II. L'AMÉLIORATION SOUHAITABLE DES OUTILS AU SERVICE DE L'OBJECTIF DE MUTUALISATION
Une fois identifiés les secteurs les plus propices à une mutualisation accrue, encore faut-il que l'environnement juridique se prête à encourager de telles initiatives de la part les SDIS. Or, de ce point de vue, le cadre offert parait perfectible.
Parallèlement, le choix du bon niveau territorial pour déployer les mutualisations constitue une condition indispensable à la réussite de ce type de projet. A l'échelon départemental il semble de plus en plus souhaitable de préférer un périmètre plus large : la zone de défense et de sécurité .
A. LE BESOIN DE RATIONALISATION DU CADRE JURIDIQUE
Les SDIS doivent pouvoir s'appuyer sur un cadre juridique à la fois solide, complet et suffisamment simple pour mener à bien leurs opérations de mutualisation. Malheureusement, les entraves ne manquent pas entre l'inadaptation avérée de certains outils (l'établissement public interdépartemental d'incendie et de secours) et l'extrême diversité des dispositifs qui peut se révéler facteur de confusion.
1. L'inadaptation de l'outil correspondant à l'établissement public interdépartemental d'incendie et de secours (EPIDIS)
La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a constitué une étape clef dans l'organisation de la sécurité civile sur le territoire en transférant les personnels et les matériels des communes aux SDIS. Parmi les innovations introduites à l'occasion de l'adoption de cette loi, la création d'un nouvel outil juridique visait à favoriser une logique de regroupement et d'optimisation des moyens. Cet outil correspond à l'établissement public interdépartemental d'incendie et de secours (EPIDIS) .
Le rapport de la Cour des comptes rappelle les compétences de cet établissement qui peuvent porter sur :
- l'acquisition, la location et la gestion d'équipements et de matériels, ainsi que la constitution de groupements de commandes ;
- la formation des sapeurs-pompiers ;
- la prise en charge des dépenses afférentes aux opérations de secours exposées entre départements voisins ;
- l'information et la sensibilisation du public aux risques affectant la sécurité des personnes et des biens ;
- la réalisation d'études ou de recherches.
Alors que de nombreux espoirs étaient placés dans cette nouvelle structure juridique, force est de constater que ces espérances ont été déçues. Au cours des près de dix années d'existence de ce dispositif, aucun établissement de ce type n'a été créé .
Dans son rapport précité, notre collègue Dominique de Legge relevait déjà que « le manque d'adhésion à cet outil juridique offert par la loi précitée du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile s'explique probablement par le fait que la création de l'EPIDIS nécessite un consensus , entre les SDIS qui le constituent, tant sur le choix des compétences et des attributions que sur la constitution de l'équipe de direction de l'établissement. Par ailleurs, de nombreux élus s'interrogent sur un éventuel alourdissement des structures et un dessaisissement de leurs compétences ».
Ce constat est confirmé par la Cour des comptes qui souligne notamment que « l'EPIDIS est perçu comme un échelon administratif supplémentaire qui engendrerait des coûts additionnels ». Par ailleurs, cette formule ne parait pas adaptée pour des mutualisations dans les domaines non opérationnels.
Au total, l'EPIDIS représente aujourd'hui un cadre juridique de facto obsolète , ne permettant pas de répondre à des besoins de mutualisation pourtant clairement identifiés.
2. La multiplicité des autres formules juridiques offertes : source de souplesse ou de confusion ?
Fort heureusement l'EPIDIS ne constitue pas l'unique chemin envisageable pour les SDIS en vue d'une mutualisation de leurs moyens et leurs activités (que celles-ci relèvent de l'opérationnel ou des fonctions support). Les travaux de la Cour des comptes permettent d'identifier plusieurs formules alternatives relevant du code général des collectivités territoriales (CGCT) :
- l'article L. 1424-1 reconnait aux SDIS un pouvoir général de contractualisation avec les collectivités territoriales ou leurs établissements publics dans les domaines ayant trait à la gestion non opérationnelle de leurs services ;
- l'article L. 1311-2 permet aux collectivités territoriales, de conclure, jusqu'au 31 décembre 2017, des baux emphytéotiques administratifs (BEA) en vue de construire des casernes au profit des SDIS 7 ( * ) ;
- l'article L. 1424-35-1 précise que le département peut, à la demande du SDIS, effectuer l'entretien de l'ensemble des moyens matériels de ce dernier ;
- l'article L. 5111-1 prévoit la possibilité, pour les départements, les régions, leurs établissements publics, leurs groupements et les syndicats mixtes de conclure des conventions ayant pour objet la réalisation de prestations de services ;
- l'article L. 5111-1-1 précise les modalités d'exercice en commun, par une mise à disposition ou par la création d'un service unifié, des activités mutualisées, selon que celles-ci portent ou non sur des activités opérationnelles.
La diversité de cet arsenal juridique fait l'objet d' appréciations contrastées . Cité par la Cour des comptes, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises y voit plutôt un élément de souplesse utile. La Cour des comptes, pour sa part, regrette une surabondance, facteur de confusions juridiques (absence des visas requis dans les conventions, contours mal définis de ces mêmes conventions...). Afin de faciliter et d'encourager les mutualisations, elle recommande de rationaliser le cadre juridique existant.
Sans trancher, votre rapporteur spécial estime toutefois que cette réflexion doit être éclairée à l'aune d'une approche territoriale elle aussi redéfinie .
* 7 Devant trouver son terme au 31 décembre 2013, ce dispositif a été prorogé par l'article 137 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.