation.
D'autres témoignages, aussi édifiants que ceux-là, parlent d'eux-mêmes, et vous les avez tous entendus lors de vos auditions.
Pourtant, longtemps, la société ne s'est pas sentie concernée et est souvent restée indifférente.
M. Roland Courteau . Eh oui !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État . Lancé, le 3 septembre 2019, par le Premier ministre, le Grenelle contre les violences faites aux femmes a été une occasion sans précédent de dresser ce bilan accablant. J'y ai justement conduit un atelier sur les violences faites aux femmes handicapées.
La société ne doit plus détourner le regard de ces violences. Croyez-moi, ce n'est qu'ensemble que nous pourrons relever ce défi, en prenant en compte les besoins spécifiques des femmes en situation de handicap, dans tous les domaines de l'action publique. La mobilisation a permis d'accélérer et de renforcer la prise en considération du handicap dans la lutte contre les violences.
Conformément aux engagements pris par le comité interministériel du handicap, le 25 octobre 2018, et confirmés le 3 décembre 2019, nous avons lancé différentes actions.
La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la traite des êtres humains, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et les associations mobilisées se sont engagés dans la rédaction de fiches réflexes, qui visent à apprendre à tous les professionnels intervenant auprès des femmes en situation de handicap à repérer des violences qu'elles subissent ou ont subies, à mieux accompagner les intéressées et à mieux les orienter. Ces fiches sont finalisées ; il s'agit maintenant de travailler sur leur déclinaison opérationnelle, ce qui sera fait prochainement.
Pour ce qui concerne les urgences, le numéro 114 a été mis en accessibilité totale, afin que les femmes malentendantes ou sourdes puissent obtenir une réponse rapide.
Le Grenelle nous permet de poursuivre notre action et de l'amplifier. Ainsi, au titre de cette mobilisation interministérielle, nous allons agir plus fortement en matière de prévention. Lutter contre les violences faites aux femmes nécessite en effet de s'attaquer au problème à la racine ; l'éducation à la non-violence des enfants constitue donc un maillon indispensable de l'arsenal de mesures visant à combattre ces drames, afin d'éviter d'autres témoignages tels que celui-ci : « Au collège : harcèlement scolaire lié à mon handicap et au fait d'être une jeune fille. Le “légume” - c'est moi qui suis désignée comme tel par mes camarades - n'a pas la possibilité d'avoir un petit copain. On essaie de me rouler des pelles sans mon autorisation. » Ce témoignage, d'une femme de 32 ans atteinte d'un handicap physique de naissance, est très fréquent dans les collèges et les lycées.
Parmi les actions que nous allons engager à ce titre, une attention toute particulière sera accordée aux enfants et aux jeunes en situation de handicap. Nous devons être attentifs à ce que toutes nos actions puissent être adaptées, en tant que de besoin, aux femmes en situation de handicap.
À cet égard, je tiens à souligner une avancée importante : la mise en accessibilité prochaine du numéro 3919 pour les femmes sourdes ou malentendantes. Sur le fondement de la même exigence sera aussi créé un document accessible aux femmes en situation de handicap ; cela leur permettra d'être informées de la procédure, des recours et des possibilités d'accompagnement en cas de violence. Ce document sera adapté aux dispositifs locaux, en métropole comme en outre-mer, dans les lieux d'accueil, en coordonnant, par exemple, des actions locales.
Par ailleurs, nous nous sommes également engagés à mettre en oeuvre des actions très spécifiques, afin de répondre aux attentes des victimes en situation de handicap. Un centre de ressources sera déployé dans chaque région pour accompagner les femmes en situation de handicap, dans leur vie intime et sexuelle et dans leur parentalité. Ce centre mettra sur pied un réseau d'acteurs de proximité, afin que chaque femme en situation de handicap puisse trouver des réponses, qu'il s'agisse de sa vie intime ou de violences subies.
De surcroît, ces centres constitueront un point d'entrée unique, avec un réel rôle de coordination des différents acteurs concernés et, surtout, une identification beaucoup plus simple des interlocuteurs nécessaires lorsque l'on est confronté au pire. Avec cette organisation, les femmes seront soutenues dans leur pouvoir d'agir, notamment au travers d'échanges avec leurs pairs.
Ces centres seront aussi au service des aidants familiaux et des professionnels ; ils permettront d'avoir plus rapidement des retours d'expérience, afin d'affiner toujours mieux l'action des services de l'État.
Ce dispositif existe déjà ; il s'inspire fortement du centre ressources de Nouvelle-Aquitaine, qui fonctionne bien, car il est adossé à l'ensemble de cet écosystème et qui, en parallèle, sensibilise les aidants familiaux et les professionnels médico-sociaux. Nous travaillons actuellement avec les acteurs concernés à la rédaction du cahier des charges de ces centres de ressources, afin que ceux-ci essaiment le plus vite possible.
Il sera rappelé à l'ensemble des établissements et services médico-sociaux la nécessité absolue du respect de l'intimité et des droits sexuels et reproductifs des femmes accompagnées. Aucune tolérance ne doit être acceptée à l'égard d'éventuels manquements en la matière ; c'est fondamental. La plus grande vigilance sera exigée des autorités de contrôle sur l'identification et le traitement sans délai des violences.
Nous nous appuierons notamment sur la Note d'orientation pour une action globale d'appui à la bientraitance dans l'aide à l'autonomie , remise par Denis Piveteau, président de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, commission conjointe du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Ce rapport a été remis, en janvier dernier, à Agnès Buzyn et à moi-même.
Il s'agit également de capitaliser sur les initiatives qui fonctionnent, comme le projet HandiGynéco , institué en Île-de-France en mai 2018, sur l'initiative de l'agence régionale de santé. Ce projet permet de faire intervenir des sages-femmes au sein des établissements médico-sociaux franciliens, pour leur proposer un suivi gynécologique qui représente parfois, pour certaines femmes, la première consultation gynécologique.
Nous voulons aussi travailler sur la notion de violences, d'atteintes corporelles, tant avec les personnes handicapées qu'avec le personnel. J'ai pu le vérifier par moi-même en me rendant dans un établissement : c'est assez remarquable comme la parole peut enfin se libérer, comme les femmes peuvent parler de leur propre corps, de leurs ressentis. C'est indispensable.
Les items de la mesure de satisfaction prévus par la Haute Autorité de santé pour les personnes accompagnées dans les établissements médico-sociaux devront également prendre en compte la dimension de la vie affective et sexuelle. Nous allons également améliorer l'accès aux soins des femmes en situation de handicap. Vous l'avez dit, monsieur le sénateur Malhuret, il faut absolument que l'on puisse tous travailler sur l'accès aux soins, notamment gynécologiques, en mettant en oeuvre les préconisations de la mission de Philippe Denormandie, figurant dans le rapport rendu à la ministre de la santé et à moi-même le 2 décembre 2019.
Il s'agit ainsi d'assurer une fluidité et une accessibilité du parcours de santé, de renforcer la prévention - une tumeur détectée chez une femme vivant dans un établissement médico-social est en moyenne dix fois plus grosse que celle d'une femme suivie en ville, c'est quand même une inégalité anormale - et la coordination des soins et, bien sûr, de favoriser au maximum le droit commun et le libre choix.
Il nous faut également travailler sur les urgences, avec la mise en place et l'essaimage de la charte Jacob, un excellent outil de formation aux problèmes des personnes en situation de handicap.
Nous soutiendrons les professionnels. Une formation certifiante en ligne sera mise en place afin de faire monter massivement en compétence tous ceux qui interviennent dans l'accompagnement. Cette formation est complémentaire de celles qui existent déjà dans les établissements médico-sociaux, elle ne s'y substitue pas, monsieur le sénateur Courteau.
Cela complétera les travaux déjà engagés par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la traite des êtres humains, avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Je tiens par ailleurs à rappeler la signature, en mai 2018, d'une convention avec l'Unapei et la gendarmerie, destinée à promouvoir cette accessibilité au contenu et les formations des agents à la réception des plaintes.
Enfin, il nous reviendra de mesurer l'efficacité de notre action, afin de nous assurer de la réduction effective des violences subies par les femmes en situation de handicap. Les enquêtes devront comprendre des indicateurs permettant d'établir la réalité des violences subies, qu'elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques, pour en suivre l'évolution.
Nous n'oublions pas non plus - plusieurs d'entre vous l'ont souligné - les questions relatives à l'emprise, notamment économique. Nous savons que ce phénomène peut constituer, pour les femmes en situation de handicap qui subissent des violences conjugales, un frein à la décision de quitter le domicile.
