AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Dix ans après l'adoption de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, la commission des finances a décidé de confier à votre rapporteur spécial une mission de contrôle sur le programme ANTARES , en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le passage au numérique des services de secours est apparu indispensable pour permettre aux forces de sécurité et de secours d'intervenir de manière concertée et sécurisée, tout en offrant aux SDIS des services de voix et de données adaptés à leurs besoins. Dans cette perspective, le programme ANTARES vise principalement à étendre dans les zones rurales le réseau numérique de la police nationale, désormais mutualisé.
Au terme de cette mission, le bilan du programme est contrasté.
Si le taux d'adhésion à ANTARES est satisfaisant, les nombreux cas de report du début de la migration et d'allongement de la phase de déploiement témoignent des difficultés importantes rencontrées par les services utilisateurs . La persistance de « zones blanches » dans les territoires ruraux et l'extinction soudaine du fonds d'aide à l'investissement (FAI) mis en place par l'État compliquent l'achèvement de la migration et sont génératrices d'importantes inégalités entre les SDIS.
Pour les forces de secours ayant terminé leur migration, le service rendu est inférieur à celui escompté, pour un coût pourtant plus élevé.
Sur le plan opérationnel, les difficultés de fonctionnement sont nombreuses . À la suite de la migration, plus d'un SDIS sur trois a constaté une détérioration de la couverture du réseau, tandis que la qualité de la maintenance est jugée insuffisante. De façon surprenante, il existe de nombreuses situations dans lesquelles le réseau est inutilisable. L'interopérabilité entre les départements n'a pas été mise en oeuvre. Il est impossible d'utiliser des terminaux à bord de la flotte aérienne. La transmission des bilans par ANTARES est souvent refusée par les SAMU. Plus d'un SDIS sur deux n'a jamais utilisé la conférence interservices, qui devait pourtant leur permettre de communiquer avec le reste des forces de sécurité et de secours.
Sur le plan financier, la migration s'est traduite par des surcoûts non anticipés pour les SDIS, liés notamment à l'extinction du FAI et au chiffrement des communications. Au total, la migration se traduit par un surcoût minimum de 25 millions d'euros, pour une estimation initiale de 14 millions d'euros.
Il est indéniable que l'État a pris conscience de ces difficultés . À titre d'exemple, d'importants travaux ont été engagés à partir de 2012 afin d'améliorer la qualité du réseau, dans un contexte budgétaire contraint.
Afin de maximiser l'intérêt opérationnel d'ANTARES, il est aujourd'hui indispensable non seulement d'achever les efforts en cours pour optimiser la couverture et les batteries, mais également d'inciter les services utilisateurs à exploiter au mieux les possibilités offertes par ANTARES et de rénover la gouvernance du réseau.
Sur le plan financier, les pistes d'économies doivent être concrétisées. Ainsi, la contribution des services de secours, qui correspond au tiers des frais de fonctionnement du réseau, pourrait être réduite en contrepartie de leur participation à la maintenance du réseau. Il est par ailleurs nécessaire de systématiser les démarches de mutualisation et d'alléger les contraintes pesant sur les SDIS.
Au-delà de son fonctionnement, c'est également l'avenir du programme qui suscite des inquiétudes.
À court-terme, la modernisation du réseau est impérative, compte tenu de l'obsolescence programmée de certains de ses éléments . Ce chantier, dont le coût global est estimé entre 150 et 200 millions d'euros, bouleverse l'économie initiale du projet ANTARES et augmente sa durée de six ans. De façon préoccupante, les services utilisateurs rencontrés à l'occasion de cette mission de contrôle ignorent pour la plupart qu'ils pourraient prochainement être mis à contribution pour financer cette modernisation, alors même que les départements sont déjà dans une situation budgétaire particulièrement difficile.
À moyen terme, le fossé grandissant qui s'est creusé entre les réseaux mobiles commerciaux et le réseau régalien des forces de secours doit être réduit. Un sapeur-pompier ne peut aujourd'hui transmettre des photos - et encore moins des vidéos - depuis un terminal ANTARES, alors même que son smartphone lui offre depuis bien longtemps cette possibilité.
Si l'annonce d'un saut technologique vers les réseaux de quatrième génération (« 4G ») apporte une réponse à ce défi, il ne devrait intervenir qu'à l'horizon 2030.
Compte tenu de la situation des finances publiques , la migration ne pourra pas se faire dans les mêmes conditions financières pour les SDIS . Une solution pourrait consister à associer certains opérateurs d'importance vitale à ce nouveau réseau, afin d'en réduire le coût pour l'État et les collectivités territoriales. Toutefois, l'horizon de la migration semble difficilement compatible avec les calendriers annoncés par ces grands opérateurs privés.
Aussi, votre rapporteur spécial émet quinze recommandations afin de remédier à ces difficultés et de répondre aux inquiétudes actuelles.