II. LES FONCTIONS DU SHD
A. LA FONCTION « ARCHIVES »
La fonction « Archives » du SHD est encadrée par le code du patrimoine qui impose une série d'obligations aux services producteurs d'archives publiques comme aux services d'archives publiques. Ceux-ci sont astreints à contrôler, collecter, classer, conserver et communiquer les archives publiques relevant de leur périmètre de compétence.
Plus spécifiquement, le code du patrimoine définit, à son article R. 212-65, les archives de la défense comme « l'ensemble des dépôts gérés par les services d'archives relevant du ministre de la défense ou dont le rattachement aux services d'archives du ministère de la défense est prévu par décret, en quelque lieu que ces dépôts soient établis ».
L'article R. 212-66 du même code précise que « les archives de la défense sont réparties :
« 1° En archives courantes constituées par les documents qui sont d'utilisation habituelle pour l'activité des services, établissements et organismes qui les ont produits ou reçus ;
« 2° En archives intermédiaires constituées par les documents qui, n'étant plus considérés comme archives courantes, ne peuvent encore, en raison de leur intérêt administratif, faire l'objet de tri et d'élimination ;
« 3° En archives définitives constituées par les documents qui ont subi les tris et éliminations définis à l'article R. 212-69 et qui sont à conserver sans limitation de durée. »
Le service historique de la défense est ainsi chargé d'assurer :
« 1° Le contrôle de la conservation des archives courantes ;
« 2° La conservation ou le contrôle de la conservation des archives intermédiaires ;
« 3° La conservation, la sélection, le classement, l'inventaire et la communication des documents conservés dans les dépôts centraux et annexes des archives ;
« 4° La conservation, la sélection, le classement, l'inventaire et la communication des archives privées qui sont acquises par le ministère ou qui lui sont remises à titre de don, de legs, de cession, de dépôt révocable ou de dation au sens de l'article 1131 et du I de l'article 1716 bis du code général des impôts 2 ( * ) . »
1. Le contrôle technique et scientifique
La mission de contrôle technique et scientifique, qui comporte une dimension de conseil aux services producteurs d'archives, connaît une montée en puissance progressive depuis 2012, mais des progrès restent à réaliser.
Cette évolution répond à plusieurs facteurs :
- la mise en place à moyen terme d'un système d'archivage des documents numériques du ministère de la défense nécessite d'anticiper et d'organiser en amont les futurs versements ;
- la réduction des effectifs rend de plus en plus difficile la réalisation interne de traitements importants des fonds d'archives. Il apparaît dès lors nécessaire de travailler auprès des services producteurs afin d'organiser au mieux la gestion des documents et des données dès leur création.
Plus ponctuellement, le renforcement de la mission de contrôle contribue à la préparation du déménagement de nombreux services du ministère vers le site de Balard. Ces services seront conduits à apurer leurs arriérés d'archives, en raison notamment de la contrainte d'espace dans les nouveaux bâtiments. Des actions de formation sont conduites et un réseau de correspondants archives se constitue. Le SHD réalise également des visites de terrain afin d'aider les services à déterminer les travaux préalables de tri et, sur autorisation, d'élimination à entreprendre avant le déménagement.
Les éliminations réalisées par les services producteurs allègent le coût de transport ainsi que la charge de travail du SHD, qui devraient sinon stocker des volumes importants d'archives inutiles en attendant de les traiter lui-même.
Après validation par le SHD (signature de bordereaux d'élimination), ces documents sont éliminés sur place. En 2012, un kilomètre linéaire d'archives, soit quatre fois plus que l'année précédente, a été autorisé à la destruction par les services du SHD basés à Vincennes.
Cette augmentation coïncide avec les restructurations menées par le ministère de la défense. Ainsi, la fermeture de quatre bases aériennes en 2012 a occasionné l'élimination de 400 mètres linéaires d'archives.
Au sein du CHA, la mission de contrôle est dévolue principalement :
- au département de la collecte et des recherches administratives (DCRA) pour l'administration centrale du ministère, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN), des opérations extérieures (OPEX) et de la Gendarmerie (pour les archives antérieures à son rattachement au ministère de l'intérieur en 2009, les plus récentes relevant de la compétence des Archives nationales) ;
- au département du réseau territorial (DRT) pour les unités, selon une logique géographique, à travers six échelons locaux (Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, Toulon et Vincennes). Cette mission sur un périmètre interarmées est nouvelle pour les sites portuaires, auparavant chargés uniquement des archives de la marine.
