C. GARANTIR L'ÉTAT DE DROIT

1. La mise à jour des lignes directrices pour garantir des référendums équitables dans les États membres du Conseil de l'Europe

Mardi 22 janvier 2019, l'APCE a adopté, sur le rapport de Dame Cheryl Gillan (Royaume-Uni - CE), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution sur la révision des lignes directrices pour garantir des référendums équitables dans les États membres du Conseil de l'Europe.

Rappelant que, dans certains pays, des référendums tenus récemment ont soulevé des préoccupations quant à leur organisation et l'équité du résultat, le rapport souligne que les référendums doivent s'inscrire dans le processus de démocratie représentative et ne pas être utilisés par l'Exécutif pour passer outre la volonté du Parlement, ni être organisés dans le but de contourner les freins et contrepoids habituels. Il recommande trois types de changements :

- le code de bonne conduite en matière référendaire de la commission de Venise, adopté en 2007, mérite d'être actualisé pour prendre en compte les évolutions liées à l'essor d'Internet et des médias sociaux et refléter l'importance de porter à la connaissance des électeurs des informations de qualité ;

- il convient d'améliorer le respect du code par les États membres. Les contraintes imposées aux campagnes gouvernementales et l'indépendance de l'instance supervisant les référendums, ainsi que son pouvoir de faire appliquer les règles, y compris le pouvoir de sanctionner les violations, devraient être assurés ;

- enfin, dans les domaines où des dispositions juridiques ne sont pas appropriées, il est tout à fait possible de procéder à un partage de bonnes pratiques entre les pays, en ce qui concerne notamment les méthodes visant à stimuler la participation des citoyens au débat démocratique, tant avant la tenue de référendums qu'au cours de la campagne, par exemple par le biais d'assemblées de citoyens.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin - UDI, Agir et Indépendants) , s'exprimant au nom du groupe ADLE, a expliqué que le référendum est un outil exceptionnel de démocratie participative qu'il convient d'encourager, mais aussi d'encadrer. Tout d'abord, le champ du référendum doit être circonscrit pour éviter qu'il ne serve à remettre en cause des droits fondamentaux. De plus, les questions posées doivent être claires et suffisamment en lien avec les préoccupations de l'opinion publique, afin d'obtenir une participation suffisamment élevée. En outre, les règles de transparence, notamment financières, doivent s'appliquer aux référendums. De ce point de vue, il serait en effet utile que les différentes parties, à savoir le camp du « oui » et le camp du « non », soient astreintes à des règles comparables à celles qui régissent les comptes de campagne, avec des plafonds de dépenses et, surtout, une connaissance et un contrôle de l'origine des fonds. Enfin, les États gagneraient à mettre en place des législations et des moyens de contrôle contre la propagation de fausses nouvelles, notamment via les réseaux sociaux.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) s'est exprimée au nom du groupe PPE/DC. S'il est vrai que le référendum, en permettant une participation directe des citoyens, est un instrument de consolidation de la démocratie, il ne doit pas aboutir à une remise en cause de la légitimité du Parlement. De même, le référendum ne doit pas être un outil pour remettre en cause les libertés fondamentales. En effet, il ne faut pas oublier que le référendum a souvent servi à légitimer les régimes les plus autoritaires et pourrait devenir entre les mains de dirigeants populistes une arme redoutable contre la démocratie. En France, le référendum est un complément à la démocratie représentative qu'il ne peut remplacer. En effet, certains sujets et certaines problématiques sont trop complexes pour être réduits à un choix binaire. La démocratie représentative permet, quant à elle, de débattre de manière approfondie et, le cas échéant, d'enrichir par des amendements un texte de loi.

M. André Vallini (Isère - Socialiste et républicain) a rappelé que le recours au référendum requiert la plus grande prudence dans son usage et un encadrement très strict dans sa mise en oeuvre. Il ne saurait être la solution miracle à toutes sortes de problèmes, a fortiori dans des contextes marqués aujourd'hui par un déferlement de populisme. Il a ensuite indiqué être favorable au référendum d'initiative citoyenne à condition d'encadrer strictement son champ, son organisation et les règles en matière de transparence financière, sous le contrôle rigoureux des cours constitutionnelles.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a rappelé le rôle ambivalent du référendum. Généralement mis en oeuvre en matière constitutionnelle ou pour trancher des questions récurrentes et controversées, il peut aussi servir une dérive autoritaire du pouvoir. En effet, comme le montre le rapport, le risque d'une manipulation est réel que ce soit pour orienter l'opinion, la diviser ou remettre en cause des droits fondamentaux. En outre, il risque d'être utilisé pour sanctionner les dirigeants en place comme ce fut le cas en France, en 2005, avec le rejet par référendum du traité constitutionnel européen. L'institution d'un référendum d'initiative citoyenne en France devrait impérativement obéir aux normes édictées par la commission de Venise.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - La République en marche) a expliqué que dans toutes les démocraties occidentales, les citoyens disposent d'un niveau d'éducation et d'instruction, mais aussi d'information de plus en plus élevé, alors que dans le même temps on assiste à un renforcement du pouvoir des Gouvernements. Plus de 90 % des lois examinées et adoptées dans les démocraties occidentales sont d'initiative gouvernementale réduisant d'autant le rôle du Parlement. Dès lors, le référendum d'initiative citoyenne est une exigence qu'il convient d'entendre et de respecter. Toutefois, il est bien sûr hors de question de mettre en place des référendums d'initiative populaire qui viendraient contredire les conventions européennes ou onusiennes. Mais pour le reste, il convient de créer les conditions et les moyens de cette exigence sans détruire le rapport aux Parlements et le rôle de la représentation nationale.

2. La déchéance de nationalité comme mesure de lutte contre le terrorisme : une approche compatible avec les droits de l'Homme ?

