Rapport d'information n° 93 (2013-2014) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 octobre 2013

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N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le rôle des douanes dans la lutte contre la fraude sur Internet ,

Par MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

SYNTHESE

Le commerce en ligne représente aujourd'hui un mode de consommation courant pour plus des deux tiers des Français , qui achètent sur Internet des services et des biens dématérialisés (films, musique, billets de train...) mais aussi, de plus en plus, des biens matériels (vêtements, livres, appareils numériques...).

En France, 117 500 sites de e-commerce sont actifs, et réalisent un chiffre d'affaires annuel de 45 milliards d'euros pour les biens et les services. La vente à distance de biens matériels représente quant à elle 25 milliards d'euros. En Europe, près de 550 000 sites marchands s'adressent à plus de 250 millions d'acheteurs en ligne, pour un chiffre d'affaires de 312 milliards d'euros. A l'échelle de la planète, les chiffres sont inconnus.

*

Cette explosion du commerce en ligne a bouleversé les conditions dans lesquelles l'administration des douanes exerce ses missions . C'est en effet de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) que relèvent les flux issus du commerce en ligne, dès lors que ceux-ci proviennent de pays extérieurs à l'Union européenne - par exemple d'Inde ou de Chine. La douane exerce une double mission dans ce cadre :

- d'une part, elle est chargée de lutter contre les trafics de marchandises prohibées (contrefaçons, stupéfiants, armes, espèces protégées etc.), réglementées (produits dangereux ou polluants, oeuvres d'arts, matériel militaire etc.) ou fortement taxées (alcools, tabacs).

- d'autre part, elle est chargée de percevoir les droits et taxes à l'importation sur toutes les marchandises, c'est-à-dire principalement les droits de douane et la TVA à l'importation.

Les envois arrivent dans leur majorité à l'aéroport de Roissy, par fret express ou par fret postal . Or, si ces deux modes d'expédition permettent une livraison rapide qui correspond à l'exigence des acheteurs, ils sont aussi bien plus délicats à contrôler .

En fret express , les informations transmises par les transporteurs sont bien moins précises qu'en fret traditionnel (dit « général cargo »), limitant de fait la finesse du « ciblage » automatique des envois à risque. En fret postal , les obligations déclaratives sont minimales et invérifiables, et ne font pas l'objet d'une procédure informatisée : c'est par simple « tri visuel », en fonction de la provenance ou de l'aspect du colis, que les douaniers décident de procéder à l'ouverture.

Parallèlement, la fraude s'est trouvée grandement facilitée par les spécificités du commerce en ligne : anonymat, sentiment d'impunité, transformation permanente des sites (dénomination, adresse web, pays d'hébergement...), et bien sûr extrême morcellement des envois.

*

Ces limites n'empêchent pas, toutefois, de bons résultats en matière de lutte contre les trafics : en 2012, la DGDDI a saisi, en fret postal et en fret express, 2,8 tonnes de stupéfiants, 29,5 tonnes de tabacs et cigarettes de contrebande et 1,4 millions d'articles de contrefaçon. Pour la contrefaçon, ces saisies représentent 31 % du total de l'année 2012 (soit 4,6 millions d'articles).

Certes, les moyens humains sont limités et ne permettent pas de contrôler l'intégralité des envois, qui sont très éclatés car individuels. Mais la forte implication de la douane dans sa mission de lutte contre les trafics permet d'obtenir de très bons résultats au regard des moyens disponibles.

La douane s'est en outre dotée en 2009 d'un service spécialisé dans la lutte contre la cyberdélinquance, « Cyberdouane » , placé au sein de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Ce service est chargé de mener une action « sur l'offre », en identifiant les sites commercialisant des produits illicites et en faisant le lien avec les autres administrations.

*

En revanche, le recouvrement des droits et taxes à l'importation ne fait presque l'objet d'aucune attention dans ce domaine . Les chiffres sont éloquents : seuls 5 millions d'euros ont été redressés sur le fret à Roissy en 2012, ce qui est peu en comparaison des 294 millions de droits et taxes redressés par la DGDDI en 2012. Sur ces 5 millions, le fret express n'a représenté que 750 000 euros (moins de 15 %), et le fret postal n'a fait l'objet d'aucun redressement. Pourtant, 8 millions d'envois en fret express et 35 millions d'envois postaux transitent chaque année à Roissy.

L'explication principale est simple : le calcul des droits et taxes à l'importation repose sur un régime purement déclaratif . Or il est impossible d'ouvrir chaque colis pour vérifier la valeur des marchandises - que d'ailleurs la douane ne serait pas en mesure d'évaluer. De plus, compte tenu du morcellement des envois propre à la vente en ligne , il n'y a guère d'intérêt à lancer une procédure pour récupérer quelques euros auprès d'un client individuel.

De plus, les taxes ne sont pas collectées si la valeur déclarée de la marchandise est inférieure à certains seuils - 150 euros pour les droits de douane et 22 euros pour la TVA. Ce système de franchise, justifié par la nécessité de fluidifier les échanges, est aussi une incitation objective à la sous-déclaration.

A vrai dire, la situation n'est pas plus encourageante à la direction générale des finances publiques (DGFiP) . Celle-ci est chargée de recouvrer la TVA sur les ventes en France ou dans l'Union européenne, ainsi que l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu dont sont redevables les vendeurs. Mais les non-déclarations de TVA ou le nombre de professionnels se faisant passer pour des « particuliers » sont impossibles à connaître. Et l'administration se retrouve démunie dès lors que le site Internet est hébergé à l'étranger : elle ne peut ni opérer de redressement, ni exercer son droit de communication.

*

Au total, le commerce en ligne de biens matériels constitue un gisement fiscal substantiel, qui est à ce jour presque totalement ignoré, faute d'instruments juridiques... et de priorité politique .

En effet, même si les difficultés propres au e-commerce ne doivent pas être sous-estimées, il est regrettable que le sujet ne fasse pas l'objet d'une attention plus grande , compte tenu des efforts toujours plus difficiles qui sont demandés aux Français pour redresser les comptes publics.

Plusieurs pistes d'amélioration peuvent être formulées , afin de lancer le débat et, peut-être, d'aboutir à une mise en oeuvre à l'échelle nationale ou européenne.

Les principales propositions de vos rapporteurs spéciaux

Ouvrir de nouveaux instruments juridiques

Proposition n° 1 : instaurer un système d'échange automatique d'informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne , sous la forme d'un droit de communication de l'administration. Les opérateurs de fret express et postal transmettraient ainsi automatiquement les informations dont ils disposent afin de permettre un ciblage pertinent des envois à fort enjeu. Les intermédiaires de paiement, les fournisseurs d'accès à Internet et certains sites Internet transmettraient quant à eux les informations financières qu'ils détiennent afin d'identifier les vendeurs.

