EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de sa réunion du 14 novembre 2019, la délégation a procédé à l'examen du rapport sur les risques naturels majeurs outre-mer (volet 2).
M. Michel Magras , président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin les conclusions de nos rapporteurs sur le second volet de l'étude relative aux risques naturels majeurs, centré sur les problématiques de reconstruction et de résilience des territoires et des populations.
Comme vous le savez, il fait suite à un premier rapport axé sur la prévention, l'alerte et la gestion de l'urgence. L'analyse très fouillée et les soixante recommandations de nos excellents collègues, Guillaume Arnell, Victoire Jasmin et Mathieu Darnaud, avaient déjà été unanimement saluées lors de sa publication en juillet 2018.
Outre une exposition majorée aux risques, ce premier rapport a pointé la particulière vulnérabilité de nos outre-mer, et a appelé à une mobilisation exceptionnelle face à une situation d'urgence.
Avant de céder la parole à Guillaume Arnell qui a eu la délicate mission de veiller à la cohérence de l'ensemble constitué par les deux volets, ainsi qu'à Abdallah Hassani et Jean-François Rapin qui ont formé notre remarquable binôme de rapporteurs sur ce second volet, je voudrais vous faire part de ma très grande satisfaction pour la qualité du travail accompli.
Cette vaste étude a été engagée au lendemain de la dévastation et du traumatisme qu'a représenté le passage d'Irma sur les îles du Nord de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En faisant le choix d'élargir l'évaluation de la situation à l'ensemble des territoires ultramarins et à l'ensemble des catastrophes naturelles, la délégation a volontairement souhaité se saisir d'une problématique transversale et très présente dans la vie concrète de nos concitoyens. J'insiste sur le fait qu'en traitant ce sujet nous avions conscience que les risques naturels concernent tout le monde, les outre-mer comme l'hexagone, à l'exemple du séisme qui vient de frapper la région de Montélimar.
Je voudrais vous livrer à présent quelques éléments qui témoignent de l'ampleur et du sérieux de nos travaux. Ils sont en quelque sorte la « marque de fabrique » de notre délégation et révèlent notre souci de recueillir l'information au plus près des territoires.
Ainsi, ce second volet a donné lieu à 72 heures d'auditions au cours desquelles nous avons entendu au total près de 145 personnes, tant au Sénat que lors du déplacement effectué à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, du 23 au 27 avril 2019.
Vous aurez noté que les visioconférences ont été moins nombreuses que les fois précédentes. La délégation a été pionnière dans ce domaine malgré les contraintes liées à cet exercice et que vous connaissez bien, comme les décalages horaires, le planning hebdomadaire des réunions de la délégation, le moindre éventail d'acteurs susceptibles d'être auditionnés, ou le temps imparti forcément plus restreint.
Mais nous avons pu saisir l'opportunité de la venue à Paris de délégations comme celle du gouvernement de la Polynésie française, conduite par son président Édouard Fritch, pour échanger sur les spécificités dans le bassin Pacifique, à la fois des risques et des solutions apportées sous le régime institutionnel qui est le leur.
Je crois qu'il faudra continuer à saisir ce type d'opportunités pour nos futurs travaux. Je pense notamment à la rencontre avec les maires ultramarins, le 18 novembre prochain, ici au Palais du Luxembourg, à l'occasion du Congrès des maires. La matinée d'échanges à laquelle vous êtes tous cordialement conviés se répartira entre la restitution des conclusions et la présentation des recommandations de la délégation sur les risques naturels majeurs et une séquence, en présence du Président Gérard Larcher, sur les moyens permettant d'améliorer la participation des élus locaux d'outre-mer aux travaux du Sénat en général.
Pour le présent rapport, les comptes rendus des auditions seront réunis dans un volume annexé au rapport d'information dont la retranscription représente quelque 300 pages, soit un volume comparable au premier volet.
Notre ambition doit être que ce travail d'investigation approfondi et les nombreuses recommandations qui en découlent servent de base à l'élaboration du futur projet de loi pour la prévention et la protection contre les risques naturels outre-mer dont le délégué interministériel Frédéric Mortier nous a confirmé la préparation à l'issue d'une consultation organisée localement.
Annoncé par le Président de la République à l'horizon de l'été 2019, ce projet est désormais prévu pour avril 2020, selon le Premier ministre lui-même qui l'a évoqué le 18 septembre lors du dernier comité interministériel des outre-mer.
Fruit d'un travail de fond déployé dans la durée, notre étude a donc vocation à peser sur ce processus et d'aider à bâtir ensemble l'avenir de territoires ultramarins toujours très exposés mais davantage résilients.
Je vous propose sans plus tarder de céder la parole aux rapporteurs et en premier lieu à Guillaume Arnell, notre rapporteur coordonnateur.
M. Guillaume Arnell , rapporteur coordonnateur . - Monsieur le Président, chers rapporteurs, chers collègues. Il y a deux ans, le 6 septembre 2017 au petit matin, le cyclone Irma frappait les îles du nord de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Un ouragan d'une violence inouïe, le deuxième plus puissant de l'histoire de la Caraïbe par la force des vents, avec des rafales observées atteignant les 360 km/h et une durée de positionnement en catégorie 5 exceptionnellement longue, 75 heures.
