D. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 11 AVRIL 2019, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE VAL-D'OISE LE 14 MARS 2019
M. Sébastien Meurant . - Madame la Présidente, mes chers collègues,
Je suis très heureux que la Délégation sénatoriale aux entreprises ait accepté mon invitation à venir dans le Val-d'Oise pour découvrir la variété des entreprises de ce département. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, ainsi que nos collègues qui nous ont accompagnés : Michel Canevet, Éric Jeansannetas, Patricia Morhet-Richaud, Jackie Pierre ainsi que mes collègues du Val-d'Oise, Arnaud Bazin et Rachid Temal.
Nous avions un programme dense pour ce déplacement : trois visites d'entreprises - la société FAYOLLE et FILS, la société ERPRO GROUP et la société PARTNERING ROBOTICS - ainsi qu'une table ronde avec des entrepreneurs du département à la Chambre de Commerce et d'Industrie du Val-d'Oise.
Partis de bonne heure du Sénat, nous avons commencé notre journée par la visite de l' entreprise FAYOLLE et FILS à Soisy-sous-Montmorency. Nous avons été reçus par son Président, M. Louis Marandas, et son Directeur commercial, M. Christian Coudert. FAYOLLE et FILS est une entreprise familiale spécialisée depuis trois générations dans les travaux publics et l'assainissement, en France et récemment implantée Canada. Elle a su garder son esprit familial, sur lequel elle a su s'appuyer pour se développer de façon indépendante.
L'entreprise compte 1 700 collaborateurs dans le monde, dont 1 200 en France. Elle réalise un chiffre d'affaires consolidé d'environ 600 millions d'euros, dont 200 en France. C'est la première entreprise privée du Val-d'Oise. Le secteur des BTP, coeur de métier historique de l'entreprise, est subdivisé en trois métiers : la VRD (Voirie et Réseaux Divers), le bâtiment et les eaux usées et pluviales. L'entreprise développe également des activités de propreté urbaine.
On compte parmi ses clients des départements, des communautés d'agglomération et des mairies, dont la Mairie de Paris. Les dirigeants nous ont alertés sur les marchés publics où les donneurs d'ordre pratiquent des prix trop bas, synonymes de prestations « à perte » pour cette ETI, sachant que dans le secteur, le résultat net est souvent inférieur à 1 % du chiffre d'affaires. L'entreprise, de même que la Fédération Française du Bâtiment, demande à ce que des critères qualitatifs soient intégrés parmi les critères d'appels d'offres, qui reposent actuellement presque exclusivement sur le prix et occultent notamment les critères environnementaux, la création d'emplois locaux ou encore la bonne tenue des chantiers. Cette entreprise a en effet le mérite de privilégier le recrutement local, de développer un centre de recyclage et elle a été primée plusieurs années de suite par la Mairie de Paris pour la bonne tenue de ses chantiers. Il serait vertueux que ce type de démarches soit mieux valorisé dans les appels d'offre des collectivités publiques !
Outre ses métiers historiques, FAYOLLE et FILS s'est
doté d'une direction logistique et d'une direction industrielle. La
première gère un parc de matériel et une flotte de
véhicules. La seconde développe de nouveaux matériaux
innovants et écologiques afin d'approvisionner les chantiers.
Ces
choix stratégiques permettent à l'entreprise de contrôler
la chaîne de valeur, de l'approvisionnement en matériaux à
la réalisation d'ouvrages, et de rester indépendante.
Parmi ses 1 200 collaborateurs en France, on compte 500 ouvriers, que l'entreprise contribue à former et à promouvoir en interne. Le taux de turnover est faible. L'entreprise emploie majoritairement sur des postes en lien avec le coeur de ses activités et peu sur des métiers supports, contrairement à certains grands groupes. Ainsi par exemple, une attention particulière étant portée à la satisfaction du client, les contentieux sont peu nombreux, mobilisant donc un effectif modeste sur les fonctions supports.
25 apprentis sont actuellement en poste et leur taux d'embauche est de 75 %. Comme souvent, cette entreprise fait face à des difficultés de recrutement, pour des postes de technicien qualifié, correspondant à des qualifications à bac+2, mais aussi plus globalement pour les métiers manuels, dont l'image reste encore à améliorer alors même que les plus bas salaires proposés par l'entreprise sont au moins 10 % supérieurs au SMIC. Les dirigeants ont également fait part de leurs difficultés face aux ruptures conventionnelles et aux cas de chômage volontaire, qui renforcent leurs problèmes de recrutement.
FAYOLLE et FILS, entreprise d'origine creusoise, a su se renouveler au fil des générations.
Nous avons poursuivi nos visites dans le Val-d'Oise avec Saint-Leu-la-Forêt, où nous avons été accueillis par M. Cyrille Vue, à la tête de l'entreprise ERPRO GROUP , leader de l'impression 3D.
Ce groupe est doté de trois sites de production en
France : à Saint-Leu-La-Forêt, à Toulouse et au
Quesnoy, dans le département du Nord.
Il propose une large gamme de
technologies de fabrication additive, complétée par des services
d'ingénierie (design, optimisation topologique), mais aussi d'usinage,
d'injection plastique et de finition. L'entreprise ERPRO maîtrise les
différentes technologies d'impression 3D, telles que le
dépôt de fils ABS, l'impression 3D couleur, la
stéréo-lithographie (il s'agit d'une technique de prototypage
rapide, qui permet de fabriquer des objets solides à partir d'un
modèle numérique) ; je citerai aussi le frittage de poudre
polymère, la fusion métallique, l'usinage, le moulage silicone,
la peinture et l'injection plastique...
L'entreprise propose ses services à des secteurs aussi divers que l'automobile, l'aéronautique, le médical, la cosmétique, l'architecture, l'industrie ou encore le design.
En 2018, près de 10 millions de pièces ont été produites et le groupe souhaiterait, d'ici 2021, multiplier ce chiffre par 5 afin de répondre aux nouvelles demandes et de conquérir de nouveaux marchés. Pour cela, de nouveaux investissements sont réalisés, comme l'acquisition d'une nouvelle imprimante 3D. Cela s'inscrit dans le plan de développement de son parc machines qui s'oriente désormais vers la fabrication additive en grande série, encore impossible il y a peu de temps.
L'entreprise reste leader de l'impression 3D en France grâce à l'avance technologique qu'elle détient. Savez-vous que l'imprimante 3D était une invention française mais que cette innovation n'avait pas reçu le soutien nécessaire et n'avait donc pas été brevetée ? La technologie a donc été développée aux États-Unis, ce qui explique une certaine dépendance vis-à-vis des fabricants d'imprimantes 3D, qui sont américains ou allemands, et qui louent leurs matériels.
Nous avons pu visiter les ateliers de l'entreprise et assister aux différentes étapes de production. Très instructif ! On y trouve des ingénieurs, des techniciens qualifiés et de jeunes opérateurs. Pour ses recrutements, l'entreprise mise davantage sur les compétences personnelles et comportementales (les softskills ) et la motivation des candidats que sur leurs seules qualifications. Elle accorde de l'importance à la formation et à l'évolution de ses employés. Néanmoins, elle fait également face à des difficultés de recrutement, comme souvent. Cette entreprise opère sur des nouveaux métiers, dont les formations n'existent pas.
ERPRO GROUP est un bel exemple de réussite d'une entreprise innovante, qui a su trouver sa place sur le marché international et devenir leader français dans son secteur. Implantée dans le département du Val-d'Oise, elle a su se développer, preuve que l'innovation peut être valorisée dans les territoires périurbains, même si la question de la mobilité reste un problème à traiter d'urgence. Implantée dans ma ville de Saint-Leu-la-Forêt, cette entreprise grandit vite, domine le secteur et recrute à un niveau local. Il est toujours très intéressant et encourageant pour des élus de voir des entreprises se développer dans nos territoires. Néanmoins, la question de la mobilité reste un problème à traiter d'urgence car même dans le Val-d'Oise à une dizaine de kilomètres de Paris, les difficultés de transports y sont majeures.
Après ces visites de terrain, nous nous sommes rendus à la Chambre de Commerce et d'Industrie du Val-d'Oise afin d' échanger avec des entrepreneurs du département autour d'une table ronde .
