CONCLUSION SUR LA TROISIÈME PARTIE
Il y a une passion en Europe pour le Groenland et les Inuit. Ce peuple capable de survivre dans des conditions extrêmes a fasciné plusieurs générations d'Européens. Aujourd'hui encore, les paysages polaires attirent toujours plus de touristes européens - certes assez aisés pour parvenir jusque-là. Mais existe-t-il une passion groenlandaise pour l'Europe ?
Déboussolés par la mondialisation, peinant à se développer et soucieux de préserver leur culture, les Inuit du Groenland cherchent avant tout à s'affirmer comme une nation. Et cette affirmation passe, pour l'instant, par un rejet de toute nouvelle tutelle ou ce qui pourrait y ressembler.
Ce sentiment ne doit pas faire oublier que la société groenlandaise bénéficie des structures et d'un certain nombre d'avancées sociales du modèle danois. Il ne doit pas faire oublier qu'un certain nombre de valeurs européennes sont aussi celles du Groenland. La formation des étudiants groenlandais, futures élites du territoire, sera de ce point de vue déterminante.
Des liens plus grands sont aussi de l'intérêt de l'Union européenne. Celle-ci peine encore à s'affirmer sur la scène internationale. Si elle dispose d'une politique à l'égard de son versant est - dont la crise ukrainienne a révélé certaines limites - et d'une politique à destination de ses voisins au sud de la Méditerranée, elle n'a pas encore développé de stratégie intégrée pour la région située au nord du continent européen. Les liens entretenus avec le Groenland pourraient s'avérer déterminants pour une plus grande affirmation de l'Union européenne en Arctique et dans le monde.
En outre, nos partenaires américains, États-Unis et Canada, sont présents dans la région arctique. Une nouvelle ambition européenne pourrait s'inscrire dans le cadre de la coopération qui nous lie à eux et pourrait même renforcer et rééquilibrer la relation transatlantique.
Il ne s'agit pas uniquement d'intérêts stratégiques et économiques, mais aussi d'une question de valeurs et de message lancé au monde. À titre d'exemple, qui fait plus aujourd'hui dans le monde pour protéger l'environnement que l'Union européenne ? Ce ne sont ni les États-Unis, ni le Canada, ni la Russie, ni la Chine. L'Europe peut montrer au Groenland qu'elle est la mieux à même de l'aider à préserver un environnement unique.
Sur ce dernier point, la France a une responsabilité particulière, puisqu'elle accueillera en 2015 une conférence sur le climat qui pourrait s'avérer décisive pour l'avenir de la planète. Une des clés de sa réussite est l'association des peuples les plus frappés par le réchauffement climatique au processus. Les Inuit du Groenland méritent à ce titre une attention spéciale.
En outre, de par sa relation historique avec le Groenland, et de par l'évolution de ses relations avec ses propres territoires d'outre-mer, la France a un rôle particulier à jouer. Elle se doit non seulement d'être une force de proposition dans l'élaboration d'une politique arctique européenne, mais encore d'être un relais des aspirations singulières des Inuit du Groenland.
L'adoption prochaine d'une feuille de route pour l'arctique par la diplomatie française sera un élément déterminant et, espérons-le, influent de la préparation d'une politique européenne en la matière. La commission des affaires européennes du Sénat, par son travail sur ces questions, doit elle aussi faire des propositions pour l'approfondissement de la politique européenne pour l'Arctique et pour le Groenland.