EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 juin 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial, sur l'avenir du Stade de France.

M. Vincent Éblé , président . - Nous commençons notre réunion par la communication de notre rapporteur spécial des crédits de la mission « Jeunesse, sport et vie associative » relative au contrôle budgétaire qu'il a réalisé sur le Stade de France.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - Depuis le début du mois, la coupe du monde de football féminin se déroule en France. Cependant, le Stade de France n'accueille aucun match, puisque l'ouverture a eu lieu au Parc des Princes, tandis que la finale sera organisée à Lyon. C'est certes une récompense pour le club lyonnais, qui a fortement soutenu le développement du football féminin. C'est surtout le symbole de la situation complexe du Stade de France.

L'État est propriétaire de l'enceinte. En 1995, entre les deux tours de l'élection présidentielle et à trois ans de la coupe du monde de football, il en a concédé la construction et l'exploitation pour une durée de trente ans. Le concessionnaire est une société détenue aux deux tiers par Vinci et à un tiers par Bouygues. Vingt-quatre ans plus tard, le constat est amer. Vitrine de la France et théâtre de tant d'exploits, le Stade de France a aussi fortement pesé sur les finances publiques. Le contrat échoit dans six ans. D'ici là, le stade doit accueillir la coupe du monde de rugby en 2023 et les épreuves d'athlétisme ainsi que les cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux de 2024.

C'est pourquoi j'ai souhaité m'intéresser à l'avenir du Stade de France, en traitant deux questions. Dans quelles conditions ces deux évènements seront-ils organisés dans une enceinte toujours concédée ? Quel sera le modèle d'exploitation future du stade au terme de la concession ? Ce sont là deux risques potentiels pour les finances publiques. Il est indispensable de les traiter rapidement. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le référé de la Cour des comptes à l'automne dernier.

Je ne reviendrai pas sur l'historique du dossier, qui a fait l'objet de nombreux rapports des corps de contrôle et du Parlement. En octobre 2007, notre ancien collègue Michel Sergent soulignait que « contraint par l'urgence, le gouvernement [a] abordé les négociations relatives au contrat de concession en position de faiblesse ». Pour assurer la livraison à temps de l'enceinte, l'État a consenti à un contrat très déséquilibré pour l'exploitation ultérieure. Aucune étude sur la rentabilité de l'exploitation n'a ainsi été diligentée. Le modèle retenu est qualifié de « pour partie virtuel » par la Cour des comptes.

L'absence de club résident a rendu l'État redevable d'une indemnité annuelle, pesant sur les crédits destinés au sport, pour un montant cumulé de plus de 121 millions d'euros entre 1998 et 2013. Cette indemnité est venue renforcer les résultats d'une concession dont la profitabilité était supérieure de quatre fois aux projections.

C'est dans ce contexte que les fédérations utilisatrices ont contesté une répartition inégale des résultats des manifestations sportives qu'elles organisent. En menaçant de rompre ou de ne pas renouveler les conventions d'utilisation qu'elles avaient conclues avec le concessionnaire pour une durée de quinze ans, elles ont exposé l'État à un risque financier supplémentaire.

Surtout, le contrat a rapidement fait l'objet d'une chronique juridique, les différends entre parties se prolongeant devant les tribunaux. Il en est résulté une annulation du contrat dès 1996, surmontée immédiatement par une loi de validation, finalement abrogée en 2011 par le Conseil constitutionnel. Cette décision a permis une remise à plat du contrat entre l'État et le concessionnaire, favorisant un rééquilibrage.

La stratégie « défensive » poursuivie par l'État a porté ses fruits : chaque risque a été traité au coup par coup, limitant le coût pour les finances publiques. Depuis l'abandon du projet de grand stade fédéral de rugby et la prolongation de la convention d'utilisation de la fédération française de rugby, aucun risque financier ne menace la poursuite du contrat jusqu'à son terme.

L'organisation des deux compétitions en 2023 et 2024 bouleverse la fin du contrat en posant la question des conditions de mise à disposition de l'enceinte, et celle de la rénovation du Stade de France pour les Olympiades.