Comme le rappelait le président Magras, c'est à la suite de cet événement d'une ampleur sans précédent dans nos territoires que la délégation a décidé de conduire une étude sur les risques naturels majeurs outre-mer, étude qu'elle m'a fait l'honneur de me confier à coordonner. Je l'ai rappelé tout au long de ces deux années : il ne s'agissait pas de mener une commission d'enquête pour mettre en accusation les personnes qui avaient géré la crise. Je remercie ici le président du Sénat, Gérard Larcher, d'avoir soutenu la démarche que nous lui avions proposée. La volonté de la délégation était de permettre de dresser un état des lieux fouillé des risques auxquels sont confrontés les outre-mer et, surtout, d'évaluer la préparation de nos populations et de nos territoires face à ceux-ci.
Un premier rapport a été produit par nos deux collègues Mathieu Darnaud et Victoire Jasmin, consacré à la prévention des risques et à la gestion des crises. Nous vous présentons aujourd'hui, avec Abdallah Hassani et Jean-François Rapin, le second volet de cette étude, consacré à la reconstruction post-catastrophe et à la préparation de nos territoires pour une meilleure résilience.
Jean-François Rapin présentera nos conclusions concernant la reconstruction, s'appuyant particulièrement sur le cas de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ; Abdallah Hassani s'intéressera ensuite à la préparation de nos territoires sur le long terme.
Les recommandations que nous formulons sont au nombre de 40. Elles s'articulent autour de quatre axes : le pilotage et le suivi institutionnel de la reconstruction, l'appui à une reconstruction efficace et durable, l'anticipation de l'évolution des risques naturels outre-mer et les politiques de prévention sur le long terme.
Elles complètent la soixantaine de préconisations établies en 2018.
Cet ensemble cohérent constitué par les deux volets de notre étude permet une approche globale de la politique de gestion des risques : de la prévention jusqu'à l'après catastrophe.
M. Jean-François Rapin , rapporteur . - Monsieur le président, chers rapporteurs, chers collègues. Je salue le travail réalisé et le temps consacré à ce sujet complexe et grave. Je vais pour ma part, comme l'indiquait Guillaume Arnell, consacrer mon intervention à l'analyse que nous avons pu faire des besoins des territoires en matière de reconstruction post-aléa.
La reconstruction démarre par une phase de sortie de l'urgence durant laquelle, nous le rappelons, la priorité va à la garantie de la sécurité des populations et à l'accès aux soins, mais aussi à l'approvisionnement en vivres et en eau potable.
À l'issue de cette première phase vient la première étape de la reconstruction qu'est le redémarrage du territoire. Des priorités ont été identifiées, que sont le relogement des populations, le rétablissement des réseaux prioritaires et le retour à la vie normale, notamment au niveau scolaire.
C'est également, dès les premières semaines, que se déclenchent les mesures de soutien économique, afin de ne pas ajouter à la catastrophe un désastre économique et social aux conséquences durables. Dans le cas de Saint-Martin, ce soutien a pris la forme d'aides aux ménages et aux entreprises, directes - comme la carte Cohésia - ou par le biais de modalités fiscales. Sur de telles mesures, il est important de privilégier certains secteurs dynamiques ou particulièrement vitaux pour les territoires : cela a été le cas du tourisme et de l'hôtellerie / restauration.
Dans cette première étape s'engagent aussi les premiers travaux de rénovation ou de reconstruction.
Il faut signaler l'importance qu'ont eue les assurances dans ce contexte. Je rappelle que les dommages assurés dans le cas d'Irma sont évalués à près de 2 milliards d'euros. La rapidité du déblocage des indemnisations ou de leurs avances est un levier essentiel du démarrage rapide de la reconstruction ou de la capacité des entreprises à tenir face aux difficultés soudaines. Cependant, il faut souligner ici la trop faible couverture assurantielle des outre-mer : elle ne dépasse en moyenne pas 50 %, contre 96 % dans l'hexagone. L'écart est considérable et les conséquences avec : en cas de catastrophe, les personnes non assurées n'ont pas de fonds pour engager les travaux.
D'un point de vue réglementaire, le démarrage rapide de la reconstruction a été permis aussi par des dérogations en matière d'urbanisme, permettant des reconstructions à l'identique dans des zones non exposées à de forts risques.
Il apparaît que la première phase du retour à la normale doit être facilitée par des financements ad hoc rapidement déblocables. Ceux-ci doivent aider les collectivités mais aussi permettre une solidarité dans des situations de fragilité importante, comme dans le cas de non-assurance.
À ce titre, le fonds d'aides aux collectivités de droit commun, auquel les outre-mer ne sont pas éligibles, et le fonds de secours outre-mer, doivent être mieux articulés et redéfinis.
J'en viens maintenant à la reconstruction en elle-même et je commencerai par son pilotage.
Le choix qui a été fait à la suite d'Irma, comme à la suite d'Hugo, était celui d'une gestion interministérielle, avec un comité interministériel au niveau national et une mission ou délégation assumée par le préfet, ou futur préfet, de la Guadeloupe.
Ce que nous retenons, c'est que dans le cas d'une catastrophe majeure, le pilotage de la reconstruction ne peut se faire que de manière interministérielle.
Le format et les structures choisis doivent cependant être questionnés : un établissement public aurait-il permis un caractère plus opérationnel, par exemple ? C'est le choix qui a été fait à Sint-Maarten avec le National Recovery Program Bureau .