Vendredi 25 janvier 2019, l'APCE a adopté, sur le rapport de Mme Tineke Strik (Pays-Bas - SOC), au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, une résolution et une recommandation sur la déchéance de nationalité comme mesure de lutte contre le terrorisme. Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en marche), présidente de la délégation française, a présidé la séance.

Afin de prévenir les actes de terrorisme sur leur territoire, un certain nombre d'États membres du Conseil de l'Europe ont adopté une législation visant à faciliter la déchéance de nationalité des individus qui prennent part ou sont soupçonnés de prendre part aux activités terroristes. Dans certains pays, la déchéance de nationalité peut avoir lieu sans condamnation pénale. D'autres pays établissent une distinction entre les citoyens dont la nationalité est acquise par la naissance et les citoyens naturalisés et ils vont parfois jusqu'à autoriser la privation de nationalité lorsque celle-ci entraîne l'apatridie de l'intéressé.

La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme rappelle que le droit international préconise la prévention de l'apatridie et interdit la privation arbitraire de nationalité, bien que les États conservent une importante marge d'appréciation pour décider des questions relatives à la nationalité.

La législation et la pratique qui autorisent la privation de nationalité envisagée comme une mesure de lutte contre le terrorisme suscitent plusieurs préoccupations quant à leur compatibilité avec les normes internationales relatives aux droits de l'Homme. Bien que les États jouissent d'un droit souverain légitime de garantir la sécurité sur leur territoire, le seul moyen de protéger efficacement les sociétés démocratiques consiste à veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent l'État de droit. Il importe par conséquent que les États membres du Conseil de l'Europe recourent à d'autres mesures qu'à celle de la privation de nationalité de leurs citoyens.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin - UDI, Agir et Indépendants) a rappelé que, face au terrorisme, plusieurs États ont mis en place des procédures de déchéance de nationalité pour leurs citoyens qui auraient pu se rendre coupables de ces actes odieux. Convaincu que cette sanction ne dissuadera jamais un terroriste de passer à l'acte, il lui a semblé toutefois nécessaire de garantir que cette sanction puisse être prononcée par une juridiction administrative. En effet, la décision d'accorder la nationalité d'un État est bien un acte de l'Exécutif. La décision de la retirer doit donc rester un acte de l'Exécutif, certes lié à la sanction pénale, mais sans devenir, en soi, une sanction pénale. En outre, si on souhaite autoriser la déchéance de nationalité sans pour autant rendre des personnes apatrides, cette sanction ne peut être prononcée que contre des personnes qui disposent d'une autre nationalité.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a rappelé que l'appartenance à une communauté nationale implique d'en respecter les valeurs communes. Certes, la déchéance de la nationalité doit être encadrée pour respecter les droits élémentaires des individus et elle ne doit pas mener à l'apatridie. Toutefois, elle ne doit pas être considérée comme une sanction pénale, mais administrative. En effet, cela serait contraire, selon lui, à l'article 4 du protocole 7 de la convention, qui proscrit la double peine. Il a conclu en indiquant que la déchéance de nationalité devait être exceptionnelle et en citant le cas de la France, où les personnes déchues de la nationalité bénéficient de titres de séjour leur permettant de rester avec leur famille sur le sol français.

M. Frédéric Reiss a ensuite présenté un amendement (amendement n° 6) visant à ne pas confier au seul tribunal pénal la possibilité de prononcer une déchéance de nationalité. En cohérence, il a présenté aussi un amendement (amendement n° 8) visant à supprimer la demande faite aux États membres d'abolir les procédures administratives permettant la privation de la nationalité non fondée sur une condamnation pénale. Ces deux amendements n'ont pas été adoptés.

Enfin, il a présenté un amendement visant à supprimer un alinéa appelant à « ne pas faire de discrimination entre les citoyens en fonction de leur mode d'acquisition de la nationalité », au motif qu'il est légitime d'appeler les États membres à éviter toute forme de discrimination indirecte à l'encontre des minorités dans leurs procédures de déchéance de nationalité mais pas de remettre en question le procédé qui ne peut s'appliquer qu'aux personnes disposant de plusieurs nationalités. Cet amendement, lui non plus, n'a pas été adopté.

3. Améliorer le suivi des recommandations du comité européen pour la prévention de la torture : renforcer le rôle de l'Assemblée parlementaire et des Parlements nationaux

Vendredi 25 janvier 2019, l'APCE a adopté, sur le rapport de M. Damir Arnaut (Bosnie-Herzégovine - PPE/DC), présenté par Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir (Islande - SOC) compte tenu des élections en Bosnie-Herzégovine, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, une résolution et une recommandation pour améliorer le suivi des recommandations du comité européen pour la prévention de la torture (CPT).

Les recommandations formulées depuis longtemps dans les rapports du CPT, ainsi que l'évidente nécessité pour l'Assemblée parlementaire de continuer à traiter les questions relatives à la détention, soulignent qu'il importe de maintenir et de renforcer les initiatives de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans les États membres du Conseil de l'Europe.

Les travaux approfondis déjà réalisés sur le rôle joué par les Parlements nationaux en qualité de garants des droits de l'Homme montrent qu'il existe de nombreuses voies prometteuses à explorer pour permettre une meilleure mise en oeuvre des recommandations du CPT par les autorités nationales. La création à l'échelon national de nouveaux mécanismes et structures conformes aux principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux droits de l'Homme de l'APCE ou le renforcement du mandat et des activités des mécanismes et structures existants, ainsi que l'action de mécanismes de surveillance et de suivi plus efficaces, contribueraient à cet objectif.

Les activités de coopération parlementaire de l'APCE pourraient comporter des projets destinés à soutenir cette fonction particulière.

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