EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 25 JUILLET 2018
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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, l'ordre du jour appelle la présentation par nos collègues Françoise Laborde et Max Brisson du rapport sur le métier d'enseignant. Ce travail de fond s'inscrit dans la continuité d'une mission effectuée par notre commission il y a quelques années sur ce sujet.
M. Max Brisson, rapporteur . - Madame la présidente, mes chers collègues, en 2012, un rapport de notre commission, sous la plume de Brigitte Gonthier-Maurin, faisait déjà le constat d'un « malaise enseignant » et d'une dégradation des conditions de travail des enseignants. Il préconisait également la remise à plat de leur recrutement et de leur formation. Or, depuis 2012, de nombreux chantiers se sont succédé dans le domaine éducatif : réforme du recrutement et de la formation initiale dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), révision du statut des enseignants du second degré, réformes pédagogiques du collège et des programmes, évolutions en matière salariale, d'évaluation et de progression de carrière dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).
C'est dans ce contexte que la commission nous a chargés de dresser un tableau de la condition des professeurs. Nous avons abordé cette mission avec bienveillance, à la fois comme sénateurs et anciens enseignants. Nous aimons ce métier, comme de nombreux professeurs que nous avons rencontrés. Notre constat se veut lucide : il rejette tout dénigrement et évince tout propos larmoyant. Le métier de professeur s'apprend en permanence, ce qui pose le problème de la formation initiale et continue.
Il faut avant tout penser aux nouvelles générations de professeurs et à ceux qui s'apprêtent à débuter dans ce métier. Dans quelques années, les nouveaux professeurs seront nés au début du XXI e siècle. Contrairement à notre génération, les jeunes enseignants n'entrent pas dans une carrière, mais apprennent un métier et gardent leurs aspirations de jeunes du XXI e siècle, alors que l'éducation nationale leur propose un cadre hérité de la seconde moitié du XX e siècle. Un tel décalage s'avère problématique.
À l'issue de plus de six mois de travaux, comprenant de nombreuses auditions au Sénat et quatre déplacements en académie, qui nous ont permis d'entendre une centaine de personnes, nous avons préparé quinze recommandations dont nous ne vous présentons aujourd'hui que les plus emblématiques. Certaines de ces recommandations sont consensuelles et sont attendues par les communautés éducatives. D'autres sont peut-être plus disruptives et nous souhaitons les mettre au débat pour alimenter notre réflexion collective.
Nous avons conscience que restaurer la confiance du pays envers son école ne pourra se faire sans l'adhésion des professeurs. Or, bien des inquiétudes minent une profession qui a la conviction, à tort ou à raison, que les réformes successives ont été faites contre elle ou a minima sans elle et qu'elles se sont traduites par une dégradation de ses conditions d'exercice. Pour autant, les professeurs et la société française tendent à auréoler l'école du passé. C'est pourquoi la rénovation de l'école ne pourra se faire sans ses professeurs.
Depuis la Troisième République, les meilleurs étudiants d'une génération devenaient professeurs. Telle était la tradition française. Renouer avec l'attractivité implique d'inciter les meilleurs de nos étudiants à entrer dans la carrière. Or, notre rapport identifie l'entrée dans le métier comme le maillon faible du dispositif actuel.
Mme Françoise Laborde, rapporteur . - Nous avons fait deux constats alarmants à ce sujet. Année après année, de nombreux postes demeurent vacants à l'issue des concours. Les difficultés de recrutement se concentrent, pour le premier degré, dans les académies les moins attractives et, pour le second degré, dans certaines disciplines : lettres, mathématiques, allemand et anglais. Par ailleurs, certains territoires, relevant de l'éducation prioritaire mais aussi des zones rurales isolées, connaissent de grandes difficultés pour attirer et conserver leurs professeurs. La promesse républicaine est mise à mal par le risque d'une « désertification enseignante » analogue à celle des services publics ou médicaux sur nos territoires.