Pour résoudre cette situation, nous travaillons actuellement aux moyens, pour les femmes, de recouvrer leurs droits, de bénéficier du montant global de l'allocation aux adultes handicapés beaucoup plus rapidement après une séparation ou un divorce. Il en va de même pour ce qui concerne les solutions de logement d'urgence ; celles-ci doivent être adaptées au handicap de la victime.
Cela a été dit sur l'ensemble de vos travées, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pouvons rester insensibles aux violences faites aux femmes handicapées ; votre proposition de résolution tout comme le rapport d'information d'octobre dernier de la délégation aux droits des femmes le démontrent.
Sachez-le, le Gouvernement y consacre la même énergie. Chaque action en faveur du handicap fait l'objet d'une étude portant sur l'égalité femmes-hommes, et la réciproque est également vraie, monsieur le sénateur Courteau.
Vous pouvez donc compter sur le Gouvernement pour se tenir aux côtés de la chambre haute chaque fois que se présentera l'occasion de faire avancer la cause qui nous réunit aujourd'hui, celle des femmes en situation de handicap, qui sont des citoyennes à part entière. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente . La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Proposition de résolution pour dénoncer
et agir
contre les violences faites aux femmes en situation de
handicap
Le Sénat,
Vu l'article 34-1 de la Constitution,
Vu la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989,
Vu la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006,
Vu la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l'Europe, dite Convention d'Istanbul, adoptée le 7 avril 2011,
Vu la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés,
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,
Vu la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes,
Vu la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne,
Vu la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes,
Vu la résolution 2006/2277 (INI) du Parlement européen du 26 avril 2007 sur la situation des femmes handicapées dans l'Union européenne,
Vu la résolution 2018/2685 (RSP) du Parlement européen du 29 novembre 2018 sur la situation des femmes handicapées,
Vu la recommandation CM/Rec(2012)6 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux États membres du 13 juin 2012 sur la protection et la promotion des droits des femmes et des filles handicapées,
Vu les recommandations du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme du 30 mars 2012 sur la question de la violence à l'égard des femmes et des filles et du handicap,
Vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 19 décembre 2017 sur la situation des femmes et des filles handicapées,
Vu la décision du Défenseur des droits n° 2017-257 portant recommandations générales destinées à améliorer la connaissance statistique de la situation et des besoins des personnes handicapées,
Considérant que, selon un rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen sur la situation des femmes handicapées dans l'Union européenne, publié en 2007, près de 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences, ces femmes étant quatre fois plus exposées au risque de violences sexuelles que les femmes dites valides ;
Considérant que l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a confirmé en mars 2016 la surexposition des femmes en situation de handicap au risque de violences au sein du couple ;
Considérant qu'une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2012 fait état d'un risque quatre fois plus élevé, pour les enfants en situation de handicap, d'être victimes de violences ;
Considérant que si le handicap accroît, pour les femmes, le risque de violences, notamment sexuelles, les violences elles-mêmes sont également à l'origine de handicaps, comme le relève l'Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides de la CNCDH du 26 mai 2016, qui souligne les troubles physiques et psychiques très invalidants imputables aux violences ainsi que les handicaps permanents liés aux violences sexuelles ;
Considérant que, selon les acteurs de terrain, les violences menaçant les femmes en situation de handicap sont généralement commises par l'entourage familial ou institutionnel, aucun lieu, pas même leur domicile, ne leur garantissant une parfaite sécurité ;
Considérant que les appels reçus par « Écoute violences femmes handicapées », permanence d'accueil et d'accompagnement dédiée aux violences faites aux femmes en situation de handicap, mettent en évidence le fait que 35 % des violences signalées ont lieu dans le couple et sont commises par le conjoint ;
Considérant l'importance du signalement, par les professionnels, des faits de violence dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions pour mieux protéger les victimes, sanctionner les auteurs et prévenir le fléau des violences faites aux personnes vulnérables ;
