B. UNE DISPROPORTION MANIFESTE ENTRE LES VOLUMES EN JEU ET LES MOYENS DISPONIBLES
1. Un contrôle souvent visuel en pratique
A défaut d'informations suffisantes obtenues par le biais des déclarations, c'est un simple « tri visuel » qui permet de sélectionner les colis nécessitant l'attention des douanes . Lors de leur visite à Roissy, vos rapporteurs spéciaux ont ainsi pu mesurer l'importance du « coup d'oeil » pour repérer sur la chaîne de tri un conditionnement spécifique (médicaments, paquet habituel etc.) ou un bordereau facilement reconnaissable (portant par exemple le nom d'un site connu).
En matière de fret express, le tri visuel est complémentaire du ciblage informatique.
En matière de fret postal, le contrôle visuel est la seule arme des douaniers. Le seul « ciblage » effectué consiste en pratique en une liste de quelques pays considérés comme « à risque », renouvelée régulièrement, qui permet d'orienter les ouvertures aléatoires de colis sur une période donnée.
De fait, le contenu des colis ouverts selon cette méthode se révèle effectivement frauduleux dans la grande majorité des cas : le professionnalisme des douaniers fait ici ses preuves. Mais pour un colis qui est ouvert, combien réussissent à « passer » ?
2. Des volumes considérables et impossibles à contrôler
Quelle que soit la pertinence du ciblage (informatique ou visuel), le problème demeure entier tant est manifeste la disproportion entre les volumes de marchandises et les agents affectés à leur contrôle .
Près de 35 millions d'envois postaux inférieurs à 2 kg et 8 millions d'envois en fret express transitent chaque année à Roissy 47 ( * ) : les agents de la direction régionale de Roissy-Fret ne peuvent en contrôler qu'une petite minorité. La faiblesse des moyens est par exemple très visible au bureau de fret postal, où vos rapporteurs ont pu voir qu' environ dix personnes étaient en charge du contrôle de près de 300 tonnes de lettres et colis par jour ...
Dans ces conditions, c'est naturellement au ciblage sûreté-sécurité que va la priorité . Les autres contrôles ne sauraient couvrir l'intégralité des envois susceptibles de relever d'une infraction douanière.
C. LES SAISIES SONT MALGRÉ TOUT SATISFAISANTES, GRÂCE À L'IMPLICATION DE LA DOUANE DANS SA MISSION DE LUTTE CONTRE LES TRAFICS
Compte tenu des moyens dont disposent les agents de la DGDDI et des nombreux obstacles rencontrés, vos rapporteurs spéciaux estiment que les résultats en matière de lutte contre la contrefaçon et contre les trafics illicites sont tout à fait satisfaisants .
Les saisies concernant la vente en ligne ne peuvent pas être identifiées directement, mais peuvent être appréhendées au travers des saisies effectuées sur ses vecteurs privilégiés que sont le fret express et le fret postal - même si les trafics présentés ci-dessous ne correspondent pas tous, bien sûr, à des achats de particuliers sur Internet.
En 2012, la DGDDI a notamment saisi, en fret express et postal, 2,8 tonnes de stupéfiants (+ 86 % par rapport à 2011), 29,5 tonnes de tabacs et cigarettes de contrebande (- 18 % par rapport à 2011) et 1,4 million d'articles de contrefaçons (stable par rapport à 2011). Les saisies portent aussi sur les médicaments, les armes, les espèces protégées etc.
Saisies de la DGDDI en fret express et en fret postal
Produits stupéfiants |
Tabacs et cigarettes de contrebande |
Contrefaçons |
|
2012 |
11,73 M€ 2,84 tonnes |
5,85 M€ 29,52 tonnes |
1,43 M d'articles |
2011 |
8,57 M€ 1,53 tonne |
6,89 M€ 35,79 tonnes |
1,42 M d'articles |
2010 |
12,66 M€ 1,69 tonne |
7,92 M€ 37,42 tonnes |
0,92 M d'articles |
2009 |
9,21 M€ 1,05 tonne |
6,46 M€ 28,95 tonnes |
0,82 M d'articles |
2008 |
10,07 M€ 1,17 tonne |
6,54 M€ 29,61 tonnes |
0,64 M d'articles |
Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.
