B. SUR LES PROCÉDURES D'ANONYMISATION
La doctrine d'emploi des fonds spéciaux les réserve aux activités liées à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat et pour lesquelles le secret doit être garanti. Il en découle une exigence de non traçabilité pour préserver la sécurité des personnes engagées dans les actions menées et pour s'assurer du succès des opérations engagées.
La commission constate que si la problématique de l'anonymisation est commune à l'ensemble des services spécialisés de renseignement, les réponses qui y sont apportées se révèlent relativement différentes d'un service à l'autre.
L'examen des pièces comptables est un bon indicateur pour évaluer le degré de confidentialité d'une opération. Lors de ses contrôles, la commission a relevé plusieurs cas de factures mentionnant l'adresse et/ou le nom d'un service spécialisé de renseignement pour la livraison de matériel. Le contrôle de l'anonymisation chez les fournisseurs est un point de fragilité sur lequel la commission souhaite attirer l'attention.
S'agissant de la mention des agents des services ou des sources, la doctrine d'anonymisation n'est pas la même d'un service de renseignement à l'autre. Ils ne disposent non plus pas tous des mêmes moyens pour répondre à l'exigence d'anonymisation. Certains ont recours à des moyens très sophistiqués quand d'autres essayent d'atteindre le même objectif avec des moyens beaucoup plus modestes.
La commission invite les services spécialisés de renseignement à mener une réflexion commune sur le sujet de l'anonymisation et à échanger sur leurs bonnes pratiques car la non préservation de l'anonymat amoindrit la justification du recours aux fonds spéciaux.
La commission appelle également le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme à définir un cadre commun sur la définition et la mise en oeuvre de règles minimales de démarquage communes à l'ensemble des services ( Recommandation générale n° 6 ).
C. SUR LE PÉRIMÈTRE DES FONDS SPÉCIAUX
Les fonds spéciaux bénéficient d'un régime juridique dérogatoire au regard du droit budgétaire commun : pas d'annualité budgétaire, pas de spécialisation des crédits, pas de séparation entre l'ordonnateur et le payeur et un contrôle des comptes a posteriori effectué par la CVFS.
Le recours aux fonds spéciaux est encadré par des règles très strictes liées au caractère secret des activités financées ou à l'urgence opérationnelle qui exige une disponibilité immédiate des fonds. C'est ainsi que la commission a observé, pour des raisons liées à l'urgence, le paiement en fonds spéciaux de dépenses qui auraient dû l'être en fonds normaux et qui font l'objet d'une régularisation a posteriori .
La commission se félicite du respect par les services spécialisés de renseignement d'une doctrine d'emploi des fonds spéciaux de plus en plus précise, matérialisée par la publication de circulaires et d'instruction qui définissent les règles d'emploi.
Elle salue également les réformes visant à basculer en fonds normaux un certain nombre de dépenses jusqu'alors financées sur fonds spéciaux.
La commission regrette toutefois l'absence de doctrine entre les services sur ce qui relève ici des fonds spéciaux ou là des fonds normaux. On observe même des mouvements inverses d'un service à l'autre sur des postes de dépenses pourtant similaires.
Par ailleurs, il apparaît aussi que des dépenses sont parfois réalisées en fonds spéciaux par « commodité » alors qu'elles pourraient l'être en fonds normaux, à certaines conditions.
A l'occasion de ses contrôles, la commission a également relevé la réticence des services à utiliser CHORUS, l'outil de gestion financière, budgétaire et comptable de l'Etat, dès lors que des informations confidentielles sont en jeu. Il existe pourtant des moyens de cryptage dans cet outil. Anonymiser des informations dans CHORUS permettrait ainsi, dans certains cas, de recourir à des fonds normaux plutôt qu'à des fonds spéciaux.
Aussi, la commission invite la CNRLT à constituer un groupe de travail sur les possibilités offertes par CHORUS en matière de démarquage. ( Recommandation générale n° 7 ).
La commission se félicite de cette politique de transfert d'une partie des fonds spéciaux vers les fonds normaux. Elle appelle les services à achever leur analyse globale sur ce sujet et à transmettre à la CVFS un calendrier indicatif de mise en oeuvre de ce transfert ( Recommandation générale n° 8 ).
Il importera également de veiller à ce que ce basculement s'accompagne d'une augmentation à due proportion de la dotation en fonds normaux ( Recommandation générale n° 9 ).