En matière de formation initiale, nous avons constaté que le modèle conçu en 2013 n'a pas su s'imposer. Alors que le master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) était conçu comme le parcours de formation standard, il ne concerne qu'un peu plus de la moitié des lauréats dans le premier degré et moins de la moitié dans le second. La place du concours - en fin de master 1 (M1) - est particulièrement critiquée : elle a pour conséquence de vider de son caractère professionnalisant l'année de M1 et de surcharger l'année de M2, qui concentre tout la fois la responsabilité d'une classe à mi-temps, la scolarité au sein de l'ÉSPÉ et la rédaction d'un mémoire. Enfin, le jugement porté, tant par les étudiants que par les responsables académiques, sur la qualité de la formation est sévère ; cela est particulièrement vrai dans le premier degré, les jeunes professeurs ne sont pas suffisamment préparés à la polyvalence qu'ils doivent assurer.
Les premières années d'entrée dans le métier sont cruciales. Or nous avons constaté que, outre qu'ils sont défavorisés par les règles d'affectation et les moindres bénéficiaires des évolutions salariales, les professeurs débutants bénéficient d'un accueil et d'un accompagnement dont la réalité et la qualité sont très variables et qui rend difficile leur intégration au sein de leur établissement.
C'est pourquoi nous faisons les préconisations suivantes : développer, d'abord, une politique ambitieuse de pré-recrutement dès la première année de licence et prévoir des dispositifs de découverte et de préparation à l'enseignement dans les parcours universitaires. Nous avons rencontré des professeurs qui n'avaient jamais vu de classe avant d'entrer dans le métier et ont eu, après coup, le sentiment de s'être trompés. Revoir ensuite la place et le contenu des concours - avec une admissibilité en L3 et une admission en M2 dans le premier degré, et un concours en M2 pour le second degré - et, en conséquence, la formation dispensée en ÉSPÉ, en y renforçant la place et les prérogatives de l'éducation nationale. Nous proposons donc de distinguer deux concours différents, sans pour autant remettre en cause le principe de la masterisation. Prévoir une première affectation unique dans le second degré, par un calibrage académique des concours de recrutement. Prolonger, pendant les trois premières années d'exercice, la formation initiale par un accompagnement personnalisé, et introduire un rendez-vous de carrière la troisième année. Une affectation permettant d'être titularisé dans une même académie que celle de leur stage permettrait enfin d'assurer une continuité attendue par les jeunes professeurs.
M. Max Brisson, rapporteur . - S'agissant ensuite des conditions d'exercice du métier d'enseignant au quotidien, nous nous sommes d'abord penchés sur le statut des professeurs, en particulier dans le second degré : le service d'enseignement reste fixé sur une base hebdomadaire - les obligations réglementaires de service (ORS) -, empêchant toute modulation sur l'année scolaire. Les professeurs assument des tâches croissantes et sont appelés à travailler en équipe et de manière pluridisciplinaire. Les textes imposent cependant le respect absolu de l'obligation de service sur une base hebdomadaire, qui fait obstacle à ces nouvelles méthodes de travail. Le temps de travail effectif des professeurs n'est ni mesuré ni reconnu par l'institution : les seules données proviennent d'enquêtes anciennes reposant sur une base déclarative.
La formation continue a également retenu toute notre attention. Le ministère consacre très peu de moyens à la formation de ses agents. C'est bien là un paradoxe, puisqu'il est, par excellence, l'organisme compétent en la matière ! Cette formation est également détournée de ses finalités : ses objectifs d'amélioration des compétences professionnelles et le développement personnel ont été laissés de côté au profit du seul accompagnement des réformes. S'effectuant sur le temps d'enseignement, cette formation se heurte à la résistance à la fois des chefs d'établissement et des professeurs. Par ailleurs, ceux-ci demandent plutôt des actualisations de haut niveau des connaissances scientifiques ou des échanges de pratiques entre pairs. Dans le secondaire, cette formation ne relève pas des obligations de service.
Après une période d'érosion, les rémunérations des professeurs, qui sont parmi les plus basses des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont été revalorisées : création de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), révision des grilles et des progressions de carrière dans le cadre de l'application du protocole PPCR. Ce dernier se concentre toutefois sur la fin de carrière au détriment des premières années, où la rémunération est comparable à celle versée en Pologne. Les enseignants, surtout les plus jeunes, sont confrontés à des difficultés consécutives aux mutations, de logement et de transport, que ne prend nullement en compte le ministère. En outre, comme l'avait souligné notre présidente dans son rapport sur la formation à l'heure du numérique, les professeurs sont les seuls agents de catégorie A de la fonction publique d'État à devoir s'équiper en matériel informatique sur leurs propres deniers.
