3. L'Afrique : une des premières victimes du réchauffement climatique ?
À la pression démographique s'ajoutent les effets du réchauffement climatique. Alors que l'Afrique produit moins de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle mondiale, elle est considérée comme la région la plus vulnérable aux effets des changements climatiques du fait de la fragilité de ses économies.
Ainsi constate-t-on des pertes de rendements agricoles particulièrement importantes dans les régions sahéliennes. Elles sont dues à la chute de fertilité des sols, mais aussi à une pluviométrie de plus en plus irrégulière, et en baisse globale en Afrique du Nord et dans certaines parties du Sahel. On en mesure déjà les impacts sur le taux de malnutrition dans un pays comme le Niger.
Le réchauffement climatique se traduit dans les zones semi-arides, où vit un tiers de la population africaine, par une irrégularité croissante des précipitations qui augmente le stress hydrique et diminue les terres arables. Ces zones risquent ainsi d'enregistrer une diminution de 26 % de leur productivité d'ici 2060 selon les estimations de la Banque mondiale.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) estime que, d'ici 2080, six cents millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à des risques de famine, dans leur plus grande part en Afrique subsaharienne.
D'après les experts en évolution climatique, l'Afrique sera le continent le plus affecté par les changements climatiques.
Ainsi, d'après le GIEC, sur la base des prédictions des experts, « vers l'an 2020, 75 à 250 millions de personnes seront exposées à un stress hydrique accru en raison des changements climatiques. Couplé à une demande en augmentation, le mal aura des incidences néfastes sur les moyens d'existence et aggravera les problèmes d'accès à l'eau.
Dans de nombreux pays et régions d'Afrique, on s'attend à ce que la production agricole et l'accès à la nourriture soient sérieusement compromis par la variabilité et l'évolution du climat. » 12 ( * )
Les prévisions alarmistes des changements climatiques n'épargnent pas la santé des populations. « Les expositions liées aux changements affecteront probablement la santé des millions de personnes et, en particulier, celles qui ont une faible capacité d'adaptation », prévoient les experts. Pis, « à l'horizon 2080, la population à risque par rapport au paludisme pourrait s'accroître de 80 millions. Á cela correspondront des risques plus élevés d'augmentation de la malnutrition, d'épidémies de méningites et de dengue . »
En Afrique, 250 millions d'Africains vivent le long de côtes exposées à l'élévation du niveau des mers. Ainsi, la conurbation quasi continue entre Abidjan et Lagos compte plus de 25 millions d'habitants vivant à un mètre en dessous du niveau de la mer, derrière une dune qui, vraisemblablement, ne résistera pas à une élévation du niveau de la mer.
C'est pourquoi une des préoccupations de la politique de coopération doit être de concilier développement et développement durable.
Comme l'a souligné le ministre délégué au développement lors de son audition devant la commission : « Prendre en compte le développement durable, c'est même une condition de réussite économique. Nos partenaires s'endettent aujourd'hui pour construire des barrages. Or, moins de pluies, plus de sécheresse, débouchent rapidement sur des infrastructures surdimensionnées qui tournent au ralenti. C'est déjà le cas de certains barrages au Kenya. L'impact du changement climatique modifie donc la rentabilité économique de ces ouvrages. Or, si ces infrastructures se révèlent impossibles à rentabiliser, au lieu d'être un vecteur de développement, elles se transforment en un poids supplémentaire pour les générations futures. » 13 ( * )
Comme le montre la Banque mondiale dans son récent rapport 14 ( * ) , en aggravant les sécheresses, le réchauffement climatique contribue déjà à accentuer l'insécurité alimentaire. Au final, c'est l'ensemble des progrès en termes de mortalité infantile qui pourrait être effacé du fait d'un réchauffement incontrôlé.
Autrement dit, un monde à plus 4 degrés, c'est aussi un monde où plus d'enfants mourront avant l'âge de 5 ans.
Avec 4°C de plus, 35 % des terres cultivées devraient devenir impropres à la culture. Une grande partie de la récolte et les pâturages de l'Afrique sub-saharienne peuvent s'attendre à éprouver d'importantes réductions dans la durée de la saison de croissance. Dans le cas d'un tel réchauffement, les rendements des cultures pour la production de maïs devraient être réduits de 13 à 23 % dans différentes régions africaines. Les pertes de récolte des haricots devraient être sensiblement plus élevées. La santé humaine en Afrique subsaharienne sera affectée par les températures élevées et la disponibilité réduite de l'eau, en particulier à la suite de modifications dans les modes de transmission des maladies.
Certaines régions de l'Afrique sub-saharienne pourraient faire face à une augmentation de 50 pour cent de la probabilité pour le paludisme.
Ces conditions devraient augmenter l'échelle de déplacements de population et la probabilité de conflits au fur et à mesure que les ressources deviendront plus rares.
* 12 Contribution du Groupe de travail II au quatrième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/wg2/ar4-wg2-spm-fr.pdf
* 13 Audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement, du 24 juillet 2012 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20120723/etr.html
* 14 Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World Must be Avoided, word Bank 2012