EXAMEN PAR LA COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 15 octobre 2015 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par MM. Jean Bizet et  Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . -Ce rapport est technique mais fondamental. Vous pouvez relayer ces informations dans vos départements. L'accent mis sur les PME et la nomination d'Edmund Stoiber, ancien Ministre-Président de la Bavière, comme président du groupe de haut niveau sur les charges administratives vont dans le bon sens, car ils généreront les économies que réclament les industriels. Mais cela prendra du temps.

M. André Gattolin . - Je félicite nos deux rapporteurs pour cette initiative. Dans le point 12, vous proposez que le Sénat « juge positivement le projet de la Commission européenne de rendre plus transparente la procédure entourant l'adoption d'actes au titre de ses compétences d'exécution ». Je m'interroge sur l'étendue de cette transparence. Selon le Conseil d'État, les multiples conventions ratifiées à la sauvette en commission et en séance ont une forte incidence jurisprudentielle sur le droit national. On peut alors s'interroger sur l'impact de l'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne (CETA) et du traité transatlantique (TTIP), et demain sur les négociations avec la Chine - notamment si elle acquiert le statut d'économie marchande à l'Organisation mondiale du commerce. La Commission européenne peut-elle négocier dans une telle opacité ? On ne sait jamais si ces accords sont simples ou mixtes. Les négociations de grands traités doivent être plus transparentes, afin que la Commission n'outrepasse pas son mandat et qu'il n'y ait aucun accord mixte sans accord des États-membres. Les mandats et les marges de négociation doivent être plus limités afin d'éviter des rapports de forces discutables.

La Commission souhaite réaliser des études d'impact sur les transpositions nationales, mais il faudrait déjà qu'elle réalise des études d'impact nationales ! Je l'ai demandé pour le TTIP à Mme Malmström. Le TTIP ne donne que des évolutions globales de croissance et d'emploi. Comment rendre des comptes si en amont nous n'avons aucune visibilité sur son impact préalable dans chaque pays ? C'est un peu pervers.

La Commission souhaite améliorer les processus de consultation. On marche sur la tête : il n'y a aucune méthodologie des consultations en ligne, qui sont tantôt ciblées, tantôt non. Je dois être un des rares parlementaires à y participer, or ma réponse est noyée dans le flot. La représentativité doit être proche de zéro. Ainsi, sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), un million de participants ont répondu ; et la Commission écrit un rapport de 170 pages pour dire que l'échantillon n'était pas représentatif ! Pour la consultation de la feuille de route sur l'Arctique, il y a eu 72 réponses dont 12 extra-européennes, et la Commission en tire des enseignements en éditant des graphiques ! Qui plus est, la consultation n'est souvent pas fondée sur des recommandations du Parlement ou du Conseil. Le plus souvent, c'est une Direction qui donne sa propre orientation, sélectionne les questions et les réponses qu'elle souhaite. Dans le cas de l'Arctique, elle n'a pas tenu compte des neuf textes qui avaient été avalisés par le Parlement européen et la Commission ! Je constate également que l'Eurobaromètre est utilisé de plus en plus rarement et de façon assez délétère. Il faudrait davantage de surveillance.

M. Alain Delcamp, ancien secrétaire général de la Présidence du Sénat, avait dénoncé dans un rapport cette architecture baroque et plaidé pour que le trilogue devienne un quadrilogue intégrant les parlements nationaux. C'est une piste à suivre. Nous devons mieux nous coordonner avec le Parlement européen, notamment en ce qui concerne le carton vert.

M. Jean Bizet , président . - Les députés européens sont un peu crispés sur ce point...

M. André Gattolin . - Il serait tactiquement intéressant de les associer à ces initiatives parlementaires, pour ne pas déshabiller totalement le Parlement européen.

M. Jean Bizet , président . - Nous avons fait oeuvre de coproduction législative dans le dossier agricole avec le député européen Michel Dantin ; nous pourrions davantage travailler dans cet esprit, afin d'éviter les crispations de part et d'autre.

M. Jean-Paul Emorine . - On peut légitimement demander que les parlements nationaux aient plus de poids. Mais nous n'aurons les études d'impact du TTIP qu'a posteriori. Nos informations proviennent des organisations professionnelles. À propos de l'impact des différentes normes adoptées sur une politique donnée, Michel Dantin nous avait transmis les conclusions du Conseil économique et social européen sur les adaptations de la PAC. Elles sont si nombreuses que la PAC en perd son caractère commun.

M. Jean Bizet , président. - Oui, elle se détricote.

M. Jean-Paul Emorine . - La France a fait du recouplage pour faire plaisir à ses agriculteurs - que je connais bien -, mais ce n'est pas vraiment l'esprit de la PAC qui doit reposer sur des bases communes. Il faut trouver une ligne d'équilibre avec les institutions européennes. Oui à des initiatives, mais des études d'impact doivent être réalisées en amont.

M. Jean Bizet , président . - En commission du développement durable, j'ai dénoncé hier une approche de moins en moins communautaire et source de distorsions lors d'un débat sur l'importation de biotechnologies vertes. Attention à ne pas renationaliser des politiques qui ont été des ciments de la construction européenne.

M. Jean-Paul Emorine . - Absolument. La PAC date de 1958.

M. André Gattolin . - Le point 12 de la proposition de résolution aurait pu être formulé plus fermement : il y a des marges de progrès sur la transparence, notamment quand la Commission négocie seule des traités.

M. Simon Sutour . - C'est vrai, mais ce texte constitue déjà une avancée, et nous faisons un peu pression. Vous avez raison sur le fond.

M. Jean Bizet , président . - Il faudra juger à long terme.

M. Simon Sutour . - La Commission Juncker fait progresser les textes, notamment celui sur la protection des données, qui devrait enfin aboutir.

M. Jean Bizet , président . - Nous avons d'ailleurs demandé à Simon Sutour d'avancer sur son rapport car nous recevrons le 25 novembre le commissaire européen chargé du marché numérique unique, M. Andrus Ansip.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne suivante, ainsi qu'un avis politique qui en reprend les termes et qui sera transmis à la Commission européenne.

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