C'est pourquoi nous faisons les préconisations suivantes :
- revoir les obligations de service dans le second degré en évoquant l'annualisation des services d'enseignement afin de s'adapter aux nouvelles méthodes de travail et à la pluridisciplinarité et porter à deux le nombre d'heures supplémentaires-année (HSA) pouvant être exigées ;
- instituer une obligation de formation continue effective de cinq jours annuels, hors du temps d'enseignement conformément aux dispositions introduites par l'amendement de notre présidente lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ;
- investir dans la qualité des formations, en partant des besoins exprimés par les professeurs et en privilégiant des formations de proximité ;
- concentrer les futurs efforts de revalorisation des traitements sur le début de carrière ;
- créer, enfin, des dispositifs d'aide au logement et au transport dans les zones tendues ou isolées et doter les professeurs d'un matériel informatique.
Mme Françoise Laborde, rapporteur . - S'agissant enfin de la gestion des enseignants par l'éducation nationale, nous nous sommes penchés prioritairement sur le « mouvement » qui vise à pourvoir l'ensemble des postes vacants tout en donnant satisfaction au plus grand nombre de participants : il repose sur le principe d'indifférenciation des postes et favorise l'ancienneté. Injuste pour les jeunes professeurs et les territoires les moins attractifs, qui connaissent une forte rotation voire une pénurie d'enseignants, sa complexité et son illisibilité sont un frein à la mobilité, favorisent le contournement de ses règles et participent de la perte d'attractivité de la profession. Certains enseignants préfèrent même demeurer contractuels plutôt que de devenir titulaires et d'y participer ! C'est pourquoi nous préconisons de permettre au recteur de définir des « territoires à besoins éducatifs particuliers », en faveur desquels il pourrait décider de mesures spécifiques ; de développer le recrutement sur profil et de redéployer les agrégés au lycée ; de permettre l'affectation par « contrat de mission » impliquant l'engagement réciproque entre le professeur et le rectorat pour une affectation à durée déterminée, avec la certitude de retrouver son poste à l'issue. Il serait également bon d'introduire une obligation de mobilité, fonctionnelle ou géographique. Certains professeurs ou directeurs d'école, les inspecteurs de circonscription, ne sont pas soumis à une telle obligation, contrairement aux chefs d'établissement. Enfin, la gestion uniforme et distante des enseignants ne répond ni à leurs attentes ni à l'impératif de valoriser la formidable richesse que constituent nos professeurs. La gestion des ressources humaines doit être en conséquence fortement déconcentrée et rapprochée des besoins. Il convient de donner davantage de perspectives de mobilité et d'évolution professionnelle aux professeurs, en permettant et en encourageant d'autres modalités d'exercice du métier - bivalence, décloisonnement entre le premier et le second degrés - ainsi qu'en facilitant la mobilité externe, y compris définitive. La peur de devoir demeurer dans l'enseignement durant toute une carrière peut en effet dissuader certains candidats.
M. Stéphane Piednoir . - Votre rapport est ambitieux, mais je crains que certaines de vos préconisations, comme l'obligation de mobilité, n'aboutissent pas. Je regrette par ailleurs que rien n'ait été dit sur l'évaluation des professeurs par les inspecteurs. Or, ce sujet est essentiel. La revalorisation du métier passe en effet par le premier salaire. Bien que la progression salariale soit ensuite plutôt rapide, le salaire d'entrée rebute de nombreux étudiants. Les carrières des agrégés sont très différentes de celles des certifiés, lesquels pourraient bénéficier de nouveaux efforts.
Mme Maryvonne Blondin . - Le temps de travail des enseignants est difficilement mesurable. Avez-vous également réfléchi à l'évolution du calendrier scolaire ? Les jeunes enseignants qui souhaitent revenir dans leur département d'origine, après plusieurs années passées en éducation prioritaire, ne peuvent le faire, ce qui diminue fortement leur motivation. La gestion des ressources humaines de l'éducation nationale a toujours été nulle - et je pèse mes mots - ; j'ai pu personnellement le constater durant ma carrière lorsque, par exemple, j'ai été affectée à mi-temps à l'île d'Ouessant et à Pont-Aven, dans le sud du Finistère.
M. Pierre Ouzoulias . - Un bilan complet et objectif du métier d'enseignant est nécessaire afin d'améliorer le fonctionnement de cette administration. Les enseignants doivent y être associés. Le métier d'enseignant n'a plus rien à voir, dans ses conditions matérielles, avec ce qu'il était au siècle dernier. Dans mon département, certaines communes ne sont plus en mesure d'organiser la mixité sociale, dans un contexte d'inflation des prix de l'immobilier qui pénalise l'installation des jeunes enseignants. Les attentes de la société ont, elles aussi, évolué : le baccalauréat, puis l'accession à l'université, sont devenus les objectifs des familles, en lieu et place du certificat d'études pour les générations précédentes. Il faut repenser le parcours des élèves en fonction de la massification scolaire de notre époque. Enfin, comment les classes préparatoires aux grandes écoles s'intègrent-elles dans ce système complexe ?
Mme Sonia de la Provôté . - Les professeurs jouent un rôle polyvalent et assument parfois des fonctions d'assistance sociale ou de conseiller familial, lorsqu'ils ne doivent pas être des éducateurs sportifs et accompagner les élèves en situation de handicap. Quels contenus techniques pourraient être inclus dans la formation des enseignants pour les aider à assumer cette polyvalence des tâches ? Les moyens de l'école diffèrent selon les communes et les conseils départementaux, en fonction de la priorité accordée à l'école par la collectivité concernée. Comment les enseignants peuvent-ils prendre en compte cette relation avec les collectivités territoriales ? Enfin, l'évolution de la communauté éducative pose problème : l'enseignant a-t-il toujours une voix prépondérante au sein de son établissement ? Force est de constater que la place de l'éducation nationale au sein de l'école de la République demeure, sur ce point, ambiguë.
M. Jacques Grosperrin . - L'action des syndicats s'est avérée néfaste pour l'image des enseignants. Leur cogestion doit être remise en cause. Si l'on veut donner une visibilité à nos étudiants, il faut assurer la continuité du nombre de postes ouverts aux concours d'une année sur l'autre. Le fonctionnement des ÉSPÉ est calqué sur celui des anciens instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), au pédagogisme décrié. En Finlande, les meilleurs étudiants sont considérés comme des enseignants d'avenir et sont recrutés très tôt dans leur cursus, à l'instar de ce qu'offraient les anciens instituts de préparation aux enseignements de second degré (IPES) aux étudiants une année après le baccalauréat. Alors que l'évaluation des enseignants a lieu tous les sept ans, il faudrait que les établissements soient eux-mêmes évalués. La formation continue devrait également être obligatoire et je considère qu'elle fait partie du contrat passé avec l'enseignant, je ne suis donc pas totalement convaincu qu'elle doive donner lieu à indemnisation, même lorsqu'elle a lieu en dehors des heures d'enseignement. Enfin, il faut veiller à ne pas considérer le professorat dans le primaire comme un « sous-métier » : les professeurs des écoles n'ont pas droit aux heures supplémentaires et ils assurent 26 heures hebdomadaires de cours quand leurs collègues du secondaire n'en font que 18. Ajouter deux heures aux obligations réglementaires des enseignants représenterait l'équivalent de 45 000 postes supplémentaires.
Mme Claudine Lepage . - La mobilité, les contrats de mission, l'évolution et la valorisation des carrières, la gestion des ressources humaines sont les mots-clefs de votre rapport. Or, notre réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger, qui accueille 6 000 enseignants détachés de l'éducation nationale, est aujourd'hui confronté à des problèmes de recrutement. Cette situation s'explique partiellement par des refus de détachement, en lien avec pénuries d'effectifs dans certaines académies. Trois missions différentes se penchent actuellement sur l'évolution du réseau et devraient être en mesure de proposer des solutions.
