Première séquence - La mobilisation volontaire des femmes : vers l'émancipation ?
Animée par Laure
Darcos,
vice-présidente de la délégation aux droits des
femmes
Intervenantes :
Évelyne Morin-Rotureau , ancienne déléguée aux droits des femmes
Christine Delpous-Darnige , professeure agrégée d'histoire
Françoise Thébaud , professeure émérite d'histoire contemporaine
Laure Darcos, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
J'ai l'honneur de commencer notre matinée par une thématique qui se trouve au coeur de notre sujet : la contribution des femmes à l'effort de guerre par leur travail.
Notre présidente Annick Billon a évoqué le rôle des agricultrices au regard de l'hommage que leur rend désormais le monument de Verdun. C'est précisément dans l'agriculture que les femmes sont mobilisées dès le début de la guerre. Nous voyons justement sur l'écran l'appel aux femmes de René Viviani, un document transmis par le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, que je remercie au nom de la délégation aux droits des femmes.
Par ce texte, le président du Conseil appelle les « femmes françaises » à remplacer « sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille ». Dans l'hypothèse d'une guerre courte, l'idée est d'abord de faire appel aux femmes pour assurer la fin des récoltes de 1914. Mais, avec l'ancrage de la guerre dans la durée, le travail des femmes devient indispensable dans tous les domaines d'activité, pour remplacer les millions de soldats mobilisés et faire tourner les usines d'armement. Pour de très nombreuses femmes, le travail devient d'ailleurs une nécessité : beaucoup d'entre elles se livrent à la « course aux petites annonces » dont parle Françoise Thébaud dans son ouvrage intitulé Les femmes au temps de la guerre de 14 .
Évelyne Morin-Rotureau va nous parler des femmes, « pilier de l'effort de guerre dans les usines d'armement et dans le secteur tertiaire ». Ancienne déléguée aux droits des femmes, une fonction bien connue de notre délégation, elle a dirigé un ouvrage remarquable sur les Françaises en guerre (1914-1918) 16 ( * ) .
Évelyne Morin-Rotureau, ancienne déléguée aux droits des femmes, co-auteure de Combats de femmes 1914-1918, les Françaises, pilier de l'effort de guerre
Qu'attend-on des Françaises lorsque la guerre éclate ? Gouvernement, armée, opinion publique, la réponse est unanime : qu'elles soient des semeuses de courage pour les hommes partant défendre la patrie ! Et les femmes vont l'avoir, ce courage, tout au long des cinquante-deux mois de guerre. Comme le demande Marguerite Durand 17 ( * ) dans son journal La Fronde , des Françaises vont se comporter en citoyennes sans en avoir les droits. La stupeur passée, la première chose à laquelle elles vont se heurter, c'est la désorganisation de l'économie tout entière. En effet, la mobilisation des hommes entraînant la fermeture d'ateliers et de commerces - 60 % des emplois disparaissant en quelques jours -, nombre de femmes se voient privées du salaire de leur mari, 3,7 millions d'hommes étant mobilisés d'un coup. N'oublions pas que, en 1914, 37 % des femmes sont actives. Le gouvernement vote une allocation pour les épouses de mobilisés, mais celle-ci est fort modeste : 1,25 franc par jour, auquel s'ajoutent 50 centimes par enfant, alors qu'un couple d'ouvriers pouvait gagner 13 francs.
Le dessin d'enfant que vous voyez sur l'écran 18 ( * ) est très représentatif : les « coltineuses » vont remplacer les hommes pour porter des lourdes charges. Pour employer un langage plus populaire, les femmes vont « se coltiner » toutes les activités qui vont permettre au pays de fonctionner, tant à l'arrière que sur le front. Infirmières et paysannes sont enrôlées immédiatement. Dans le secteur tertiaire, les choses vont également aller très vite. Si, dès le début de la guerre, le Syndicat des transports parisiens s'oppose vigoureusement à l'embauche de personnel féminin, sous la pression des usagers, on voit très vite des femmes conduire des taxis et des tramways, la presse devant admettre qu'il n'y a pas d'augmentation du nombre d'accidents ! Le dessin suivant montre une femme conduisant même un camion d'obus. Les secteurs du métro et du chemin de fer restent très frileux, n'accordant à la gent féminine que des postes d'entretien, de poinçonnage, voire d'aiguillage. En témoigne la photo suivante, représentant une femme manipulant un levier d'aiguillage pour guider un train vers la poudrerie de Toulouse 19 ( * ) .
Dans l'enseignement, pour la première fois, des femmes professent dans le secondaire à des garçons. La moitié des instituteurs étant mobilisés, les institutrices les remplacent aussi, souvent, dans leurs fonctions de secrétaires de mairie. L'enseignement est un secteur sensible, chargé de l'éveil de la génération suivante. Hormis une minorité syndiquée et pacifiste, dont on pourra reparler pendant le débat, les institutrices organisent le patriotisme scolaire et vont donc participer à l'embrigadement des « graines de Poilus ».
Ce sont aussi 18 000 employés des Postes qui sont remplacés par 11 000 femmes seulement, sûrement très compétentes puisque les courriers n'ont jamais été aussi nombreux que pendant cette période !
La guerre amplifie la féminisation des bureaux, la part des femmes y étant multipliée par dix entre l'avant-guerre et l'après-guerre. Enfin, dans les secteurs du commerce et de l'industrie, des femmes vont assurer la direction d'entreprises, alors que la loi les considère comme des mineures...
Images emblématiques de la guerre : celles de l'« ange blanc », de la paysanne attelée à la charrue ou des munitionnettes, dont nous allons parler maintenant, en découvrant une photo de la collection du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux à l'écran 20 ( * ) .
Lorsqu'il est indéniable que la guerre va durer, après que le front s'est stabilisé de la mer du Nord à la Suisse, à la fin de 1915 le gouvernement fait appel aux femmes dans les industries métallurgiques et chimiques liées à l'armement. Elles sont le dernier recours, après l'embauche de civils, d'hommes trop jeunes ou trop vieux pour le front, de mobilisés qu'on avait rappelés pour leurs qualifications, d'hommes réformés et de coloniaux.
Qui sont ces 420 000 munitionnettes ? Des domestiques et des ouvrières du textile au chômage, des mères de famille réduites à la misère. Fin 1917, elles représentent le quart de la main-d'oeuvre, voire le tiers en région parisienne et même 60 % chez Citroën. Les conditions de travail sont absolument éprouvantes. Au début de la guerre, les patrons ont les pleins pouvoirs, les lois de protection sociale étant levées. La loi de 1900 qui fixait la durée du travail journalier des femmes et des enfants à dix heures est bousculée ; le patronat n'est plus tenu à un temps de travail maximal. Pendant onze ou douze heures, voire plus en cas de nécessité, et avec deux jours de repos par mois, les munitionnettes tournent chacune 2 500 obus par jour, chaque obus pesant sept kilos, qu'elles doivent soulever deux fois - ce sont donc 35 000 kilos de métal que chaque ouvrière manipule en une journée.
