II. DU RECOURS À UN PPP TECHNOLOGIQUEMENT INNOVANT POUR COLLECTER L'ÉCOTAXE À UN DISPOSITIF COÛTEUX ET COMPLEXE
A. LE CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS DE LA COMMANDE PUBLIQUE
La commande publique est régie par le code des marchés publics, qui définit les procédures devant être suivies par l'État en fonction de la nature de la commande et de son montant. Pour la mise en place de l'écotaxe telle que définie en 2009, l'État avait le choix entre une procédure classique, sous maîtrise d'ouvrage publique, de régie ou de régie intéressée, une délégation de service public ou une procédure de contrat de partenariat public-privé, procédure dérogatoire au Code des Marchés publics. Dans ces diverses solutions, le périmètre concédé au secteur privé pouvait aussi être affiné selon plusieurs options (investissements seuls confiés au privé, investissements et exploitation, transfert du risque d'exploitation ou non, rémunération fixe ou liée au bénéfice, recouvrement de la taxe en régie ou délégué...).
1. La maîtrise d'ouvrage publique
La mise en place d'un système déclaratif ou l'instauration d'une vignette donnant le droit d'utiliser le réseau routier non concédé pendant une période de temps déterminée (une journée, une semaine, un mois ou un an), solution utilisée sur les autoroutes suisses, ont été écartées sur la base d'arguments généraux présentés par la DGITM : simplification des démarches pour les transporteurs, diminution du risque de fraude, moindres investissements sur le réseau, etc...
Le choix s'est donc porté sur un système impliquant une technologie évoluée, amenant rapidement à poser la question d'une éventuelle externalisation et de son étendue.
La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la DGITM ont rapidement estimé que les procédures de passation classiques (notamment la régie totale ou la régie intéressée ) impliquaient des délais de réalisation non compatibles avec les objectifs de calendrier fixés, en raison de l'organisation d'un premier appel d'offre pour la phase de conception et d'un second pour les phases de construction et de réalisation du projet et s'avéraient de surcroît inadaptées aux spécificités du projet.
La délégation de service public a aussi rapidement été écartée des réflexions, le critère de rémunération lié aux résultats d'exploitation n'ayant pas été jugé compatible avec le dispositif envisagé.
M. François Lichère, professeur de droit auditionné par votre commission le 15 janvier 2014, a exposé une opinion différente : « Pourtant, il aurait été possible de passer un marché public pour la mise en place du système puis de confier à une régie son exploitation. L'hypothèse d'une délégation de service public a été écartée au motif qu'aucune rémunération n'aurait été possible. Elle aurait pourtant pu être calculée en fonction des taxes perçues. » D'autres points de vue se sont exprimés lors des auditions qui ne convergent pas avec cette analyse.
2. Le contrat de partenariat public-privé : un cadre juridique nouveau
Les contrats de partenariat - appelés improprement partenariats public-privé (PPP), qui recouvrent en réalité une notion plus large 15 ( * ) - ont été créés par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. Il s'agit d'un type de contrat global recouvrant à la fois le financement d'un ouvrage, sa construction ou sa transformation et son entretien, son exploitation, sa maintenance et sa gestion. Ils permettent à la personne publique de conclure un seul contrat, de n'avoir qu'un seul interlocuteur sur l'ensemble de la procédure, et de transférer la maîtrise d'ouvrage et les risques inhérents à tout projet au partenaire privé. Enfin, ils autorisent un préfinancement privé et un paiement public différé sous la forme de loyers versés après la réception de l'ouvrage. Ainsi, la rémunération du co-contractant repose en principe, non sur l'usager, mais sur le contribuable. Notons que ce n'est pas le cas du dispositif d'écotaxe, puisque les recettes sont bien une taxe assise sur une catégorie d'usagers et affectée au budget de l'Afitf et des collectivités locales pour des dépenses précises, l'entretien des routes en l'occurrence.
Les contrats de partenariat représentent une dérogation au droit commun de la commande publique , en ce qu'ils autorisent également la dissociation entre maître d'oeuvre et entrepreneur.
Par ailleurs, la passation d'un contrat de partenariat peut s'accompagner d'une procédure de dialogue compétitif. Toutefois, il convient de préciser qu' une telle procédure de dialogue compétitif pouvait également être organisée dans le cadre des formules juridiques traditionnelles du code des marchés publics si l'État avait souhaité y recourir.
Le Conseil constitutionnel, par une décision du 26 juin 2003 16 ( * ) , a limité le recours aux contrats de partenariat à des projets présentant un caractère d'urgence ou de complexité . L'article 2 de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat a prévu une troisième condition : un contrat de partenariat doit présenter un bilan financier entre avantages et inconvénients plus favorable que celui d'autres contrats de la commande publique. Ces trois critères sont alternatifs et non cumulatifs.
En recourant à un contrat de partenariat, la personne publique - État ou collectivité territoriale - peut confier à une entreprise ou à un groupement d'entreprises une mission globale relative :
- au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires à un service public ;
- à la construction et à la transformation d'ouvrages ou d'équipements ;
- à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion ;
- le cas échéant, à d'autres prestations de service concourant à l'exercice par la personne publique de la mission de service public dont elle est chargée.
De manière facultative, la personne publique peut confier à un prestataire privé tout ou partie de la conception d'un projet.
* 15 Les partenariats public-privé recouvrent, outre les contrats de partenariats, les autorisations d'occupation temporaire couplées à des locations avec option d'achat (AOT-LOA), les baux emphytéotiques administratifs (BEA), les baux emphytéotiques hospitaliers (BEH), les dispositifs sectoriels destinés à répondre aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationale par les lois n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) et n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJI).
* 16 Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.