Le rapport, vous le verrez, procède à une analyse détaillée du choix de pilotage qui a été fait à Saint-Martin, concrétisé par le biais d'un protocole entre l'État et la collectivité, notamment. Nous avons ainsi énoncé plusieurs réserves substantielles quant à la méthode retenue par le Gouvernement : en aucun cas une catastrophe naturelle ne doit être un prétexte à une mise sous tutelle d'une collectivité. Il s'agit d'assurer la préservation de l'autonomie des collectivités.
La coopération avec les collectivités sinistrées doit être la règle, une reconstruction n'est pas le temps de l'inventaire. Si des défaillances ont été clairement identifiées dans la gestion de Saint-Martin, celles-ci auraient dû être mieux dissociées, dans leur traitement et leur résolution, de l'action en faveur de la reconstruction.
Aussi, le pilotage doit pouvoir être assuré et suivi dans la durée : le délégué interministériel a cependant été supprimé en avril 2019, le Gouvernement considérant qu'il revenait désormais à chaque ministère d'assurer le champ d'action qui était le sien, approche dont nous pouvons douter.
Au-delà du pilotage, le financement de la reconstruction doit être plus efficient. Plus facilement mobilisable, d'une part, plus aisément contrôlable, d'autre part. Un fonds dédié aurait pu être une option à privilégier. Le suivi aujourd'hui possible des engagements financiers liés à la reconstruction n'est pas à la hauteur des exigences de clarté que le budget de l'État doit avoir. C'est aussi pour cela que nous demandons que, lors de la présentation des prochains textes financiers, soit présenté un bilan détaillé des dépenses engagées dans le cadre de la reconstruction.
Des appuis doivent enfin être facilités pour la conduite de la reconstruction, en matière d'ingénierie notamment, par le biais de l'Agence française de développement ou d'autres collectivités volontaires.
J'indique par ailleurs que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, nous avons rejeté hier les crédits de l'Agence française de développement.
La reconstruction doit être fluidifiée dans son déroulement.
Des priorités ont été identifiées : établissements scolaires, logements sociaux, réseaux, notamment.
Afin d'enclencher les dynamiques de reconstruction, des dérogations doivent pouvoir se faire : cela a été le cas en matière d'urbanisme, avec le dispositif de « déclarations préalables Irma » notamment. Cela doit pouvoir être le cas pour ce qui est des exportations de déchets, par exemple. En matière de commande publique, nous souhaitons apporter davantage de sécurité juridique et préciser le cadre dans lequel les collectivités pourraient déroger aux règles, sous le contrôle du représentant de l'État.
Enfin, la reconstruction doit permettre de soutenir l'économie locale. Il convient ainsi de pouvoir favoriser les entreprises ou la main d'oeuvre locales. Surtout, les prix des matériaux et matériels nécessaires à la reconstruction doivent faire l'objet d'un suivi de leur évolution et, le cas échéant, d'exonérations de taxes. La Polynésie française a mis en place différents dispositifs sur ces sujets. Nous avons discuté avec des entreprises de la construction, qui nous ont fait état de la pénurie et de l'augmentation des coûts des matériaux nécessaires à la reconstruction, comme des bâches pour couvrir les toits.
La reconstruction doit être rapide mais doit, surtout, être durable. L'argent des assurances doit être consacré à une reconstruction de qualité et celle-ci doit faire l'objet de contrôles. Mais la reconstruction doit elle-même être encadrée en amont : il convient de recenser, comme cela a été fait à Saint-Barthélemy, ce qui a tenu ou non. Les « guides de bonnes pratiques » édités par les services de l'État doivent également être généralisés pour assurer une appropriation, par l'ensemble des entrepreneurs et ouvriers, des consignes.
Les conclusions que je vous présente sont issues de nos échanges et de nos constats, en auditions et sur le terrain.
Force est de constater que les situations contrastées de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ont été riches d'enseignements. Le programme spatial européen Copernicus indique aujourd'hui qu'en août 2019, soit deux ans après Irma, seulement 49 % de la partie française de l'île de Saint-Martin est reconstruite, contre 87 % pour Saint-Barthélemy. Au-delà des difficultés préalables ou de l'inégale qualité du bâti, Saint-Martin a pâti d'une coordination de la reconstruction très lacunaire.
Enfin, et c'est à la fois le sénateur et le médecin qui dresse ce bilan, si la reconstruction matérielle n'est pas achevée, la reconstruction humaine ne l'est pas davantage.
Celle-ci ne doit pas être oubliée dans notre analyse, elle est essentielle.
Aussi, alors que nous parlons de milliards d'euros de dommages assurés, de bâtiments à reconstruire, nous devons aussi accorder toute l'importance nécessaire au traumatisme vécu par les populations présentes lors du passage du cyclone. Nous avons été attentifs à ces aspects dans le cadre de nos travaux. Les cellules d'appui psychologique ou psychiatrique n'ont, semble-t-il, pas eu les résultats attendus en matière d'accompagnement à la suite du choc, alors que le contexte insulaire rend plus difficile la prise en charge de telles pathologies. Un dispositif a été mis en place, à la hauteur, mais le contexte insulaire est source d'une réelle complexité. Il faudra trouver des moyens dans la durée sur ce sujet. Surtout, il conviendra de surveiller l'évolution de différentes pathologies organiques pour analyser le bilan traumatique qu'a pu avoir l'ouragan, sur les esprits comme sur les corps. Il est effectivement probable d'observer à l'avenir un développement de pathologies organiques.
