C. UNE PROPOSITION : ENVISAGER LA CESSION DU STADE
Deux solutions sont envisageables pour l'exploitation future du stade :
- une nouvelle concession , qui devrait alors être directement attribuée à une structure incluant les fédérations françaises de football et de rugby, sans doute aux côtés d'un professionnel de l'industrie du spectacle et, éventuellement, d'une entreprise spécialisée dans les concessions ;
- une cession du Stade de France , en créant les conditions d'une acquisition par une structure capitalistique associant les deux fédérations et un investisseur tiers.
Deux éléments doivent être pris en compte dans l'arbitrage :
- d'une part, la durée de vie de l'équipement , qu'un parangonnage des structures sportives conduit à évaluer à 60 ans environ 50 ( * ) , de sorte que le Stade de France en est à la moitié de sa durée estimée d'exploitation ;
- d'autre part, la particularité d'un stade possédé directement par l'État, sans équivalent en Europe , caractéristique qui n'exclut pas la poursuite de ce modèle mais impose d'en déterminer les justifications.
Dans ce cadre, votre rapporteur spécial estime que la cession du stade doit être envisagée en priorité. Déjà formulée par le Sénat par le passé 51 ( * ) , soutenue par la Cour des comptes et évoquée par le Premier ministre à l'automne dernier 52 ( * ) , cette proposition se justifie pour deux raisons .
Premièrement, votre rapporteur spécial n'identifie pas de justifications à la nécessité pour l'État de conserver la propriété d'une enceinte sportive dès lors que les fédérations sportives utilisatrices disposent des ressources leur permettant d'assumer directement l'enceinte. Dans les pays où les fédérations disposent d'un stade « résident », ce qui n'est pas le cas partout en Europe pour des raisons historiques tenant souvent à un régime fédéraliste 53 ( * ) , elles en sont souvent propriétaires ou en assument la gestion. L'Aviva stadium de Dublin constitue à cet égard un exemple intéressant de stade détenu conjointement par les deux fédérations irlandaises de football et de rugby (voir l'encadré ci-après).
Du point de vue patrimonial, l'intérêt pour l'État de conserver la propriété du terrain d'assiette peut également être mise en doute, tant son utilisation ultérieure sera complexe en raison de sa pollution 54 ( * ) .
Deuxièmement, la cession prévient tout risque ultérieur pour les finances publiques , à la fois pour les investissements de modernisation initiaux et pour les risques d'exploitation.
Pour intervenir, la cession requerrait une disposition législative afin de déclasser le site du domaine public de l'État.
Toutefois, votre rapporteur spécial est conscient que les intérêts patrimoniaux de l'État doivent être pris en compte , a fortiori compte tenu des coûts déjà supportés par les finances publiques pour l'ouvrage et ses abords. Sous réserve des limites soulignées sur la valeur intrinsèque du stade, un montant de près de 610 millions d'euros est inscrit à l'actif de l'État au titre du Stade de France dans le compte général de l'État 55 ( * ) .
Ce n'est pas à une cession à vil prix que votre rapporteur spécial appelle, mais bien à la valorisation d'une enceinte ayant été fortement soutenue par l'État. Il revient donc au groupe de travail, fort de l'étude mandatée au cabinet Roland Berger, de déterminer si un modèle économique permettant d'assumer les coûts d'acquisition initiaux et de remise à niveau de l'infrastructure est possible.
À défaut, une nouvelle concession devra être envisagée, dans des conditions où le concessionnaire assumerait réellement l'exploitation « à ses risques et périls ». En ce cas, le risque serait toutefois élevé que l'État se trouve contraint à accompagner financièrement le nouvel exploitant pour la modernisation du stade 56 ( * ) .
Recommandation n° 3 : afin de préserver les finances publiques et d'assurer l'avenir du Stade de France, une décision sur son exploitation après 2025 doit être formalisée d'ici la fin de l'année pour pouvoir être menée à bien avant l'organisation des deux compétitions internationales de 2023 et 2024. L'engagement des fédérations françaises de football et de rugby en constitue l'axe central, ce qui doit conduire à envisager la cession du Stade de France , seule solution à même d'écarter tout risque financier ultérieur pour l'État. |
L'Aviva stadium de Dublin : un exemple à suivre Le point de départ présente des similitudes avec la situation française : c'est à la suite de l'échec de la fédération irlandaise de rugby à mener à bien son projet de construction d'un stade propre que l'État irlandais a fait pression pour que la fédération de rugby rénove le stade historique de Lansdowne Road en s'associant avec la fédération de football. En 2004, une coentreprise est créée entre les deux fédérations , aboutissant à l'inauguration de l'Aviva stadium six ans plus tard, en 2010. Les deux fédérations en sont copropriétaires à parité. Le coût de la construction de l'enceinte, d'un montant de 411 millions d'euros, a été supporté à 54 % par les deux fédérations et à 46 % par l'État. En dehors de ce coût initial, l'État irlandais a clairement indiqué qu'il ne s'impliquerait ensuite ni dans la gestion ni dans l'exploitation du stade . En ce sens, toute rénovation ultérieure de l'enceinte devra être financée par le fonds de réserve constitué par la coentreprise et, s'il se révèle insuffisant, à parité par les deux fédérations. L'exploitation du stade conjointement par les deux fédérations se déroule dans de bonnes conditions, permettant l'organisation de huit matchs de chacune des deux équipes nationales chaque année, ainsi que trois concerts en moyenne. Le chiffre d'affaires de la coentreprise provient des partenaires commerciaux, à savoir le partenaire principal pour les droits de nomination ( naming ) et des sponsors officiels, des redevances annuelles versées par les deux fédérations correspondant aux coûts d'organisation des matchs, et d'autres évènements secondaires - conférences, expositions. Pour les fédérations, l'élément essentiel est que les coûts d'organisation d'un match de l'équipe nationale leur sont facturés à prix coutants : la coentreprise ne réalise donc aucun profit sur les évènements dont les fédérations détiennent les droits commerciaux. Source : commission des finances du Sénat, à partir des informations transmises par le service économique de Dublin |
* 50 Selon les indications de la Solidéo.
* 51 Voir le rapport d'information n° 86 (2013-2014) « Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts », de Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, 17 octobre 2013, ainsi que le rapport d'information n° 437 (2016-2017) « Muscler le jeu du football professionnel », de Jean-Jacques Lozach et Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, 22 février 2017.
* 52 Voir la réponse au référé précité de la Cour des comptes, septembre 2018, dans laquelle le Premier ministre indique que « l'exception critiquée par la Cour, à savoir que le Stade de France est le seul stade propriété de l'État en Europe, pourrait ne pas perdurer au-delà de 2025. L'hypothèse d'une cession fait en effet partie des options à l'étude ».
* 53 En particulier en Allemagne ou en Espagne.
* 54 Pour mémoire, l'État a supporté le coût de la dépollution initiale du terrain, pour un montant de 23 millions d'euros, et finance chaque année l'entretien et le fonctionnement du système de captage des émanations gazeuses, à raison de 100 000 euros.
* 55 Chiffre au 31 décembre 2018.
* 56 Dans le relevé d'observations définitives de septembre 2018, la Cour des comptes observe à ce sujet que « l'analyse du modèle économique du Stade de France et des fondements de sa rentabilité conduit au constat que les ressources générées par les activités sportives et culturelles permettent d'en financer largement l'exploitation et probablement une certaine partie des investissements de modernisation qu'il nécessite ».