La loi de 1892, qui interdit le travail de nuit pour les femmes, est bafouée ; elles sont obligées d'accepter, avec l'autorisation du mari quand elles sont mariées - la morale est sauve ! Les industriels ne sont plus tenus d'installer des protections sur les machines : beaucoup d'ouvrières y perdent un doigt, une main, des cheveux. Jour et nuit, elles travaillent toujours debout. Sous l'impulsion d'Albert Thomas, ministre de l'Armement, dont la préoccupation principale est l'économie de main-d'oeuvre, les entreprises font venir des machines des États-Unis et développent la taylorisation pour s'adapter à une main-d'oeuvre sans qualification.
L'entrée en masse des femmes dans la métallurgie a favorisé la modernisation de l'industrie, mais à quel prix ! Alphonse Merrheim, secrétaire de la Fédération des Métaux de la CGT, affirme que « le taylorisme était le plus féroce et le plus barbare des systèmes de travail jamais organisés par le patronat ». Ce système brutal déshumanisait le travailleur, devenu un automate. « Les femmes répètent pendant onze heures des opérations qui durent de dix secondes à deux minutes ». La journaliste Marcelle Capy 21 ( * ) se fait embaucher dans une usine et publie des articles terribles dans La Voix des femmes . Sa conclusion est qu'« il faut avoir faim pour faire ce métier ; ce sont des loques que l'usine jette à la rue » .
Pourtant, les journaux bien-pensants présentent rarement l'extrême pénibilité de ce travail. La femme doit rester femme en toute occasion. Des ouvrières de l'armement sont même caricaturées : élégamment habillées, parfois en petits talons, « maternant » des obus ou les enfilant comme des perles. Peu de journaux évoquent l'environnement dangereux - bruit, poussières, gaz toxiques, produits corrosifs. Combien sont mortes de maladies professionnelles ou d'épuisement ? Ajoutons que les ouvrières ne sont pas payées lorsque les machines tombent en panne.
Dès 1915, le Comité intersyndical d'action contre l'exploitation de la femme dénonce les abus criants. Joffre aurait dit : « Si les femmes qui travaillent dans les usines s'arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre ». Cependant, face à des conditions de travail qui s'aggravent - dans les usines de guerre de Toulouse, les accidents du travail sont multipliés par trois entre avril 1916 et mars 1917 -, face à des prix alimentaires qui explosent, avec une augmentation qui atteint 40 % au printemps 1917, et alors que les profits industriels sont connus, des grèves éclatent en pleine guerre.
Albert Thomas 22 ( * ) est favorable à l'amélioration des conditions de travail des ouvrières, mais à condition que l'État soit à l'origine de ces mesures. Toute grève est un affront à la Défense nationale, affirme-t-il. Et pourtant, entre 1916 et 1917, près de trois cents grèves éclatent, avec une majorité de grèves de femmes. Ces grèves protestent contre la cherté de la vie - les femmes, gardiennes de la survie alimentaire de la famille, ont de tout temps été les boutefeux des émeutes frumentaires. Elles protestent aussi contre les cadences infernales - une minute de perdue, un mort de plus au front, culpabilise-t-on les femmes - ou contre les comportements abusifs des contremaîtres. En témoigne la grève de juin 1916 dans un atelier de fabrication de fusils chez De Dion . Les ouvrières refusent les cadences accélérées par une extension du travail aux pièces, ce qui veut dire augmentation du travail et baisse des salaires. Elles réclament aussi du temps libre pendant les permissions de leur mari et le non-licenciement en cas de maladie. En mai 1917, on assiste à une grève des ouvrières des maisons de couture. Ainsi, 20 000 femmes réclament dans les rues de Paris le retour aux tarifs d'avant-guerre et la semaine anglaise, c'est-à-dire le samedi après-midi payé, pour s'occuper de leurs enfants.
En juin 1917, avec l'entrée en grève des munitionnettes, 42 000 grévistes de l'armement, dont 75 % de femmes, sont dans les rues de Paris et de Boulogne-Billancourt. L'Union sacrée est en train de se disloquer ; la grève prend alors une couleur plus pacifiste. Dans les chansons, on entend ces mots d'ordre : « À bas la guerre ! », « Rendez-nous nos maris », « Debout les femmes ! », « Assez d'abus, nous voulons nos Poilus ! ».
À la caserne de Reuilly, des ouvrières débauchent les soldats, qui défilent avec elles au son de chansons populaires, mais aussi de L'Internationale . Le gouvernement craint le défaitisme, car, au même moment, après les offensives désastreuses de Nivelle, des mutineries éclatent sur le front. La répression est sévère. Si l'opinion publique est indulgente envers les midinettes, elle est féroce envers les munitionnettes. Ainsi, 270 femmes sont arrêtées et traitées de traîtres par la presse. Les arrestations sont facilitées par nombre d'indicateurs présents dans les usines pour renseigner police et patrons : les femmes qui prenaient la parole étaient particulièrement visées.
Une législation favorable aux femmes va cependant voir le jour, car depuis 1916, il est acté que les femmes sont devenues indispensables au bon fonctionnement des machines de guerre. De plus, avec l'hécatombe de Verdun, l'enfant devient précieux et la hantise de la dénatalité anime les dirigeants.
Au printemps 1916, sous la pression de féministes, Albert Thomas crée un Comité du travail féminin, chargé d'émettre avis et propositions. L'État va intervenir dans la gestion de la main-d'oeuvre, y compris dans les entreprises privées travaillant pour la Défense nationale.
Juillet 1916 : interdiction du travail de nuit pour les femmes enceintes et affectation à des tâches assises ; pas plus de dix heures par jour pour les moins de 21 ans ; interdiction du travail en poudrerie pour les jeunes filles de 16 à 18 ans. Ces mesures visent à protéger les futures mères.
Juin 1917 : accord sur les conventions collectives entre patronat, préfets et organisations syndicales. Le travail journalier est ramené à dix heures par jour pour toutes ; interdiction du travail de nuit pour les moins de 18 ans ; rétablissement du repos le dimanche et installation de sièges dans les ateliers.
Août 1917 : huit semaines de congé maternité rémunérées et prime d'accouchement ; obligation d'installer crèches et chambres d'allaitement dans les entreprises employant plus de cent femmes. Les natalistes approuvent, les féministes radicales grimacent devant cette loi qui, selon elles, instrumentalise le corps des femmes : « On assimile la femme à une machine tenue sous haute pression afin d'en obtenir un rendement intense. On compte sur elle pour enfanter des milliers d'obus et des douzaines d'enfants » lit-on alors dans l'un de leurs journaux.
Enfin, le Conseil national des femmes françaises met sur pied, le 1 er mai 1917, à l'initiative de Cécile Brunschvicg 23 ( * ) , future sous-secrétaire d'État du Front populaire, une association des surintendantes d'usine, qui doivent faire le lien entre patrons et ouvrières. Ces femmes seront les pionnières de la gestion du risque professionnel. On peut donc dire qu'il y a une certaine victoire des grèves et des femmes.
Qu'en est-il des salaires ? Ils restent inférieurs à ceux des hommes, mais bien supérieurs à ceux de l'industrie textile, et ils vont doubler pendant la guerre. En janvier 1917, Albert Thomas légitime en effet les revendications salariales des femmes et institue ce qu'on appela l'« échelle Thomas » : augmentation des salaires de tous les ouvriers, écart réduit entre ceux des hommes et des femmes, qui passe de 50 % à 25 %, et rationalisation du calcul du salaire à la pièce. Mais en réalité, le salaire des femmes reste bien inférieur à celui des hommes, parce qu'hommes et femmes n'occupent pas les mêmes postes. De plus, beaucoup d'industriels faisant travailler les femmes aux pièces morcellent les salaires, avec des primes, bonifications et autres gratifications, ce qui engendre l'épuisement des ouvrières, qui doivent toujours accélérer la cadence pour espérer gagner quelques sous de plus. Une étude médicale montre qu'à la poudrière de Toulouse, une grossesse sur deux n'est pas menée à terme - et les bébés qui naissent pèsent 500 grammes de moins que la moyenne.
