II. LES MAISONS D'ASSISTANTS MATERNELS CONSTITUENT UNE SOLUTION SIMPLE ET INNOVANTE DONT IL CONVIENT D'ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT
A. LES MAM BÉNÉFICIENT D'UN CADRE JURIDIQUE LÉGER ET SOUPLE
1. Nées d'une expérimentation locale, les MAM ont obtenu un cadre juridique avec la loi du 9 juin 2010
La naissance des MAM est issue d'une initiative locale et a connu plusieurs étapes.
À partir de 2004, des assistantes maternelles du département de la Mayenne, regroupées au sein d'une association (Assmat 53), ont exprimé le souhait de créer des « maisons » afin d'exercer en équipe leur profession. Or, en précisant que l'assistant maternel exerce à domicile la rédaction de l'article L. 421-1 du CASF faisait obstacle à la création de tels regroupements.
En 2005, à la demande de M. Jean Arthuis, alors président du conseil général et sénateur de la Mayenne, une autorisation d'expérimentation a été accordée pour quatre ans par le ministre délégué à la sécurité sociale et à la famille. Cette autorisation constitue la première base légale d'existence des maisons d'assistants maternels (MAM) 27 ( * ) .
Par la suite, l'article 108 (II) de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009 28 ( * ) a étendu cette possibilité à l'ensemble du territoire, tout en la conditionnant à la signature par l'assistant maternel d'une convention avec le président du conseil général et la caisse d'allocations familiales. Cette obligation de conventionnement, qui répondait à une demande exprimée notamment par la Cnaf et qui a été précisée par la suite avec l'élaboration d'une convention-type est apparue comme excessivement contraignante aux yeux des défenseurs du modèle de la maison d'assistants maternels tel qu'il s'était développé en Mayenne.
Enfin, la loi du 9 juin 2010 29 ( * ) , issue d'une proposition de loi de M. Arthuis, a fixé le cadre actuel et abrogé en conséquence le II de l'article 108 de la LFSS pour 2009.
2. Pour l'essentiel, les assistants maternels exerçant en MAM sont soumis aux mêmes règles que les assistants maternels exerçant à leur domicile
L'exercice en MAM est une forme particulière de l'exercice de la profession d'assistant maternel. Par conséquent, l'ensemble des dispositions législatives et règlementaires et des stipulations conventionnelles relatives aux assistants maternels exerçant à domicile ainsi qu'aux particuliers qui les emploient demeurent applicables.
Il en va ainsi des règles de droit du travail comme des règles relatives à la rémunération ou au régime d'imposition. De même, les particuliers employeurs d'un assistant maternel exerçant en MAM bénéficient du CMG et du crédit d'impôt pour frais de garde dans les mêmes conditions que ceux qui emploient un assistant maternel exerçant à son domicile.
Comme pour l'exercice à domicile, les assistants maternels exerçant en MAM doivent être agréés par le président du conseil départemental. Les personnes déjà agréées pour l'exercice à domicile doivent demander la modification de leur agrément. Comme pour les demandes d'agrément ou de modification d'agrément relatives à l'exercice à domicile, le silence gardé par le président du conseil départemental au terme d'un délai de trois mois vaut acceptation.
Le référentiel fixant les critères d'agrément des assistants maternels par le président du conseil départemental vaut tant pour les demandes relatives à l'exercice à domicile que pour l'exercice en MAM. Le décret du 15 mars 2012 30 ( * ) a toutefois complété ce référentiel afin de prendre en compte la capacité à travailler en équipe et à exercer son activité dans le cadre de la délégation d'accueil et la compatibilité de l'exercice en MAM et à domicile en cas de cumul. Par ailleurs, il est précisé dans ce référentiel que le local doit respecter les règles relatives aux établissements recevant du public classés dans le type R de la quatrième catégorie ou dans la cinquième catégorie selon la situation du local et le nombre de niveaux.