M. Olivier Paccaud . - La problématique financière est l'une des clefs du manque d'attractivité qui se pose tout au long de la carrière. En effet, au bout de vingt ans de carrière, les professeurs des écoles ne perçoivent que 2 000 euros mensuels ! Ils s'estiment lésés : outre leurs 26 heures d'enseignement, ils assument d'autres travaux - comme la rencontre des parents - qui n'ont jamais été pris en compte. Les professeurs agrégés ont plus leur place en lycée qu'en collège mais parfois les demandes de mutation d'agrégés du collège vers le lycée sont refusées. Le mouvement national des affectations profite d'abord à ceux qui sont syndiqués et la cogestion doit être reconsidérée. La notion de territoire à besoins éducatifs particuliers me semble intéressante. Quant à la bivalence, la situation des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC), qui venaient des écoles pour enseigner en collège, pourrait nous inspirer. Enfin, sachez que les enseignants ne reçoivent pas toujours de réponse positive à leurs demandes de formation continue, faute de places.
M. Jean-Claude Carle . - Les statuts en vigueur datent des années 1950, époque où les objectifs du système éducatif étaient différents. Il faut rendre plus attractif ce métier, notamment grâce à une meilleure rémunération. Vos propositions me semblent tout à fait pertinentes. Comment les mettre en oeuvre ? Pouvons-nous faire évoluer cette administration depuis la rue de Grenelle ? Je suis convaincu que l'expérimentation et la contractualisation, avec les collectivités territoriales, au plus près du terrain, nous permettront de lutter contre les corporatismes.
Mme Annick Billon . - Comment peut-on aujourd'hui choisir ce métier, en raison des nombreuses difficultés que vous avez soulevées ? À un niveau de diplôme, doit correspondre un niveau de salaire convenable. Quels sont les chiffres précis et leur comparaison avec les autres pays de l'OCDE ? Comment l'éducation nationale gère-t-elle ses enseignants ? Comment sortir de la défiance entretenue par les parents vis-à-vis des enseignants et leur assurer une réelle reconnaissance, sans laquelle nulle attractivité n'est possible ?
M. Guy-Dominique Kennel . - Ce rapport est l'oeuvre de deux ex-enseignants et l'aboutissement d'expériences de terrain. Vous vous êtes attaqués à une montagne et vos propositions ne manqueront pas de susciter un grand nombre d'oppositions. Modifier radicalement le projet d'établissement, en lui conférant une part plus importante dans le recrutement des enseignants qui auraient alors des objectifs à atteindre et seraient évalués par rapport à leur réalisation, serait une innovation. D'ailleurs, les établissements qui suivent cette démarche obtiennent d'excellents résultats. Le niveau de rémunération des enseignants français est ridicule, en comparaison de celui de leurs homologues d'Allemagne, de Suisse, du Luxembourg ou de Belgique. Un effort colossal doit être assuré pour recruter des enseignants d'un niveau supérieur. À quel niveau de résultats est désormais donné le CAPES ?
M. Jean-Pierre Leleux . - Les métiers d'enseignant dans le primaire et dans le secondaire sont différents. Les enseignants de collège nous font part de leur difficulté à instaurer la discipline dans leur classe. Comment sont-ils formés à faire preuve d'autorité bienveillante ? Aujourd'hui, il faut ré-enchanter le métier d'enseignant. Comment associer l'évolution technologique, domaine dans lequel les élèves sont parfois plus au fait que leurs enseignants, aux méthodes pédagogiques ? Le savoir est presque moins important que la transmission du désir d'apprendre. La formation des enseignants devrait comporter des cours d'art dramatique pour les aider à mieux faire passer leurs messages pédagogiques.
Mme Dominique Vérien . - Mon territoire connaît la désertification enseignante autant que médicale. Certaines académies, confrontées à des demandes de sortie, bloquent tout mouvement d'enseignants. Combien d'enseignants ne sont pas devant les élèves ? À quelle échéance la revalorisation du métier d'enseignant est-elle envisageable ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Avez-vous abordé la situation des directeurs d'école, qui ne disposent pas pour l'heure, d'un statut ? Je vous remercie d'avoir également abordé la formation des formateurs et rejoins votre diagnostic sur la formation dispensée au sein des ÉSPÉ. Nous avons fait voter, par voie d'amendement, le caractère obligatoire de la formation continue des enseignants, lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette formation ne doit être considérée par les enseignants comme une contrainte, mais comme un moyen d'améliorer leurs pratiques et leurs métiers.
