D. LA CLARIFICATION DE LA DIRECTIVE « TEMPS DE TRAVAIL »
La révision de la directive de 2003 relative au temps de travail a échoué par deux fois. Face à cet échec, la Commission ne paraît plus encline à proposer une nouvelle initiative législative sur ce sujet. L'évolution des formes d'activité, comme celle de la jurisprudence, l'a néanmoins conduite à publier une communication interprétative de la directive 21 ( * ) .
La directive établit la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures. La communication interprétative précise que la totalité du temps de travail doit être comptabilisée et qu'il s'agit d'une moyenne qui peut être calculée sur une période de référence pouvant aller jusqu'à quatre mois. Il existe une possibilité de renoncer individuellement ( opt-out ) à la limite hebdomadaire de 48 heures. Ce consentement doit être individuel et ne peut pas être remplacé par le celui exprimé par des représentants syndicaux. Les travailleurs qui ne sont pas ou plus d'accord d'appliquer cet opt-out doivent également être protégés contre tout préjudice. La directive prévoit, par ailleurs, un repos journalier de 11 heures consécutives au moins par tranche de 24 heures ainsi qu'un repos hebdomadaire de 24 heures au cours de chaque période de 7 jours. La fin de la transposition de ce texte doit intervenir d'ici la fin 2017.
La Commission rappelle que le texte de 2003 couvre toute personne soumise à une forme de relation contractuelle, visant notamment les prestataires indépendants. Dans le cas de contrats de travail simultanés, les limites fixées par la directive devraient s'appliquer dans la mesure du possible à chaque travailleur. La communication insiste sur le fait que la directive concerne tous les secteurs d'activité, y compris ceux qui doivent faire face à des événements qui, par définition, ne sont pas prévisibles, tels que les services de lutte contre les incendies ou de protection civile. L'article 2 prévoit une exemption lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile, s'y opposent de manière contraignante.
La Cour de justice a jugé, dès 2006, que l'exception au champ d'application de la directive était strictement limitée à des événements exceptionnels comme les catastrophes naturelles ou technologiques, les attentats, les accidents majeurs ou d'autres événements de même nature 22 ( * ) . Le personnel ayant à faire face à un événement de ce type accorde alors une priorité absolue à l'objectif poursuivi . De fait, les dérogations ne sont pas applicables à des corps ou à des secteurs dans leur globalité, comme l'armée ou la police, mais seulement à certaines missions qu'ils assument. Un avis motivé a été adressé en ce sens à la France par la Commission européenne le 25 septembre 2014, visant spécifiquement le cas de la police et des pompiers volontaires. Les autorités françaises ont alors indiqué leur souhait de transposer la directive aux forces de sécurité d'ici à la fin 2017.
Le Président de la République a, dans son discours aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre dernier, remis en cause le principe de l'application du dispositif. Une instruction provisoire adoptée en septembre 2016 accorde déjà à chaque gendarme 11 heures de repos par période de 24 heures 23 ( * ) . Des négociations étaient en cours pour parvenir à une telle solution dans la police. Le directeur général de la gendarmerie a estimé, en octobre 2016, que la transposition de la directive s'était traduite par une dégradation de la capacité opérationnelle de 3 à 5 %, ce qui, pour 100 000 personnels, représente 3 000 à 5 000 équivalents temps plein (ETP) 24 ( * ) . Ce chiffre a été réévalué à 6 000 ETP en janvier 2017, soit une dégradation de la capacité opérationnelle de 6 % 25 ( * ) . La transposition totale de la directive pourrait conduire à une dégradation de 9 `%.
Des négociations sont actuellement menées entre la Commission européenne et le Gouvernement en vue de trouver une solution satisfaisante. Ces négociations doivent être appuyées en vue de permettre une meilleure prise en compte des conditions particulières dans lesquelles se déroulent actuellement les missions des forces armées, en prenant notamment en compte l'impact de la menace terroriste.
S'agissant du temps de garde, la communication rappelle que celui-ci doit être considéré dans sa totalité comme du temps de travail si le travailleur doit être présent sur le lieu de travail. La Commission rappelle que dans le cadre d'une « permanence », soit lorsque le travailleur doit être joignable à tout moment sans pour autant être obligé de rester à un endroit déterminé, seul le temps lié à la prestation effective de services doit être considéré comme du temps de travail. Cette question prend un tour particulier dans le domaine hospitalier. La Commission européenne avait ainsi adressé, le 28 mars 2014, un avis motivé à la France l'enjoignant de respecter le droit des internes à des périodes minimales de repos et à une durée de travail limitée, telles que prévues par la directive sur le temps de travail. Un décret est entré en vigueur le 1 er mars 2015 répondant à cette demande.
La communication interprétative relaie par ailleurs la jurisprudence ayant trait au congé annuel. L'employeur doit accorder aux travailleurs un droit au report d'un congé annuel non pris lorsqu'ils n'ont pas eu l'occasion d'exercer ce droit (par exemple, à cause d'un congé de maladie). Les périodes supplémentaires de congé annuel payé accordées par les États membres au-delà des quatre semaines requises par la directive peuvent, de leur côté, être soumises à des conditions fixées par le droit national.
* 21 Communication interprétative relative à la directive 2033/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (C(2017) 2601).
* 22 Cour de justice de l'Union européenne, arrêt du 12 janvier 2016, Commission européenne c/ Espagne (C-132/04).
* 23 Dans le cadre de l'instruction temporaire, si un gendarme est rappelé au bout de huit heures de repos consécutives pour travailler une heure, il bénéficie de nouveau d'un repos de onze heures. À l'inverse, si le seuil de neuf heures a été atteint, le « compteur » ne repart pas à zéro et le gendarme ne bénéficie que d'un nombre d'heures de repos complémentaires correspondant à la différence entre les heures de repos déjà effectuées et le seuil de onze heures.
* 24 Audition du Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, 18 octobre 2016.
* 25 Réponse du ministère de l'Intérieur, en date du 2 mars 2017, à la question écrite n° 24689 du sénateur Yannick Botrel.