Règles de sécurité et d'accessibilité applicables aux MAM Dès l'adoption de la loi de 2010 créant les maisons d'assistants maternels, la question de leur assujettissement aux règles de sécurité et d'accessibilité applicables aux établissements recevant du public (ERP) est apparue problématique. En effet, les exigences de droit commun ont pu apparaître manifestement disproportionnées à la situation des MAM. La clarification des règles applicables et, parfois, leur assouplissement, a permis de lever des obstacles à la création de MAM. Conformément au règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, les MAM sont des ERP de type R, comme les écoles maternelles et les crèches notamment. Compte tenu du faible nombre de personnes accueillies, elles appartiennent à la 5 e catégorie, et bénéficient des exigences les plus légères. Toutefois, les MAM comportant deux niveaux ou plus, ce qui est souvent le cas de maisons d'habitation en milieu rural ou périurbain, entraient initialement dans le champ des établissements de 4 e catégorie, et étaient assujetties à des normes prévues pour des bâtiments accueillant jusqu'à 300 personnes 31 ( * ) . Ces normes étaient manifestement disproportionnées pour des structures recevant au maximum 20 personnes (16 enfants et 4 assistants maternels), et il était souvent financièrement et matériellement impossible de mettre aux normes les locaux en question. Face à la mobilisation du secteur associatif, l'arrêté du 26 octobre 2011 32 ( * ) a introduit une disposition spécifique dans le règlement de sécurité permettant aux MAM comportant un étage en plus du rez-de-chaussée d'être classées en cinquième catégorie. Les MAM comportant plusieurs étages, ou situées au deuxième étage au moins d'un bâtiment, ainsi que les MAM permettant un hébergement de nuit relèvent elles de la quatrième catégorie. Enfin, comme pour tous les établissements d'accueil de jeunes enfants, les MAM ne peuvent être situées en sous-sol. La question de l'accessibilité aux personnes handicapées s'est également posée. Le décret du 18 mai 2006 33 ( * ) , pris en application de la loi du 11 février 2005 pour la participation et la citoyenneté des personnes handicapées 34 ( * ) , a posé le principe de l'accessibilité aux personnes handicapées de tous les ERP (art. R. 111-19-1 du code de la construction et de l'habitation). Compte tenu du public accueilli au sein des MAM, l'exigence d'accessibilité semblait excessive. Sans prévoir de dispositions spécifiques aux MAM, le décret du 5 novembre 2014 35 ( * ) a assoupli les règles d'accessibilité applicables aux ERP créés dans un cadre bâti existant. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-19-8, dans sa rédaction issue du décret du 5 novembre 2014, que dans les MAM classées en ERP de cinquième catégorie, l'accessibilité peut être limitée à une pièce d'accueil des parents. |
3. Les dispositions spécifiques aux MAM sont peu nombreuses
La loi du 9 juin 2010 a créé un nouveau chapitre au sein du code de l'action sociale et des familles, relatif aux maisons d'assistants maternels 36 ( * ) . Ce chapitre contient plusieurs dispositions spécifiques applicables à l'exercice en MAM.
a) Le nombre d'assistants maternels
L'article L. 424-1 introduit la notion de maisons d'assistants maternels, par dérogation à l'article L. 421-1 qui définit l'assistant maternel comme exerçant à son domicile. Il limite le nombre d'assistants maternels au sein d'une même MAM à quatre, sans préciser si ce nombre doit être apprécié simultanément ou non.
Article L. 424-1 du code de l'action sociale et des familles « Par dérogation à l'article L. 421-1, l'assistant maternel peut accueillir des mineurs au sein d'une maison d'assistants maternels. « Le nombre d'assistants maternels pouvant exercer dans une même maison ne peut excéder quatre . » |
Cette disposition peut être interprétée de différentes manières. En effet, certains départements autorisent jusqu'à cinq ou six assistants maternels à se relayer, soit afin de pallier à une absence ponctuelle (maladie, congé maternité...), soit de manière plus pérenne, permettant ainsi une forme de travail à temps partiel.
D'autres départements ont une lecture stricte de l'article L. 424-1, et refusent d'autoriser plus de quatre assistants maternels par MAM.
b) La délégation d'accueil
La principale spécificité de l'exercice en MAM, prévue par les articles L. 424-2 à L. 424-4, consiste en la possibilité pour un assistant maternel de déléguer l'accueil de l'enfant, avec l'accord de ses parents. Cette délégation est mentionnée au contrat de travail. Deux règles encadrent cette possibilité.
D'une part, la possibilité de délégation ne peut conduire à ce qu'un assistant maternel accueille, à un moment donné, un nombre d'enfants supérieur à celui prévu par son agrément. L'organisation de la MAM doit donc conduire à ce que le nombre d'enfants présents ne dépasse jamais la capacité résultant des agréments des assistants maternels présents. Dans l'hypothèse où chaque assistant maternel est agréé pour quatre enfants, le ratio adulte/enfant ne doit ainsi jamais dépasser un pour quatre.