En juin 1917 est réaffirmé le principe « à travail égal, salaire égal », mais il est détourné sans vergogne par la possibilité laissée aux patrons de retenir 17 % sur le salaire des ouvrières pour l'amortissement des machines achetées « pour elles » aux États-Unis. Le refus de nombre de patrons d'appliquer l'échelle Thomas est l'une des causes des grandes grèves de mai-juin 1917. Et pourtant, on ne peut plus dire que le salaire des femmes pendant la guerre est un salaire d'appoint !
En juillet 1918, la prime de vie chère réclamée par toutes les femmes depuis 1915 est enfin attribuée.
Et le syndicalisme ? Rappelons que la femme mariée doit obtenir l'autorisation de son mari pour travailler, mais aussi pour se syndiquer. À la veille de la guerre, les femmes représentent 9 % des syndiqués. Pourtant, les ouvrières s'y intéressent déjà pendant la guerre. En avril 1916, par exemple, la Fédération des métaux met sur pied un nouveau syndicat, le Syndicat des ouvriers et ouvrières en métaux de la Seine. Laura Lee Downs, dans son ouvrage L'inégalité à la chaîne 24 ( * ) , montre qu'au milieu de l'été 1916, après une série de grèves victorieuses, 800 femmes rejoignent le nouveau syndicat. Un an après, en juillet 1917, celui-ci compte 5 000 femmes, qui représentent 70 % de ses syndiqués.
Après les grèves toutefois, fin 1917, l'ancienne opposition des syndicats au travail des femmes refait surface. Peu de place est laissée à celles-ci quant à la prise de parole ou de responsabilités, et elles vont très vite se démobiliser. À la fin de la guerre, Marcelle Capy décrit leur situation professionnelle : « Exécutant toujours les mêmes gestes, penchées constamment sur la même machine, les femmes sont arrivées à une grande habileté. Mais comprendre le mécanisme de la machine, acquérir la technique, être enfin une ouvrière qualifiée, cela leur fut défendu ».
C'est bien un rendez-vous manqué entre les femmes et les syndicats, qui ont perçu le travail des ouvrières comme une concurrence déloyale ou une action qui menaçait l'équilibre de la famille. Lors de son congrès de juin 1918, la CGT énonce que, « fidèle à ses conceptions d'émancipation, (elle) considère que la place de la femme est au foyer. »
Après l'armistice, les femmes sont démobilisées sans ménagement des usines d'armement. Le 13 novembre 1918, la circulaire Loucheur accorde un mois de salaire supplémentaire à celles qui partent avant le 5 décembre. Le journaliste Lucien Abensour, éberlué, écrit : « on ne peut licencier 500 000 femmes, le plus souvent dépourvues de toutes ressources, sans courir le risque de dangereuses perturbations », mais sa voix est redevenue étouffée par les nombreux discours et articles qui font l'éloge de l'ouvrière redevenue mère et ménagère. Les « semeuses de courage » sont maintenant sommées de repeupler la France.
Cependant, nombre de femmes vont s'accrocher à leur travail, d'autant plus que la démobilisation de leurs hommes va durer jusqu'en mai 1919, et l'État va devoir instituer le mi-temps. Évidemment, tous les soldats, meurtris physiquement et mentalement, ne sont pas prêts à reprendre leur travail dès leur retour de la guerre, et l'industrie devra réembaucher des femmes, en priorité des veuves mères de famille.
Si, en 1919, on peut lire dans La Vie féminine qu'il a fallu la Grande Guerre pour que l'humanité prît conscience de sa moitié, la journaliste Séverine 25 ( * ) n'en affirme pas moins que « les femmes ne furent que les domestiques de la guerre »...
Laure Darcos, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
Le mouvement féministe avait de beaux jours devant lui !
Christine Delpous-Darnige, vous êtes professeure agrégée d'histoire, vous enseignez dans le secondaire et faites partie de plusieurs associations de recherche en sciences sociales dans le Languedoc méditerranéen.
Vous avez publié et commenté la correspondance d'un couple de cultivateurs languedociens pendant la Première Guerre mondiale : votre travail constitue un témoignage très intéressant de la vie dans les campagnes viticoles du Languedoc. Il permet de comprendre la répartition du travail entre hommes et femmes.
Il se trouve, comme l'a souligné notre présidente Annick Billon, que notre délégation aux droits des femmes s'intéresse de très près à la situation des agricultrices. Il nous a donc paru important de vous entendre, afin que votre analyse du quotidien d'une agricultrice pendant la guerre de 14-18 fasse écho à notre travail.
Christine Delpous-Darnige, professeure agrégée d'histoire, co-auteure de Nous ne nous serions jamais séparés, 1915-1918, correspondance de Marie et Paul Loubet, jardiniers languedociens
Merci, madame la présidente. Je remercie les organisateurs de ce colloque pour leur invitation. Sans eux, il aurait été assez improbable qu'en ce haut lieu de la République résonnent les mots de quinze Marie, cinq Marguerite, quatre Joséphine, trois Rose et ceux de toutes les autres femmes de la vigne languedocienne. Cette courte contribution leur est ici dédiée !
En mai 1918, au moment des grands travaux anticryptogamiques de printemps dans les vignes, deux épistoliers du même âge - 51 ans - éloignés l'un de l'autre de quelques kilomètres, prennent leur plume.
L'instituteur Jean Sauzet expédie depuis le début du conflit, tous les deux mois, avec constance, son journal L'Écho de Soubès aux soldats du bourg. Il s'agit de quelques feuilles à même d'entretenir la flamme patriotique de ces Poilus. Ce jour-là, il est très en verve : « Que j'en ai vu, de ces femmes qu'on croyait être des poupées, et qui subitement sont devenues presque des hommes. Leurs mains délicates ont pris la pioche pour défoncer le jardin, déchausser la vigne, et n'ont pas trouvé trop salissant ni trop répugnant de manipuler le fumier. Saluons respectueusement ces petits doigts, autrefois mignons et maintenant calleux, ces jupons crottés, ces sabots boueux. Les femmes endossant la sulfateuse se montrent des vigneronnes expertes et infatigables ».
En même temps ou presque, à quelques kilomètres de là, Delphine L., à Abeilhan, s'excuse auprès de son fils mobilisé de sa réponse tardive : « Je ne peux pas parler, j'ai la voix rauque, j'ai sulfaté, j'avais chaud. J'ai porté la machine sur le dos tout le temps, d'une vigne à l'autre. Le soir, il faisait froid, j'ai pris un rhume à la gorge, je ne peux pas parler, je n'en peux plus, je n'en peux plus ».