Proposition n° 2 : instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l'importation, payée par l'acheteur au moment de la transaction en ligne et non pas du dédouanement. Les intermédiaires de paiement en ligne pourraient être chargés de la liquidation et de la collecte de cette taxe.

Proposition n° 3 : remettre en question les exemptions dont bénéficient le fret postal et les « envois de valeur négligeable » en fret express , tant en matière d'obligations déclaratives que de franchises fiscales.

Proposition n° 4 : encourager le recours au dispositif des « coups d'achat » , qui permet aux agents des douanes de procéder anonymement à des achats de marchandises illicites, et élargir le dispositif notamment aux marchandises qui, sans être illicites, représentent de forts enjeux fiscaux.

Adapter les moyens en conséquence

Proposition n° 5 : adapter les systèmes d'information de la DGDDI aux volumes et caractéristiques du fret express et postal, ainsi qu'aux spécificités de la fraude sur Internet.

Proposition n° 6 : redéployer les effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet , sous réserve d'un renforcement préalable des instruments juridiques.

Mesdames, Messieurs,

Le commerce en ligne, dont sont familiers les deux tiers des Français, représente aujourd'hui un enjeu économique majeur : son chiffre d'affaires annuel atteint 45 milliards d'euros en France seulement, et près de 312 milliards d'euros en Europe.

Depuis plusieurs années, notre commission s'est intéressée 1 ( * ) à la question de l'optimisation fiscale pratiquée par les géants de l'Internet, qui délocalisent d'autant plus facilement leurs profits que leurs ventes sont constituées de biens immatériels - films, musiques ou encore publicités.

Par contraste, la question de la vente sur Internet de biens matériels - livres, vêtements, appareils électroniques, médicaments et autres produits moins recommandables - est restée très largement ignorée. Pourtant, la vente à distance de biens matériels, qui se fait aujourd'hui majoritairement en ligne, représente 25 milliards d'euros de chiffres d'affaires en France, et un montant bien plus important, bien qu'inconnu, dans le monde. Or cette fois-ci, ce n'est plus d'optimisation dont il s'agit, mais de fraude fiscale pure et simple .

*

Dans le cadre de leur mission de contrôle budgétaire, vos rapporteurs spéciaux se sont donc intéressés au rôle de l'administration des douanes dans le commerce en ligne . Celle-ci exerce sa compétence sur les envois - en fret express ou en fret postal - expédiés depuis des pays extérieurs à l'Union européenne.

Il apparaît que la douane s'implique fortement dans sa mission de lutte contre les trafics (stupéfiants, tabacs, alcools, contrefaçons...) et y obtient chaque année des résultats qui lui font honneur.

En revanche, il ressort clairement de la mission de contrôle de vos rapporteurs spéciaux que les droits et taxes à l'importation, et notamment la TVA, ne sont pas recouvrés à leur juste niveau.

De fait, les difficultés inhérentes au fret express et au fret postal viennent se cumuler aux spécificités de la vente sur Internet. D'une part, le paiement des droits et taxes à l'importation repose sur un régime purement déclaratif ... alors que les données fournies sur les marchandises en fret express et postal sont notoirement indigentes et peu fiables. D'autre part, l'extrême morcellement des colis, expédiés directement aux particuliers, rend le contrôle très difficile, et de toute façon peu rentable compte tenu des faibles sommes en jeu à chaque fois.

Ainsi, sur les 5 millions d'euros redressés sur le fret à Roissy en 2012, le fret express n'a représenté que 750 000 euros (moins de 15 %), et le fret postal n'a fait l'objet d'aucun redressement ! Pourtant, 8 millions d'envois express et 35 millions d'envois postaux transitent chaque année par Roissy...

En amont, la douane a renforcé son action sur les sites de vente en ligne par la création de la cellule Cyberdouane en 2009 , une initiative que saluent vos rapporteurs spéciaux. Mais le service se concentre sur les sites offrant des produits illégaux, et pas des produits légaux non déclarés. De plus, ses moyens sont limités : une quinzaine d'agent et aucune possibilité d'action sur les sites hébergés à l'étranger...

La direction générale des finances publiques (DGFiP) est tout aussi consciente des enjeux, mais tout aussi démunie face aux ruses de l'économie numérique . Ce sont donc des montants substantiels de TVA, d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, qui échappent à l'administration fiscale. Il est aujourd'hui impossible de les chiffrer.

*

Vos rapporteurs spéciaux formulent donc plusieurs propositions qui ont vocation à provoquer un sursaut , au niveau national mais aussi au niveau européen où se décide une grande partie de la législation douanière.

Bien sûr, il ne sera jamais possible d'ouvrir chaque lettre et chaque colis pour vérifier l'exactitude des informations déclarées en douane. Mais l'information sur les flux physiques existe : l'enjeu pour la douane est d'y avoir accès, et de porter ses efforts sur la collecte des taxes autant que sur la lutte contre les trafics.

Surtout, au-delà des flux physiques, vos rapporteurs spéciaux rappellent qu'il faut d'abord combattre la fraude sur Internet par les flux financiers . Or ceux-ci transitent presque tous par un petit nombre d'intermédiaires, qui pourraient utilement apporter leur concours.

Certaines de ces propositions sont aisées à mettre en oeuvre ; d'autres requièrent une implication de long terme. Mais l'enjeu est tel, pour nos finances publiques et notre souveraineté fiscale, qu'il ne peut plus être laissé de côté. A cet égard, il est surprenant que la question n'ait même pas été soulevée lors de la discussion récente du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance et financière.

INTRODUCTION - L'ADMINISTRATION DES DOUANES
FACE À L'EXPLOSION DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

I. LES MISSIONS DE LA DOUANE DANS LE CADRE DE LA VENTE À DISTANCE...

Rattachée au ministère du budget, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) est une administration chargée de la régulation des échanges, a aujourd'hui une triple mission :

1) Dans le cadre de sa mission fiscale , la douane est chargée de percevoir les droits de douane à l'importation dans l'Union européenne, la TVA à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne, les accises sur le tabac, l'alcool et les produits pétroliers, ainsi que plusieurs contributions indirectes sur le modèle de la TVA. Elle est chargée du recouvrement de la taxe sur les poids lourds 2 ( * ) , dont l'entrée en vigueur vient d'être suspendue.

2) Dans le cadre de sa mission de protection et de lutte contre la fraude , la douane lutte contre les trafics de marchandises contrefaites , prohibées (stupéfiants, armes, espèces animales menacées d'extinction 3 ( * ) etc.), réglementées (produits dangereux ou polluants, oeuvres d'arts, matériel militaire etc.) ou fortement taxées (alcools, tabacs).

3) Dans le cadre de sa mission de soutien de l'activité économique , la douane fluidifie et sécurise les échanges internationaux, et soutient la compétitivité des entreprises en leur offrant des procédures simplifiées et des conseils personnalisés. Elle produit des statistiques sur le commerce international. Elle fait respecter les règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Union européenne, elle assure le contrôle de certains marchés (tels que la viticulture) et lutte contre les pratiques déloyales (dumping, contrefaçon).