Il nous a été fait part, une nouvelle fois, de l'inquiétude quant à l'avenir des chambres consulaires. La baisse de leurs moyens représente une crainte pour les entrepreneurs que nous avons rencontrés, dans la mesure où la CCI du département accompagne plus de 1 700 entreprises et 10 000 créations ou demandes de créations par an. Elle assure aussi le financement d'écoles d'enseignement supérieur et de Centres de Formation des Apprentis. Le chômage des jeunes se situant autour de 15 à 20 % dans l'Est du département et les entreprises se plaignant de ne pas pouvoir recruter de jeunes techniciens qualifiés (à des niveaux bac+2), la baisse du financement de ces établissements pose un réel problème aujourd'hui et à venir.
À cet égard, les difficultés de recrutement ont été évoquées par la quasi-totalité des entrepreneurs, insistant sur le manque de candidats pour de nombreux types de postes, notamment de techniciens qualifiés, d'encadrants, de comptables, de développeurs informatiques...
Le déficit d'offres de formation dans le département pour certains secteurs comme l'aéronautique, dont les formations sont aujourd'hui regroupées sur le plateau de Saclay, alimente aussi ce déficit.
L'image dont pâtissent les secteurs de l'industrie ou du BTP est un autre problème de taille : les entrepreneurs n'ont cessé d'affirmer que des emplois stables et rémunérateurs y existent pourtant et que des perspectives d'évolution y sont possibles, avec parfois des possibilités de reprise ou de création d'entreprise. Selon eux, l'Éducation nationale devrait contribuer à réhabiliter ces métiers et, plus largement, les métiers manuels, encore trop souvent présentés comme des voies réservées aux cas d'échec scolaire.
Autre difficulté récurrente : celle de la mobilité. En effet, la desserte de certaines villes du Val-d'Oise reste à améliorer et pèse sur le recrutement par les entreprises dont le siège est encore difficilement accessible avec les transports publics. Enfin, les entrepreneurs, lorsqu'ils arrivent à recruter, ont souvent des difficultés à conserver leurs employés : ils sont concurrencés par les grandes entreprises du secteur qui « débauchent » les employés qu'ils ont formés.
Le financement des PME, TPE et ETI a été également évoqué. Dans les secteurs industriels ou dans les activités de recherche et développement, il nous a été fait part des difficultés rencontrées pour se financer auprès d'établissements publics comme la BPI ou auprès de banques commerciales.
Les entrepreneurs ont évoqué l'équilibre
financier très fragile de leur entreprise, menacé par le poids
normatif qui ne cesse d'augmenter.
Pour nombre d'entre eux, le
développement de l'activité économique serait
encouragé par une stabilité réglementaire, une
simplification des normes et un allègement de certaines contraintes
excessives, quitte à limiter les aides aux entreprises en
contrepartie.
Enfin, au vu du peu de sécurité dont ils bénéficient aujourd'hui et des risques qu'ils prennent, certains demandent à ce que leur statut permette une meilleure protection. Nous avions l'exemple d'un dirigeant d'entreprise qui avait dû vendre son entreprise qui s'était retrouvée en redressement judiciaire.
Les dernières inquiétudes exprimées ont concerné la taxation des contrats courts, des normes de RSE imposées par la loi PACTE, ou encore au problème spécifique des drones. En effet, l'insuffisant contrôle des vols amateurs pourrait nuire au développement de cette filière.
Notre journée s'est terminée par la visite de l' entreprise PARTNERING ROBOTICS, où nous avons été accueillis par M. Thibaut Cambon, Responsable financier de l'entreprise. PARTNERING ROBOTICS est une start-up spécialisée dans la fabrication de robots dotés d'intelligence artificielle et chargés de purifier l'air dans les espaces intérieurs.
L'entreprise a été fondée en 2007 par Ramesh Caussy, Docteur diplômé de l'École Polytechnique. Actuellement, deux robots sont proposés à la location : l'un analyse la qualité de l'air ambiant, le volume sonore, la température, la luminosité et dresse une carte, sorte de relevé météo intérieur. Le robot se déplace de façon autonome sur 1 000 m² dans des environnements complexes en purifiant l'air. Le second robot, immobile, est doté des mêmes capacités de purification d'air. Ces robots filtrent 99,95 % des polluants, bactéries, virus et allergènes, en utilisant une technologie similaire à celle que l'on trouve dans les blocs opératoires.
Les données recueillies permettent de cibler les
endroits pollués pour ensuite éliminer les sources de pollution
et détecter les problèmes.