Commençons par les conditions de mise à disposition du stade. Certes, le concessionnaire est tenu de faire droit à la demande de l'État. Cependant, le contrat demeure silencieux s'agissant des conditions financières de cette mise à disposition, en particulier pour les pertes d'exploitation subies. Contrairement à la pratique précédente, pour l'Euro 2016, l'État n'a pas souhaité être partie au contrat de stade conclu entre l'organisateur et le concessionnaire. Ce dernier a pourtant sollicité une indemnité à raison des pertes d'exploitation subies, ce que l'État a refusé, ne s'estimant pas concerné par un contrat qu'il n'avait pas signé. Le concessionnaire a porté ce refus devant le juge administratif, qui l'a débouté en première instance. L'appel est mis en délibéré ; une décision devrait intervenir très prochainement. Même sans être partie au contrat de stade, l'État peut être indirectement concerné par le mécanisme des garanties apportées aux organisateurs. Surtout, il s'est engagé auprès du Comité international olympique (CIO) sur l'utilisation du Stade de France, fragilisant sa position de négociation auprès du concessionnaire. Le consortium évalue à près de 20 millions d'euros le montant nécessaire pour la location et la compensation des pertes d'exploitation en 2024.

Au cours de mes travaux, j'ai fait le constat de la forte tension des relations entre l'État, les organisateurs et le consortium. Le retrait initial de l'État a entraîné un retard dans les négociations. Ce n'est que depuis la reprise en main par le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) qu'elles ont repris. Si elle est favorable à l'État, la décision de justice pourrait faciliter les choses. Il est en tout cas indispensable que les contrats de stade soient rapidement conclus, dans des conditions juridiquement robustes et financièrement acceptables.

J'en viens à la rénovation de l'enceinte. L'État s'est engagé auprès du CIO sur un montant de travaux de 70 millions d'euros. Ce montant a été ramené à 50 millions d'euros l'an dernier à l'occasion de la refonte de la maquette financière que les organisateurs étaient venus nous présenter. Ces travaux doivent financer une remise à niveau de l'enceinte et non une modernisation d'envergure. Nous ne pouvons que souscrire à ce choix, qui correspond à une demande profonde de nos concitoyens : les Jeux ne doivent pas être dispendieux et doivent privilégier l'héritage au service de la population. Je sais que mes collègues élus de Seine-Saint-Denis partagent ce point de vue.

Cependant, j'ai relevé au cours de mes travaux deux points problématiques. D'abord, les travaux doivent avoir lieu en site occupé, facteur de surcoûts, et être conduits par le concessionnaire. Pour certains d'entre eux, ils relèvent de ses obligations au titre du gros entretien renouvellement. Il est donc indispensable de s'entendre avec lui sur le chiffrage des travaux et la répartition de leur financement, ce qui n'est toujours pas le cas. La Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (Solidéo) a recouru à un tiers expert pour dégripper le dossier, dont les conclusions sont attendues sous peu. Le stade doit être prêt au premier trimestre 2023 afin de se préparer à accueillir la coupe du monde de rugby. Pour tenir les délais, les travaux doivent impérativement être lancés d'ici la fin de l'année.

Ensuite, j'ai navigué dans un certain brouillard à propos de l'enveloppe et des travaux. En même temps que l'enveloppe a été réduite de 70 millions d'euros à 50 millions d'euros, le périmètre des dépenses à financer a été étendu aux abords du stade, à savoir l'accès depuis la ligne 13 de métro et les bords du canal voisin. Surtout, personne n'a été en mesure de m'indiquer s'il s'agissait d'un montant hors taxes ou toutes taxes comprises, y compris le directeur général de la Solidéo. C'est pourtant loin d'être un détail !