Les saisies réalisées en fret express et en fret postal représentent une part significative de l'ensemble des saisies réalisées par la DGDDI en 2012 (cf. encadré). Ainsi, 31 % des saisies de contrefaçon (en nombre d'articles) ont été réalisées sur ces vecteurs, contre seulement 1 % en 2005 . La douane de Roissy réalise quant à elle 27 % des saisies de contrefaçons au niveau national, soit 1,2 million d'objets pour une valeur de près de 62 millions d'euros sur le marché authentique. De même, 13 % des saisies de tabacs et cigarettes de contrebandes sont réalisées en fret express ou fret postal, ce qui est un bon résultat compte tenu du morcellement des envois - une ou deux cartouches à chaque fois.
Les saisies réalisées par la DGDDI en 2012 La DGDDI a réalisé au total 73 263 constatations d'infractions en 2012 , soit une baisse de 11 % par rapport à 2011. Ces constatations présentent une très grande diversité, tant en termes de nature que de montants en jeu. D'une manière générale, le « petit contentieux voyageurs » représente des enjeux bien moindres que les constatations liées aux flux commerciaux internationaux. A titre d'illustration, le tableau ci-dessous reprend les saisies effectuées en matière de produits stupéfiants, de tabacs et de contrefaçons.
Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)
Source : rapport annuel de performance (2012) ; Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012) |
Ces bons résultats sont d'autant plus notables que, suite à l'arrêt « Nokia-Philips » de 2011 prononcé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 48 ( * ) , les saisies de contrefaçons par la DGDDI ont connu une chute drastique de 48 % en 2012 , atteignant 94 % au port du Havre. Cette décision interdit en effet les saisies (ou le contrôle) des marchandises en transbordement, qui transitent par la France mais sont destinées à un autre Etat membre de l'UE. Par contraste, les ventes sur Internet n'ont été que peu touchées par l'arrêt « Nokia-Philips », dans la mesure où elles privilégient très largement le fret express et le fret postal.
Parmi les saisies marquantes opérées par la douane de Roissy en 2011, on peut citer :
- 260 kg de champignons hallucinogènes dans le centre postal ;
- 10 000 comprimés de méthamphétamines en provenance de Thaïlande, dissimulés dans un ours en toile ;
- 100 000 médicaments de contrebande dans le cadre de l'opération « Pangea IV » (cf. infra ), soit environ 90 % des saisies nationales.
- 2 cornes de rhinocéros, des ceintures en peau de cobra, ou encore 518 kg de viande de brousse (dont 126 kg d'espèces protégées).
La contrefaçon : réglementation applicable et modalités d'intervention La contrefaçon touche désormais tous les secteurs : luxe, consommation courante, produits électroniques, médicaments, jouets, produits culturels... Elle représenterait actuellement 10 % du commerce mondial. Elle est un danger pour les consommateurs et viole les droits de propriété intellectuelle. L'importation de contrefaçons de marque est un délit douanier au sens de l'article 38 du code des douanes. Elle peut être sanctionnée par 49 ( * ) : - la confiscation des marchandises, du moyen de transport et des objets ayant servi à dissimuler la fraude ; - une amende qui peut s'élever jusqu'à deux fois la valeur des marchandises, et cinq fois leur valeur si la fraude a été commise en bande organisée ; - une peine de trois ans d'emprisonnement dans les cas les plus graves, qui peut être portée à dix ans si la fraude a été commise en bande organisée. Les modalités d'interventions de la douane ont été adaptées à la contrefaçon, afin de pouvoir associer les titulaires des droits : - la retenue : la douane peut retenir 10 jours ouvrables toute marchandise contrefaisante présumée, si le titulaire de droits a déposé une demande préalable d'intervention ; ce dernier peut alors mettre en place une action judiciaire. Si le titulaire de droit lésé n'est pas répertorié, la retenue est de 3 jours ouvrables, afin que celui-ci puisse déposer une demande d'intervention et, le cas échéant, intenter une action judiciaire. - la saisie : si le caractère contrefaisant est confirmé, la douane saisit la marchandise qui est placée sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, qui pourra le cas échéant ordonner sa destruction. Le Gouvernement a présenté le 3 avril 2013 un plan d'action de lutte contre la contrefaçon en trois volets : le volet national concerne la DGDDI (ciblage des envois en fret express et postal, coups d'achat etc.), le volet européen tend à la révision du droit des marques, et le volet international vise à défendre la propriété intellectuelle et les indications géographiques dans les négociations multilatérales. Source : DGDDI |
* 47 En import et en export. Source : DGDDI.
* 48 CJUE, 1 er décembre 2011, Philips (aff. C-446/09) et Nokia (aff. C-495/09).
* 49 Article 414 du code des douanes.