Elles peuvent également
être utilisées par le CHSCT des entreprises.
L'entreprise cible tout particulièrement les Établissements Recevant du Public Sensibles, qui doivent surveiller la qualité de l'air intérieur en application de la loi portant sur l'engagement national pour l'environnement. Depuis 2018, les maternelles, écoles élémentaires et crèches y sont soumises et d'autres établissements seront progressivement concernés. De grandes entreprises utilisent également déjà les services de ces robots.
PARTERING ROBOTICS, dont les robots sont labellisés « Origine France garantie » et marqués CE, ne dépend ni de capitaux ni de fournisseurs étrangers. Sa reconnaissance comme FrenchFab atteste de sa capacité à créer des emplois industriels en France.
La démarche de cette start-up est de contribuer au bien-être, l'air respiré en intérieur étant jusqu'à deux fois plus pollué que l'air extérieur à cause du mobilier ou de machines comme les imprimantes, qui émettent des particules fines. Voici une transition toute trouvée, Mme la Présidente, pour la suite de l'ordre du jour, notre dernière Journée des Entreprises ayant partiellement porté sur cette thématique du bien être en entreprise.
J'ai été très heureux de présenter ces belles réussites à mes collègues. J'espère qu'ils auront découvert avec intérêt la diversité du tissu économique de mon département. Sa vitalité repose sur des entrepreneurs qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées, difficultés que j'ai tenu à relayer auprès de notre délégation.
Mme Élisabeth Lamure , Présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises . - Je vous remercie Monsieur Meurant pour ce compte-rendu. Comme d'habitude, nous avons encore découvert de belles pépites, comme cette entreprise ERPRO Group, qui nous a enchanté par son avancement dans la technologie de l'impression 3D dont nous croyons à tort qu'elle n'est encore qu'à ses débuts. Cela m'a amené à consulter un rapport de l'OPECST, de mars 2018, dans lequel on pouvait lire dans les perspectives que l'impression 3D ne semble être qu'à ses débuts. Un an après, on trouve des entreprises entrées dans une phase industrielle : ERPRO GROUP produit aujourd'hui 10 millions de pièces et compte passer à 50 millions dans les années à venir. Comme le soulignait Monsieur Meurant, cette technologie est une invention née en 1984 de l'oeuvre de trois Français ! Ils n'ont pas été suffisamment convaincants ou n'ont pas été soutenus et n'ont pas obtenu le brevet. Cela me rappelle notre rencontre il y a deux ans avec les enfants de Roland Moreno, inventeur de la carte à puce, qui n'a jamais été reconnu dans son pays d'origine.
Comme il a été dit à propos de la table ronde, les entrepreneurs ont évoqué maintes fois les difficultés de recrutement, ce à quoi je leur répondais qu'elles étaient occasionnellement évoquées lors de nos premiers déplacements en 2015 mais qu'elles ne cessent d'être exprimées depuis un an. Nous en reparlerons à l'occasion des travaux que nous voulons entreprendre à ce sujet mais c'est bien un problème qui touche tous les secteurs d'activité et qui est un réel frein au développement des entreprises.
M. Michel Vaspart . - Malheureusement je n'ai pas pu me rendre à ce déplacement mais j'aimerais rebondir sur ce qui a été dit au sujet de la perte de l'invention 3D. Les inventeurs n'ont pas été suffisamment convaincants ou plutôt pas suffisamment écoutés ! Je pense que les entrepreneurs présentant de nouvelles technologies sont convaincants car ils croient en leurs inventions. Nous venons de perdre l'entreprise SEABUBBLES qui a inventé des bateaux de tailles variées se déplaçant sur des foils. Ils ont essayé d'obtenir l'autorisation de faire des expérimentations sur la Seine, avec l'accord de la Maire de Paris à l'époque, et avec un blocage complet du port autonome de Paris. Le porteur du projet est Alain Gautier, navigateur émérite, qui n'a pourtant pas réussi à « convaincre » ou qui n'a plutôt pas été écouté. D'autres investisseurs se sont intéressés au produit et vont le diffuser, je ne doute pas du fait que l'on trouvera dans quelques années ces bateaux en France.