Le décalage profond entre ces deux regards portés sur des réalités a priori assez similaires souligne le grand intérêt qu'il y a à toujours utiliser davantage la parole des femmes pour dire la réalité de leurs conditions de travail. Puisque, l'année dernière, votre délégation avait permis à quatre-vingts agricultrices de venir partager leur expérience, je me propose aujourd'hui de mobiliser un corpus de quarante témoignages féminins du temps de la Grande Guerre. Passant largement sous les radars de l'échelle départementale, ces témoignages sont issus de dizaines de manifestations locales qui se sont déroulées partout à l'occasion du Centenaire et qui ont permis que se vident un peu plus les greniers et les cartons des collectionneurs. J'entends ici par « témoignages » quelques milliers de lettres échangées dans les familles, signées pour moitié par des femmes, mais aussi pour moitié par des hommes, sur le mode de « tu me dis que... »
Le cadre géographique est volontairement réduit, et l'a été encore devant la masse de témoignages, à la plaine du bas Languedoc héraultais, dans les bourgs qui ont bâti leur prospérité sur la monoculture intensive de la vigne depuis le milieu du XIX e siècle, à partir de l'arrivée du chemin de fer. Cet espace présente en effet une très forte unité socio-professionnelle.
La démarche prosopographique permet d'explorer la diversité et les singularités de ces traversées du conflit pour tenter de saisir ce que la guerre fait aux femmes, mais aussi ce que les femmes font à la guerre. Plus grande lisibilité de la viticulture au féminin, contraste de situations sociales entre ces femmes, éventuel bousculement des identités de genre sont autant de sujets que je me propose d'aborder.
Ces écrits réévaluent le travail féminin sous le poids de la guerre.
La moitié de mon corpus est constitué de lettres nécessitant un déchiffrage 26 ( * ) . Celle que je vous montre 27 ( * ) a été envoyée par Clémence Serven, 41 ans, qui n'a pas bénéficié des lois scolaires de Jules Ferry. Elle écrit à son époux mobilisé dans les Vosges. Sa carte rappelle combien le travail s'impose comme un thème central des échanges épistolaires, mais souligne aussi à quel point, face à l'impérieuse nécessité de maintenir les liens sociaux et affectifs, la guerre a suscité l'entrée en écriture de millions de femmes, souvent au prix d'immenses efforts de toutes sortes.
La seconde carte que vous voyez 28 ( * ) a été envoyée par sa fille Catherine, qui a vingt ans de moins et a bénéficié de ces lois scolaires : on peut mesurer les progrès, certainement bien plus forts pour les femmes que pour les hommes.
Michelle Zancarini a relevé que « le travail agricole féminin est particulièrement difficile à évaluer, parce qu'il s'exerce dans le cadre familial et juridique d'un patrimoine privé » 29 ( * ) . Ces écrits, par le flux exceptionnel qu'ils représentent et la richesse de leur contenu, constituent donc une source importante sur le sujet. Mon travail prolonge d'abord la tâche entreprise par de grandes historiennes depuis les années 1970, en rendant lisibles les expériences de nombreuses femmes et en les sortant de l'oubli. Dans ces échanges entre viticulteurs et viticultrices, les femmes, filles, mères, propriétaires, ouvrières, journalières, connaissent la vigne depuis longtemps et, heureusement pour nous, en parlent. L'importance de cette activité féminine est dès lors très massivement remise en lumière. En septembre 1914, ces femmes sont très largement sans profession, si l'on se réfère aux déclarations faites lors du recensement de population de 1911.
La question des vendanges et de la vinification se pose alors avec acuité et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, les récoltes sur des terres normalement préparées par tous en temps de paix sont exceptionnelles, les hommes étant encore nombreux. N'oublions pas que seule 30 % de la force féminine de travail a été mobilisée dès le mois d'août 30 ( * ) . Dans un conflit que l'on envisage comme très court, les plus âgés et les plus jeunes participent davantage, encouragés par les autorités. L'appel vibrant de René Viviani est relayé dans l'Hérault par le préfet, qui mêle habilement patriotisme national et fierté viticole méridionale : « Le triomphe de notre vin accompagnera la victoire de la France ! ». Dans ce contexte, le sort des femmes change peu par rapport aux années précédentes : la durée des vendanges est rallongée d'un mois, les journées sont plus longues.
Puis la guerre accroît une triple pression sur ceux qui restent, et donc en particulier sur les viticultrices. D'abord, les époux et les fils, pour réaffirmer une autorité menacée par la distance, mais surtout pour maintenir à flot l'outil de travail et le projet de vie, dirigent de loin la part des travaux qui leur revenait, ou la délèguent, par l'intermédiaire de femmes, aux hommes encore présents. Souvent d'ailleurs, rassurés, ils lâchent prise, précisant : « fais comme tu voudras ». À cette pression masculine s'ajoute la pression des femmes elles-mêmes, au nom d'un sens prégnant du devoir, dont le travail bien fait reste une composante essentielle. Enfin, dans l'Hérault, qui est l'un des premiers départements producteurs de vin, la guerre crée des attentes économiques nouvelles. Le vin, distribué plus généreusement dans les tranchées, accède très tôt au statut d'« arme de guerre » : dès Noël 1914, c'est par wagons-foudres 31 ( * ) entiers que le vin, réquisitionné à partir de 1915, part pour le front. Le préfet se plaint en permanence auprès des autorités de la faiblesse des quantités. De fait, la question des réquisitions de plus en plus importantes s'impose comme une préoccupation essentielle de ces épistoliers.
Face à cette situation inédite, ces écrits reflètent la diversité des expériences sociales féminines.
Ces quarante témoignages, issus de presque toutes les catégories de cultivatrices, reflètent la composition très hiérarchisée et très inégalitaire de la société de la plaine viticole. Leur confrontation souligne avec force que le travail des vignes des unes n'est pas le travail des vignes des autres. Les enjeux diffèrent bien souvent. Si la division entre ruraux et urbains s'avère inopérante ici, puisque toutes ces femmes sont issues de bourgs de plus de 2 000 habitants - la viticulture est une agriculture peuplante - les différences socioprofessionnelles s'imposent comme un premier critère de distinction. Une drastique réduction d'échelle permet d'en mobiliser au moins trois autres : l'âge, la situation familiale et, dans un territoire à très forte mobilité géographique, l'ancienneté de l'ancrage dans ces petites communautés, qui s'avérera déterminant pour mobiliser des ressources face à l'épreuve.
Je remercie tous ces passeurs de mémoire qui m'ont confié leurs documents privés.
La guerre a pour effet de ramener dans les grands domaines et les campagnes les femmes des propriétaires absentéistes, vivant habituellement en ville. Elles prennent en main les affaires, et ce sont ces campagnes, pour diverses raisons liées au conflit, qui tirent le plus grand bénéfice de la demande insatiable du marché. On trouve la même prospérité chez des propriétaires ou des fermières aisées, voire dans la petite bourgeoisie viticole. Du fait de l'ascension sociale antérieure, elles ont souvent des époux à peine trop âgés pour être mobilisés et, mieux encore, des enfants, des adolescents et adolescentes aptes au travail. C'est aussi dans ces grands domaines que des filles de régisseurs, très jeunes - moins de 20 ans - occupent les postes laissés vacants par leurs pères. Marguerite Lautier signe les livres de comptes du domaine régi par le sien, Marguerite Delmas recrute les journaliers. Pierre Laroque confie la négociation du tarif du vin à sa fille Marguerite. Trois Marguerite.