2. La collecte et le traitement des archives
Les services concernés par la mission de collecte des archives publiques sont le DCRA de Vincennes (600 services versants de l'administration centrale ou des bases aériennes), les divisions Gendarmerie du Blanc (392 services versants), le CAAPC de Châtellerault (100 services versants), le CAPM de Pau (134 services versants) et deux des antennes portuaires de la DRT (Brest et Toulon avec respectivement 110 et 130 services versants).
La collecte d'archives privées Contrairement aux archives publiques, la collecte des archives privées ne répond pas à une obligation légale mais constitue une politique volontaire du SHD. Elle concerne : - les fonds d'archives papier, par dépôt, don ou achat ; - la collecte de témoignages oraux d'anciens militaires ou acteurs de la défense (32 entretiens en 2012 représentant 65 heures d'enregistrement) ; - les fonds iconographiques (majoritairement privés au SHD car la production interne du ministère de la défense est conservée par l'ECPAD). Source : Service historique de la défense |
La collecte s'est très fortement accrue depuis 2010. Elle a doublé entre 2010 et 2011 et a augmenté de presque la moitié entre 2011 et 2012, soit un triplement entre 2010 et 2012.
Accroissement brut du métrage conservé
(en mètres linéaires)
Source : service historique de la défense
L'essentiel de l'accroissement est dû aux trois entités du SHD qui jouent un rôle d'archivage intermédiaire : le site du Blanc (division des archives intermédiaires de la Gendarmerie), le CAAPC et le CAPM. L'intégration de ce dernier a particulièrement pesé, puisqu'il a reçu à lui seul 7,9 kilomètres linéaires, en raison du transfert, à l'occasion de son changement de rattachement, d'un grand nombre de dossiers conservés par la DSN. Les dissolutions d'unités contribuent également à ce phénomène : le site du Blanc a ainsi reçu, en 2012, 700 m 3 d'archives sur palettes, en provenance de 400 unités dissoutes de la Gendarmerie.
Le rôle d'archivage intermédiaire consiste en l'accueil de documents à titre provisoire, durant le temps de leur utilité administrative. La durée d'utilité administrative (DUA) est le délai durant lequel une catégorie de documents doit être conservée pour les besoins de son producteur, pour l'instruction d'un dossier ou en cas de recours a posteriori .
Au terme de la DUA, les archives sont soit éliminées, soit cédées. Ainsi, le CAPM transfère les registres matricules et les fiches d'état des services des appelés du contingent, l'année de leurs 90 ans, à l'ensemble des archives départementales. Les pièces annexes sont en revanche définitivement éliminées à cette occasion (720 mètres linéaires en 2012).
Le traitement des archives collectées consiste en la constitution d'outils (répertoires, inventaires, bases de données) de description des documents, nécessaire à leur exploitation et à la mise à disposition du public.
3. La conservation
a) La conservation préventive et curative
Au 31 décembre 2012, le SHD détenait 405 kilomètres linéaires d'archives et 368 000 documents iconographiques : cartes, plans photographies, tableaux (notamment la « collection du ministre », constituée de tableaux représentant des scènes de batailles historiques).
Compte tenu de l'état souvent dégradé ou du caractère inadapté des locaux de conservation, le SHD consacre des ressources importantes à la mise en oeuvre d'actions de conservation préventive, qui visent à améliorer, autant que faire se peut, l'environnement dans lequel sont placés les fonds (installation de chauffages et de déshumidificateurs, dépoussiérage régulier, surveillance des moisissures, acquisition de matériaux de conservation spécifiques...).
Une attention particulière est portée au risque de développement de moisissures 3 ( * ) , qui constitue un danger aussi bien pour les fonds que pour le personnel.
Vos rapporteurs considèrent qu'il s'agit d'un problème particulièrement préoccupant, les conditions de température et d'hygrométrie propres à certains locaux conduisant inéluctablement au développement massif de moisissures (par exemple le bâtiment Castigneau 1 à Toulon, cf. infra ).
b) La restauration et la reliure
Le travail de restauration de documents dégradés est effectué en interne ou par des prestataires extérieurs dans le cadre de marchés triennaux ou d'opérations ponctuelles.
Le SHD dispose de trois ateliers de reliure et de restauration :
- à Vincennes, où deux restaurateurs travaillent pour l'ensemble des sites du SHD sur des opérations délicates (documents précieux) ou urgentes (expositions) ;
- à Toulon, seule antenne portuaire à conserver un restaurateur en raison des départs à la retraite non remplacés ;
- à Pau, où le CAPM a mis en place, dans le cadre de sa réorganisation, un atelier d'une dizaine de personnes, formées en 2012 à la restauration par un agent sur place, alors qu'il ne s'agissait pas à l'origine de leur métier. Vos rapporteurs ont pu constater lors de leur visite en juillet 2013 que cet atelier était pleinement opérationnel et apprécier la qualité du travail réalisé par des agents particulièrement impliqués.
Deux marchés triennaux, conclus en 2011, ont permis, en 2012, la restauration de 250 registres et ouvrages de bibliothèque, ainsi que de quelque 500 cartes et plans provenant de plusieurs sites. Parmi les fonds concernés, figure la Bibliothèque de l'Académie de Marine, conservée à Brest, ensemble bibliographique exceptionnel, principalement scientifique, constitué entre 1752 et la fin du XVIII e siècle.
4. La communication des archives
En application des article L. 213-1 et L213-2 du code du patrimoine, issu de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives , les archives publiques, y compris celles conservées par le SHD, sont immédiatement communicables, à l'exception des documents dont la divulgation porterait atteinte aux intérêts des individus, de l'État ou aux intérêts industriels et commerciaux protégés par la loi. Ces documents sont communicables, selon la nature des informations qu`ils renferment, à l'expiration de délais allant de 25 à 100 ans.
Les archives de la défense sont naturellement particulièrement concernées par les dispositions prévoyant que les informations portant atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou au secret de la défense nationale ne sont communicables qu'à l'issue d'un délai de 50 ans et que les archives « dont la communication est susceptible d'entraîner la diffusion d'informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d'un niveau analogue » ne peuvent être communiquées.
Le SHD, hors CAPM, a traité en 2012 plus de 15 000 recherches dont 10 500 au profit des particuliers et 4 500 dans un cadre institutionnel, notamment au profit du ministère de la défense. La communication des documents peut se faire sur place en salle de lecture, ou par l'envoi de copies.
S'agissant des particuliers, les demandes peuvent avoir un but soit administratif (preuve, reconnaissance de droits...), soit généalogique ou scientifique.
S'agissant des demandes institutionnelles, le SHD a mis en place un système de communications administratives qui permet aux services producteurs d'obtenir la communication rapide de leurs propres archives. Le CAAPC s'impose, au titre de la certification ISO-9001, des délais précis de retour des archives.
Le service est également saisi dans le cadre de procédures judiciaires (318 fois en 2012, dont 312 pour les archives de la Gendarmerie).
Certaines missions administratives du service vont au-delà de la simple communication d'archives. Le SHD est ainsi chargé de la qualification des unités combattantes, qui s'effectue à partir du dépouillement des archives des unités et exige la reconstitution précise de leurs activités en opération afin de déterminer les droits des militaires qui y ont participé.
Le CAPM est, quant à lui, chargé de la communication des états signalétique et des services (ESS) des appelés du contingent et de répondre aux demandes relatives à la certification de cartes du combattant, aux citations et aux décorations. À ce titre, il a traité en 2012 plus de 200 000 recherches, principalement au profit de particuliers.
5. La valorisation des fonds
Facultative sur le plan légal et réglementaire, la valorisation des fonds auprès du public constitue l'une des missions prioritaires confiées au SHD par sa tutelle. Le SHD mène ainsi de nombreuses actions culturelles et éducatives.
Il organise des colloques, conférences et expositions, par exemple, en 2012 et 2013, sur le thème de la Grande armée, en lien avec le bicentenaire de la retraite de Russie. L'exposition « Des aigles et des hommes » a ainsi attiré 16 000 visiteurs au Château de Vincennes.
L'exposition « Sur les traces de La Pérouse », à Brest, a accueilli environ 3 000 visiteurs.
Des projets éducatifs sont également menés, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale. Au cours de l'année 2012, le SHD a, par exemple, accueilli dans son antenne de Brest neuf lycées dans le cadre du projet Libros, avec l'objectif de faire travailler les élèves sur des traductions de textes latins issus du fonds de l'Académie de marine. Il a également organisé à Vincennes, le 1 er octobre 2013, la cinquième édition de la Journée de l'étudiant dans les archives de la défense.
Le SHD publie en outre divers ouvrages à destination du grand public : livres d'art, ouvrages méthodologiques sur la recherche.
* 2 Article R. 212-6 du code du patrimoine.
* 3 En principe, les échantillons suspects sont transférés à l'hôpital militaire Bégin de Vincennes, avec lequel le service a passé une convention. En cas de réponse positive aux examens, les documents sont envoyés chez un prestataire pour désinfection à l'oxyde d'éthylène.