L'organisation de l'administration des douanes

La DGDDI est rattachée au ministère de l'économie et des finances, et placée sous la double tutelle du ministre délégué chargé du budget et de la ministre du commerce extérieur.

Les services déconcentrés de la DGDDI sont organisés en 12 directions interrégionales (DI) et 42 directions régionales, qui ne recouvrent pas le découpage administratif de droit commun mais tiennent compte des grands points de passage qui concentrent l'activité économique sur le territoire.

La DGDDI possède en outre 7 services à compétence nationale , dont les plus notables sont la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ( DNRED ), le service national de douane judiciaire ( SNDJ ) et la direction nationale du recrutement et de la formation professionnelle ( DNRFP ).

La DGDDI compte environ 17 000 agents 4 ( * ) , principalement répartis en deux branches d'activité : d'une part, le contrôle des opérations commerciales (dédouanement) et des contributions indirectes, et, d'autre part, les services de surveillance et de protection du territoire et de contrôle des marchandises.

Source : DGDDI, rapport annuel de performance 2012

Les recettes fiscales recouvrées par la DGDDI en 2012

Les recettes recouvrées par la DGDDI représentent 19 % des recettes fiscales brutes de l'Etat en 2012 (359 milliards d'euros) 5 ( * ) .

Répartition des recettes par nature en 2012

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

Toutes les recettes fiscales collectées par la DGDDI ne sont pas affectées à l'Etat. C'est notamment pour le compte de l'Union européenne que sont perçus les droits à l'importation.

Répartition des recettes par affectataire en 2012

Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

La vente en ligne de biens matériels entre donc dans le champ de compétence de la douane , dès lors que ces marchandises sont expédiées depuis un pays extérieur à l'Union européenne. Vos rapporteurs spéciaux ont choisi de s'intéresser à la manière dont la DGDDI mène, dans ce domaine, ses missions de lutte contre les trafics et de recouvrement des prélèvements obligatoires.

Juridiquement, les marchandises issues de la vente en ligne sont soumises au droit commun de la vente à distance, ou vente par correspondance . Celle-ci est définie à l'article L.121-16 du code de la consommation comme « toute vente d'un bien ou toute fourniture d'une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance 6 ( * ) ». Son champ comprend donc non seulement la vente sur Internet, mais également les canaux plus traditionnels de la vente sur catalogue (La Redoute, Les 3 Suisses) ou par téléphone. Elle porte non seulement sur les biens, qui sont l'objet du présent rapport, mais également sur les services.

Pourtant, dans les faits, la vente en ligne présente de fortes spécificités par rapport à la vente par correspondance traditionnelle , qui viennent bouleverser la manière dont la douane exerce ses missions traditionnelles.

II. ...SONT COMPLIQUÉES PAR L'EXPLOSION DU COMMERCE SUR INTERNET

La vente en ligne, qui représente aujourd'hui l'essentiel des ventes à distance, a bouleversé les conditions dans lesquelles l'administration des douanes exerce ses missions traditionnelles . En effet, le commerce sur Internet génère aujourd'hui un chiffre d'affaires de 45 milliards d'euros par an , produits et services confondus 7 ( * ) , alors qu'il ne représentait qu'une centaine de milliers d'euros en 1996. Les ventes à distance de produits matériels s'élèvent quant à elles à 24,6 milliards d'euros en 2012. La France compte 117 500 sites marchands actifs, en hausse de 17 % en un an.

Les chiffres clés du commerce en ligne en France en 2013


• 69 % des Français achètent à distance.


• Les ventes sur Internet représentent 7 % du commerce de détail (hors alimentaire).


• Les principaux postes sont l'habillement (4,4 milliards d'euros pour 10 % de part de marché), l'électronique et l'électroménager (3,5 milliards d'euros pour 16 % de part de marché) et les produits culturels physiques et dématérialisés (1,7 milliards d'euros pour 21 % de part de marché).


• 48 % des internautes ont acheté ou vendu sur des sites de vente entre particuliers au cours des 6 derniers mois (produits neufs ou d'occasion).


• 75 000 emplois directs et indirects sont générés par le e-commerce.


• 82 % des acheteurs choisissent la livraison à domicile.


• 117 500 sites marchands sont actifs en 2012, en hausse de 17 % en un an, dont 4 700 enregistrent plus de 1 000 transactions par mois.

Source : FEVAD 2013

En Europe, près de 550 000 sites marchands s'adressent à plus de 250 millions d'acheteurs en ligne, pour un chiffre d'affaires de 312 milliards d'euros. Tout cela se traduit par l'envoi de 3,5 milliards de colis chaque année 8 ( * ) .

Cette explosion du commerce en ligne est une chance pour les consommateurs, pour l'emploi et pour la croissance - la France se classe actuellement au sixième rang mondial pour le commerce en ligne (et au troisième rang européen derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne), et plus d'un site de e-commerce français sur deux est déjà présent à l'international. Cependant, le développement du commerce en ligne de biens matériels constitue en même temps « une manne providentielle pour les fraudeurs 9 ( * ) » , comme le reconnaît la DGDDI.

De fait, les conditions dans lesquelles la douane est amenée à exercer ses missions ont totalement changé. Avant l'émergence du commerce en ligne , le schéma type était le suivant : des biens étaient importés en gros par une entreprise établie en France, stockés sur le territoire français puis revendus dans des points de ventes physiques facilement identifiables. La mission des douanes s'en trouvait facilitée, puisqu'elle se concentrait sur un petit nombre d'acteurs.

Avec le commerce en ligne , les commandes font l'objet d'une multitude d' envois fractionnés, principalement par fret express ou par fret postal . En conséquence, le nombre de contrôles nécessaires pour parvenir à des saisies ou à des redressements significatifs s'en trouve démultiplié. Au-delà même du morcellement des envois, ce sont les caractéristiques propres au commerce en ligne qui facilitent considérablement la fraude : quasi-anonymat, facilité de (re)création des sites, absence de contrainte territoriale etc. Enfin, la méthode du « drop-shipping », c'est-à-dire l'envoi direct par le fournisseur étranger au client final, permet à l'éventuel intermédiaire ou organisateur indélicat de ne disposer d'aucun stock en France.

De fait, les ventes en ligne se révèlent très propices à la fraude et aux trafics. Naturellement, les flux illicites en matière de fret express ou postal ne sont pas tous le fait de particuliers achetant sur Internet, loin s'en faut. D'une manière générale, ces vecteurs « constituent des moyens de transport de plus en plus prisés par les organisations criminelles : les constatations en matière de stupéfiants, contrefaçons, cigarettes et convention de Washington sont en constante augmentation 10 ( * ) ». Par exemple, 27 % des tabacs et cigarettes en contrebande saisis en 2012 l'ont été sur le vecteur du fret express 11 ( * ) .