Cependant, pour l'immense majorité des cultivatrices, les petites et moyennes exploitantes comme les journalières, c'est, à des degrés divers, l'expression massive de la très grande fatigue physique qui s'exprime dans ces correspondances.
Cette fatigue s'aggrave avec le conflit et concerne essentiellement les mères âgées - souvent veuves - et, à l'opposé, les mères de jeunes enfants. Certains courriers, nombreux, s'interrompent parce que la femme est malade de fatigue. Cette fatigue s'explique par la longueur de la journée de travail, mais aussi par la charge physique très importante : le port des machines n'est plus partagé avec les hommes, les animaux sont réquisitionnés et rarement remplacés par un âne ou une ânesse. La très forte dispersion du parcellaire est un facteur aggravant : si on met ses pas dans ceux de ces femmes, on fait facilement vingt à trente kilomètres par jour. Les intempéries n'arrangent rien : pluies diluviennes en 1917 et 1918, températures extrêmes de l'été 1917. Ces femmes se plaignent aussi que ces tâches, auparavant partagées, s'exécutent désormais trop souvent dans la solitude et l'isolement. Est-ce pour cela que l'expression de cet épuisement survient en général au moment des travaux solitaires que sont les traitements de printemps, bien plus qu'au moment des vendanges, qui sont une opération collective ? On est loin des tableaux idylliques de l'instituteur de Soubès.
Malgré tous leurs efforts, beaucoup de ces cultivatrices peinent à trouver un équilibre financier. Dans une exploitation familiale, le départ des hommes prive de la moitié des bras disponibles, voire des deux tiers quand le fils et le père sont mobilisés, ce qui est extrêmement fréquent. Des stratégies se mettent en place : ralentir les cadences, abandonner des terres, et surtout faire revenir les hommes en permissions agricoles ou acheter des terres, car les hommes des classes anciennes qui achètent des terres peuvent revenir chez eux comme détachés agricoles - ce qui scandalise les conseillers généraux de l'Hérault. D'autres, enfin, se louent à la journée, surtout dans les usines. Souvent aussi, elles se regroupent pour habiter ensemble et mutualiser la force de travail.
Je conclurai sur les inégalités de genre. Un proverbe languedocien qui fait parler la vigne dit : « Que mon maître me taille, que me pioche qui voudra ». Les tâches sont très genrées, et elles le restent : ce qui nécessite des outils, en particulier la taille, revient aux hommes, et tout ce qui se pratique dans une position du corps baissé - cueillette, récolte des sarments, échausselage 32 ( * ) - aux femmes. En ce qui concerne les salaires, la guerre fossilise le paradigme ancien « moitié prix-moitié salaire » qui perdure jusqu'aux années 1970. Enfin, en ce qui concerne la formation, elle leur reste interdite malgré la réalité des expériences obligées pendant la guerre. Ainsi, en 1918, la Chambre des députés vote une loi qui autorise les femmes à entrer dans les écoles agricoles ; en 1919, la Chambre bleu horizon revient sur cette loi et leur en interdit à nouveau l'entrée 33 ( * ) ...
Laure Darcos , vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
Merci d'avoir rendu hommage à toutes ces agricultrices.
La troisième intervention de cette séquence posera la question de l'émancipation des femmes à la faveur des changements introduits par la guerre de 1914.
Françoise Thébaud, vous soulignez dans votre livre Les Femmes au temps de la guerre de 14 34 ( * ) qu'à l'époque de la guerre, dans tous les milieux, l'idéal féminin est celui d'épouse légitime et de mère. Dans ce contexte, quelle a pu être l'influence émancipatrice de la Première Guerre mondiale dans un pays comme la France, où les femmes n'ont reçu le droit de vote qu'en 1944 et où la femme mariée est restée une mineure juridique jusque dans les années 1960 ?
Françoise Thébaud, professeure émérite d'histoire contemporaine, auteure de Les femmes au temps de la guerre de 14
Comme le montrent les conflits contemporains, la guerre est avant tout un moment d'épreuves, pour les femmes comme pour les hommes, notamment s'il y a occupation des territoires et en cas de guerre civile. Les Françaises n'échappent pas à la règle pendant la Grande Guerre, même si les pénuries alimentaires ne sont graves qu'en zone occupée. Les épreuves subies, déjà abordées ou qui seront évoquées dans les séquences suivantes de ce colloque, sont nombreuses : des violences sexuelles pour certaines, la solitude affective et l'angoisse de perdre un être cher pour beaucoup, le deuil, le surmenage, notamment pour les mères de famille qui cumulent des conditions de vie difficiles, l'éducation des enfants et de longues heures de travail dans les usines ou aux champs.
Les Françaises ont été, à l'arrière, le pilier de l'effort de guerre. Cela a-t-il modifié leur place dans la société, la perception qu'elles ont d'elles-mêmes, modifié la perception que les autres ont des rôles féminins ? On dit souvent que la Grande Guerre a émancipé les Françaises. C'est une question qui a été beaucoup débattue par les historiens, en France comme au Royaume-Uni, et la réponse ne peut qu'être nuancée. D'où des allers et retours dans l'argumentation qui va suivre.
Deux autres éléments sont à prendre en compte. D'une part, les femmes ne constituent pas un groupe homogène et les effets de la guerre diffèrent selon la classe sociale, l'âge, le lieu de résidence. D'autre part, « émancipation » peut avoir plusieurs sens. S'agit-il de l'obtention de nouveaux droits inscrits dans la loi ? S'agit-il de l'affirmation des femmes comme sujets à part entière ? S'agit-il d'inflexions positives dans des parcours de vie ?
Ces précautions énoncées, je vais tout de même tenter de répondre à la question.
Si vous regardez des photos de femmes de la Belle Époque et des photos des années 1920, il est indéniable que la mode vestimentaire et capillaire a changé. La mode dite « à la garçonne », qui autorise les cheveux courts au lieu d'un lourd chignon, une jupe raccourcie et des vêtements moins ajustés, libère le corps des femmes, qui subit moins d'entraves et peut bouger avec plus d'aisance, faire du sport, danser, par exemple sur les rythmes des années dites folles...
Cette mode n'est pas seulement le fait d'un milieu étroit d'artistes ou d'homosexuelles, elle se diffuse dans de larges couches sociales urbaines d'employées, d'ouvrières - mais beaucoup moins à la campagne, chez les paysannes. Le phénomène des garçonnes - terme popularisé par le roman éponyme de Victor Margueritte paru en 1922 - n'est cependant pas une preuve suffisante pour conclure à l'émancipation. Ce roman, qui valut à son auteur d'être radié de la Légion d'honneur, n'est pas l'ouvrage pornographique qu'y ont vu ses contemporains. Certes, l'héroïne, qui fuit son milieu bourgeois après en avoir découvert l'hypocrisie - son fiancé a déjà une maîtresse - est indépendante sur le plan professionnel et sexuel et multiplie les aventures, y compris homosexuelles. Mais elle rencontre à la fin du roman un ancien combattant pacifiste et favorable à l'égalité des sexes dans le mariage. Victor Margueritte a présenté son roman comme une fable vertueuse, qui montre le difficile chemin des femmes vers l'émancipation. Il est d'ailleurs le premier élément d'une trilogie intitulée La femme en chemin, qui comporte outre La garçonne , Le compagnon et Le couple .