Dans la même logique d'accompagnement des populations, nous avons pu rappeler encore une fois le rôle décisif que peuvent avoir les organisations humanitaires - nous avons notamment rencontré la Croix-Rouge - dans l'accompagnement social.
Alors que les catastrophes naturelles révèlent ou amplifient les fragilités sociales, les organisations humanitaires sont un appui indispensable qu'il convient de saluer. Cependant, alors que celles-ci reçoivent d'importants dons publics et sont parfois critiquées pour leur action dans certains territoires, nous appelons celles-ci à fournir des bilans détaillés de l'usage de leurs ressources. La transparence est un atout pour la crédibilité de leur action dans nos territoires.
M. Abdallah Hassani , rapporteur . - Monsieur le Président, chers rapporteurs, chers collègues, au-delà de la reconstruction et du cas des Îles du Nord, c'est bien à l'ensemble des risques et à l'ensemble des territoires que nous nous sommes intéressés.
Aussi, il convient de voir tout d'abord les dynamiques en cours sur ce sujet.
À l'aune des changements climatiques, les risques climatiques doivent faire l'objet d'une surveillance renforcée et les moyens scientifiques doivent être garantis.
En effet, en matière cyclonique, par exemple, les premières analyses de la Caisse centrale de réassurance et de Météo France anticipent des évolutions différentes selon les territoires. En Guadeloupe, à horizon 2050, la région pourrait connaître une augmentation non du nombre de systèmes mais de l'intensité de ceux-ci.
Alors que les risques climatiques font craindre une augmentation de la sinistralité, l'intégration des outre-mer au régime catnat demeure toujours plus pertinente et nécessaire. Une réflexion doit également s'engager dans le Pacifique sur les besoins en matière de réassurance publique. La CCR indique qu'en termes de catastrophes naturelles, la sinistralité outre-mer depuis 1990 représente 13,3 % du volume national, contre 1,6 % des cotisations.
Un autre risque est étroitement lié aux changements climatiques, il s'agit de l'érosion du trait de côte. Son suivi dans nos territoires doit être renforcé. Alors que la mission d'information sur les risques climatiques appelait à engager une prise en compte au niveau national des financements des aménagements nécessaires, les outre-mer doivent être intégrés à la réflexion globale.
Au-delà des risques climatiques, il faut avoir à l'esprit que nos territoires peuvent être confrontés à des risques « nouveaux ».
Je pense ici aux algues sargasses. Leur toxicité est avérée et, pourtant, les moyens d'action demeurent trop limités.
Les collectivités ultramarines, exsangues financièrement, ne sont pas en mesure d'assurer la collecte. Elles doivent être appuyées. Aussi, alors que les voies de valorisation sont encore peu abouties, la recherche doit se poursuivre. Nous saluons à ce titre le travail de notre collègue Dominique Théophile et la récente conférence internationale qui s'est tenue en octobre en Guadeloupe.
Mais je pense aussi à mon territoire. Le volcan qui est né à Mayotte a fait l'objet de différentes missions depuis 2018. Ce volcan se réveille régulièrement pour se rappeler à nous ! Celles-ci ont montré que c'est bien cette activité volcanique qui est responsable de la crise sismique que connaît le département depuis mai 2018. Les recherches scientifiques doivent se poursuivre mais, surtout, le cas de Mayotte montre la nécessité d'impliquer les élus et d'informer très régulièrement la population.
Penser à la résilience, c'est tout d'abord penser aux aménagements de nos territoires.
En tant qu'élus locaux, nous connaissons tous les plans de prévention de risques naturels.
Ceux-ci doivent pouvoir mieux correspondre aux contraintes géographiques de nos territoires et à leurs impératifs de développement économique. Ils doivent aussi être mieux concertés et mieux expliqués. Cependant, il convient d'insister sur l'importance, la nécessité de ce document : plus qu'une annexe aux documents d'urbanisme, le PPRN est avant tout un outil visant à protéger des vies humaines. La couverture des outre-mer en PPRN doit à ce titre se poursuivre. Dans la logique d'aménagement, une attention particulière devra être portée aux questions de l'habitat insalubre ou des habitations sans droit ni titre, particulièrement dans les zones dites des 50 pas géométriques. Nos territoires, je pense notamment à Mayotte, connaissent de nombreuses installations spontanées que la pression migratoire augmente. Ces logements doivent être prioritaires et se voir régularisés ou leurs habitants relogés. La question du report du transfert des agences des 50 pas aux collectivités doit également se poser.
Enfin, je souhaite que nous insistions sur la question des réseaux, qui ont été, à toutes les étapes de cette étude, des éléments déterminants. Dans cette même logique d'aménagement durable face aux risques, les territoires doivent pouvoir établir, en concertation avec l'État et les opérateurs, des schémas de résilience de leurs réseaux structurants, avec un nécessaire horizon 2030. Ces schémas doivent prévoir notamment les modalités d'enfouissement de certains réseaux ainsi que des capacités de repli ou de fonctionnement en mode dégradé en cas de catastrophe majeure.
L'aménagement, c'est aussi le bâti.
La construction est un pivot de la résilience. Il convient de tirer des conclusions des catastrophes vécues dans chacun des territoires. Une approche empirique doit être la base d'une adaptation des normes de construction outre-mer mais aussi d'une évolution des pratiques architecturales. Des projets ont été relevés en ce sens à la Martinique et La Réunion, dans le cadre des travaux du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) sur les normes, mais aussi en Nouvelle-Calédonie avec un projet ambitieux consacré aux vents cycloniques.
Enfin, aménager pour prévenir les risques ne doit pas signifier nécessairement construire des ouvrages artificiels.
Les systèmes de protection côtière, naturels, protègent nos littoraux face aux fortes houles, notamment en cas de cyclones. Leur efficacité est évaluée à plus de 500 millions d'euros de réduction des dommages.
Il convient de préserver et valoriser les aménagements basés sur des solutions naturelles, comme le projet RESCCUE en est un exemple dans le Pacifique.
Au-delà des aménagements, la résilience s'appuie avant tout sur les populations.
Il nous faut développer une meilleure résistance de celles-ci. Cela passe par une meilleure couverture assurantielle qui doit être promue auprès des populations. Il convient ainsi de veiller à ce que des tarifs et produits abordables soient proposés, et que les assureurs puissent continuer à bénéficier de conditions tarifaires favorables de la CCR et ne quittent pas nos territoires.
L'acculturation des populations passe aussi par une information fréquente des populations, une éducation aux risques et des exercices et simulations réguliers, comme cela avait été largement développé dans le premier volet.
En cela, nos travaux montrent leur complémentarité dans ces deux études : la résilience est l'ambition d'une prévention globale et durable.
M. Guillaume Arnell , rapporteur coordonnateur . - C'est en effet une ambition que nous portons, au-delà d'un simple état des lieux.
Aussi, je souhaite, pour finir, évoquer les préalables à l'engagement de la résilience de nos territoires.
Pour que celle-ci devienne réalité, nous devons être clairs : il faudra que, collectivement, nous nous en donnions les moyens.
J'entends ici les moyens politiques comme financiers.
Financièrement, il faudra nécessairement débloquer tous les leviers pertinents pour permettre une politique globale de prévention des risques, et ce dans l'ensemble des outre-mer.
Il nous faut soutenir un assouplissement du fonds Barnier toujours plus cohérent avec les contraintes économiques et financières de nos collectivités et de nos populations. Il faut également que ce fonds, pilier de la politique de l'État en matière de prévention des risques, retrouve ses dotations non plafonnées.
Le fonds exceptionnel d'investissement doit également être mobilisé. La ministre des outre-mer a annoncé qu'en 2020, ce fonds devrait être entièrement consacré aux objectifs de la stratégie « outre-mer 5.0 ». Parmi ces objectifs figure la réduction de la vulnérabilité de nos territoires face aux risques : celui-ci doit figurer en bonne place des projets qui seront sélectionnés.
Le fonds vert doit, enfin, devenir une réalité. La première version de l'« équivalent fonds vert », initialement prévu pour les collectivités du Pacifique et surtout axé sur des prêts bonifiés, ne suffit pas.
Alors que nos collectivités sont financièrement en difficulté, l'emprunt ne peut être le principal levier. Nous appelons à la création d'un véritable fonds vert dédié à l'adaptation de nos territoires face aux risques, doté d'un réel budget d'appui aux collectivités.
Les moyens de cette résilience sont aussi politiques.
Deux ans après Irma, nous l'avons dit, la reconstruction est loin d'être achevée. Pourtant, certains considèrent que cet ouragan est déjà loin.
Si dépasser le traumatisme est une nécessité pour les populations, les décideurs publics ne doivent pas oublier la violence de cette catastrophe. Cela est valable à Paris comme dans les territoires.
Deux ans après le passage d'Irma, nous nous devons d'être à la hauteur dans les choix que nous avons à faire : il s'agit d'avoir à chaque instant présent à l'esprit que, en définitive, sur ce sujet, il s'agit toujours de vies humaines. Notre politique de prévention des risques doit donc être ambitieuse. Nous devons ainsi savoir faire preuve de pédagogie mais aussi, c'est une nécessité, de courage politique sur certains points très sensibles, je pense notamment aux plans de prévention des risques.
Le pilotage a été un des éléments déterminants de l'analyse qui a été faite de la reconstruction à Saint-Martin. Celui-ci est une clé de la politique de prévention pour nos territoires. Il doit être efficace et, pour ce faire, nous le pensons, interministériel.
Le délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, créé en avril, ne doit pas avoir une « mission flash » de deux ans. La politique de prévention des risques outre-mer est une tâche du temps long, elle nécessitera des efforts et un suivi continus. Les moyens à cette délégation doivent également être appropriés.
Si l'impulsion doit être gouvernementale, les réalisations ne peuvent être que locales.
Aussi, comme pour nombre de politiques publiques, il convient d'insister : les territoires doivent être au coeur de ce pilotage. Les décisions et les stratégies d'adaptation doivent venir des territoires. C'est la démarche qui semble avoir été retenue par le délégué interministériel qui entend consulter les collectivités en amont de la présentation du projet de loi par le Gouvernement : espérons que cette méthode sera concrétisée.
Nos collectivités doivent s'engager pleinement dans la dynamique lancée : il en va de l'avenir de nos territoires et de nos populations.
