V. LA DÉFENSE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
A. LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EN EUROPE
Un débat ayant pour thème « Attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe » a été organisé. La proposition de résolution et la proposition de recommandation ont été présentées par M. Volodymyr Ariev (Ukraine - PPE/DC).
La Plateforme du Conseil de l'Europe visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, opérationnelle depuis avril 2015, recense de nombreux cas de menaces graves à la liberté des médias en Europe ayant donné lieu à des alertes. Les alertes de la Plateforme et les réponses gouvernementales devraient servir à des analyses approfondies des cas graves d'attaques à l'encontre de journalistes et de la liberté des médias, en particulier lorsque leur gravité et leur fréquence témoignent de problèmes systémiques dans les États membres.
Par exemple, 16 journalistes sont décédés à la suite d'actes de violence dans les États membres depuis janvier 2015 et certaines des profondes préoccupations exprimées dans la Résolution 2035 (2015) doivent l'être de nouveau.
Malgré les difficultés et les défis importants auxquels la Turquie est aujourd'hui confrontée, des écrivains, des journalistes et des caricaturistes ne devraient pas être jugés en détention, et les décrets d'urgence devraient être revus pour autant qu'ils ordonnent l'arrestation d'écrivains et de personnels des médias ainsi que la saisie publique de sociétés de médias et de leurs biens.
Les autorités russes devraient aussi respecter la liberté d'expression et d'information par le biais des médias dans les zones qu'elles contrôlent de fait en dehors du territoire russe, en violation de la Résolution A/RES/68/262 de l'Assemblée générale des Nations unies.
Au cours de la discussion générale, M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - Socialiste, écologiste et républicain) a tout d'abord rappelé aux États membres leurs obligations en matière de liberté de la presse, composante fondamentale de la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme. Sans cette liberté, il n'y a pas de démocratie possible. Il a ensuite déploré les pressions exercées sur les journalistes dans certains pays appelant à renforcer les moyens de la Plateforme sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes. Il a appelé à une mobilisation pour la mise en place d'autorités indépendantes de nomination et de contrôle, pour le droit des journalistes à ne pas révéler leurs sources et pour la protection des lanceurs d'alerte.
Mme Pascale Crozon (Rhône - Socialiste, écologiste et républicain) a rappelé le rôle fondamental de la liberté d'expression dans les sociétés démocratiques. Elle a expliqué que 32 des États membres du Conseil de l'Europe sont concernés par au moins l'une des 230 alertes lancées par la Plateforme pour la protection des journalistes en 2016. Elle a dénoncé plus particulièrement la situation en Turquie où 142 journalistes seraient en prison et 3 000 au chômage suite à la fermeture de 168 médias. Dans ce pays, la sécurité nationale sert de prétexte pour faire taire toute opposition.
Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) s'est tout d'abord félicitée du combat pour la liberté de la presse mené par de nombreuses institutions dont le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. Elle a appelé les parlementaires à exercer les pressions nécessaires sur les gouvernements lorsque la liberté de la presse est attaquée. Elle a évoqué la résolution des Nations unies de 2013 sur la sécurité des journalistes qui fait du 2 novembre de chaque année la journée internationale de la « fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes ».
Mme Geneviève Gosselin-Fleury (Manche - Socialiste, écologiste et républicain) a tenu également à rappeler le caractère essentiel de la liberté de la presse. Elle a évoqué plus particulièrement la situation en Azerbaïdjan qui apparaît comme le pays membre du Conseil de l'Europe où la liberté de la presse est le moins bien respectée. Elle a regretté que le rapport attribue cette situation au conflit gelé dans le Haut-Karabakh. Elle a appelé le Conseil de l'Europe à prendre ses responsabilités et à ne pas taire la situation dans ce pays.
Citant Victor Hugo, M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UDI-UC) a expliqué que la liberté de la presse et la démocratie parlementaire sont liées. Pour lui, la censure n'est que le moyen de cacher la faiblesse du pouvoir en place. Il a salué la création de la Plateforme sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes qui permet au Conseil de l'Europe de relayer les attaques faites contre les journalistes et de les condamner.
M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) s'est inquiété du fait que la montée des populismes et des monopoles médiatiques puisse remettre en cause la liberté d'expression dans certains pays. Il a cité le cas de la Moldavie où le pluralisme est particulièrement menacé. Rien n'excuse cette situation, ni les années de totalitarisme ni les conflits gelés. Ainsi, la journaliste ukrainienne victime d'un attentat à Kiev en juillet dernier n'enquêtait pas sur la Crimée mais sur des affaires de corruption, et un pays comme l'Estonie se classe aujourd'hui parmi les 20 premiers dans les classements mondiaux sur la liberté de la presse.
Au cours du débat, M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a présenté un amendement visant à supprimer toute référence à une région ou à un État où l'exercice du travail de journaliste est particulièrement risqué. Il a proposé de remplacer ces références par les mots « zones de conflit ». Cet amendement n'a pas été adopté.