Par ailleurs, si des trajectoires individuelles ont été infléchies par la guerre dans un sens émancipateur - notamment pour les jeunes filles de la bourgeoisie qui acquièrent pour certaines la possibilité d'étudier et de travailler, ou pour quelques femmes qui découvrent leur personnalité et ont appris à s'affirmer, la situation de l'ensemble des Françaises est bien plus nuancée.
D'une part, le retour des soldats dans leurs foyers ne se passe pas toujours bien, comme l'a montré le travail de Dominique Fouchard 35 ( * ) . Des hommes rentrent mutilés, affaiblis, anxieux, coléreux - on parlerait aujourd'hui de syndrome post-traumatique de guerre - et pour leurs femmes, l'épreuve qu'a été la guerre a des effets de long terme. Ce travail m'a rappelé la phrase terrible prononcée par une vieille dame que j'avais interviewée dans les années 1980 parce qu'elle avait travaillé dans les usines de guerre. Elle avait souhaité évoquer également sa vie privée et m'avait dit : « J'ai donné à l'armée un mouton, ils m'ont rendu un lion, et ma vie conjugale a été un enfer ».
D'autre part, la société française est marquée par le deuil - près de 1,4 million de combattants sont morts -, et la dette des survivants envers ceux qui se sont sacrifiés pour les protéger. La France et ses 36 000 communes se couvrent de monuments aux morts et rendent hommage chaque 11 novembre aux anciens combattants. Thème d'oeuvres d'art et de discours politiques, cette atmosphère de deuil n'est pas favorable à l'évolution de l'image de la femme ni à l'obtention par les femmes de nouveaux droits.
Observons par exemple les tableaux qui décorent l'escalier Est du Palais du Luxembourg, escalier qui a été réaménagé dans les années 1920. Au plafond, la toile du peintre Maurice Denis s'intitule Pax Justicia. Lors de l'inauguration, le 28 février 1929, le questeur Joseph Monsservin, sénateur de l'Aveyron depuis 1912, la décrit ainsi : « Au-dessus de la Justice qui embrasse enfin la Paix revenue, il y a dans le ciel tout le poids des deuils et des sacrifices. C'est dans cette apothéose de souffrance et de gloire que les trois génies tutélaires du foyer, la mère, l'épouse, la fille, [...] emportent dans leurs bras vers les couronnes éternelles le fils, l'époux, le père, tombés pro aris et focis (pour nos autels et nos foyers) » 36 ( * ) . Sur les murs de cet escalier, le cycle dédié au retour à la paix, du peintre Lucien Simon 37 ( * ) , dit encore plus clairement que ce qui est demandé aux femmes est d'être des mères avant tout, dans un retour au partage traditionnel des rôles entre les sexes après les bouleversements de la guerre. Pacis alumna Ceres , que vous voyez maintenant à l'écran, met en scène et appelle à une claire division sexuée des rôles : l'ancien soldat et le futur soldat - le jeune fils porte le casque du père - sont désormais des producteurs, des laboureurs, tandis que d'autres hommes, à droite, sont des bâtisseurs. De son côté, la femme porte un enfant dans les bras et un autre s'agrippe à sa jupe : elle est la mère. Même scénographie avec une allusion plus explicite à la fécondité dans un autre tableau de Lucien Simon, Pax genitrix , qui représente un ménage ouvrier avec un nourrisson.
Au sortir du conflit s'affirme ainsi un discours univoque, ou du moins dominant, sur ce que doit être et faire une femme. La maternité est présentée comme un devoir, celui de repeupler le pays qui a subi une saignée démographique, voire, dans une version plus extrémiste, promue par certains hommes politiques et militants natalistes comme « l'impôt du sang » des femmes. L'hécatombe démographique de la guerre a rendu crédibles les thèses des mouvements natalistes, nés à la fin du XIX e siècle dans un pays malthusien qui a restreint ses naissances avant ses voisins européens. Leur programme, dont l'objectif était de « faire naître », a été en partie adopté par la Chambre des députés qualifiée de « bleu horizon », car nombre des députés étaient d'anciens combattants. Cette chambre adopte à la fois des mesures incitatives - honorifiques comme les médailles de la famille française, financières comme des primes et allocations diverses -, et des mesures réprimant le contrôle des naissances : la loi du 31 juillet 1920, qui va traverser des décennies du XX e siècle, interdit la vente d'objets contraceptifs et la diffusion de toute information sur la contraception et l'avortement ; la loi du 27 mars 1923, dont on reparlera sans doute, correctionnalise l'avortement - auparavant un crime - pour mieux le punir.
Cette aspiration sociale - idéologique, pourrait-on dire - au retour à un ordre traditionnel entre les sexes est forte, mais la réalité sociale fait qu'il s'agit d'un impossible retour et elle offre des opportunités, au moins professionnelles, pour les femmes. D'une part, la guerre a tué 10 % de la population active masculine de 1914, et a blessé des millions d'hommes. La France a besoin, comme avant 1914 mais peut-être plus encore, du travail des femmes, y compris dans des métiers que la société du temps considérait comme des métiers masculins. D'autre part, les entreprises et l'administration ont découvert pendant le conflit ce qui fut décrit comme des qualités féminines à utiliser dans l'avenir. L'après-guerre est ainsi marqué par un mouvement de féminisation du secteur tertiaire qui allait s'accentuer tout au long du XX e siècle, l'employée devenant la figure de la femme au travail. Les femmes sont également embauchées dans la grande entreprise taylorisée, jugées plus aptes à des travaux monotones et parcellisés. Enfin, l'inflation de guerre, phénomène nouveau pour les contemporains, a appauvri la bourgeoisie rentière, qui se résigne à préparer ses filles à un métier, faute de pouvoir les doter. C'est le cas d'une femme très connue, Simone de Beauvoir, née en 1908, enfant pendant la guerre : les rentes de son père, un homme extrêmement traditionnel, ont perdu une grande part de leur valeur, si bien qu'il accepte que ses filles fassent des études et acquièrent un métier. Par ailleurs, la petite ou moyenne bourgeoisie accepte mieux désormais le travail de ses filles, parce que le secteur tertiaire apparaît plus respectable, même en bas de l'échelle sociale, que la condition ouvrière.
La guerre a ainsi changé le destin de jeunes bourgeoises, permettant à certaines de travailler et de ne pas seulement devenir, comme avant 1914, épouses, mères et maîtresses de maison. L'accès aux métiers qualifiés comme avocat, journaliste ou professeur y est également facilité par l'un des rares acquis législatifs ou réglementaires de l'après-guerre pour les femmes : le décret Bérard de 1924, qui incite les lycées de jeunes filles à ouvrir des classes de baccalauréat, porte d'accès à l'université, et à ne pas seulement délivrer un diplôme de fin d'études secondaires sans valeur. Il faut préciser qu'à l'époque le baccalauréat n'est passé que par un très petit nombre d'élèves, issus de certains milieux sociaux.