Nous sommes, avec Michel Canévet, en contact avec trois entreprises françaises produisant des bateaux amphibies. Il existe quatre entreprises produisant ce type de bateaux, donc trois françaises et une néo-zélandaise. Ces trois entreprises françaises ont des produits complémentaires, par leur différence de gammes, mais nous n'arrivons pas à avoir une évolution de la réglementation française. Une des trois entreprises françaises, qui fabrique en France et vend 80% de sa production à l'export, est menacée de disparition ou devra déménager car ne pouvant pas commercialiser son produit. Ce ne sont pas les entreprises qui ne sont pas convaincantes mais plutôt le contexte réglementaire et le pouvoir administratif qui sanctionnent plus qu'ils n'aident !
Mme Élisabeth Lamure . - Ces empêchements naissent des règlementations françaises ou européennes ?
M. Michel Vaspart . - Ils naissent de l'interprétation de la loi littorale française.
Mme Élisabeth Lamure . - La DGE ou le Ministère de l'Économie sont-ils saisis ? Qui pourrait bien débloquer la situation ?
M. Michel Vaspart . - Le Ministère de l'Intérieur et le Ministère de l'Environnement. Nous avons reçus une fin de non-recevoir de la part du Ministère de l'Environnement. Je rencontre cet après-midi le Secrétaire Général de la Mer et je lui en parlerai. Cela devient pénible car nous avons ici des opportunités d'activité, d'emplois et de valeur ajoutée que nous ne saisissons pas !
Mme Élisabeth Lamure . - Cela est effectivement regrettable lorsque nous voyons l'ingéniosité française et les technologies développées qui sont abouties à l'étranger, quel gâchis ...
M. Daniel Laurent . - Nous avons énormément à dire sur l'économie et sa complexification, disons-le, par la haute administration. Cette situation gagnerait à être débloquée par les élus.
Je parlais récemment avec l'Ambassadeur du Koweït
à Paris.
Les Koweïtiens détiennent des capitaux
prêts à être investis et aimeraient investir en France mais
sont découragés par les complications administratives - leur visa
ne dure que pour trois mois renouvelables - et préfèrent investir
dans des pays comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne.
Il y a de nombreux
exemples similaires montrant notre incapacité à recevoir des
capitaux étrangers qui aideraient nos entreprises et notre pays à
se développer.
M. Sébastien Meurant . - Pour compléter mon compte-rendu, ERPRO Group a pu se développer car l'entreprise n'a pas été « pillée » par des capitaux étrangers. C'est Chanel qui a permis à l'entreprise de se développer en lui faisant produire ses applicateurs mascara et qui a protégé l'entreprise en déposant les brevets mondiaux sur les techniques utilisées. L'impression 3D va permettre de répondre à des problèmes de goulet d'étranglement dans la production, l'entreprise est en pleine expansion.
PARTNERING ROBOTICS est menacé par Samsung et Huawei, entreprises qui vont réussir à commercialiser le même type de robots. Cette PME est en phase de commercialisation mais sans le soutien d'un groupe mondial, permettant de faciliter la commercialisation à une échelle mondiale, sa pérennité et son développement sont menacés.
M. Michel Forissier . - Nous avons en effet des paradoxes français. La France a vu naître la technologie de la boîte de vitesse automatique en 1927 mais est l'un des derniers pays où la technologie a pu pénétrer. Notre pays contrôle mais n'accompagne pas assez les entreprises, problème culturel me semble-t-il. Au sujet de la formation professionnelle et de l'apprentissage, un entrepreneur ne devrait pas évoquer ses difficultés à recruter puisque c'est désormais de la responsabilité des entreprises que de former. Les branches professionnelles doivent intervenir dans les formations, c'est leur responsabilité. Ce n'est pas à l'État ou à l'administration d'intervenir et de définir les changements nécessaires face à l'évolution des métiers. La lourdeur de l'administration, contrairement à la souplesse que l'on peut trouver dans les petites structures, ne permet pas les initiatives. C'est peut-être le rôle de notre délégation que de porter l'idée qu'il faut renforcer l'accompagnement des entreprises. La formation professionnelle et l'apprentissage ont changé et il faut informer et accompagner les entreprises dans le changement.
Mme Nelly Tocqueville . - Nous devrions en effet intervenir sur l'axe de la formation. Dans nos départements, nous nous rendons compte qu'il existe une inadéquation entre les besoins des entreprises et la capacité à former des personnes qualifiés. Ayant enseigné en lycée professionnel, il me semble que les professeurs dans les matières formant à des métiers manuels sont en décalage avec le nouveau monde de l'industrie. On constate qu'il existe de nombreux métiers, très pointus, dans lesquels on ne trouve pas de personnes qualifiées car l'Éducation nationale n'en offre pas la formation. Je regrette qu'il n'y ait pas, dans le nouveau projet de loi pour une école de la confiance, d'accent mis sur l'enseignement professionnel, vers lequel on dirige encore les élèves « par défaut ». Tant que l'on orientera les bons élèves vers des filières générales par défaut, nous n'avancerons pas. Avec les constats faits sur le terrain et la récurrence du problème, il serait temps d'agir mais il est difficile de faire bouger le Ministère de l'Éducation nationale ...
Mme Catherine Fournier . - J'acquiesce en partie les propos de Madame Tocqueville. Néanmoins, je pense que renforcer l'éducation de nos enfants leur permettrait mieux appréhender ces métiers d'avenir. Il est impossible pour un élève de 3 ème d'établir un projet professionnel clair et précis. Ceci étant, si l'Éducation nationale connaissait un peu mieux le monde de l'entreprise, les professeurs pourraient mieux aider les élèves à bâtir leur projet professionnel.
Aussi, peut-être faudrait-il revenir sur la formation du personnel d'inspection, fiscale, administrative ou territoriale, qui devrait accompagner et conseiller au lieu de seulement sanctionner.
M.
Daniel Laurent
. - Nous avions évoqué il y a
quelques années le sujet de l'incapacité à former des
jeunes vers le monde de l'entreprise avec la Commission des Affaires
économiques. Déjà, nos interlocuteurs des Chambres des
métiers nous ont signifiés leur souhait et montrés leurs
compétences à encadrer la formation professionnelle des jeunes.
Nous n'avons toujours pas avancé sur le sujet malheureusement ...
Mme Élisabeth Lamure . - Néanmoins, nous avons pu apprécier quelques bons exemples lors de nos déplacements, je pense au Proviseur de Montbard, en Côte-d'Or, qui est en lien constant avec les entreprises du bassin. Les immersions en entreprises des professeurs permettaient de décloisonner les deux mondes et donc d'améliorer la connaissance du monde professionnel par le corps enseignant. Malheureusement, ces exemples sont trop peu courants...
M.
Michel Forissier
. - En prolongement des propos de mes
collègues sur la formation professionnelle et l'apprentissage et ayant
eu la responsabilité de porter le texte sur la liberté de choisir
son avenir professionnelle avec Catherine Fournier et Frédérique
Puissat, je dois avouer que c'est la 1
ère
fois, en trois
réformes sur cinq années au Sénat, que le Ministre de
l'Éducation nationale et la Ministre l'Enseignement supérieur et
de la Recherche s'intéressent à nos travaux. Jean-Michel
Blanquer a pris contact avec nous pour échanger autour du sujet. Il y a
une réelle avancée dans le transfert de responsabilité
pour l'apprentissage vers les branches professionnelles, bien qu'en tant
qu'ancien de la Chambre des Métiers, j'aurais
préféré que les chambres consulaires en soient
responsables.
La Proposition de loi visant à développer
l'apprentissage comme voie de réussite que nous avons proposée
avec Madame Lamure allait dans ce sens : confier plus de
responsabilités aux régions et aux corps intermédiaires.
L'État en a décidé autrement, ce seront les branches
professionnelles avec l'agence France Compétences, qui répartira
les financements. Dès l'année prochaine, les branches
professionnelles piloteront l'apprentissage et pourront intervenir dans les
lycées professionnels en co-construisant les programmes scolaires, ce
qui constitue une réussite. L'Allemagne fait preuve d'un certain
libéralisme en laissant cette responsabilité aux entreprises et
en ne prélevant pas de taxes : avec le système actuel, la
France fait encore preuve d'un certain dirigisme par l'agence France
Compétences.
Nous devrons donc surveiller tout cela et nous assurer
que les branches professionnelles s'approprient bien la formation
professionnelle et l'apprentissage. On ne sait pas encore comment la loi sera
appliquée à l'heure actuelle donc tâchons d'être
vigilants.