Considérant que le manque de données statistiques coordonnées au niveau national et régulièrement actualisées empêche de prendre la mesure exacte de la surexposition des femmes et des jeunes filles handicapées aux violences, que celles-ci surviennent dans le cadre familial ou en institutions, et affecte la mise en place d'une politique publique de prévention et de lutte contre ces violences et de protection de ces personnes ;
Considérant que l'une des conditions de la protection des femmes en situation de handicap contre les violences réside dans le renforcement de leur autonomie, ce qui concerne tant leur indépendance économique que leur accès à la santé ;
Considérant que, selon le rapport du Défenseur des droits intitulé « L'emploi des femmes en situation de handicap », publié le 14 novembre 2016 dans le cadre de sa mission de suivi de l'application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, les femmes en situation de handicap sont davantage touchées par le chômage que la population générale ;
Considérant que, selon le même rapport, les femmes handicapées se heurtent non seulement à des difficultés d'accès à l'emploi liées à leur handicap, mais aussi aux obstacles auxquels sont trop souvent confrontées toutes les femmes dans leur parcours professionnel, s'agissant plus précisément de l'accès aux responsabilités : 1 % seulement des femmes en situation de handicap en emploi sont cadres contre 10 % pour leurs homologues masculins ;
Considérant que, selon le 11e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi , réalisé en 2018 par le Défenseur des droits avec l'Organisation internationale du travail (OIT), 54 % des femmes handicapées déclarent avoir été confrontées à des discriminations durant les cinq années précédant cette enquête, soit plus d'une femme sur deux et une proportion nettement plus élevée que pour la population active âgée de 18 à 65 ans (34 %) ;
Considérant que ces discriminations, conjuguées à un accès imparfait aux études et à la formation ainsi qu'au poids des préjugés, affectent défavorablement le parcours professionnel des femmes en situation de handicap et sont à l'origine d'une dépendance économique qui accroît leur vulnérabilité aux violences, plus particulièrement dans le cadre familial ;
Considérant qu'une étude de l'Agence régionale de santé d'Île-de-France publiée en mars 2018 montrait que, sur 1 000 femmes handicapées, 58 % seulement affirmaient bénéficier d'un suivi gynécologique régulier et 85,7 % déclaraient ne jamais avoir effectué de mammographie, cette insuffisance étant confirmée en novembre 2018 par un constat du Parlement européen sur une exposition accrue des femmes handicapées au cancer du sein, faute d'équipements de dépistage et de diagnostic adaptés ;
Considérant que l'autonomie des femmes en situation de handicap passe par un accès renforcé aux soins, notamment gynécologiques, et par un accompagnement personnalisé à la maternité ;
Considérant que l'accueil des femmes handicapées victimes de violences est largement inapproprié, qu'il s'agisse de l'accessibilité des locaux de la police et de la gendarmerie ainsi que des hébergements d'urgence ou de la sensibilisation des professionnels et bénévoles à leurs besoins, et qu'entre autres améliorations un effort pourrait être entrepris en matière d'interprétariat en langue des signes dans l'ensemble de la chaîne judiciaire ;
N'accepte pas le risque accru de violences, notamment sexuelles, lié au handicap, et exprime sa vive émotion que des enfants, des adolescentes et des femmes en situation de handicap puissent être menacés tant dans le cadre institutionnel que dans le contexte familial ;
S'alarme du danger auquel semblent plus particulièrement exposées les jeunes filles et les femmes atteintes d'un trouble du spectre autistique et suggère l'intégration d'un dispositif dédié à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles dans la Stratégie nationale pour l'autisme ;
Estime qu'une meilleure protection des adolescentes et des femmes en situation de handicap contre les violences, plus particulièrement sexuelles, passe par un véritable effort en matière d'éducation à la sexualité, susceptible de leur permettre d'identifier d'éventuels prédateurs ;
Souhaite la mise à l'étude de la désignation de référents « Intégrité physique » au sein des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont la mission serait de recueillir le témoignage et d'orienter toute personne accueillie dans un tel établissement qui déclarerait avoir été victime de violence ;
Souligne l'intérêt d'une réflexion sur les responsabilités des professionnels, incluant les soignants, en matière de signalement des violences, notamment sexuelles, dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ;
Appelle à la plus grande vigilance lors du recrutement des professionnels et bénévoles intervenant dans des établissements accueillant des personnes handicapées, a fortiori quand celles-ci sont mineures ;
Exprime sa profonde considération à tous les acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, rend hommage à la regrettée Maudy Piot, disparue en 2017, inlassable avocate des droits et de la citoyenneté des femmes handicapées et fondatrice de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir , association de référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes handicapées, et encourage l'équipe qui lui a succédé à poursuivre son combat ;