Acquis modeste. En effet, et mon argumentation va de nouveau pencher dans l'autre sens, aucune autre revendication des féministes d'avant-guerre n'est satisfaite à l'issue du conflit : il n'y a notamment pas de modification du code civil napoléonien, en particulier de son fameux article 213 : « la femme [doit] obéissance à son mari », « le mari [...] protection à sa femme ». 38 ( * ) Plus encore, à la différence d'autres Européennes et des Américaines, les Françaises n'obtiennent pas les droits politiques à l'issue du conflit et doivent attendre 1944 - comme l'a rappelé le président Larcher en soulignant le rôle du Sénat dans ce processus. Dans les débats sur le sujet, les parlementaires favorables à la réforme mettaient en avant ce qu'avaient accompli les femmes pendant la guerre, les exemples étrangers et le rôle que pourraient avoir les femmes dans la reconstruction du pays et la vie de la cité. De leur côté, les opposants, très majoritaires au Sénat dominé par le grand parti de la III e République, le parti radical, défini entre autres par son combat contre l'Église, avançaient deux types d'arguments. Ceux qui peuvent être qualifiés de naturalistes invoquaient la nature des femmes, jugées incapables d'intervenir dans la chose politique ; comme l'écrivait dans les années 1920 un éditorialiste de La Dépêche de Toulouse , grand journal radical : c'est « une question de sexe du cerveau »... Plus politique et sans doute plus porteur, le second argument soulignait le risque que les femmes, trop proches de l'Église, trop pratiquantes, feraient subir à la République, en demandant l'avis de leur confesseur avant d'aller voter.
De fait, à plusieurs reprises dans l'entre-deux-guerres, la Chambre des députés a voté en faveur des droits des femmes, le Sénat se prononçant contre, si bien qu'il a fallu attendre 1944 pour que les Françaises obtiennent le droit de vote. Le contexte est alors tout à fait particulier : une assemblée non élue, issue de la Résistance, un parti radical affaibli...
Laure Darcos , vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
Je vous remercie. Je donne à nouveau la parole quelques instants à Mme Morin-Rotureau, qui souhaite apporter une précision au sujet des pacifistes.
Évelyne Morin-Rotureau, ancienne déléguée aux droits des femmes
Lorsque j'ai parlé tout à l'heure de l'enseignement, j'ai évoqué une petite minorité d'institutrices syndiquées et pacifistes qui avaient essayé de lutter contre l'embrigadement des « graines de Poilus ». On ne parle pas assez souvent de ce mouvement, qui à mon sens est pourtant important.
Les pacifistes étaient peu nombreuses, n'oublions pas cependant les grandes figures que furent Séverine, Nelly Roussel, Louise Bodin, Louise Saumoneau, Gabrielle Duchêne, Madeleine Rolland, Madeleine Vernet, Jeanne Halbwachs, Hélène Brion et Marcelle Capy. Il faut rappeler qu'à la fin d'avril et au début de mai 1915, plus de 1 000 femmes représentant douze pays belligérants ou neutres se sont retrouvées à La Haye pour dénoncer la « boucherie », faire en sorte qu'elle s'arrête le plus vite possible et préparer une paix durable. Pendant toute la guerre, ces pacifistes vont avoir une action très importante, par exemple en envoyant des délégations dans les pays neutres. Elles vont aussi aborder un tabou, en demandant la fin de l'acceptation - ancestrale - du viol en temps de guerre. D'ailleurs, à la fin de la guerre, en 1919, cinq millions d'Américaines vont envoyer une pétition à Clemenceau pour que la Conférence sur la paix aborde cette question. Ce mouvement n'aura malheureusement pas d'effet à ce moment-là. Il faudra attendre 1993 et la guerre dans l'ex-Yougoslavie pour que l'ONU déclare le viol de guerre crime contre l'humanité. Cependant, pendant le premier conflit mondial, les féministes pacifistes de nombreux pays avaient pris ce problème à bras le corps.
En France, les institutrices pacifistes ont essayé de lutter contre l'embrigadement des « graines de Poilus ». Elles ont beaucoup écrit dans les journaux comme La voix des femmes ou La mère éducatrice . Elles dénonçaient notamment les jouets guerriers qu'on voyait dans les vitrines des grands magasins avant Noël ; il faut s'imaginer qu'on pouvait alors acheter des costumes miniatures de toutes les armées alliées, mini-tranchées et forts qui explosent, sans compter les fusils, baïonnettes et grenades... C'était vraiment effrayant ! Elles ont fait paraître des affiches pour que les parents y réfléchissent. Je crois d'ailleurs que ce combat reste d'actualité...
Laure Darcos , vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
Y a-t-il des demandes d'intervention dans la salle ?
Colette Avrane
Je souhaite dire un mot des ouvrières à domicile, qui étaient environ 500 000 à cette époque et dont les salaires n'étaient pas du tout décents. Une loi de 1915 a permis d'améliorer leur niveau de vie, c'était en quelque sorte l'ancêtre du Smic... Nous devons toujours penser à ces femmes !
Rémi Herment
Je suis sénateur honoraire et président d'honneur de l'Amicale des membres de l'Ordre du mérite agricole de la Meuse. Je vous remercie d'avoir mis à l'honneur tout à l'heure le monument qui a été érigé à Verdun et dont notre amicale a été la cheville ouvrière. Je vous remercie d'autant plus que, durant ma vie tant parlementaire qu'associative, j'ai pu remarquer que les choses n'évoluaient guère en ce qui concerne la reconnaissance due aux femmes et que nous sommes souvent en pleine hypocrisie ! À mon âge, on peut dire certaines choses...
L'initiative d'ériger ce monument revient à une vingtaine de personnes qui ont voulu honorer ces femmes, au moment où nous engagions les célébrations du Centenaire de la Grande Guerre. Je voudrais dire que ce monument est dédié à toutes les Françaises, y compris celles d'Outre-mer, et qu'il commémore les deux guerres mondiales, celle de 1914-1918 comme celle de 1939-1945. Rappelons-nous que, comme celles de 1914-1918, les femmes de 1939-1945 ont aussi connu de grandes difficultés.
La ville de Verdun a mis à disposition un terrain bien placé, ce qui a beaucoup contribué au projet. Je remercie aussi le Sénat et l'Amicale des anciens sénateurs, qui ont été attentifs à notre requête et nous ont soutenus dans notre démarche.
Je rappelle une phrase de René Viviani, placardée dans toutes les communes de France, qui s'adressait aux femmes : « Debout ! À l'action, au labeur, il y aura demain de la gloire pour tout le monde ! ». Il n'est guère besoin d'en dire plus... Pourtant, même dans un département comme le mien, où les célébrations sont légion, je constate l'oubli permanent du travail des femmes et de leur rôle dans la victoire de 1918 comme dans celle de 1945.
Dans le cadre de notre projet de monument, je me suis adressé à de multiples institutions : la présidence de la République, quatre ministères, les présidences du Sénat et de l'Assemblée nationale. Je dois dire que les réponses ont été d'une qualité variable... Le président Larcher a répondu présent, pas le président de l'Assemblée nationale. La région Lorraine a apporté un financement de 20 000 euros sur une enveloppe totale de 120 000 euros. Le Souvenir français m'avait répondu que son budget pour 2015 était déjà engagé et qu'il ne prévoyait pas d'inscrire ce projet pour 2016...
Dernier point, la couverture médiatique : je ne peux que regretter la différence de traitement entre l'inauguration de notre monument, quasiment pas couverte par les journaux, et celle, trois mois plus tard, d'un monument en faveur des ânes soldats, qui a bénéficié de leur Une - certes, ils ont aussi contribué à la guerre de 1914-1918 39 ( * ) ...