L'action de la DGDDI en matière de lutte contre la fraude sur Internet et la cyberdélinquance est multiforme : renforcement des moyens de contrôle physique et documentaire des flux de marchandises, création de la cellule d'enquête « Cyberdouane », lutte contre les sites et les filières, adaptation de l'arsenal juridique, responsabilisation des consommateurs, coopération avec d'autres administrations nationales et étrangères, avec les titulaires de droits des marques, les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), les intermédiaires de paiement etc.

Vos rapporteurs spéciaux ont toutefois constaté que les résultats étaient très différents selon qu'il s'agisse de la lutte contre les trafics ou du recouvrement des prélèvements obligatoires - aussi ont-ils retenu cette grille de lecture.

PREMIÈRE PARTIE - UNE LUTTE EFFICACE CONTRE LES TRAFICS

I. LES FLUX DE MARCHANDISES ISSUES DES VENTES EN LIGNE SONT EN PRINCIPE SOUMIS AUX CONTRÔLES DE DROIT COMMUN

Les ventes en ligne sont acheminées par deux moyens privilégiés : le fret express et le fret postal . Dans la mesure où 82 % des acheteurs sur Internet choisissent la livraison à domicile 12 ( * ) , le contrôle des envois par fret express et fret postal représente la principale possibilité d'action sur les flux 13 ( * ) en matière de ventes en ligne.

Vos rapporteurs spéciaux ont donc choisi de se rendre à la direction interrégionale des douanes de Roissy , qui traite la grande majorité du fret express et du fret postal arrivant en France, afin de se rendre compte de la manière dont se déroulent les contrôles. Près de 8 millions d'envois en fret express et 35 millions d'envois en fret postal (en import et en export) transitent chaque année par la plateforme aéroportuaire de Roissy.

La douane de Roissy en chiffres

L'aéroport Roissy-Charles de Gaulle

La plateforme de Roissy représente un bassin de plus de 1000 entreprises et 100 000 emplois, et représente 10 % du PIB de la région Ile-de-France. Le trafic de Roissy-CDG est le suivant :

- Trafic passagers : 61,6 millions en 2012 contre 61 millions en 2011, soit le deuxième rang européen et le septième rang mondial. La plate-forme génère 100 000 emplois.

- Trafic fret : 2,2 millions de tonnes de fret en 2012 , soit le premier rang européen et le huitième rang mondial. Le fret express représente 8 millions d'envois, et le fret postal 35 millions d'envois.

La direction interrégionale des douanes de Roissy

La DI de Roissy exerce sa compétence sur les aéroports internationaux de Roissy-CDG et du Bourget. Forte de 1350 agents , elle est organisée en deux directions régionales opérationnelles :

- Roissy-Voyageurs : 15 brigades d'agents en tenue, exerçant un contrôle 24 heures sur 24.

- Roissy-Fret : 15 bureaux de contrôle (fret cargo, fret express, fret postal...), assurant le dédouanement du lundi au samedi de 8h00 à 20h00 (avec un dispositif spécifique pour la nuit, les dimanches et les jours fériés). Chaque bureau de contrôle dispose d'un « superviseur », chargé de la programmation des contrôles, de la définition des critères de risques locaux et de la communication avec les différents services de renseignement concernés.

Note : en fret postal, les colis postaux supérieurs à 2 kg sont traités sur le site de Paris Ouest, à Chilly-Mazarin . En 2012 ont été traités 3,5 millions de colis, soit 1,2 million de colis en import, et 2,3 millions de colis en export.

Source : d'après les documents fournis par la DGDDI

Le régime juridique applicable au contrôle, à la retenue et à la saisie des envois express ou postaux est en principe bien défini. Cependant, il est apparu à vos rapporteurs spéciaux que les volumes considérables qui arrivent à Roissy dépassent très largement les capacités de traitement de la DGDDI, qui par ailleurs ne dispose que d'informations parcellaires .

Ces réserves étant faites, la douane obtient, aves les moyens dont elle dispose, de très bons résultats en matière de saisies de marchandises prohibées.

A. LE FRET EXPRESS EST SOUMIS AU DROIT COMMUN DES CONTRÔLES

Le régime juridique applicable au fret express - et a fortiori au fret express issu du commerce en ligne - ne se distingue pas du régime applicable à l'ensemble des marchandises introduites dans l'Union européenne. Les colis pris en charge par des opérateurs tels que FedEx, DHL, UPS ou TNT sont donc soumis au droit commun du processus douanier à l'importation.

Les trois étapes de la procédure à l'importation en fret express

1) La déclaration sommaire d'entrée (ENS) à des fins de sûreté-sécurité

La déclaration ENS ( Entry Summary Declaration ) est fournie sous forme électronique par le transporteur (ou son représentant) au premier bureau d'entrée dans le territoire douanier communautaire (TDC). Un numéro d'identification est délivré en retour. Les 27 données, essentiellement logistiques et commerciales (expéditeur, destinataire, trajet, nature de la marchandise...), doivent être envoyées au plus tard 4 heures avant l'arrivée de l'aéronef pour les vols long-courrier, et au décollage de l'aéronef pour les vols court-courrier. Elles font l'objet d'une analyse de risque par la cellule de levée de doute implantée à Roissy (cf. infra ).

Cette déclaration est l'élément principal du système « ICS » ( Import Control System ) 14 ( * ) entré en vigueur dans l'Union européenne en 2011.

La déclaration ENS n'est pas requise pour les envois d'une valeur inférieure à 22 euros , dits « envois de valeur négligeable » (EVN).

2) La présentation en douane des marchandises

La notification d'arrivée de l'aéronef dans le TDC marque la fin du processus communautaire ICS. A la demande des cellules de levée de doute des différents Etats membres, des contrôles obligatoires peuvent être prescrits au déchargement de la marchandise.

3) Le dédouanement : dépôt du document administratif unique (DAU)

Toute marchandise doit faire l'objet d'une déclaration en douane dont le DAU est le support. Cette déclaration permet d'attribuer un régime douanier à la marchandise (importation, réexportation, règles particulières etc.) ainsi que de calculer les droits et taxes afférents , qui sont alors liquidés (cf. infra ).

Dans le cas du fret express, les sociétés de fret express sont considérées comme titulaires de l'agrément de commissionnaire en douane , et déposent à ce titre la déclaration pour le compte de leurs clients, importateurs réels des marchandises.

En France, les opérateurs de fret express bénéficient depuis 2009 de la télé-procédure de dédouanement Delta X , anticipée et totalement informatisée, qui est l'un des modules de la télé-procédure Delta 15 ( * ) . Près de 3,8 millions de déclarations ont été déposées sur Delta X en 2012.

