III. APPORTER UNE OFFRE D'INGÉNIERIE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
A. PERMETTRE AUX PETITES COMMUNES ET INTERCOMMUNALITÉS DE BÉNÉFICIER D'UN APPUI TECHNIQUE DE L'ÉTAT
1. Aider les petites collectivités territoriales à définir des procédures de surveillance et d'entretien adaptées aux petits ponts
Compte tenu de la diversité des ponts gérés par l'État et les collectivités, il serait extrêmement difficile de définir une règlementation commune applicable à l'ensemble des gestionnaires de voirie , qui représenterait une charge excessive pour les collectivités territoriales et ne serait pas justifiée au regard de la taille de leurs ponts.
La mission considère par conséquent qu'il convient de laisser les gestionnaires de voirie définir eux-mêmes les politiques de surveillance et d'entretien à mettre en place.
Toutefois, afin d'aider les petites communes et les intercommunalités à définir une politique de maintenance adaptée, la mission propose de définir un référentiel technique allégé au profit des collectivités gérant des petits ponts.
Comme l'a indiqué l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar) lors de son audition, il conviendrait que les normes appliquées par les services de l'État et définies dans l'instruction technique ITSEOA soient adaptées pour pouvoir être utilisées par les gestionnaires locaux .
Ce travail pourrait être piloté par le Cerema, en association avec les gestionnaires de voirie locaux. À cette fin, la mission recommande la création d'un groupe de travail animé par le Cerema et regroupant les associations de collectivités territoriales pour définir ce référentiel.
Par ailleurs, au regard de la diversité des méthodes d'évaluation employées par les collectivités, la mission partage la recommandation du rapport de revue des dépenses des collectivités territoriales 101 ( * ) visant à confier à l'Observatoire national des routes (ONR) la définition d'une démarche partagée d'évaluation de l'état du patrimoine routier, afin qu'une norme commune d'évaluation puisse être élaborée, avec l'aide du Cerema et des conférences techniques interdépartementales sur les transports et l'aménagement (Cotita).
2. Apporter une offre d'ingénierie territoriale en appui aux petites collectivités territoriales
La mission a pu constater que, s'agissant de la gestion des ponts, la suppression de l'assistance technique des services de l'État pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) en 2014 a laissé un vide qui n'a été que partiellement comblé par les départements .
La généralisation de la mise en place, par les départements , d'une assistance technique aux communes en matière de voirie , notamment par le biais des agences techniques départementales, est souhaitable. Une telle assistance technique pourrait également être utilement apportée par les intercommunalités qui le souhaitent.
Toutefois, la mission est consciente des difficultés financières que rencontrent les départements, qui ne leur permettent de mettre à disposition des autres collectivités leurs capacités en ingénierie que de manière limitée. Seule une partie des départements indique en effet être en capacité d'apporter une telle assistance, comme rappelé précédemment.
C'est pourquoi, elle considère qu'il est primordial de recréer, à l'échelle départementale , une ingénierie publique pouvant être mobilisée par les petites communes et intercommunalités qui font face à des difficultés dans la gestion de leurs ouvrages.
Il s'agit d'une demande forte des collectivités territoriales , qui est notamment ressortie de la consultation des élus locaux mise en place par le Sénat.
LA DEUXIÈME PRÉOCCUPATION DES ÉLUS
LOCAUX :
Le besoin de bénéficier d'un appui technique pour entretenir leurs ponts est, après la question du financement, la deuxième préoccupation qui ressort de la consultation des élus locaux lancée par le Séna t, en particulier de la part des petites communes qui indiquent ne pas posséder l'expertise requise. De nombreux élus regrettent la disparition de l'Atesat et souhaitent pouvoir de nouveau s'appuyer sur une offre d'ingénierie locale . La commune de Hernicourt (Pas-de-Calais) indique ainsi : « Avant, nous avions une convention avec la DDTM du Pas-de-Calais qui était l'Atesat. Cette convention permettait l'établissement annuel de l'état du patrimoine routier et des ouvrages d'art de la commune avec visite sur place d'un agent. Cela nous était très utile pour le planning d'entretien de nos chemins et nous renseignait sur l'état de nos ponts. ». Ce constat est également partagé par la commune de Saint-Maurice-d'Ibie : « [Le contrôle et l'entretien des ponts] était réalisé par le service de l'État, l'Atesat, qui a malheureusement disparu ! L'assistance technique départementale mise en place par le conseil départemental pour la voirie ne prend pas en compte les ouvrages d'art (ponts) malgré une contribution financière de 1 200 euros par an. Un service d'État devrait être rétabli ». La commune de l'Escale (Alpes-de-Haute-Provence) demande également « la création d'un service d'ingénierie au niveau départemental chargé du contrôle des structures et capable de préconiser les actions à mettre en place ». |
La mission rappelle à ce sujet que l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT ) 102 ( * ) , dont la création sera effective d'ici à la fin de l'année 2019, devrait constituer un guichet unique pour les besoins des collectivités territoriales en ingénierie technique et financière . À cet égard, la mission souligne que la sécurité des ponts, gérés par les collectivités territoriales, constitue par essence un projet complexe sur le plan technique et financier que l'ANCT a vocation à accompagner en mobilisant ses différents partenaires institutionnels (Caisses des dépôts et consignations et Cerema en particulier).