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes
Je vous remercie de vos propos. Si nous avons pu montrer les photos du monument que vous avez évoqué, c'est grâce à notre collègue Franck Menonville, ce qui me permet de rappeler que la délégation aux droits des femmes regroupe à la fois des femmes et des hommes et que nous gagnons bien évidemment à tous travailler ensemble. Je souhaite remercier également Laure Darcos d'avoir animé cette première séquence et je vous propose maintenant de faire une pause de quelques minutes.
Pendant la pause sont projetés à l'écran des documents issus des collections du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux et des dessins d'enfants du musée de Montmartre 40 ( * ) .
* 16 Éditions Autrement, 2013. Voir aussi Combats de femmes 1914-1918 - Les Françaises, pilier de l'effort de guerre , dirigé par Évelyne Morin-Rotureau, éditions Autrement, 2004.
* 17 Marguerite Durand (1864-1936), actrice membre de la Comédie-Française, journaliste, fondatrice du journal féministe La Fronde . Favorable au droit de vote pour les femmes, elle prit l'initiative de présenter des candidatures féminines aux élections législatives de 1910. Ses collections de documents sont à l'origine de la Bibliothèque Marguerite Durand , spécialisée dans l'histoire des femmes (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 18 Voir en annexe la présentation des dessins d'enfants issus des collections du musée de Montmartre, avec la reproduction des dessins projetés pendant le colloque.
* 19 Référence 16Fi22/98. La délégation aux droits des femmes remercie les Archives de Toulouse d'avoir bien voulu autoriser la reproduction de ce document à l'occasion du colloque. Voir en annexe la reproduction de cette photographie.
* 20 Document issu des collections du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. La délégation aux droits des femmes remercie le musée d'avoir bien voulu autoriser la projection de ces reproductions lors du colloque. Voir en annexe la reproduction de cette photographie.
* 21 Marcelle Capy (1891-1962), journaliste, militante syndicaliste, pacifiste et féministe. Fondatrice de l'hebdomadaire La vague , elle est l'auteure de Une voix de femme dans la mêlée , ouvrage préfacé par Romain Rolland et publié en 1916. En 1917, elle travaille à titre anonyme dans une usine d'armement ; son témoignage paraît dans La voix des femmes (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 22 Sous-secrétaire d'État chargé de l'Artillerie et de l'équipement militaire de mai 1915 à décembre 1916, puis ministre de l'Armement et des fabrications de guerre de décembre 1916 à septembre 1917. Voir la biographie d'Albert Thomas (1878-1932) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly sur le site de l'Assemblée nationale : http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/7042 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 23 Cécile Brunschvicg (1877-1946) fut sous-secrétaire d'État à l'Éducation nationale de juin 1936 à juin 1937. Dès 1908, elle participa à la section Travail du Conseil national des femmes françaises (CNFF) et adhéra en 1909 à l' Union française pour le suffrage des femmes , dont elle devint secrétaire générale en 1910. En 1914, elle c r éa l'OEuvre parisienne pour le logement des réfugiés. Elle contribua à la création de l'École des surintendantes d'usines, à l'origine des assistantes sociales, et succéda à Jane Misme à la direction de l'hebdomadaire La Française en 1926. Membre du Parti républicain, radical et radical-socialiste, elle fut l'une des trois femmes membre du gouvernement lors du Front populaire (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 24 Laura Lee Downs, L'inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l'industrie métallurgique en France et en Angleterre , éd. Albin Michel, 2002.
* 25 Pionnière du journalisme d'investigation, Caroline Rémy (1855-1929), qui écrivit sous le pseudonyme de Séverine, dirigea Le cri du peuple après la mort de Jules Vallès. Engagée dans la lutte pour le droit de vote des femmes, elle publia, entre autres, une chronique quotidienne dans La Fronde , le journal féministe fondé par Marguerite Durand (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 26 L'un de ces documents est projeté.
* 27 Voici la transcription du document projeté, établie par Christine Delpous-Darnige :
« Le 14 décembre 1915, Cher epoux
Je répond à ta lettre du 10 qelle nous trouveu tout an bonne santée et toujours antrain a faire notre petit travail avec ta Catherine maintenan nous ramason les bucheux de Malfatau, nous avons échaucelait Rochelonge et nous lui avon mi le fumier a pied de la chouse et nous allons maintenan enfair au tant ograu. Tu medit Cher Epoux que tu ne peu pa teu tenir propre causse du mauvais tan fai ton posible tan que tu sera auprès deux ces vieux de teu faire laver sa te préserveura da traper baucoup deux maladie soingne toi bien. Ta Chère épouse qui t embrase de bien loin ». Arch mun . Agde, fonds Marc Serven numérisé.
* 28 Ce document est projeté.
* 29 Zancarini Michelle, Histoire des femmes en France : XIX e -XX e siècles , Presses universitaires de Rennes, 2010, 254 pages, p. 156 (note de l'auteure).
* 30 Lee Downs Laura, « Le travail », dans Winter Jay (sous la direction de), La première guerre mondiale , vol. 3, sociétés, Paris, Fayard, 2014, 912 pages, p. 100 (note de l'auteure).
* 31 Wagon-foudre : type de wagon utilisé autrefois pour le transport des boissons (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 32 Creusement de cuvette au pied des vignes pour y placer l'engrais et le fumier (note de l'auteure).
* 33 Cet aspect vient confirmer l'étude de J.L. Escudier dans Les femmes et la vigne, Une histoire économique et sociale , 1850-2010, Presses universitaires du Midi, 2016, 375 pages (note de l'auteure).
* 34 Éd. Payot, 2013.
* 35 Dominique Fouchard, Le poids de la guerre. Les Poilus et leur famille après 1918 , Presses universitaires de Rennes, 2013.
* 36 Discours reproduit dans un recueil intitulé Réception de M. Gaston Doumergue, président de la République française, au Palais du Luxembourg, 28 février 1929 , conservé à la Bibliothèque du Sénat. Voir en annexe la présentation de ces oeuvres par Joseph Monsservin (1864-1944), questeur du Sénat, lors de cette cérémonie, ainsi que les reproductions photographiques de ces peintures.
* 37 1861-1945. Peintre qui connut une renommée certaine de son vivant. Son oeuvre est largement inspirée par la Bretagne, région à laquelle il est très attaché. En 1900, il reçoit la médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris. En 1917, il est envoyé sur le front pour dessiner des scènes de guerre. En 1923, il est nommé professeur à l'École des Beaux-arts de Paris, puis en 1927 élu à l'Académie des Beaux-arts. Il devient peintre officiel de la Marine en 1933 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 38 Article 213 du code civil adopté en 1803-1804 : « Le mari doit protection à sa femme , la femme obéissance à son mari ». Cette disposition est restée en vigeur jusqu'à l'adoption de la loi du 18 février 1938 portant modification des textes du code civil relatifs à la capacité de la femme mariée (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 39 Voir par exemple : « Neuville-les-Vaucouleurs : une statue dédiée aux ânes soldats », L'Est républicain , 31 juillet 2016 ; « Quels sont les animaux de guerre auxquels certains élus veulent rendre hommage ? » Cyrielle Chazal, LeMonde.fr , 25 mai 2018 ; « Le 14-18 des animaux », par Catherine Vincent, Le Monde Culture et Idées , 3 avril 2014 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).
* 40 Voir en annexe la liste et les reproductions de ces documents.