D'autre part, il est précisé que cette délégation ne fait pas l'objet d'une rémunération et ne peut conduire à ce qu'un assistant maternel n'assure pas le nombre d'heures fixé par son contrat de travail. Les assistants maternels doivent donc en principe s'organiser de manière à ce que les heures effectuées en délégation s'annulent en fin de mois. Dans les faits, vos rapporteurs ont pu constater que cette compensation stricte n'est pas nécessairement mise en oeuvre et que l'organisation de la MAM résulte davantage de la bonne entente des assistants maternels.
Enfin, l'article L. 424-4 prévoit une obligation d'assurance pour les dommages que les enfants pourraient commettre ou dont ils pourraient être victimes et survenant y compris lorsque l'accueil de l'enfant est délégué.
Dans les faits, chacun des assistants maternels dispose généralement d'une délégation d'accueil pour chacun des enfants accueillis au sein de la MAM. Cette délégation permet d'organiser une plus large amplitude horaire, afin d'accueillir les enfants qui arrivent tôt le matin ou partent tard en fin de journée. Elle permet aussi d'organiser des activités ou des sorties en regroupant les enfants selon leur âge.
Parfois, la délégation d'accueil est utilisée pour dégager du temps afin qu'un des assistants maternels puisse suivre une formation, voire prenne du repos. Toutefois, ces délégations sur périodes plus longues sont limitées par l'obligation qu'a chaque assistant maternel d'effectuer chaque mois le nombre d'heures prévu par son contrat.
Exemples d'utilisation de la délégation d'accueil Au sein d'une MAM, trois assistantes maternelles (Aurélie, Barbara et Christine) disposent chacune d'un agrément pour 4 enfants. Elles ont chacune quatre contrats, la MAM accueille donc 12 enfants. Exemple 1 : Élargissement des amplitudes horaires Aurélie ouvre la MAM à 7 h, Barbara arrive avant l'arrivée du cinquième enfant à 8 h et Christine arrive à 9 h, avant l'arrivée du neuvième enfant. Le soir, Aurélie quitte la MAM à 16 h, en même temps que 4 enfants, Barbara à 17 h alors qu'il ne reste plus que 4 enfants, et Christine ferme la MAM à 18 h. Un roulement est organisé sur une base hebdomadaire. Exemple 2 : Sorties par groupe d'âge L'après-midi, Aurélie se rend au square avec les 4 enfants les plus âgés, tandis que Barbara et Christine restent à la MAM avec les 8 enfants plus jeunes. Exemple 3 : Départ en formation Chaque mercredi après-midi pendant un mois Barbara profite du fait que 3 enfants restent chez leurs parents pour suivre une formation de 4h. Le service de PMI a accordé une dérogation afin qu'Aurélie et Christine puissent exceptionnellement s'occuper de 9 enfants au lieu de 8. |
4. Ce cadre juridique souple a permis le développement d'une pluralité de modèles
a) Une légèreté recherchée
La loi du 9 juin 2010 a donc créé un cadre particulièrement léger, correspondant à la volonté du législateur de ne pas donner lieu à des lourdeurs administratives et de laisser aux acteurs de terrain, qui sont à l'initiative du modèle des MAM, la souplesse nécessaire. Dans son rapport d'information sur l'accueil du jeune enfant en milieu rural, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat en juillet 2009 37 ( * ) , Jean-Marc Juilhard notait que les MAM, qualifiées de « solutions d'accueil innovantes » ne pourront se développer « qu'à condition de ne pas faire l'objet de normes trop nombreuses et trop contraignantes ».
Comparaison MAM-micro-crèches De par le nombre d'enfants accueillis, les maisons d'assistants maternels peuvent être comparées aux micro-crèches, qui sont des établissements d'accueil du jeune enfant bénéficiant d'un cadre juridique assoupli. Toutefois, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, les MAM bénéficient d'un cadre juridique beaucoup plus souple. |
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Micro-crèches |
Maisons d'assistants maternels |
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Statut juridique |
EAJE |
Accueil individuel |
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Création |
Autorisation ou avis
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Agrément individuel
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Nombre de places |
10 maximum
(surnombre ponctuel
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En fonction
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Encadrement administratif |
Un référent technique ou un directeur |
Aucun |
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Fonctionnement |
Élaboration
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Pas d'obligation |
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Qualification
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- Diplôme de niveau V (auxiliaire de puériculture, CAP petite enfance) avec deux ans d'expérience professionnelle - Assistants maternels agréés avec 5 ans d'expérience professionnelle |
Assistant maternels agréés |
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Un professionnel pour 5 enfants
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Le nombre d'enfant
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Tarification |
Prestation de service unique |
Tarification libre
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Salaire fixé de gré à gré.
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La question de la délégation d'accueil La question de la délégation d'accueil a fait l'objet de débats avant l'adoption de la loi du 9 juin 2010. Aujourd'hui encore, certains services départementaux de PMI encadrent son utilisation par des exigences qui vont au-delà des règles légales, en requérant par exemple que chaque enfant soit accueilli le matin par son assistant maternel attitré, rendant ainsi impossible l'organisation d'un relai visant à élargir à la marge l'amplitude horaire d'ouverture de la MAM. La MAM demeure un accueil individuel, et il semble important que l'enfant puisse développer une relation privilégiée avec l'assistant maternel lié par contrat avec ses parents. Toutefois, l'encadrement actuellement prévu semble suffisant à vos rapporteurs. Premièrement, l'accord des parents est nécessaire puisque la possibilité de déléguer doit être inscrite au contrat. Deuxièmement, les assistants maternels ont une obligation de s'assurer « pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d'une période où l'accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes » 38 ( * ) Enfin, le risque de dérives semble limité par la double exigence du nombre d'enfant par assistant maternel et du nombre d'heures mensuelles. En effet, afin de permettre la viabilité financière de la MAM il est courant que le nombre d'enfants accueillis soit proche de la capacité d'accueil résultant des agréments des assistants maternels. Les marges de manoeuvre sont donc limitées. |
b) La diversité des MAM existantes
Le cadre juridique peu contraignant des MAM a permis le développement de modèles divers, comme vos rapporteurs ont pu le constater au cours de leurs déplacements. La création d'une MAM peut résulter de la volonté de plusieurs personnes de monter un projet commun et de travailler ensemble, sans nécessairement avoir une expérience préalable en tant qu'assistants maternels. Ailleurs, une collectivité locale, voire une entreprise suscite la création d'une MAM, fournit un local et met en relation les parents-employeurs et les assistants maternels. La MAM apparaît dans ce cas comme une alternative à la création d'une micro-crèche, plus coûteuse et plus lourde du point de vue du cadre juridique et de l'encadrement nécessaire.
Entre les MAM issues d'initiatives totalement privées, créées sans aucun soutien des collectivités, voire à leur insu, et celles dont la naissance résulte de l'initiative d'une commune, il existe un large spectre de modèles.
Il ne semble pas qu'une telle diversité ait été envisagée dès le départ par les promoteurs des MAM. Toutefois, vos rapporteurs estiment que cette pluralité, qui est permise par la souplesse du cadre juridique, permet de répondre aux besoins locaux des territoires et aux aspirations des assistants maternels porteurs de projets.
* 27 Des regroupements d'assistants maternels ont pu exister avant 2005, en dehors de toute base légale.
* 28 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
* 29 Loi n° 2010-625 du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
* 30 Décret n° 2012-364 du 15 mars 2012 relatif au référentiel fixant les critères d'agrément des assistants maternels.
* 31 Direction de la sécurité civile, avis de la commission centrale de sécurité, 2 décembre 2010.
* 32 Arrêté du 26 octobre 2011 portant approbation de diverses dispositions complétant et modifiant le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (petits établissements).
* 33 Décret n°2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation.
* 34 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
* 35 Décret n° 2014-1326 du 5 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public et arrêté du 8 décembre 2014 pris pour son application.
* 36 Chapitre IV du titre II du livre IV du code de l'action sociale et des familles, articles L. 424-1 à L. 424-7.
* 37 Accueil des jeunes enfants an milieu rural : développer une offre innovante, rapport d'information n° 545 (2008-2009) de Jean-Marc Juilhard, fait au nom de la commission des affaires sociales, 8 juillet 2009.
* 38 Article L. 424-4 du CASF. Si la question de la responsabilité pénale a pu être soulevée aucun cas problématique n'a encore, à la connaissance de vos rapporteurs, dû être tranché par le juge, signe que les MAM sont un gage de sécurité.