Interrogé en séance publique au Sénat le 20 juin 2019 lors de l'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires, le ministre des relations avec le Parlement a d'ailleurs confirmé cette interprétation de l'article 2 du texte , dans lequel figure la notion de mobilité , qui inclut par extension les infrastructures de transport . Aussi, la future ANCT pourra, d'une part, apporter un concours humain et financier aux collectivités qui demanderaient à être appuyées dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leur patrimoine d'ouvrages d'art et, d'autre part, faciliter l'accès à l'ingénierie publique et privée disponible sur le territoire concerné 103 ( * ) .
La mission espère que l'ANCT sera dotée de moyens humains et financiers suffisants pour pouvoir assurer cette mission.
La mission considère ainsi qu'il est essentiel que l'ANCT puisse mobiliser l'expertise du Cerema au profit des collectivités territoriales. Lors de son audition devant la commission, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, avait ainsi souligné la nécessité pour le Cerema de « changer de culture » : « Je crois également que le Cerema doit changer de culture. (...) si l'on fait un micro-trottoir parmi les élus, je ne suis pas sûre qu'il soit connu par la majorité d'entre eux. Cette agence travaille essentiellement avec l'État et n'a pas tout à fait pris en compte les évolutions récentes entraînées par les dernières lois de décentralisation. Le Cerema doit devenir un outil au service des collectivités territoriales. Il dispose de compétences de haut niveau, de très bons techniciens . »
Actuellement, les actions de partenariat et d'innovation (API) entre le Cerema et les collectivités ne représentent que 6 % de ses activités . Lors de son audition par la mission, son directeur général Pascal Berteaud en a convenu, puisqu'il a indiqué que le Cerema devait entrer dans un rapport plus partenarial avec les collectivités territoriales, et qu'il conventionnerait avec l'ANCT afin que 40 % de ses activités soient à terme en direction des collectivités.
La mission juge cette orientation positive mais estime qu'elle doit rapidement se concrétiser.
3. Clarifier rapidement la situation des « ponts de rétablissement »
La mission considère également qu'il convient de clarifier rapidement la situation des ponts de rétablissement , qui ont été construits pour rétablir des voies interrompues par une infrastructure de transport nouvelle.
La loi « Didier » du 7 juillet 2014 prévoit la réalisation d'un recensement de ces ponts qui ne font pas l'objet d'une convention permettant de répartir les charges d'entretien entre le gestionnaire de la voie portée par le pont et celui de l'infrastructure nouvelle.
Ce recensement ayant été réalisé par les services de l'État, il convient désormais que la liste des ponts devant faire l'objet d'une convention de financement soit arrêtée par le Gouvernement , afin que ces conventions puissent être rapidement signées.
Par ailleurs, plusieurs élus locaux ont souligné les problèmes d'application des conventions existantes par SNCF Réseau et Voies Navigables de France . Comme l'a indiqué l'Assemblée des communautés de France (AdCF) lors de son audition « les ouvrages de rétablissement soulèvent de vrais problèmes d'application du droit. Il est important qu'on sanctuarise ces conventions et qu'on les fasse strictement appliquer ».
Il convient donc non seulement que les nouvelles conventions soient signées mais aussi qu'elles soient appliquées par les opérateurs .
* 101 Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration, Conseil de l'environnement et du développement durable, Revue des dépenses de voirie des collectivités territoriales, août 2017.
* 102 Proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.
* 103 Voir le compte rendu de la séance publique du 20 juin 2019 : http://www.senat.fr/seances/s201906/s20190620/s20190620_mono.html