B. LE CHOIX DU BON NIVEAU TERRITORIAL POUR PROCÉDER AUX MUTUALISATIONS
La loi précitée du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a fait de l'échelon départemental la pierre angulaire du dispositif de sécurité civile sur l'ensemble du territoire. Sans remettre en cause ce choix fondateur, il est cependant permis de s'interroger sur les limites de ce mode d'organisation dès lors que l'objectif de mutualisation doit être poursuivi.
1. Les limites du cadre départemental
Dans le domaine de la sécurité civile, l'horizon départemental présente une réelle pertinence et permet d'assurer une grande efficacité dans la couverture des risques. C'est notamment vrai en matière de risques courants (secours à personne, incendie, inondation...) où la réponse de proximité doit être privilégiée.
Pour autant, les risques spécifiques (radiologiques, chimiques, en milieux périlleux...) appellent un cadre d'analyse souvent plus large que le seul département. Se limiter à cet échelon revient en effet à mobiliser des moyens (humains et matériels) parfois disproportionnés au regard de la faible probabilité des risques à traiter.
Or, même si le décret n° 2010-224 du 4 mars 2010 relatif aux pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité confie déjà aux préfets de zone la mission d'assurer la complémentarité des moyens des SDIS pour faire face à des évènements exceptionnels concernant plusieurs départements, la logique demeure fondamentalement départementale.
Le schéma départemental de couverture et d'analyse des risques (SDACR) illustre juridiquement cette approche dans la définition des moyens à mettre en jeu face aux risques à gérer. De même, en pratique, la Cour des comptes observe que les préfets concentrent la majorité de leurs efforts à encourager des mutualisations à l'échelle départementale (avec la police ou la gendarmerie, notamment). Dans leur action, ils sont d'ailleurs dépourvus de moyens incitatifs financiers forts, dans la mesure où le fond d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS est sur le point de disparaître 8 ( * ) .
2. Les perspectives offertes par le niveau interdépartemental : la zone de défense et de sécurité
Pour surmonter les limites actuelles de l'organisation de la sécurité civile au regard de l'objectif de mutualisation, la Cour des comptes suggère de changer d'échelle et d'identifier la zone de défense et de sécurité comme un niveau pertinent de décision .
Ce choix ne remettrait pas en cause les coopérations déjà existantes au niveau départemental. Il n'interdirait pas non plus de raisonner par « bassin de risques » lorsque les situations l'imposent (bassin industriel, massifs montagneux, zone fluviale ou littorale). Il permettrait au contraire l'intégration de départements voisins de la zone de défense et de sécurité dans un souci de cohérence et en tant que de besoin. Enfin, il n'empièterait pas sur le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 : le préfet de zone se contenterait de faire des propositions de mutualisation au niveau interdépartemental.
La zone de défense et de sécurité constituerait ainsi le périmètre pertinent pour traiter de multiples enjeux, avec la mise en place de schémas zonaux. La Cour des comptes identifie à cet égard plusieurs documents stratégiques à mettre en place :
- un schéma zonal d'organisation du traitement de l'appel d'urgence ;
- un schéma zonal d'implantation et de coordination des équipes spécialisées ;
- un schéma zonal d' équipement nucléaire, radiologie, bactériologique et chimique (NRBC) ;
- un schéma zonal des installations lourdes de formation des sapeurs-pompiers.
Votre rapporteur spécial adhère à cette perspective qui nécessiterait l'approbation du législateur pour voir le jour. Il considère que cette réforme pourrait procéder dans un premier temps d'une expérimentation au sein d'une zone de défense et de sécurité et d'une évaluation ensuite des résultats obtenus, avant une éventuelle généralisation .
* 8 Pour une analyse plus détaillée de ce fond, votre rapporteur spécial renvoie à son rapport spécial n° 156 (2013-2014) - Tome III - Annexe 27 c (« Sécurité civile »).