II. ORGANISER LA RECONSTRUCTION, UNE MISSION COMPLEXE
A. DANS LE CAS D'IRMA, UNE RECONSTRUCTION ENCORE EN COURS
1. Pour rappel, un bilan considérable
Il convient de revenir sur le contexte de la reconstruction et le bilan de la catastrophe elle-même. La saison cyclonique 2017 a été d'une intensité exceptionnelle pour les Antilles. Ainsi, en 15 jours, les Antilles françaises ont été touchées par le passage successif de trois cyclones majeurs qu'ont été Irma, José et Maria. Les Îles du Nord ont été particulièrement impactées par l'ouragan Irma.
Comme le rappelle le ministère des outre-mer, sur l'île de Saint-Martin, « 90 % du bâti de l'île a été endommagé par les rafales de vent engendrées par Irma, 25 % a été détruit et 40 % nécessitera des travaux de gros oeuvre » .
Dans sa communication, le Gouvernement indiquait un bâti impacté à 95 % et, selon les données du programme spatial européen Copernicus, « 19,7 % des bâtiments à Saint-Martin et 2,5 % à Saint-Barthélemy ont été détruits ou très endommagés » , soulignant qu'à Saint-Martin, de nombreuses infrastructures publiques ont été touchées rappelant entre autres la perte de la préfecture et de plusieurs établissements scolaires. Entre 7 000 et 8 000 personnes auraient quitté les Îles du Nord à la suite de la catastrophe, soit un nombre important au regard de la population des deux territoires.
L'ampleur de la catastrophe et des dommages causés est indéniable et appelait des efforts à la hauteur.
2. État des lieux de la reconstruction
Deux ans après Irma, force est de constater que la reconstruction des Îles du Nord n'est pas aboutie. La situation est cependant très inégale entre les deux îles. Le bilan dressé par le Gouvernement un an après Irma le montrait déjà : « à Saint-Barthélemy, plus de 60 % des bâtiments très endommagés ou détruits étaient reconstruits début juillet. À Saint-Martin, où les destructions ont été plus fortes et les défis locaux sont plus prégnants, ce taux était de 35 % » , sur la base des données du programme Copernicus en juillet 2018. Cette dynamique est demeurée la même et Saint-Barthélemy montre, deux ans après Irma, un niveau de reconstruction de loin supérieur à l'île voisine de Saint-Martin.
Saint-Barthélemy , qui avait mieux résisté du fait notamment de la qualité de ses constructions, a su se relever plus rapidement , particulièrement grâce à la bonne couverture assurantielle du territoire.
Concernant Saint-Martin, le bilan est très mitigé . Si certains secteurs ont vu une reconstruction coordonnée, notamment les établissements scolaires, d'autres ont pris des retards préjudiciables, c'est le cas des réseaux. La reconstruction des logements voit quant à elle de grands travaux réalisés dans le logement social mais encore de nombreuses réparations ou reconstructions non réalisées dans des habitations individuelles.
Le programme spatial européen Copernicus, outil de suivi de la reconstruction Le suivi de la reconstruction et les chiffres utilisés par les pouvoirs publics sont souvent issus du programme européen Copernicus , service de gestion de l'urgence. La cartographie produite a pour but de permettre une connaissance globale par une analyse de la situation post-catastrophe de l'ouragan Irma en septembre 2017. Elle concerne les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin pour sa partie francophone. Le programme visait à produire une évaluation des dommages et un suivi des activités de reconstruction afin de mettre en oeuvre des activités de reprise adéquates et un soutien efficace et une prise de décision éclairée des parties prenantes impliquées. Le suivi des reconstructions a couvert dix intervalles de temps. Le premier exercice de suivi, effectué au cours de la phase 1 de l'activation, a fourni des informations sur l'état de la reconstruction 6 mois après l'événement (début mars 2018). Pour l'étape 2, le niveau de reconstruction a été surveillé tout au long de 2018 et poursuivi tout au long de 2019 à l'étape 3. La carte d'évaluation des dommages montre les actifs endommagés , auxquels un taux de gravité des dommages a été attribué (quatre catégories). Afin d'établir le taux de dommages, une photo-interprétation comparative des données satellitaires optiques VHR, acquises avant et après l'événement, a été appliquée. L'évaluation des dommages a été fondée sur l'échelle macrosismique européenne (EMS) de 1998 et les nomenclatures de classement des dommages du centre commun de recherche. Différentes caractéristiques spécifiques ont été prises en compte, comme par exemple l'état de la toiture, l'état de la zone environnante (clôtures, végétation, véhicules et épaves) et la présence de débris . |
Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après le programme spatial européen Copernicus
Il est également intéressant de s'intéresser à la dynamique de reconstruction. Les rapports du programme Copernicus montre un très fort élan en 2018, nettement réduit depuis l'automne 2018.
Analyse post Irma - Taux d'activité de reconstruction (mars 2018-juillet 2018)
Note de lecture : Le présent graphique
présente la progression de la reconstruction en pourcentage
par
rapport au nombre total de bâtiments
Source : Programme spatial européen Copernicus
Les analyses du programme européen tendent également à penser que la reconstruction a été davantage soutenue pour des installations modérément atteintes par la catastrophe . Ainsi, si les taux d'intensité de la reconstruction sur les deux îles apparaissent très forts et équivalents en mars 2018 entre les biens modérément impactés et les biens détruits, une différence sensible est visible en moyenne depuis, avec un taux très supérieur dans la première catégorie par rapport aux biens très sévèrement endommagés ou détruits. Les auteurs mettent en avant les besoins financiers souvent plus importants pour les biens entièrement détruits.
Lors de leur déplacement, les rapporteurs ont pu constater que les stigmates du passage de l'ouragan Irma demeuraient bien présents et des débris encore très visibles .
Interrogée sur l'avancement de la reconstruction, la préfecture a constaté 101 ( * ) que « la collectivité est en grande difficulté par rapport à la reconstruction. Les retards accumulés, liés à une absence de structuration des services et à un manque d'expertise, font courir le risque d'une perte importante des fonds européens dédiés à la reconstruction. À ce jour, la collectivité n'a pas été en capacité de dépenser 28 millions sur les 46 qui lui étaient accordés » .
Le rapport des images du programme Copernicus indiquait en septembre 2019 102 ( * ) qu'en juillet 2019, 87 % de l'île de Saint-Barthélemy était considérée reconstruite contre seulement 49 % de la partie française de l'île de Saint-Martin. Les analyses mettent en avant une reconstruction à peine plus avancée dans les zones à risques à Saint-Martin, où le taux n'atteint que 52 %
Deux ans après Irma, loin d'être achevée, la reconstruction demeure un défi pour Saint-Martin.
Source : Programme spacial européen Copernicus
* 101 Réponses de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.
* 102 EMSN049 : Reconstruction monitoring of St. Martin and St. Barthélemy islands (post-Irma) - stage 3 Final report.