Au-delà des conditions d'organisation des deux compétitions, il importe de se projeter en 2025 : quel doit être le futur modèle d'exploitation du Stade de France à l'issue de la concession actuelle ? De l'avis général, le problème essentiel de la concession est de séparer les intérêts des différentes parties : l'État propriétaire, le consortium exploitant et les fédérations françaises de football et de rugby organisatrices. Les exemples étrangers associent davantage au moins deux de ces rôles.

La question du maintien de la propriété publique du stade se pose. Il s'agit d'un exemple unique en Europe, ce qui doit nous interroger. Sans exclure d'emblée le maintien d'une propriété publique, il importe a minima d'y apporter des justifications. Alors que les fédérations utilisatrices disposent aujourd'hui des marges de manoeuvre financières leur permettant de s'engager, je peine à en trouver.

C'est pourquoi je recommande, comme le Sénat l'a déjà préconisé par le passé et comme la Cour des comptes l'a fait il y a quelques mois, d'envisager la cession du Stade de France à une structure capitalistique associant les deux fédérations utilisatrices. Pour l'État, la cession est la seule solution à même de protéger définitivement les finances publiques à l'avenir.

Pour les fédérations, la maîtrise de leur outil de production est un atout pour leurs recettes. L'exemple de l' Aviva stadium de Dublin, détenu à parité par les fédérations de rugby et de football, en atteste. La rénovation de Roland-Garros intégralement financée par la fédération française de tennis en constitue un autre exemple.

Pour autant, cette cession ne saurait porter préjudice aux intérêts patrimoniaux de l'État. Rappelons que l'ensemble des coûts publics directs et indirects occasionnés par le Stade de France dépasseront en 2025 le milliard d'euros et que le Stade de France est valorisé à plus de 600 millions d'euros au compte général de l'État. Il importe donc de s'assurer qu'un modèle économique viable permet de financer l'acquisition et la rénovation de l'enceinte.

La réponse devrait être apportée par l'étude confiée par le Gouvernement à un cabinet privé, dont les résultats sont attendus au cours de l'été. En cas de réponse négative, une nouvelle concession devra être conclue. Elle devra cette fois-ci associer directement les fédérations, qu'il convient de responsabiliser.

J'en arrive à ma conclusion, qui se résume dans le titre de mon rapport. Prenons enseignement du titre mondial remporté l'an dernier à Moscou ! Pour l'avenir du Stade de France, nous avons besoin de jouer collectif : entre l'État, les organisateurs et le consortium pour les compétitions de 2023 et 2024, entre l'État et les fédérations pour l'exploitation future.

M. Roger Karoutchi . - Ce n'est pas la première fois que l'on débat du Stade de France. J'ai un souvenir ému des débats que l'on avait eu pour savoir où le stade devait être implanté à Nanterre, à Saint-Denis, à Melun-Sénart, etc. En tout cas, le modèle n'a jamais fonctionné correctement ! Les gestionnaires viennent souvent solliciter la région ou les collectivités territoriales pour subventionner ou organiser tel ou tel spectacle. Depuis le début, le stade est mal calibré, les événements ne sont rentables qu'à partir de 45 000 spectateurs. Je m'étais opposé à la construction d'un stade pour la fédération française de rugby : l'organisation dans une autre enceinte des matchs de l'équipe de France de rugby aurait porté un coup terrible au Stade de France. Le rapporteur spécial propose que les fédérations de football et de rugby reprennent le stade, mais elles vont dire qu'elles n'ont pas les ressources adéquates. La fédération française de rugby n'est pas très riche et je doute qu'elle puisse investir à part égale dans le projet. Surtout, comment feront-elles pour amortir cette acquisition ? On n'a pas encore trouvé un modèle garantissant la rentabilité. Heureusement que l'on n'a pas réalisé de stade dédié au rugby, autrement on aurait deux structures déficitaires ! Les fédérations sont-elles d'accord pour reprendre l'équipement ? Je les vois plutôt aller solliciter la région et les collectivités pour obtenir des subventions...