Monsieur le président, mes chers collègues, au terme de ces deux années, je souhaite remercier très sincèrement le président Magras pour la confiance qu'il m'a apportée en me donnant l'opportunité de coordonner cette mission. Je souhaite également remercier les quatre collègues rapporteurs avec qui j'ai eu le plaisir de travailler.
Je suis fier du travail que nous avons réalisé et j'espère qu'il sera suivi de réalisations concrètes dans nos territoires.
Ce travail, il nous appartient désormais à chacun d'entre nous de le faire vivre.
Par notre pédagogie auprès de nos populations : nous sommes, en quelque sorte, nous aussi, acteurs de la prévention.
Par nos échanges auprès des élus de nos territoires tout d'abord, et nous aurons l'occasion de le faire dès lundi avec les maires réunis à Paris et accueillis par la délégation.
Par nos travaux ici, au Sénat, enfin. Aussi, avant que n'arrive le projet de loi annoncé par le Gouvernement au printemps 020, je souhaiterais, monsieur le président, que la délégation demande l'inscription à l'ordre du jour de février 2020 d'un débat en séance publique sur les conclusions de nos deux rapports.
M. Michel Magras , président . - Merci, chers collègues. C'est avec une certaine émotion que j'entends cette intervention de notre collègue Guillaume Arnell. Je m'associe évidemment à tout ce qu'il a dit sur l'ensemble des membres de la délégation, et particulièrement les rapporteurs. Les exposés qui viennent d'être faits témoignent de l'ampleur et de la qualité du travail qui a été accompli. Je vous adresse également toutes mes félicitations.
Monsieur le rapporteur coordonnateur, je suis particulièrement sensible à la proposition que vous avez formulée à la fin de votre intervention et, lorsque le rapport sera adopté, je saisirai aussitôt le Président du Sénat.
Je passe désormais la parole aux collègues qui souhaiteraient intervenir.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Nous pourrions presque nous dispenser d'intervenir, tant tout a déjà été dit par les orateurs précédents. Mon premier message ira à l'endroit de Mathieu Darnaud et des Ardéchois. Nous avons fait, la semaine dernière, un déplacement en Guyane, et nous voyons aujourd'hui certaines réalités ultramarines apparaître sur d'autres territoires. J'adresse toute ma sympathie aux populations après ce séisme qui a frappé l'Ardèche.
Les préconisations sont, comme à l'accoutumée, tout à fait excellentes, tant sur le fond, que sur la forme. Le préalable à toutes ces recommandations, Guillaume Arnell l'a dit, est de sensibiliser nos compatriotes de l'hexagone. Je ne voudrais pas faire de comparaisons inappropriées, mais les séismes importants que nous avons subis à Mayotte - 1 800 en un an avec des magnitudes allant de 3,5 à 5,8 - ont été à peine mentionnés dans l'hexagone, malgré l'angoisse de nos populations. C'est pourquoi nous devons absolument insister sur l'aspect humain. Il faut certes des moyens financiers, mais également du soutien psychologique. J'ai toutefois confiance et espoir, car il est dans l'ADN de cette délégation, de par sa composition et sa sensibilité, de porter ces revendications. Je tenais à le rappeler, car nous pourrions faire les meilleures recommandations du monde, s'il n'y a pas cette sensibilité, celles-ci resteraient vaines.
Mme Victoire Jasmin . - J'aimerais féliciter les rapporteurs et le rapporteur coordonnateur. La rigueur de notre travail est indispensable si nous voulons être de bons représentants de nos collectivités et territoires.
J'ai eu à coeur l'an passé de tout mettre en oeuvre pour que nous puissions faire un travail de qualité et je salue le travail qui a été poursuivi par les collègues qui ont oeuvré sur le deuxième volet.
Concernant le rapport lui-même, je ne vais pas revenir sur les mots de Thani Mohammed Soilihi.
Je crois qu'il est important que nous organisions, comme il a été proposé par Guillaume Arnell, un débat dans l'hémicycle. Les situations dans nos territoires sont certes toutes différentes, mais c'est bien l'ensemble des territoires de la République qui sont concernés par ces thématiques, comme la situation en Ardèche le montre aujourd'hui.
Sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le problème du cabotage est particulièrement prégnant, tant pour l'apport des matériaux que dans la sortie des déchets, nécessitant des filières qui n'existent actuellement pas.
Concernant le sujet des traumatismes psychologiques, nous les avions abordés dans le premier volet mais l'apport de Jean-François Rapin et de son expertise médicale sur le deuxième volet a été particulièrement important. Je souhaite m'investir dans le développement futur de nos propositions au sein du Sénat, car il est important de continuer la prévention et la résilience sur des problèmes aussi récurrents.
M. Mathieu Darnaud . - Je veux m'associer aux remerciements sur le travail et la qualité de ce rapport, qui a la double vertu d'être exhaustif, ce qui n'est pas facile compte tenu de la diversité des particularités de chaque territoire, et de n'omettre aucun volet, notamment la dimension humaine que je trouve essentielle. Je tiens également à remercier le rapporteur coordonnateur pour avoir su ordonner ces travaux, et le président de la délégation, car c'est de la confiance qu'il fait à ses collègues que vient cette capacité à entraîner la délégation et permettre ce travail.
Je tiens à revenir sur le déplacement que j'ai réalisé en Guyane, où de nombreux maires n'ont pas encore mis en place, non seulement les PPRN, mais également les plans communaux de sauvegarde (PCS). Concernant la dimension humaine et des populations, le PCS donne la capacité de protéger lors d'aléas. C'est, je crois, un sujet sur lequel il faudra bien insister, car lorsque l'on s'intéresse à celui-ci, on se rend compte que les communes qui ne les ont pas mis en place ont souvent besoin d'aide, de moyens et d'ingénierie qu'elles n'ont pas.
Il est également impératif d'assouplir l'application du fonds Barnier si l'on veut bâtir une résilience confortée et renforcée. Améliorer la réponse aux phénomènes se prépare sur le temps long. Pourtant, on voit bien aujourd'hui que les apports financiers ne sont pas toujours au rendez-vous, du fait de la difficulté de mobiliser le fonds Barnier. Il faut que les collectivités aient les moyens d'intervenir face à l'urgence.
M. Stéphane Artano . - Je tiens également à remercier tous nos collègues, et tout particulièrement le président et le rapporteur coordonnateur qui ont été frappés par une catastrophe naturelle mais qui ont su, malgré l'émotion, prendre le recul nécessaire pour produire un travail très approfondi sur ce sujet fondamental.
Je souhaite revenir sur le sujet de l'AFD. Je partage la position d'appel que vous avez prise sur l'implication de l'AFD, que nous aurons sans doute l'occasion de revoir lors d'un prochain rapport. Lorsque l'on sait à quel point les collectivités ont besoin de soutien, la décision rendue par la commission des finances est bienvenue.
L'attribution des crédits par l'Agence n'est en outre pas qu'une question budgétaire mais également politique.
Aussi, je partage votre avis sur la pérennisation du délégué interministériel, qui traduirait la pérennisation de l'ancrage de la culture du risque en France à tous les niveaux, y compris dans nos collectivités.
Je suis très heureux également que le facteur humain ait été abordé. Il est trop souvent oublié, alors qu'il est fondamental et que, dans toute catastrophe, il y a la problématique de cet accompagnement qui ne doit pas être que ponctuel.
Sur un plan juridique, j'aimerais que soient clarifiées les conditions de dérogation au code de la commande publique. En effet, un préfet ne couvrira jamais un élu qui y dérogerait, comme c'est le cas à Saint-Martin. Là, il faut laisser la justice faire son travail, mais je pense qu'une modification du code de la commande publique doit être abordée, seule la loi pouvant protéger les élus. D'autant plus que les élus sont parfois poussés à le faire par la faiblesse de l'action d'État. J'appelle donc le Sénat à la vigilance, le rôle de cette assemblée étant aussi de protéger les élus locaux.
M. Michel Magras , président . - Je vous remercie cher collègue. La dimension juridique est présente dans ce rapport, et le débat que nous appelons sera l'occasion de la porter.
M. Guillaume Arnell , rapporteur coordonnateur . - Pour répondre à Stéphane Artano, je souhaite indiquer que nous partageons sa préoccupation. C'est en ce sens que dans le rapport nous appelons à renforcer la sécurité juridique et à clarifier le cadre des dérogations possibles par les élus dans une telle situation.
Le projet de loi qui sera déposé par le Gouvernement et le débat seront sans doute l'occasion pour nous d'y revenir et d'intégrer des dispositions législatives.
Mme Gisèle Jourda . - Bien des éléments ont été évoqués par les précédents intervenants, mais je souhaite simplement souligner que l'hexagone et les outre-mer ont partie commune dans ce dossier. Les aléas se multiplient, comme on l'a vu dans l'Ardèche ou dans l'Aude, où je n'aurais jamais imaginé vivre des conditions similaires à celles décrites par le président à Saint-Barthélemy. Ce rapport est bâti de manière très parlante et efficiente. On y trouve en effet un ensemble de propositions qui, je l'espère, servira au Gouvernement dans l'élaboration de la future loi.
Je veux revenir sur un point essentiel. On parle beaucoup du rôle de l'État et du Gouvernement, mais je souhaiterais que l'on n'entende pas, comme ce fut le cas dans l'Aude, des annonces du Président de la République qui ne peuvent pas être traduites sur le terrain faute de modification du code des assurances. Le Président de la République annonçait que les habitants ne paieraient pas de franchise ; cela a été démenti par la suite par le président de la Fédération française des assurances. Les franchises ont même été multipliées malgré le nombre des véhicules sinistrés. Je crois qu'il faut faire attention à ce sujet, car les populations entendent ces déclarations et en souffrent. Quand il y a des difficultés de relogement, de toxicité comme dans le cas des sargasses, on ne peut pas se satisfaire d'effets d'annonce politique : il faut qu'il y ait des actes.
Je rejoins l'avis de Mathieu Darnaud sur le fonds Barnier. Nous voyons bien que les collectivités et les particuliers souffrent de la lenteur des instructions actuelles, il faut donc revoir et assouplir l'accès à ce fonds.
Sur les PCS, il faut en établir là où ils sont absents mais, surtout, actualiser les documents ! L'administration préfectorale doit suivre de près ce type de dossiers, les aléas climatiques étant partout de plus en plus fréquents.
Enfin, il convient d'assurer le suivi des populations non seulement pendant, mais aussi après les cataclysmes. L'accompagnement psychologique aux personnes victimes est primordial.