M. Max Brisson . - Notre rapport comprend un grand nombre des points qui viennent d'être soulevés, comme le statut des directeurs d'école et la formation des formateurs. Nous préconisons que les ÉSPÉ sollicitent davantage les enseignants-chercheurs, les professeurs du secondaire, les formateurs et les inspecteurs. Les ÉSPÉ doivent rompre avec l'ancien fonctionnement des IUFM. Par ailleurs, nous préconisons que le ministre ait davantage de poids dans la nomination des directeurs des ÉSPÉ.
S'agissant de l'évaluation, nous avons préconisé l'évaluation des équipes pédagogiques et des établissements.
Mme Françoise Laborde . - Vous trouverez dans notre rapport des statistiques sur le temps de travail. En revanche, nous ne nous sommes pas penchés sur la question du calendrier scolaire.
M. Max Brisson . - En 2010, les professeurs du second degré déclaraient plus de 41 heures de travail effectif hebdomadaire. Néanmoins, un bilan objectif du temps de travail des enseignants s'impose pour prévenir le dénigrement dont ils font parfois l'objet. Le principe d'indifférenciation qui veut que tout professeur puisse enseigner sur n'importe quel poste se heurte à la réalité des territoires et des élèves : l'adéquation des moyens aux besoins éducatifs est essentielle et l'on n'enseigne pas en Seine-Saint-Denis de la même manière que dans la vallée d'Ars. Nous n'avons pas abordé spécifiquement les CPGE dans notre rapport...
Mme Françoise Laborde, rapporteur . - ...ni les lycées agricoles ; en revanche nous avons évoqué les lycées professionnels. La différence des manières d'enseigner dépend des lieux, mais aussi des projets d'établissement. L'une de nos préconisations concerne la gestion des réunions et des conflits ; la formation à cette gestion relative à la vie quotidienne de l'enseignant doit figurer parmi les missions des ÉSPÉ.
M. Max Brisson . - Il faut apprendre aux professeurs à incarner l'école dans un contexte où sa légitimité institutionnelle ne va plus de soi. Les professeurs doivent travailler avec leurs collègues, les élus locaux et les parents d'élèves ; cette démarche doit être encouragée à la fois par la formation initiale dispensée par les ÉSPÉ et la formation continue. Inspirons-nous d'institutions qui ont auparavant fait leurs preuves, comme les IPES ou les PEGC. Nous préconisons le développement des pré-recrutements, pour obtenir des assistants d'éducation davantage tournés vers la classe et le contact avec les professeurs. Je considère moi aussi que les variations saisonnières du nombre de postes offerts aux concours de recrutement sont absurdes.
Il faut que l'ÉSPÉ soit un lieu d'organisation de la formation initiale faisant appel aux ressources là où elles se trouvent. Le ministère de l'éducation nationale doit jouer son rôle en matière d'accréditation et indiquer clairement ce qu'il attend de cet outil de formation.
Nous proposons un schéma d'organisation des concours avec un décalage entre l'admissibilité et l'admission : la formation est ainsi étalée pour faire disparaître l'actuelle concentration sur l'année de master 2. Notre schéma permet également aux futurs enseignants du primaire d'avoir le temps de se former à la polyvalence.
Mme Françoise Laborde, rapporteur . - Aujourd'hui, le professeur du second degré peut effectuer en deux ans deux rentrées dans deux académies différentes - une première fois en tant que stagiaire et une autre fois en tant que titulaire. C'est la raison pour laquelle nous préconisons une continuité d'affectation sur ces deux années.
M. Max Brisson . - Notre travail s'inspire de celui conduit durant de nombreuses années par notre collègue Jean-Claude Carle, auquel je souhaite rendre hommage. Que la rue de Grenelle fixe le cadre et que les équipes rectorales s'adaptent en fonction des conditions locales, surtout dans les territoires à besoins éducatifs particuliers !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie, mes chers collègues, de votre présentation, de votre engagement et de la qualité de vos réponses. Les préconisations de ce rapport devront trouver une suite dans le débat public.
La commission autorise la publication du rapport d'information .