CONTRIBUTION DE M. DENIS BAUPIN, VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, ET DE MME CORINNE BOUCHOUX, SÉNATRICE
Pourquoi nous avons voté contre l'adoption de ce rapport
Membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), nous nous sommes opposés, mardi 26 novembre 2013, à l'adoption du rapport relatif aux « techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ».
Selon nous, ce rapport vise à relancer une énième fois le débat sur les gaz de schiste en France, sur la base d'un parti pris minimisant les impacts environnementaux et économiques.
Alors même que l'objet du rapport portait sur la recherche de techniques alternatives à la fracturation hydraulique, les rapporteurs les renvoient toutes à d'improbables études ultérieures, et confirment qu'aucune ne se révèle pertinente d'un point de vue environnemental et économique.
Ce rapport fait l'apologie de la fracturation hydraulique, présentée comme ayant finalement des impacts dorénavant maîtrisables, mais sans jamais préciser à quel coût et au regard de quels critères.
Nous avons contesté les conclusions de ce rapport sur le fond et sur la forme.
Sur le fond, ce rapport présente avec un a priori positif systématique l'usage des gaz de schiste, négligeant :
- leur impact négatif en matière de gaz à effet de serre, alors même que la France vient de se voir confier l'organisation de la conférence climat de 2015 et qu'elle s'est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050
- l'engagement du Président de la République de réduire de 30% notre dépendance aux énergies fossiles d'ici 2030, qui passe par une transition énergétique sobre en énergie fossile ;
- l'absence de pertinence économique, alors même que le rapport mentionne les études reconnaissant que le modèle économique américain des gaz de schiste n'est pas reproductible en France, que l'exploitation en France n'aurait aucun impact de baisse des prix du gaz, et que l'interdiction de la fracturation hydraulique n'a pas d'impact économique négatif.
Sur la forme, nous regrettons le caractère partial du choix des auditions menées : plus de 80 % des personnes auditionnées sont favorables aux gaz de schiste et l'on peine à trouver la présence d'experts critiques.
Malgré quelques précautions de langage, entre minimisation des risques et "euphémisation" des dangers, ce rapport prend, par ailleurs, le risque de banaliser l'utilisation de techniques dangereuses et irresponsables. Des techniques comme l'utilisation du propane sont promues sans aucun bilan de rendement ni évaluation des substances toxiques introduites ou libérées en sous-sol. Le rapport ne fournit aucune cartographie précise sur la faisabilité éventuelle de prospections et de futures exploitations sur l'ensemble du territoire. Les nappes phréatiques, forêts, terres cultivables, zones habitées ne sont jamais prises en compte, tout comme le caractère fini des réserves, la brièveté de l'exploitation éventuelle, en comparaison avec l'énergie dépensée pour la fracturation et les dommages irréversibles pour l'environnement et l'eau potable.
Ce rapport fait la démonstration qu'il n'existe pas de technique "propre", sans émission de gaz à effet de serre, d'utilisation des gaz de schiste. La notion d'utilisation « propre » des gaz de schiste est donc totalement illusoire.
Le 11 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a validé sans aucune réserve la loi de 2011 qui interdit la fracturation hydraulique et, du même coup, l'exploitation des gaz et des huiles de schiste sur tout le territoire national. « Reconnaissant l'existence des risques avérés que cette technique fait peser sur l'environnement, cette décision ôte tout caractère nécessaire à l'évaluation de l'impact qu'entraîne la fracturation hydraulique », a confirmé, à l'Assemblée nationale, Mme Najat Vallaud Belkacem, porte-parole du Gouvernement, lors de la séance des questions au Gouvernement, le 27 novembre 2013, jour où le rapport de l'OPECST a été rendu public.
Plus que jamais, nous pensons que la France doit s'engager dans une transition énergétique qui tourne le dos aux énergies fossiles et fissiles et consacrer ses recherches aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique.
M. Denis BAUPIN, Vice-Président de l'Assemblée nationale
Mme Corinne BOUCHOUX, Sénatrice