M. Sébastien Meurant . - J'ai aussi le souvenir ému d'une visite du chantier de construction du Stade de France... Le problème n'est-il pas que l'on a renoncé à installer un club résident ? Le contrat garantissait au consortium un équilibre, dès lors il n'a jamais été incité à trouver un club résident. Toutes les autres capitales européennes ont plusieurs clubs de football de premier plan. On devrait se donner pour objectif de faire émerger un autre club en Île-de-France. C'était le projet de Guy Drut, malheureusement il a été abandonné après la dissolution de 1997. Comment l'État pourrait-il favoriser l'émergence d'un second club de football à Paris ? Le Stade de France est un bon stade. Lorsqu'il y a des événements il est rempli, mais cela ne suffit pas à le rentabiliser.

M. Didier Rambaud . - Merci au rapporteur d'avoir précisé les enjeux et d'avoir insisté sur l'échéance 2025. Derrière la question du Stade de France se pose la question du modèle économique des clubs professionnels. Le stade est l'outil de travail des clubs. Tous les grands clubs sont propriétaires de leur stade. En France, c'est le cas du Stade rennais par exemple. Les villes de Saint-Etienne ou de Marseille viennent de concéder la gestion de leur stade à leurs clubs, etc. À Paris, le Paris-Saint-Germain (PSG) est très attaché au Parc des Princes. Toutes les capitales européennes comptent un, deux voire trois grands clubs de football. Mais on ne voit pas émerger un autre grand club à Paris. Comme le rapporteur, je ne vois donc pas d'autres solutions que la reprise du Stade de France par les fédérations de football et de rugby, comme en Angleterre ou en Irlande. Le stade peut être source de revenus pour le sport professionnel. Ce qui se passe à Lyon est exemplaire. On devrait arriver à faire la même chose à Paris.

M. Philippe Dallier . - Il est consternant de constater que, pour tous les grands chantiers structurants, on rencontre les mêmes problèmes : des contrats mal ficelés, des travaux mal évalués et des coûts qui explosent. Un deuxième club ? Pourquoi pas, mais si le PSG a refusé de s'installer au Stade de France, c'est parce que les sommes demandées étaient trop importantes et qu'il n'était pas assuré de remplir le stade pour tous les matchs. Le rapporteur a évoqué l'exemple irlandais. Je ne comprends pas comment un pays comme le nôtre, de 65 millions d'habitants, et qui ne compte qu'une seule infrastructure de cette taille, ne parvient pas à la rentabiliser sans que l'État ne soit appelé à la rescousse. On se ridiculise...

M. Marc Laménie . - Ma première question concerne le planning des travaux. On sait que les appels d'offre peuvent traîner en longueur. Est-on sûrs de pouvoir trouver des entreprises susceptibles de tenir les délais, qui paraissent lointains mais qui sont très courts en réalité ? Enfin, quel sera l'avenir d'un tel équipement après les Jeux olympiques ?

M. Jean-Claude Requier . - L'État n'a pas été un bon négociateur car il se voit contraint à la fin d'éponger la dette et de payer l'addition. Le rapporteur souhaite responsabiliser les fédérations. Comment faire ? Enfin, pour l'anecdote, lorsque j'évoque les territoires ruraux, je donne souvent l'exemple de la Lozère : ses 75 000 habitants peuvent tous rentrer dans le Stade de France ...

Mme Christine Lavarde . - Ce matin, le groupe d'études sur les pratiques sportives recevait les acteurs de e-Sport . Ils nous ont indiqué qu'une équipe de e-Sport s'implanterait bientôt au Stade de France. Il faudra évidemment réaliser quelques aménagements en conséquence. Quelles retombées financières ou économiques peut-on attendre de l'arrivée de nouveaux acteurs sportifs au Stade de France ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Quels sont, selon le rapporteur, les besoins de modernisation du stade ? Membre associé du conseil d'administration du comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO), je suis frappé par l'ampleur des différences d'appréciation entre l'État et le consortium. Il est vrai que ce dernier peut être tenté d'obtenir une prolongation du délai d'exploitation.