Sur un rapport de cette qualité, il convient de féliciter nos rapporteurs et notre président. Cette manière de travailler en équipe, avec des ultramarins et des hexagonaux, nous distingue, et c'est un plaisir que de travailler dans cette délégation.
M. Michel Magras , président . - C'est effectivement l'ADN de cette délégation, ainsi que la transversalité qui nous permet de mettre de côté toute appartenance idéologique. Les effets de ce travail se font ressentir en séance publique.
M. Michel Vaspart . - Je voudrais féliciter le travail que vous avez accompli collectivement, féliciter le président et les rapporteurs ainsi que tous les participants. Je tiens à dire que l'aspect humain est essentiel, et je suis heureux que Jean-François Rapin en ait autant parlé.
Vous le savez, j'ai présidé cette année une mission d'information sur les risques climatiques. J'ai été à titre personnel très marqué par ce que j'ai vu dans l'Aude, avec l'impact que les événements ont eu sur les populations. J'ai également vu quelque chose de plus sournois, qui n'est pas de même nature qu'un tsunami ou une inondation violente, c'est tout ce qui touche à la sécheresse. Il y a eu dans l'ensemble des régions françaises des drames, tout simplement car les périmètres de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont très mal gérés. On peut se retrouver avec des gens pris en charge, avec des indemnisations qui suivent leur cours, et d'autres qui ont subi les mêmes difficultés, les mêmes drames, qui ne relèvent pas du périmètre et qui ont de ce fait tout perdu : leur maison, les économies de leur vie, ce qui mène à des drames, des divorces, ou même des suicides. Le volet humain est donc une priorité absolue.
Nous produisons des rapports souvent excellents avec des recommandations de bon sens, qui ne sont parfois pas suivis par les gouvernements qui sont en place, quels qu'ils soient. Dans notre pays, nous avons énormément de mal à anticiper, à prévoir. On sait que, dans ce domaine, on aura de plus en plus de catastrophes naturelles, de plus en plus violentes, avec des indemnisations de plus en plus importantes. Je n'arrive pas à comprendre que, ce constat fait, on maintienne le plafonnement du fonds Barnier. Nous pourrions, dans le cadre du projet de loi de finances, demander son déplafonnement, sans attendre le projet de loi du Gouvernement.
M. Jean-François Rapin , rapporteur . - Je souhaiterais préciser quelques éléments, et répondre à Michel Vaspart. Je pense en effet qu'il y aurait du sens de porter cette demande, à la fois de la Délégation sénatoriale aux outre-mer mais aussi du groupe de travail mer et littoral du Sénat. Ce sujet de déplafonnement étant évoqué à plusieurs titres, non seulement ici dans le cas de catastrophes naturelles, de submersion mais aussi dans le cas de la prévention de l'érosion du trait de côte. Ce déplafonnement est proposé, au sein de l'Association nationale des élus du littoral, par les élus du littoral. Au vu des positions actuelles du Gouvernement, peut-être une alliance des deux instances pourrait-elle être force de proposition ?
Je tiens à dire que la réplique la plus dangereuse n'est pas celle du tremblement de terre, qui baisse en intensité, mais la réplique humaine et psychologique. J'en suis convaincu au regard des déplacements réalisés, et rien n'est encore terminé. Il y a urgence face à des dépressions ou, pire, des suicides, des familles qui volent en éclats, mais il y a aussi l'urgence face aux phénomènes à venir, lorsque le corps réagit. Le dispositif mis en place d'emblée, technique, assez puissant, n'était certainement pas adapté à la perception qu'avaient les gens de l'urgence ; il a ensuite été retiré car il ne semblait pas produire assez de résultats. C'est là que je pense que nous bénéficions d'une marge de manoeuvre, peut-être lors d'une réunion avec la ministre de la santé.
Il nous faut aussi, en tant qu'hexagonaux, prendre mieux en compte les problématiques ultramarines. J'ai sollicité le Président du Sénat, Gérard Larcher, sur le fait que dans le projet de décret de création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires est représentée l'Association des élus de la montagne, mais pas celle des élus du littoral. Le Président Larcher m'a bien précisé que c'était non seulement préjudiciable pour l'hexagone littoral, mais aussi avant tout pour l'outre-mer. C'est dire que, si nous avons ici cette prise en compte, on voit qu'à plus haut niveau, tout est oublié. Dans le même temps, la ministre nous dit avoir déjà milité pour l'obtention de certains sièges, mais je trouve dommage que ceux qui connaissent les problématiques ultramarines en soient écartés.
Un dernier élément important est que la différenciation et la cohésion des territoires ultramarins n'est pas encore suffisamment aboutie. Si la catastrophe s'était produite en Martinique ou en Guadeloupe plutôt que dans les Îles du Nord, cela aurait été, comme nous l'avons entendu lors d'un déplacement, non pas des secours mais des cercueils qui auraient été envoyés. Ceci m'a profondément touché : la réponse des pouvoirs publics n'est pas à la hauteur des enjeux.
M. Michel Magras , président. - Je voudrais juste revenir sur une notion qui est au coeur du travail de notre délégation : le suivi des rapports. Nous serons régulièrement sollicités sur les rapports produits sur les normes notamment.
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La Délégation sénatoriale aux outre-mer a adopté le rapport et la demande de l'inscription à l'ordre du jour d'un débat sur les deux rapports à l'unanimité des présents.