V. LES « FAUX-DÉBATS » SUR LA RENTE IMMOBILIÈRE NE SAURAIENT MASQUER LA NÉCESSITÉ DE RÉORIENTER LA POLITIQUE DU LOGEMENT
A. INFLÉCHIR LA RÉTENTION FONCIÈRE, INCITER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À RENDRE LES TERRAINS CONSTRUCTIBLES ET POURSUIVRE LA RATIONALISATION DES NORMES POUR FACILITER LA CONSTRUCTION NEUVE EN ZONE TENDUE
Le manque de logements dans les zones tendues ne peut être ignoré et des solutions doivent être trouvées pour favoriser la construction , le parc ancien ne pouvant à lui seul permettre d'absorber la demande. Plusieurs pistes peuvent à ce titre être explorées.
1. Lutter contre la rétention foncière
Tout d'abord, s'il n'existe pas à proprement parler de rente immobilière, il convient de s'interroger sur l'existence d'une rente foncière , en particulier des terrains nus constructibles mais aussi des biens conservés par leurs propriétaires sans être occupés.
Dans le cadre du groupe de travail précité sur le financement et la fiscalité du logement, notre collègue Vincent Delahaye avait ainsi appelé à une simplification du dispositif d'imposition des plus-values de cessions immobilières, en supprimant tout abattement pour durée de détention mais en prévoyant un taux de taxation beaucoup plus faible qu'actuellement. Cette réforme prévoyait un dispositif transitoire permettant d'atténuer le surcroît de taxation pour les biens immobiliers détenus depuis de nombreuses années. Un amendement en ce sens avait été adopté, contre l'avis du Gouvernement, par le Sénat dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2016 sans être repris par l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement, dans le cadre de sa « stratégie logement » présentée le 25 septembre dernier, préconise aujourd'hui la mise en place d'abattements exceptionnels (trois ans) pour les terrains à bâtir détenus par des particuliers en zones tendues :
- 100 % pour les cessions réalisées en vue de construire du logement social ;
- 85 % pour les cessions destinées à la réalisation du logement intermédiaire ;
- 70 % pour les cessions en vue de logements libres.
Le dispositif devrait figurer dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 de fin d'année.
De tels abattements, à des taux toutefois nettement moins incitatifs , ont déjà été mis en oeuvre par le passé, notamment sous le précédent quinquennat, et n'ont généralement pas produit le « choc d'offre » attendu . Le groupe de travail de la commission des finances avait d'ailleurs recommandé de mettre un terme à de telles pratiques , considérant que l'effet incitatif pouvait surtout se transformer en effet d'aubaine et ne justifiait dès lors pas la perte occasionnée pour les finances publiques .
2. Inciter les collectivités territoriales à construire et simplifier les normes
Ensuite, les collectivités territoriales doivent être incitées à construire et en être éventuellement « récompensées » en « captant » une partie de la rente constatée .
D'après son plan « Stratégie logement », le Gouvernement travaillerait à un dispositif d'intéressement financier pour les collectivités territoriales qui s'engagent à construire . Il devrait être élaboré dans le cadre du groupe de travail sur la réforme de la taxe d'habitation. Dans le même temps, il convient de noter qu'aucune enveloppe budgétaire n'est prévue pour le dispositif, certes très circonscrit, des « maires bâtisseurs » 62 ( * ) sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » (mission « Cohésion des territoires »).
Le groupe de travail de la commission des finances avait, pour sa part, mis en exergue le fait que la décision de rendre un terrain constructible engendrait généralement des dépenses pour la collectivité territoriale (travaux, équipements publics...) tandis qu'elle créait une forme d'« enrichissement sans cause » pour le propriétaire .
Il avait ainsi jugé intéressante la piste tendant à renforcer la taxe optionnelle sur les cessions à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles , créée en 2006 à l'initiative du Sénat et codifiée à l'article 1529 du code général des impôts. Son mécanisme pourrait notamment être rendu plus incitatif par la possibilité d'une modulation de taux (10 % actuellement) ou l'élargissement de son assiette (actuellement limitée aux cessions dont le prix est supérieur au triple du prix d'acquisition).
Enfin, les coûts de construction sont en constante progression, sous l'effet en particulier de normes trop nombreuses et instables 63 ( * ) . Les efforts de simplification doivent être poursuivis, le Gouvernement s'étant d'ailleurs engagé dans cette voie et ayant annoncé un principe de « Zéro nouvelle norme technique dans la construction ». Reste à voir si cela se confirme dans les faits.
* 62 Il s'agit d'une aide forfaitaire par logement construit, au-delà d'un certain seuil, dans les communes situées en zones tendues, disposant d'un potentiel financier par habitant inférieur à 1 030 euros et non carencées au titre de l'article 55 de la « loi SRU » (article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation). Pour 2016, 45,2 millions d'euros ont été versés entre 532 communes, pour une aide par logement de 1 320 euros.
* 63 Rapport d'information n° 720 (2015-2016) de MM. François Calvet et Marc Daunis, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, « Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier ».