AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Un peu plus de cinq ans après le passage de la tempête Xynthia sur le littoral atlantique 1 ( * ) le 28 février 2010, le sinistre bilan qu'elle a laissé derrière reste bien présent dans les esprits. Ce drame a révélé les lacunes de la politique de protection des populations face aux risques naturels.
Aussi brutal qu'inattendu, ce phénomène de submersion marine n'a cependant rien d'isolé. De tels phénomènes sont, selon, des études convergentes 2 ( * ) appelés à se reproduire à des intervalles de temps de plus en plus brefs. Le risque d'inondation est considéré en France comme le premier risque de catastrophes naturelles, concernant pas moins de deux communes sur trois 3 ( * ) .
À défaut de pouvoir agir directement sur les causes de ce type de phénomènes, les pouvoirs publics ont le devoir de les anticiper et de chercher à en circonvenir les conséquences.
Le Sénat a estimé qu'il était nécessaire de tirer les leçons de cette tragédie et de lancer une réflexion sur les raisons du lourd bilan de cette tempête. C'est pourquoi, dès le 25 mars 2010, votre Haute assemblée constituait une mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia , présidée par notre collègue Bruno Retailleau, tandis que notre collègue Alain Anziani en était désigné rapporteur.
Cette mobilisation rapide du Sénat s'est traduite par la publication de deux rapports d'information : un rapport d'étape, « Xynthia : les leçons d'une catastrophe » , en juin 2010, et un rapport final 4 ( * ) , « Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames », en juillet 2010.
Le rapport final a dressé un constat sans appel : le drame aurait pu être évité . La mission d'information a ainsi mis en lumière d'importantes carences , à tous les niveaux, en termes de culture du risque et d'intégration des politiques. Elle a formulé en conséquence 92 propositions relatives à la sécurité civile, la prévention des risques naturels, l'occupation des sols, l'urbanisme et l'indemnisation des victimes .
Insistant sur la nécessité d'une approche globale permettant une meilleure coordination des instruments et des acteurs concernés , la mission s'est prononcée pour une consolidation de la « chaîne de gestion du risque 5 ( * ) », selon le triptyque prévision/prévention/protection . Elle a également préconisé que cette meilleure articulation s'appuie sur la mise en oeuvre de la directive européenne relative aux risques d'inondation 6 ( * ) qui retient une telle approche intégrée pour l'ensemble des risques littoraux.
Le rapport d'information a également insisté sur l'impérieuse nécessité d'une diffusion plus large et plus profonde d'une « culture du risque » auprès de l'ensemble des acteurs intéressés : État, administrations, élus et citoyens. Chaque acteur doit être appelé à prendre ses responsabilités et à exercer ses compétences. L'État , garant de la sécurité des personnes et des biens, doit assumer ses fonctions de planification et de contrôle. Les collectivités territoriales, de leur côté, doivent appliquer le cadre normatif en tenant compte des circonstances locales.
Concrétisant les recommandations de la mission, deux propositions de loi sénatoriales 7 ( * ) , au contenu identique visant à améliorer la gestion du risque de submersion marine, ont été déposées en décembre 2010. Ces mesures adoptées par le Sénat et transmises à l'Assemblée nationale, devaient s'inscrire dans le prolongement de la loi portant engagement national pour l'environnement 8 ( * ) de 2010 modifiant le code de l'environnement, pour garantir la pleine intégration de la submersion marine au sein du risque d'inondation.
La tempête Xynthia a également trouvé une traduction sur le plan judiciaire. La décision rendue le 12 décembre 2014 par le Tribunal de grande instance (TGI) des Sables d'Olonne, et actuellement en appel, a en effet constaté des dysfonctionnements dans la gestion du risque tant au niveau des collectivités que des services de l'État.
Immédiatement après le passage de la tempête, les services de l'État ont pris en urgence des mesures garantissant la sécurité des personnes dans les zones inondables, avant de mettre en place un Plan submersions rapides (PSR) en 2011, prévoyant 80 actions à conduire d'ici 2016. Le rapport d'inspection de mars 2014 portant sur l'évaluation à mi-parcours du PSR et réalisé conjointement par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection générale des finances et l'Inspection de la défense et de la sécurité civile, donne d'ailleurs des indications quant aux suites à donner aux actions de l'État .
Les investigations menées depuis le 28 février 2010 montrent globalement que notre politique de prévention des inondations, centrée sur les risques de crues soudaines, n'est que partiellement adaptée aux risques de submersion rapide et de rupture de digues, et qu'elle mérite des ajustements .
C'est dans cette perspective que votre délégation a souhaité se saisir de cette question afin que les collectivités territoriales bénéficient d'un cadre clair et sécurisé dans ce domaine. Pour cela, elle a choisi d'examiner et d'évaluer l'action de l'État et des collectivités territoriales menée depuis la tempête afin de vérifier si les pouvoirs publics nationaux et locaux ont pris toute la mesure des actions à mener pour éviter de nouveaux drames.
À l'issue de leurs auditions, vos rapporteurs ont acquis la ferme conviction que tous les acteurs de la chaîne du risque sont désormais nettement plus mobilisés .
Si le drame qui a résulté de la tempête Xynthia était dû, pour reprendre les termes de notre collègue Bruno Retailleau, à « un dysfonctionnement de l'ensemble de la chaîne du risque : la prévision, la prévention et la protection ayant fait défaut », il est aujourd'hui possible d'affirmer que « cinq ans après, le travail collectif entamé depui, a permis la mise en place d'une véritable stratégie nationale de prévention des risques d'inondation dans notre pays 9 ( * ) ».
En dépit d'une amélioration du fonctionnement de la chaîne du risque, votre délégation constate que celle-ci reste néanmoins perfectible afin de sécuriser les élus locaux , réduire la vulnérabilité des populations , et ancrer définitivement la culture du risque dans nos territoires .
* 1 D'après la mission d'expertise diligentée par le Gouvernement pour l'évaluation des dommages à prendre en compte pour mobiliser le Fonds de Solidarité de l'Union européenne par la France, plus de 70 % des dommages subis sur l'ensemble du territoire national ont été constatés en Charente-Maritime et en Vendée.
* 2 Établissant un bilan des catastrophes naturelles connues depuis les années 1950, des chercheurs de l'université catholique de Louvain ont ainsi constaté que les phénomènes climatiques extrêmes ont plus que doublé ces deux dernières décennies.
* 3 Selon l'Institut français de l'environnement. On pense notamment aux inondations survenues dans le département de la Somme en 1991.
* 4 Rapport d'information n° 647, « Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames », tomes I et II, 2009-2010.
* 5 Rapport d'information n° 647, « Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames », 2009-2010, tome I, p. 36.
* 6 Directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation.
* 7 Proposition de loi n° 172 de Bruno Retailleau et la proposition de loi n° 173 d'Alain Anziani.
* 8 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II ».
* 9 Patricia Blanc, directrice générale de la Prévention des Risques (DGPR), au ministère de l'Environnement, lors de son audition devant votre délégation.