AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Organisée historiquement sur une base professionnelle, la protection sociale des indépendants était caractérisée, jusqu'en 2006, par la multiplicité des intervenants, selon les risques et les professions concernés.
Deux ordonnances du 8 décembre 2005, poursuivant un objectif de rationalisation et de simplification, ont procédé aux réformes suivantes :
- à compter du 1 er juillet 2006, l'unification de l'assurance maladie des professions non salariées non agricoles et des assurances vieillesse et invalidité-décès des commerçants et artisans a été opérée au sein du Régime social des indépendants (RSI), nouvellement créé ;
- à compter du 1 er janvier 2008, l'encaissement des cotisations des travailleurs indépendants a été confié au réseau des Urssaf, pour le compte du RSI dans le cadre de la mise en place de l'Interlocuteur social unique (ISU).
Cette réforme substantielle, codifiée aux articles L. 133-6 et suivants du code de la sécurité sociale, inédite dans le paysage morcelé des régimes de sécurité sociale français, aurait pu constituer un bel exemple de volontarisme en politique. Elle a été considérée par la commission des comptes de la sécurité sociale comme « l'une des plus importantes réformes de structure et de simplification pour les usagers de l'histoire de la sécurité sociale ».
A la fois précipitée et peu pilotée, elle s'est traduite par des dysfonctionnements graves décrits dans plusieurs rapports publics, la Cour des comptes ayant notamment qualifié le démarrage du nouveau régime de « catastrophe industrielle ».
Saisis de la persistance de dysfonctionnements, vos rapporteurs, désignés par la Mecss au cours de sa réunion du 4 décembre 2013, ont souhaité procéder à un état des lieux, huit ans après la création du RSI, six ans après la création de l'Interlocuteur social unique.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UN RÉGIME HÉRITÉ DE L'HISTOIRE, DONT LES PRESTATIONS SONT DÉSORMAIS ALIGNÉES, MAIS QUI CONSERVE DES SPÉCIFICITÉS FORTES
A. LA PROTECTION SOCIALE DES INDÉPENDANTS, UNE VOLONTÉ D'AUTONOMIE HISTORIQUE
1. Une construction en marge du régime général
Après l'opposition manifestée par les professions non-salariées à la loi du 22 mai 1946 sur l'assurance vieillesse, le système de protection sociale des indépendants s'est construit sur des avancées progressives.
La loi du 17 janvier 1948 instaure les régimes autonomes de vieillesse tandis que la loi du 12 juillet 1966 instaure un régime d'assurance maladie-maternité pour les travailleurs indépendants.
À compter de 1978, les travailleurs indépendants bénéficient de l'universalisation des prestations familiales.
Depuis 1995, les artisans disposent d'un régime d'indemnités journalières, étendu en 2000 aux commerçants.
2. De très nombreux acteurs
La couverture progressive des risques en fonction des différentes catégories a conduit à la multiplication des intervenants, tant pour le recouvrement, avec une pluralité de déclarations et d'appels de cotisations, que pour le versement des prestations.
Les organismes chargés du versement des prestations étaient également chargés du recouvrement des cotisations y afférentes.
Pour la maladie, les différents organismes, mutuelles et assureurs, conventionnés avec la Caisse nationale d'assurance maladie des non-salariés (Canam) assuraient le recouvrement des cotisations et la liquidation des prestations, tandis que, pour la retraite, ces missions étaient assurées par les différentes caisses de retraite professionnelles, dont la caisse autonome de compensation de l'assurance vieillesse artisanale (Cancava) pour les artisans et la caisse de compensation de l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic).
Les cotisations « famille » étaient versées aux Urssaf, ainsi que la CSG et la CRDS, les caisses d'allocations familiales étant compétentes pour la liquidation des droits.
L'architecture globale de la protection sociale était donc complexe et se traduisait par un coût de gestion élevé, y compris pour les bénéficiaires. Les multiples intervenants prenant part à la protection sociale des indépendants conduisaient ces derniers à effectuer au moins trois déclarations et à recevoir autant d'appels de cotisations.
De surcroît, ainsi que cela a été mis au jour par la réforme pour environ 100 000 cotisants, cette architecture pouvait être incomplète pour certains assurés, affiliés et acquittant leurs cotisations pour certains risques et non pour d'autres, en l'absence d'une gestion intégrée.