II. ADAPTER LE BÂTI ET L'URBANISME AU CLIMAT DE DEMAIN

A. UN ENJEU ESSENTIEL ENCORE TROP PEU PRIS EN COMPTE

L'adaptation du bâti aux changements climatiques constitue à la fois un enjeu crucial et urgent :

- crucial, car faire évoluer les normes et les techniques de construction, ainsi que les principes de l'aménagement urbain, constitue l'un des moyens les plus efficaces de réduire les dommages occasionnés par des évènements climatiques extrêmes, tels que les inondations, les cyclones ou la sècheresse des sols. Cela permet aussi de mieux protéger la santé des habitants et d'améliorer leur confort au moment des vagues de chaleur ;

- urgent, car la ville vivable de demain se construit dès maintenant. Les constructions réalisées aujourd'hui seront en effet pour la plupart d'entre elles toujours utilisées dans cinquante à cent ans, à une époque où les problèmes posés par les dérèglements climatiques seront vraisemblablement beaucoup plus aigus qu'aujourd'hui. Par conséquent, si l'on continue à construire des bâtiments ou des quartiers en se basant seulement sur les chroniques du climat passé, on ne fait rien d'autre que construire les villes invivables de demain. C'est d'autant plus vrai que le parc de logements se caractérise par une forte inertie : il se renouvelle à peine au rythme de 1 % par an. Si l'on n'intègre pas dès aujourd'hui les enjeux d'adaptation aux changements climatiques dans les constructions neuves, il faudra donc les intégrer demain à travers des travaux de rénovation sur le parc existant, ce qui sera à la fois plus coûteux et moins efficace. Il n'y a donc pas de temps à perdre.

Diffuser plus largement les façons de construire et d'aménager les plus résilientes face au changement climatique passe par une mobilisation beaucoup plus forte des acteurs de la chaîne de construction (maîtres d'ouvrage, architectes, entreprises du bâtiment, industriels et assureurs). Jusqu'à présent, le secteur du bâtiment, sous l'impulsion des pouvoirs publics, s'est surtout concentré sur les problématiques d'atténuation. Il faut donc trouver les moyens de lui faire prendre également en compte, de façon systématique, les enjeux d'adaptation. Certains signes montrent toutefois que les choses commencent à évoluer. On note par exemple que le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a créé le 1 er janvier 2019 une direction de la prospective pour mieux anticiper les évolutions structurelles qui impacteront la filière du bâtiment dans les prochaines décennies : cette direction lui permettra de mieux prendre en compte les enjeux d'adaptation climatique aux côtés des enjeux d'atténuation, de vieillissement de la population ou encore de développement du numérique.

Les pouvoirs publics ont ici un rôle de cadrage général à jouer pour permettre la mobilisation de la filière du bâtiment sur les questions d'adaptation. Aussi bien le CSTB que la Fédération française du bâtiment (FFB) ont insisté sur le fait qu'il revient à l'État, en lien avec les spécialistes du climat, de fixer le scénario et les paramètres climatiques que les professionnels de la construction devront prendre en compte pour développer des solutions d'adaptation pertinentes. Comme l'indique la FFB, « la mobilisation sera entière lorsque le cadre politique (urbanisme, financement) et les hypothèses climatiques (données et cartographies précises) seront établis par les pouvoirs publics. (...) Le problème est de définir les contraintes qu'il conviendra de prendre en compte dans les calculs, ce qui n'est pas du ressort des constructeurs mais de spécialistes du climat ou des pouvoirs publics. Des études pourront être lancées une fois les données d'entrée connues pour évaluer les incidences techniques et surtout financières. »

L'État doit également faciliter davantage l'accès aux données climatiques . La FFB souligne que, si des professionnels compétents peuvent mobiliser les techniques disponibles pour concevoir et réaliser dans les règles de l'art toute construction adaptée à un niveau de risque donné, il faut encore que ce niveau de risque leur soit connu, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pour améliorer l'accès aux informations utiles aux acteurs de la chaîne de la construction, la FFB suggère de faire évoluer le site Géo-risques pour qu'il mette à la disposition de la maîtrise d'ouvrage professionnelle, de la maîtrise d'oeuvre et des entreprises les informations-clés nécessaires à la prise en compte des risques liés aux sols et au climat. Dans le même sens, le CSTB demande un accès libre et gratuit aux données climatiques détaillées nécessaires aux calculs et aux simulations techniques et financières, ce qui rejoint une recommandation plus générale déjà exprimée par vos rapporteurs. Enfin, la FFB appelle à faciliter l'accès, améliorer la lisibilité et enrichir le contenu des PPRN, notamment dans le domaine des inondations. Elle souligne en effet que les acteurs de la construction rencontrent des difficultés pour accéder aux textes des PPRN et pour identifier le statut de leurs dispositions (celles qui s'imposent et celles qui ne sont pas obligatoires). Elle souligne également que, si les plans de prévention des risques doivent à l'avenir servir de cadre à une politique d'adaptation du bâti, il conviendrait que ces plans soient rendus plus opérationnels, en comportant par exemple une cartographie fine des zones à risques, en précisant les niveaux et les intensités des phénomènes et des dispositions constructives à prendre en compte.

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