M. Philippe Dallier . - C'est comme pour les autoroutes !

M. Vincent Capo-Canellas . - Le contrat envisagé aujourd'hui répond-il aux exigences pour les Jeux olympiques ? Assure-t-il l'avenir du stade ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Il faut aussi analyser les relations entre le stade et les collectivités et la population alentour. Le club CA Brive-Corrèze a 12 000 supporters potentiels dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres. L'engouement pour l'Olympique de Marseille ou l'AS Saint-Etienne est sans commune mesure avec l'engouement pour le PSG, un club hors-sol qui peine à remplir le Parc des Princes ! Une équipe de mercenaires, financée par des fonds qataris, ne suscitera jamais l'engouement populaire que l'on peut rencontrer dans d'autres villes. Le Stade de France accueille les grandes rencontres internationales. Il doit rester national quitte à déléguer la gestion à une structure ad hoc . Il ne saurait être le stade d'un club ou de deux fédérations qui seront en concurrence. Je ne suis pas sûr que la région non plus ait envie de le reprendre en charge à l'occasion d'un nouvel acte de décentralisation.

M. Éric Bocquet . - Quel est le point de vue des concessionnaires Vinci et Bouygues ?

M. Jérôme Bascher . - On a beaucoup parlé de clubs de football mais n'aurait-on pas pu envisager la présence d'un club de rugby - ils sont nombreux en région parisienne ?

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - L'exploitation du Stade de France n'est pas une affaire non rentable. Les concessionnaires souhaitent d'ailleurs une reconduction de la concession pour les 30 ans à venir. Ils nous ont présenté un projet de nouveau stade, avec des investissements de 400 millions d'euros, en échange de la prolongation sans consultation du contrat. L'équipement est rentable : pour preuve, jusqu'en 2013, la profitabilité a été quatre fois supérieure aux estimations de 1995. Le problème est la répartition des recettes entre les acteurs : le consortium a longtemps bénéficié d'une part majoritaire des recettes, tandis que la part revenant aux organisateurs était plus limitée.

L'économie du sport a considérablement évolué depuis 20 ans. Aujourd'hui, ce sont les droits à l'image et les droits de diffusion qui financent le sport, non plus les recettes de billetterie. Les fédérations françaises de rugby ou de football ne sont pas dans de mauvaises situations financières. Leurs situations sont bien meilleures qu'en 1995. L'économie du sport a été bouleversée, les salaires ont explosé - j'ai récemment lu dans la presse qu'un grand joueur était prêt à diminuer son salaire de 12 millions d'euros pour aller jouer dans un autre club... Le budget des clubs a considérablement augmenté et les clubs ont parfois embauché des professionnels de la gestion. Le centre de droit et d'économie du sport de Limoges forme des professionnels très compétents. Les deux fédérations sont intéressées par le stade, seule enceinte à pouvoir recevoir 80 000 spectateurs, car la France avait fait le choix de retenir la capacité d'accueil haute dans la fourchette fixée par la FIFA. C'est un stade de prestige. Le consortium, composé de Bouygues et Vinci, a su le construire en trois ans. Il a provisionné les réserves pour travaux nécessaires et le stade est en très bon état. Selon la fédération française de rugby, il est opérationnel pour la coupe du monde de rugby, mais soulignons qu'il aura entretemps été rénové pour les Olympiades... Elle est intéressée par la gestion du stade qui pourrait accueillir les matchs de l'équipe de France. La situation est un peu différente pour la fédération française de football : vu la qualité des enceintes en France, rénovées pour l'Euro 2016, elle a plutôt une vision itinérante des matchs de l'équipe de France. Mais elle reconnaît aussi que la capacité du Stade de France est unique, et que les recettes d'hospitalité ou de publicité qui en découlent sont très supérieures.

En tout cas, il importe de préparer dès maintenant l'après-2025, si l'on veut éviter que l'État ne se retrouve en situation de faiblesse. Le Premier ministre a indiqué que tous les scénarios étaient envisageables : cession, concession, etc. Une étude a été confiée au cabinet Roland Berger. Notre contrôle budgétaire a aussi contribué à stimuler la réflexion pour ne plus exposer l'État à des risques financiers. Un élément important a aussi été l'abandon du projet de grand stade de rugby. Sa construction aurait été néfaste pour le Stade de France et aussi sans doute pour la fédération ! La position de Bernard Laporte a été de raison.

Le sujet sur lequel on peut avoir une petite inquiétude concerne les travaux. Le DIJOP a demandé un chiffrage du plan de rénovation à un cabinet. Les besoins portent sur le renouvellement de l'ensemble des sièges, la refonte de l'infrastructure numérique du stade, depuis les grands écrans jusqu'aux liaisons numériques, la rénovation des salons d'hospitalité. L'enveloppe serait de 50 millions d'euros, dont 15 millions d'euros pour des travaux à l'extérieur du stade. La répartition entre le concessionnaire, qui a passé les provisions pour rénovation, et l'État n'a pas encore été décidée. On le voit, 2019 sera une année charnière. Le DIJOP en a conscience. Les délais sont en effet très contraints, il faut signer rapidement les contrats de mise à disposition du stade. Le stade doit être livré au 1 er trimestre 2023.

La perspective d'un club résident est qualifiée dans plusieurs rapports, dont celui de la Cour des comptes, de « chimérique ». Le ministère a renoncé à cette idée. Pourtant cette absence de club résident a coûté plus de 121 millions d'euros à l'État entre 1998 et 2013 ; une fois les emprunts remboursés par le concessionnaire, un avenant entre les parties a supprimé la compensation de l'absence de club résident.

Quel modèle suivre ? Le modèle de la fédération française de tennis est remarquable. Grâce au tournoi de Roland Garros, elle arrive à financer plus de 90 % de son budget. Elle finance la rénovation du stade pour un montant de 400 millions d'euros grâce à 200 millions en fonds propres et 200 millions d'euros d'endettement. Le modèle de gestion par une fédération est donc viable. À l' Aviva Stadium , il n'y a pas de club résident. Le club du Leinster y joue ses matchs de coupe d'Europe, mais l'essentiel relève des matches internationaux des équipes d'Irlande de rugby et de football. Je pense toutefois que les deux fédérations de rugby et de football seules auraient du mal à couvrir les frais d'un stade de 80 000 places. C'est pourquoi je préconise une structure capitalistique qui associerait les deux fédérations. Elles participeraient aux investissements. En retour, elles recevraient une juste partie des recettes procurées par les événements qu'elles organisent. Pendant longtemps cela n'a pas été le cas.

La durée de vie d'un tel équipement est de 60 ans ; nous arrivons donc à mi-parcours. Le consortium a proposé un projet de transformation du stade privilégiant le numérique et les sports de terrain, en supprimant la piste d'athlétisme, sur le modèle du stade de Lyon ou du Racing 92. Cela peut toutefois réduire la capacité d'accueil lors des grands concerts. Il importe donc d'associer au projet un organisateur de spectacles. Le projet conçu en 1995 était bon mais l'économie du sport a depuis été bouleversée par l'arrivée de riches mécènes : les présidents de clubs de rugby étaient de petits entrepreneurs locaux, il s'agit désormais de multimillionnaires.

Je pense que le stade doit être modernisé, autrement il sera vite obsolète face à ses concurrents en Europe qui se transforment à l'image du nouveau stade de Tottenham, de Wembley, ou de Twickenham qui est la propriété de la fédération anglaise de rugby et qui gagne de l'argent avec six ou sept matchs chaque année - grâce aux droits de diffusion. L'économie du sport a changé. À la limite, on pourrait organiser des évènements sans spectateurs qui pourraient être rentables !

M. Yannick Botrel . - Vous avez indiqué que l'on ne savait pas encore si les montants étaient hors taxes ou toutes taxes comprises. Pourtant les modalités de récupération de la TVA sont claires. Sait-on si la TVA est récupérable ou acquise définitivement ?

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - On a interrogé Bercy et le ministère des sports : la réponse se fait attendre !

La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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