Souligne l'importance cruciale des moyens dont doivent pouvoir disposer les associations, indispensables à la lutte contre les violences, plus particulièrement celles que subissent les femmes en situation de handicap, pour leur permettre de remplir leurs missions, et insiste sur la nécessaire prévisibilité des subventions susceptibles d'être attribuées aux acteurs du monde associatif ;
Demande l'établissement de statistiques précises afin d'améliorer la connaissance des violences et des discriminations faites aux femmes handicapées, et appelle à intégrer le handicap aux enquêtes nationales sur les violences faites aux femmes telles que l'étude « Violences et rapports de genre » (Virage), y compris dans sa déclinaison ultramarine ;
Souhaite que le questionnement du lien entre une violence dénoncée et un éventuel handicap psychique ou physique soit systématique lors de l'accueil des personnes contactant un numéro d'urgence ou une plateforme d'écoute ;
Considère l'autonomie des femmes en situation de handicap comme un prérequis pour les protéger des violences, notamment conjugales, et à ce titre :
- préconise la mise en place de mesures concrètes pour rendre effectifs les aménagements de poste dans l'emploi et le renforcement des mesures destinées à l'accessibilité des établissements de formation, des entreprises et des administrations, afin de dynamiser l'insertion professionnelle des femmes en situation de handicap ;
- suggère de mieux identifier les freins à l'emploi des femmes en situation de handicap par la réalisation d'études et de statistiques sur l'accès à l'éducation et à l'emploi des personnes handicapées croisant les variables de l'âge, du sexe, du type du handicap et de la catégorie socioprofessionnelle ;
- appelle à une réflexion sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui prenne en compte l'importance de celle-ci, dans le contexte de violences au sein du couple, pour l'autonomie de la victime par rapport à un conjoint violent ;
Juge indispensable que les femmes et les adolescentes en situation de handicap, qu'elles résident ou non dans des institutions, aient accès à un suivi gynécologique régulier, a fortiori dans le cadre d'un traitement contraceptif, et à un accompagnement personnalisé à la maternité, ce qui suppose entre autres efforts une meilleure accessibilité des structures médicales concernées ;
Demande que le matériel médical destiné au suivi gynécologique et obstétrical des patientes handicapées ainsi qu'au dépistage du cancer du sein soit adapté à leurs besoins sur tout le territoire, y compris dans les outre-mer ;
Est convaincu que l'amélioration de l'accueil des femmes handicapées victimes de violences par tous les acteurs de la chaîne judiciaire suppose un changement de regard sur ces personnes, afin qu'elles ne soient pas considérées comme des mineures et que leur parole et leur crédibilité ne soient pas mises en doute lorsqu'elles font état des violences qu'elles subissent ;
Affirme l'importance cruciale de l'accessibilité des lieux destinés à l'accueil des victimes de violences, qu'il s'agisse des locaux de la police et de la gendarmerie, des tribunaux ou des hébergements d'urgence, et du développement d'outils et de procédures permettant aux personnes handicapées de porter plainte dans des conditions adaptées à leur situation ;
Appelle à un effort accru de formation et de sensibilisation aux risques spécifiques de violences menaçant les femmes en situation de handicap, à destination de tous les acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que des soignants et des personnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ;
Salue le travail accompli par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) pour développer des supports de formation sur les violences faites aux femmes dans des formats divers, accessibles aux personnes handicapées et recommande la systématisation de cette démarche inclusive ;
Forme des voeux pour que la dynamique encouragée à l'égard des femmes en situation de handicap par les quatrième et cinquième plans de lutte contre les violences faites aux femmes soit amplifiée dans les plans à venir, y compris dans les territoires ultramarins ;
Appelle à l'intégration systématique de la dimension de l'égalité entre femmes et hommes dans les politiques du handicap et, inversement, à un renforcement de l'intégration du handicap dans toutes les politiques d'égalité entre femmes et hommes.
VOTE SUR L'ENSEMBLE
Mme la présidente . Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente . Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente . Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants : 341
Nombre de suffrages exprimés : 341
Pour l'adoption : 341
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
* 30 Cf. Violences, femmes et handicap : dénoncer l'invisible et agir ! , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Roland Courteau, Chantal Deseyne, Françoise Laborde et Dominique Vérien (n° 14, 2019-2020).