PREMIÈRE PARTIE : PARIS SACLAY, UN CLUSTER SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DANS LA COMPÉTITION INTERNATIONALE
I. LES CLUSTERS, SOURCES DE CROISSANCE, D'ATTRACTIVITÉ ET D'EMPLOI DANS L'ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE
A. LES CLUSTERS, DES CATALYSEURS D'INNOVATIONS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES QUI REPOSENT SUR LE PRINCIPE DE LA « FERTILISATION CROISÉE »
Les clusters , sources de recherche et d'innovation , sont devenus ces dernières années un axe majeur des nouvelles politiques industrielles des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
1. La recherche et l'innovation, clés essentielles de la croissance potentielle d'un grand pays industrialisé comme la France
Selon les modèles de la « croissance endogène » développés à partir de 1986 par des économistes tels que Paul Romer 1 ( * ) , Robert E. Lucas et Robert Barro, les pays industrialisés qui ont terminé leur phase de croissance de rattrapage sur les économies les plus avancées (« Trente glorieuses » en France, croissance actuelle de la Chine, même si elle tend à s'essouffler depuis un an) et sont proches de la frontière technologique doivent obligatoirement innover pour contrebalancer la loi du rendement décroissant du capital 2 ( * ) .
En d'autres termes, seul le progrès technique , stimulé par les externalités positives pour l'ensemble de l'économie engendrées par les travaux en matière de recherche et d'innovation des acteurs publics et privés , permet d'entretenir une croissance potentielle durable .
C'est pourquoi l'État se doit de mener des politiques actives en faveur de la recherche , publique ( via le financement des universités et des organismes de recherche, la construction de grands équipements, etc.) comme privée (grâce à des dispositifs tels que le crédit impôt recherche), et de l'innovation (fiscalité incitative en faveur des jeunes entreprises innovantes par exemple).
L'un des principaux outils de ce nouveau volet majeur des politiques économiques des pays industrialisés , mis en oeuvre y compris par les pays les moins soucieux d'interventionnisme économique, est la création , parfois ex nihilo , et le développement de clusters qui constituent un atout majeur pour l'attractivité , le dynamisme économique et la création d'emplois qualifiés d'une métropole et d'un pays.
2. Qu'est-ce qu'un cluster ?
Les clusters ont pour vocation de permettre la valorisation économique et commerciale des efforts de recherche publique et privée engagés sur un territoire grâce à l'action conjointe d'une multiplicité d'acteurs : organismes de recherche publique, universités, investisseurs, grands groupes industriels donneurs d'ordres, petites et moyennes entreprises (PME), start-up , etc .
En effet, ainsi qu'il a été rappelé supra , dans l'économie entrepreneuriale de la connaissance , la croissance est tirée par la recherche mais surtout par la capacité d'un écosystème d'investisseurs et de porteurs de projets à valoriser cette recherche en trouvant des applications commerciales aux avancées scientifiques et techniques .
En outre, l'innovation ouverte est désormais le modèle dominant adopté par les entreprises technologiques, ce qui confère aux clusters une pertinence supplémentaire.
Les entreprises font en effet de plus en plus souvent le constat qu'elles ne sauraient se maintenir à la pointe des technologies en se reposant uniquement sur leurs seules capacités internes : pour rester compétitives, elles doivent s'ouvrir , collaborer avec des laboratoires publics , avec des PME , des start-up et des entreprises d'autres secteurs d'activités .
Dans ce contexte, la présence sur un territoire d'une forte densité de partenaires potentiels constitue un argument fort pour s'y implanter et s'y développer. Comme dans une économie de réseau , l'arrivée d'un nouvel acteur connecté augmente la valeur du réseau pour tous ceux qui y participent déjà , et renforce son intérêt pour tous ceux qui pourraient envisager de le rejoindre.
Dès lors, la plupart des États industrialisés et de plus en plus de pays émergents ont décidé d'apporter une aide , parfois massive, à la constitution ou à la croissance de clusters situés à proximité immédiate de leurs grandes métropoles : il s'agit là d'une forme de nouvelle politique industrielle , dans la mesure où l'État ne cherche plus à constituer des grands champions internationaux dans un secteur économique donné mais à contribuer à la meilleure allocation possible des ressources via la mutualisation et la fertilisation croisée des initiatives publique et privée , source d'externalités positives pour l'ensemble de l'économie .
Parmi les notions proches de celle de cluster - qui se révèle la plus précise et la plus générale - on trouve notamment celles de pôles d'excellence , de pôles de compétitivité , de pôles scientifiques et techniques et de parcs technologiques .
* 1 Son article Increasing returns and long term growth paru dans le Journal of political economy en octobre 1986 est le premier à avoir développé un modèle de « croissance endogène » en réaction aux modèles de « croissance exogène » exposés notamment par Robert M. Solow dans son A contribution to the theory of economic growth publié dans le Quaterly journal of economics en février 1956.
* 2 Selon ces économistes, l'innovation est une activité à rendement croissant qui augmente le stock de connaissances, et le « débordement » de ces connaissances finit par être bénéfique à tous, au lieu de se limiter à la firme innovante. Les firmes sont alors interdépendantes, la « course à l'innovation » de chaque firme bénéficiant à l'ensemble des firmes et stimulant la croissance générale l'économie.