IV. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION

La gouvernance de l'eau en France est caractérisée par une grande complexité : le nombre d'échelons, d'organismes et de services impliqués rendent le système kafkaïen, coûteux et dysfonctionnel.

Le schéma de la gouvernance de l'eau publié par le site de l'ONEMA est à cet égard particulièrement révélateur.

1. Une planification dont les outils sont à renforcer et à assouplir

La planification de la politique de l'eau est mise en place au travers des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), élaborés par les comités de bassin et complétés par des plans d'actions et des programmes de mesures.

Les SDAGE sont composés de deux volets :

- les objectifs à atteindre pour les masses d'eau : une grande partie de ces schémas est en réalité consacrée à expliquer pourquoi on n'atteindra pas ces objectifs ;

- le programme de mesures (PDM) qui constitue un plan d'actions, qui s'apparente à un catalogue des dispositions prévues pour atteindre les objectifs.

Les auditions menées par votre rapporteur ont mis en évidence le regret de la plupart des acteurs du monde de l'eau que les SDAGE n'établissent pas plus clairement des priorités. Les SDAGE, tels qu'ils sont rédigés, « ne font pas envie ». « Ils devraient faire vingt pages plutôt que cent », comme l'a indiqué à votre rapporteur un représentant du Commissariat général au développement durable.

La complexité de ces schémas ne permet pas aux acteurs de l'eau d'en comprendre les fondements et de définir les modalités pratiques de mise en oeuvre.

Proposition 25 : Revoir le contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux en y intégrant notamment un volet prospectif sur l'anticipation au changement climatique et en les simplifiant.

Quant aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), projets locaux de bassins versants à l'initiative des collectivités territoriales qui couvrent aujourd'hui près de la moitié du territoire, ils connaissent également certaines difficultés. Le rapport d'Anne-Marie Levraut relève ainsi que six à dix ans sont nécessaires entre l'arrêté de constitution de la commission locale de l'eau et son approbation . L'obligation de mise en compatibilité avec les nouveaux SDAGE tous les trois ans est également lourde et peu évidente, le SAGE faisant davantage figure de traduction d'une volonté politique locale que d'une déclinaison territoriale du SDAGE.

2. Une représentation au sein des instances de bassin à équilibrer

Votre rapporteur a en outre été alerté par un grand nombre d'acteurs sur leur représentation au sein des instances de bassin (comités de bassin, commissions locales de l'eau, Comité national de l'eau, conseils d'administration des agences de l'eau). Certains utilisateurs semblent en effet être sous-représentés, comme les irrigants, les jeunes agriculteurs ou les propriétaires ruraux.

Il est pourtant essentiel que les représentants de tous les secteurs puissent être présents de manière plus équilibrée au sein de ces instances, qui décident des grandes orientations de la politique française de l'eau, ayant un impact conséquent sur l'ensemble des activités économiques du bassin.

Proposition 26 : Rééquilibrer la composition des instances de bassin sur la base d'une répartition prévoyant un tiers de consommateurs et associations, un tiers de collectivités et un tiers d'utilisateurs industriels et agricoles.

Proposition 27 : Reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux.

3. Une compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI) à redéfinir

Alors qu'aujourd'hui, l'entretien et la restauration des cours d'eau et des ouvrages de protection contre les crues incombent à tous les niveaux de collectivités, les régions, les départements, ou encore les communes et leurs intercommunalités, qui peuvent s'en saisir mais qui n'en sont pas spécifiquement responsables, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique a créé une compétence ciblée et obligatoire relative à la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, qu'elle a attribuée aux communes et à leurs groupements .

Votre rapporteur estime que le niveau intercommunal n'est pas le plus adapté pour cette compétence dans la mesure où il ne correspond pas au bassin versant. Au-delà de cette complexité, il considère en outre que cette compétence risque de ne pas être mise en oeuvre, faute de moyens à disposition des intercommunalités pour la financer.

Les récentes crues de 2016 ont illustré, selon votre rapporteur, l'importance d'une gestion de la prévention des inondations au niveau national, régional ou par bassin, plutôt qu'au niveau intercommunal . En outre, il déplore que la lourdeur et la complexité des normes applicables à l'entretien des fossés et des cours d'eau conduise à un immobilisme qui constitue un risque supplémentaire en cas d'inondation.

Proposition 28 : Attribuer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) à l'État, aux régions ou aux agences de l'eau.

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