Source : DGDDI, Sous-direction du commerce international

A l'occasion du passage en douane, l'administration a donc la faculté de procéder à des contrôles de deux types 16 ( * ) :

- le contrôle documentaire , qui porte sur la déclaration et les documents qui y sont joints. Le cas échéant, l'administration peut demander des documents complémentaires, que l'expressiste est tenu de fournir : factures, preuves de paiement etc.

- l'examen physique des marchandises , qui peut le cas échéant donner lieu à prélèvement puis analyse d'un échantillon.

Les contrôles peuvent intervenir soit au moment du dédouanement (« contrôles ex ante ») , soit après le dédouanement (« contrôles ex post ») . Les agents des douanes peuvent alors faire usage de leur droit de communication 17 ( * ) à l'égard des tiers (cf. infra ), de leur droit d'accès aux locaux à usage professionnel 18 ( * ) , voire le cas échéant de leur droit de visite domiciliaire (ou perquisition douanière) 19 ( * ) .

Les contrôles peuvent donner lieu à une retenue , selon des modalités variées : mainlevée différée en cas de doute, droit de consignation, retenue des marchandises contrefaisantes etc. Les contrôles peuvent aussi donner lieu à une saisie des marchandises , en cas de constatation d'infraction passible de confiscation 20 ( * ) .

Les contrôles douaniers doivent être extrêmement sélectifs , non seulement parce que les moyens techniques et humains sont limités, mais aussi parce qu'il importe de ne pas immobiliser inutilement des marchandises qui ne présentent aucun risque - notamment lorsque celles-ci ne sont soumises à aucune réglementation particulière ou qu'elles ne donnent pas lieu à la perception de droits ou taxes.

A cette fin, la douane a mis en place un dispositif de ciblage automatique du fret , qui opère une analyse-risque des données fournies en fonction de profils prédéfinis. En fait, il existe deux ciblages successifs .

Le ciblage à des fins de sûreté-sécurité 21 ( * ) constitue le coeur de l' Import Control System (ICS) mis en place dans l'Union européenne. En France, les informations transmises par les opérateurs de la plateforme aéroportuaire sont traitées par la cellule de ciblage du fret (CCF) , créée en 2004 et basée à Roissy 22 ( * ) . Opérationnelle 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, la CCF est compétente pour les flux aériens de la métropole, d'outre-mer et avec les pays tiers ou membres de l'UE. Dans sa mission de « levée de doute », elle prescrit des contrôles qui ont lieu soit au premier point d'entrée sur le territoire douanier communautaire (risque B), soit dans le pays de déchargement en cas de marchandises en transit (risque C) 23 ( * ) . Sur les 5,3 millions de déclarations sommaires d'entrée (ENS) traitées en 2012, 883 ont donné lieu à des contrôles 24 ( * ) .

Le ciblage à des fins de lutte contre les trafics et les fraudes douanières , ou ciblage "dédouanement", a pour objectif de « s'assurer de la régularité des opérations de dédouanement et du respect des obligations imposées par les réglementations communautaires ou nationales 25 ( * ) ». A cette fin, la douane dispose d'un outil de ciblage automatique du fret (dit « RMS », pour Risk Management System ) qui exploite les différentes informations fournies dans le système Delta (Delta X pour le fret express).

B. LE FRET POSTAL NE PEUT PAS FAIRE L'OBJET DE CONTRÔLES AUSSI PRÉCIS

Le fret postal obéit en revanche à des procédures différentes , qui découlent des stipulations de la convention de l'Union postale universelle (UPU). Ce point a son importance dans la mesure où certaines marchandises prohibées achetées sur Internet peuvent facilement être envoyées par la Poste , parfois dans une simple enveloppe, notamment les médicaments et la drogue. De fait, alors que le fret express conserve une clientèle majoritairement composée d'entreprises (flux B2B ), le fret postal est aujourd'hui principalement utilisé par des particuliers ayant effectué des commandes à distance (flux B2C ).

La procédure à l'importation en fret postal

Contrairement aux envois en fret express, les envois postaux ne sont pas soumis au dépôt d'une déclaration sommaire d'entrée (ENS) . En conséquence, il n'y a pas de transmission anticipée d'informations à des fins de sûreté-sécurité.

Lors de la présentation en douane des lettres et colis, les agents de la DGDDI peuvent accéder aux centres de tri postal afin d'opérer les contrôles.

Les envois postaux sont accompagnés d'une déclaration CN 22/CN 23 , standardisée au niveau mondial par l'UPU et contenant un nombre minimal d'informations 26 ( * ) . Les obligations déclaratives n'incombent pas à l'opérateur postal mais à l'expéditeur de l'envoi .

Une déclaration CN 22 Source : La Poste

Cependant, les déclarations CN 22/CN 23 ne sont pas applicables aux marchandises d'une valeur supérieure à 1 000 euros, prohibées ou soumises à une régulation particulière. Une déclaration en douane de droit commun est alors exigée ( via la procédure Delta) et effectuée par la Poste au nom de l'expéditeur ; elle est le cas échéant accompagnée des documents justificatifs. De fait, une part croissante des envois postaux fait l'objet d'une déclaration Delta, dans les conditions exposées plus haut.

Enfin, en vertu des règles de l'Union postale universelle, les lettres personnelles et les cartes postales sont considérées comme dédouanés dès leur introduction dans l'Union européenne . Il n'y a donc ni déclaration sommaire d'entrée (ENS), ni obligation de présentation en douane, ni procédure de dédouanement. Ces envois sont par ailleurs protégés par le secret des correspondances 27 ( * ) .

Source : DGDDI, Sous-direction du commerce international

Dans le cas du fret postal, les contrôles ex ante ont lieu lors du dédouanement postal ; les contrôles ex post peuvent être mis en oeuvre via le droit de visite des locaux à usage professionnel déjà mentionné 28 ( * ) , ou sur le fondement du droit d'accès aux locaux de la Poste 29 ( * ) . Les procédures de retenues sont identiques à celles appliquées en fret express.

Il n'existe pas pour le fret postal de base de données informatique analogue à celle qui existe pour le fret postal : aucun ciblage basé sur une analyse automatique des risques n'est donc possible. De plus, les services de la douane n'ont pas, à ce jour, accès aux bases de données logistiques et commerciales de la Poste.

C. LES CONSTATATIONS ENTRAÎNENT RAREMENT UNE PROCÉDURE JUDICIAIRE

Les constatations douanières peuvent déboucher, le cas échéant, sur une procédure judiciaire . Informé par le service contentieux de la direction territoriale concernée, le parquet peut confier une enquête préliminaire au Service national des douanes judiciaires (SNDJ) 30 ( * ) . Composé d'officiers de douane judiciaire (ODJ) et dirigé par un magistrat, le SNDJ n'agit pas sur le fondement du code des douanes mais sur celui du code de procédure pénale : son objectif est « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte 31 ( * ) ». Les enquêtes du SNDJ peuvent impliquer une coopération européenne via Europol, Eurojust ou encore l'Office européen de la lutte anti-fraude (OLAF), ou une coopération internationale. A l'issue de l'enquête, le parquet peut décider de l'ouverture d'une information judiciaire.

L'enquête permet parfois de relier des constatations apparemment sans lien entre elles , par l'identification d'adresses, de numéros de téléphone ou de complices communs ; ainsi le SNDJ cherche donc à rassembler ces constatations en une même enquête, afin que la réponse pénale puisse « inclure une imputation de faits épars à une même filière, pour en mesurer l'activité et les bénéfices 32 ( * ) ».

En pratique, toutefois, très peu de dossiers font effectivement l'objet d'une procédure judiciaire (5,5 % en 2012 pour l'ensemble des constatations douanières) 33 ( * ) . Ceci s'explique par les très nombreuses affaires à faible enjeu, dans lesquelles le destinataire est parfois de bonne foi. En pratique, la constatation douanière débouche le plus souvent sur une transaction de fait 34 ( * ) avec le représentant du déclarant (le transporteur), qui implique l'abandon de la marchandise, l'acquittement des droits et taxes éventuels et, le cas échéant, une pénalité. L'essentiel est ici de « sortir » la marchandise du circuit commercial. En matière pénale, l'obligation d'informer le procureur de la République n'est effective qu'au-dessus de certains seuils (par exemple 60 000 euros ou 100 pièces pour les contrefaçons) en-dessous desquels la transaction est implicitement autorisée.

II. LES CONTRÔLES SONT EN PRATIQUE PLUS DIFFICILES, MAIS PRODUISENT TOUTEFOIS DE BONS RÉSULTATS

En pratique , le contrôle de l'importation des marchandises achetées sur Internet et envoyées par fret express ou postal se heurte à bien des obstacles et connaît bien des vicissitudes. Vos rapporteurs spéciaux ont ainsi identifié deux séries de facteurs qui réduisent considérablement la portée des contrôles douaniers normalement prévus :

- d'abord, les informations dont dispose la douane sur le contenu et la valeur des envois sont très insuffisantes ;

- ensuite, les modestes moyens qui peuvent être mis en oeuvre - notamment humains - sont sans commune mesure avec l'importance des volumes traités, et peu adaptés à l'atomisation des envois.

Ces facteurs découlent directement des spécificités des ventes en ligne , et il n'est pas question de nier la difficulté particulière que représente cette nouvelle forme de commerce pour la DGDDI. Vos rapporteurs spéciaux estiment d'ailleurs que, compte tenu des moyens humains et juridiques disponibles, la douane réalise un travail tout à fait satisfaisant en matière de saisies de marchandises prohibées .

A. UNE CONNAISSANCE DES FLUX TROP LIMITÉE POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LA FRAUDE

1. Des informations très insuffisantes en fret express...

Étant entendu qu'un bon ciblage permet un bon contrôle, il est vital que l'administration des douanes dispose d'un maximum d'informations sur le contenu des marchandises afin d'opérer les vérifications les plus pertinentes et les plus exhaustives possibles.

Or tel n'est pas du tout le cas en fret express 35 ( * ) .

Certes, les opérateurs de fret express fournissent à la douane une série d'informations dans le cadre de la procédure ICS puis dans le cadre de la procédure de dédouanement (cf. supra ). L'application Delta X permet ainsi un ciblage relativement efficace ainsi qu'un « rapprochement avec les contrôles positifs déjà réalisés 36 ( * ) ». Cependant, si ces informations sont utiles, elles sont en même temps très insuffisantes . La DGDDI souligne ainsi que l'application Delta X « présente des fonctionnalités insuffisantes au regard de la lutte contre la fraude 37 ( * ) ».

Le contraste est très net avec le fret classique, dit « général cargo » , dont le niveau d'exigence élevé en termes d'informations permet un ciblage optimal , aux dires des services de la direction interrégionale de Roissy. En fret cargo, la déclaration réalisée via Delta C par le commissionnaire en douane s'accompagne de nombreuses pièces justificatives , et notamment des factures. La déclaration précise aussi le numéro de la marchandise dans la nomenclature du « Système Harmonisé » (SH) , système unique de désignation, de classification et de tarification des marchandises, applicable au niveau mondial 38 ( * ) . Ce système permet, pour les 195 pays qui l'utilisent, d'identifier et de taxer précisément les marchandises échangées, et d'estimer leurs flux commerciaux internationaux 39 ( * ) .

Le niveau d'exigence est bien moins élevé en fret express : en fait , le modèle économique du fret express est fondé sur la rapidité et la fluidité des échanges , quitte à ce que cela se fasse au détriment de la connaissance et de la sécurité de ces flux 40 ( * ) .

Ainsi, les opérateurs de fret express ne fournissent qu'un numéro de SH incomplet, et les pièces justificatives sont très succinctes - si elles existent . L'expéditeur peut utiliser une dénomination commerciale très vague (« montre », « veste » etc.) pour désigner sa marchandise. De plus, l'expéditeur réel est parfois inconnu , dans le cas où l'opérateur qui procède localement au dédouanement dispose seulement de la référence de l'opérateur du pays d'origine. Le destinataire réel peut lui aussi être inconnu . D'une manière générale, les bordereaux des envois express sont souvent remplis de manière bien trop imprécise ou fantaisiste pour permettre un ciblage pertinent, comme ont pu le constater vos rapporteurs spéciaux lors de leur visite (cf. infra , exemple de bordereau en fret express).

Surtout, la douane n'a pas accès, à ce jour, aux multiples données logistiques et commerciales dont disposent les opérateurs de fret express : bases clientèles, référence des achats etc. Pourtant, ces informations pourraient être d'une très grande utilité dans le processus de ciblage du fret express. A ce jour, leur communication n'est pas obligatoire : ces renseignements sont seulement transmis au cas par cas, sur demande expresse de l'administration , lorsque celle-ci fait usage de son droit de communication (cf. encadré) à l'occasion d'un contrôle. Mais aucun « ciblage » automatique et systématique sur de grands volumes n'est possible.

Vos rapporteurs spéciaux estiment donc tout à fait justifiée la demande des services de la DGDDI : « il est impératif d'avoir accès aux bases de données des différents opérateurs afin de pouvoir cibler les envois qui paraissent sensibles selon nos missions. En effet, un tel accès serait de nature à accroître de manière très sensible notre efficacité 41 ( * ) ».

Les insuffisances pointées ici en matière de disponibilité et de traitement des informations appellent également à une mise à jour impérative de l'application Delta X .

Le droit de communication de l'administration des douanes

Article 65 du code des douanes

Les agents des douanes sont autorisés à exiger de tous les opérateurs du commerce extérieur (transporteurs, commissionnaires, agences, concessionnaires d'entrepôts...) et, d'une manière générale, de toutes les personnes physiques ou morales , directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou non relevant de leur compétence, sur place ou par correspondance, la communication des documents de toute nature, quel qu'en soit le support , intéressant leur service.

Ils ont le pouvoir de saisir les documents . Ce droit de communication suppose une remise volontaire des documents par la personne concernée.

Par ailleurs, pour le recouvrement des droits indirects , l'administration des douanes peut faire usage des différents droits de communication prévus par les articles L. 82 A à L. 102 du livre des procédures fiscales (LPF) (cf. infra ).

Source : DGDDI

2. ...et presque inexistantes en fret postal

En ce qui concerne le fret postal, le manque d'information est presque total .

D'une part, il n'existe pas en matière de fret postal de procédure de déclaration informatisée 42 ( * ) . Aucun ciblage automatique n'est donc possible.

D'autre part, les envois en fret postal sont soumis à des obligations déclaratives minimales (cf. supra ), qui de surcroît pèsent sur l'expéditeur et non pas sur le commissionnaire. La Poste n'est donc pas responsable des déclarations. En conséquence, « la Poste n'est pas en mesure de renseigner le service, avant contrôle, sur les numéros d'envoi des colis ainsi que les coordonnées des expéditeurs et des destinataires 43 ( * ) ».

Les informations fournies sur les déclarations CN 22 ou CN 23 sont d'ailleurs presque toujours incomplètes, imprécises, voire fantaisistes ou mensongères. On ne laisse pas de s'étonner du nombre de « cadeaux » (ou « gifts ») envoyés par la poste. De plus, les déclarations sont remplies dans la langue du pays d'origine - or les étiquettes rédigées en chinois ou en hindi, que ne maîtrisent pas forcément tous les agents chargés du contrôle, ne sont pas les moins suspectes en matière, par exemple, de médicaments ou de contrefaçons... Les services de la DGDDI signalent aussi la pratique du « repostage » , consistant pour l'expéditeur à faire figurer sur les colis la seule adresse d'un « groupeur » situé dans un autre pays, et ensuite chargé de répartir les envois entre les destinataires réels.

Aux dires de la DGDDI, « la Poste commence à s'emparer du sujet » et à « sensibiliser les guichetiers au bon accomplissement des formalités 44 ( * ) » - mais cela peut-il avoir une réelle portée en Chine ou en Inde ?

Enfin, la douane n'a pas accès aux bases de données logistiques et commerciales de la Poste , et notamment les bases CAPE VISION et THETYS. Comme dans le cas des opérateurs de fret express, cela prive la DGDDI d'informations qui pourraient s'avérer extrêmement utiles pour effectuer des recoupements.

3. Des informations supplémentaires qui sont soumises au bon vouloir des opérateurs

Dans ces conditions, le seul moyen pour la douane d'accéder aux informations commerciales des opérateurs du commerce international est de passer des conventions avec ces derniers.

En matière de fret, c'est notamment le cas avec Air France : « le niveau de coopération avec Air France est élevé et se traduit par la mise à disposition de bases de données (...). En outre, une convention a été conclue entre Air France et la direction régionale de Roissy Fret en novembre 2012 relative à l'utilisation de la base de données IDEFIX (application de suivi des réservations de fret) (...) par la cellule de ciblage du fret (CCF) 45 ( * ) ». Cette base de données contient des informations qui peuvent se révéler très utiles aux agents habilités à la consulter, telles que le numéro LTA (« lettre de transport aérien », c'est-à-dire le contrat de transport) ou le poids des marchandises.

S'il faut naturellement se féliciter de tels accords , vos rapporteurs spéciaux regrettent que l'administration soit soumise à la seule bonne volonté des opérateurs pour obtenir les données nécessaires à l'efficacité de sa mission. Cela est d'autant plus préjudiciable que cette bonne volonté est davantage l'exception que la règle : comme l'admet pudiquement la direction interrégionale de Roissy, « la coopération est en revanche occasionnelle avec les autres compagnies aériennes présentes sur le site 46 ( * ) »...

Il faut ceci dit rappeler qu'il importe, pour la DGDDI, de maintenir de bonnes relations avec les opérateurs économiques. Il ne s'agit pas seulement de lutte contre la fraude : la mission de la douane est avant tout de soutenir la compétitivité des entreprises en simplifiant les procédures et en mettant à leur disposition des outils d'information et d'accompagnement. La lutte contre la fraude ne saurait devenir l'horizon unique de la douane , au détriment de sa mission économique qui est aujourd'hui la plus cruciale.

B. UNE DISPROPORTION MANIFESTE ENTRE LES VOLUMES EN JEU ET LES MOYENS DISPONIBLES

1. Un contrôle souvent visuel en pratique

A défaut d'informations suffisantes obtenues par le biais des déclarations, c'est un simple « tri visuel » qui permet de sélectionner les colis nécessitant l'attention des douanes . Lors de leur visite à Roissy, vos rapporteurs spéciaux ont ainsi pu mesurer l'importance du « coup d'oeil » pour repérer sur la chaîne de tri un conditionnement spécifique (médicaments, paquet habituel etc.) ou un bordereau facilement reconnaissable (portant par exemple le nom d'un site connu).

En matière de fret express, le tri visuel est complémentaire du ciblage informatique.

En matière de fret postal, le contrôle visuel est la seule arme des douaniers. Le seul « ciblage » effectué consiste en pratique en une liste de quelques pays considérés comme « à risque », renouvelée régulièrement, qui permet d'orienter les ouvertures aléatoires de colis sur une période donnée.

De fait, le contenu des colis ouverts selon cette méthode se révèle effectivement frauduleux dans la grande majorité des cas : le professionnalisme des douaniers fait ici ses preuves. Mais pour un colis qui est ouvert, combien réussissent à « passer » ?

2. Des volumes considérables et impossibles à contrôler

Quelle que soit la pertinence du ciblage (informatique ou visuel), le problème demeure entier tant est manifeste la disproportion entre les volumes de marchandises et les agents affectés à leur contrôle .

Près de 35 millions d'envois postaux inférieurs à 2 kg et 8 millions d'envois en fret express transitent chaque année à Roissy 47 ( * ) : les agents de la direction régionale de Roissy-Fret ne peuvent en contrôler qu'une petite minorité. La faiblesse des moyens est par exemple très visible au bureau de fret postal, où vos rapporteurs ont pu voir qu' environ dix personnes étaient en charge du contrôle de près de 300 tonnes de lettres et colis par jour ...

Dans ces conditions, c'est naturellement au ciblage sûreté-sécurité que va la priorité . Les autres contrôles ne sauraient couvrir l'intégralité des envois susceptibles de relever d'une infraction douanière.

C. LES SAISIES SONT MALGRÉ TOUT SATISFAISANTES, GRÂCE À L'IMPLICATION DE LA DOUANE DANS SA MISSION DE LUTTE CONTRE LES TRAFICS

Compte tenu des moyens dont disposent les agents de la DGDDI et des nombreux obstacles rencontrés, vos rapporteurs spéciaux estiment que les résultats en matière de lutte contre la contrefaçon et contre les trafics illicites sont tout à fait satisfaisants .

Les saisies concernant la vente en ligne ne peuvent pas être identifiées directement, mais peuvent être appréhendées au travers des saisies effectuées sur ses vecteurs privilégiés que sont le fret express et le fret postal - même si les trafics présentés ci-dessous ne correspondent pas tous, bien sûr, à des achats de particuliers sur Internet.

En 2012, la DGDDI a notamment saisi, en fret express et postal, 2,8 tonnes de stupéfiants (+ 86 % par rapport à 2011), 29,5 tonnes de tabacs et cigarettes de contrebande (- 18 % par rapport à 2011) et 1,4 million d'articles de contrefaçons (stable par rapport à 2011). Les saisies portent aussi sur les médicaments, les armes, les espèces protégées etc.

Saisies de la DGDDI en fret express et en fret postal

Produits stupéfiants

Tabacs et cigarettes de contrebande

Contrefaçons

2012

11,73 M€

2,84 tonnes

5,85 M€

29,52 tonnes

1,43 M d'articles

2011

8,57 M€

1,53 tonne

6,89 M€

35,79 tonnes

1,42 M d'articles

2010

12,66 M€

1,69 tonne

7,92 M€

37,42 tonnes

0,92 M d'articles

2009

9,21 M€

1,05 tonne

6,46 M€

28,95 tonnes

0,82 M d'articles

2008

10,07 M€

1,17 tonne

6,54 M€

29,61 tonnes

0,64 M d'articles

Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

Les saisies réalisées en fret express et en fret postal représentent une part significative de l'ensemble des saisies réalisées par la DGDDI en 2012 (cf. encadré). Ainsi, 31 % des saisies de contrefaçon (en nombre d'articles) ont été réalisées sur ces vecteurs, contre seulement 1 % en 2005 . La douane de Roissy réalise quant à elle 27 % des saisies de contrefaçons au niveau national, soit 1,2 million d'objets pour une valeur de près de 62 millions d'euros sur le marché authentique. De même, 13 % des saisies de tabacs et cigarettes de contrebandes sont réalisées en fret express ou fret postal, ce qui est un bon résultat compte tenu du morcellement des envois - une ou deux cartouches à chaque fois.

Les saisies réalisées par la DGDDI en 2012

La DGDDI a réalisé au total 73 263 constatations d'infractions en 2012 , soit une baisse de 11 % par rapport à 2011. Ces constatations présentent une très grande diversité, tant en termes de nature que de montants en jeu. D'une manière générale, le « petit contentieux voyageurs » représente des enjeux bien moindres que les constatations liées aux flux commerciaux internationaux.

A titre d'illustration, le tableau ci-dessous reprend les saisies effectuées en matière de produits stupéfiants, de tabacs et de contrefaçons.

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

Source : rapport annuel de performance (2012) ; Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

Ces bons résultats sont d'autant plus notables que, suite à l'arrêt « Nokia-Philips » de 2011 prononcé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 48 ( * ) , les saisies de contrefaçons par la DGDDI ont connu une chute drastique de 48 % en 2012 , atteignant 94 % au port du Havre. Cette décision interdit en effet les saisies (ou le contrôle) des marchandises en transbordement, qui transitent par la France mais sont destinées à un autre Etat membre de l'UE. Par contraste, les ventes sur Internet n'ont été que peu touchées par l'arrêt « Nokia-Philips », dans la mesure où elles privilégient très largement le fret express et le fret postal.

Parmi les saisies marquantes opérées par la douane de Roissy en 2011, on peut citer :

- 260 kg de champignons hallucinogènes dans le centre postal ;

- 10 000 comprimés de méthamphétamines en provenance de Thaïlande, dissimulés dans un ours en toile ;

- 100 000 médicaments de contrebande dans le cadre de l'opération « Pangea IV » (cf. infra ), soit environ 90 % des saisies nationales.

- 2 cornes de rhinocéros, des ceintures en peau de cobra, ou encore 518 kg de viande de brousse (dont 126 kg d'espèces protégées).

La contrefaçon : réglementation applicable et modalités d'intervention

La contrefaçon touche désormais tous les secteurs : luxe, consommation courante, produits électroniques, médicaments, jouets, produits culturels... Elle représenterait actuellement 10 % du commerce mondial. Elle est un danger pour les consommateurs et viole les droits de propriété intellectuelle.

L'importation de contrefaçons de marque est un délit douanier au sens de l'article 38 du code des douanes. Elle peut être sanctionnée par 49 ( * ) :

- la confiscation des marchandises, du moyen de transport et des objets ayant servi à dissimuler la fraude ;

- une amende qui peut s'élever jusqu'à deux fois la valeur des marchandises, et cinq fois leur valeur si la fraude a été commise en bande organisée ;

- une peine de trois ans d'emprisonnement dans les cas les plus graves, qui peut être portée à dix ans si la fraude a été commise en bande organisée.

Les modalités d'interventions de la douane ont été adaptées à la contrefaçon, afin de pouvoir associer les titulaires des droits :

- la retenue : la douane peut retenir 10 jours ouvrables toute marchandise contrefaisante présumée, si le titulaire de droits a déposé une demande préalable d'intervention ; ce dernier peut alors mettre en place une action judiciaire. Si le titulaire de droit lésé n'est pas répertorié, la retenue est de 3 jours ouvrables, afin que celui-ci puisse déposer une demande d'intervention et, le cas échéant, intenter une action judiciaire.

- la saisie : si le caractère contrefaisant est confirmé, la douane saisit la marchandise qui est placée sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, qui pourra le cas échéant ordonner sa destruction.

Le Gouvernement a présenté le 3 avril 2013 un plan d'action de lutte contre la contrefaçon en trois volets : le volet national concerne la DGDDI (ciblage des envois en fret express et postal, coups d'achat etc.), le volet européen tend à la révision du droit des marques, et le volet international vise à défendre la propriété intellectuelle et les indications géographiques dans les négociations multilatérales.

Source : DGDDI

III. UNE ACTION SUR L'OFFRE DEVENUE INDISPENSABLE : LE RÔLE ÉMERGENT DE CYBERDOUANE

A. UNE CELLULE AU CENTRE DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SUR INTERNET

Créée en 2009 et placée au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), la cellule « Cyberdouane » est un service douanier spécialisé dans la lutte contre la cyberdélinquance . Le service a pour fonction de recueillir et d'exploiter tous les renseignements utiles dans la lutte contre les fraudes sur Internet en matière de trafics de marchandises prohibées, réglementées ou fortement taxées. Cyberdouane mène donc une véritable « action sur l'offre » , là où les contrôles aéroportuaires constituent une « action sur les flux ».

Depuis septembre 2012, la cellule Cyberdouane est constituée d'une quinzaine de personnes , dont dix analystes en cybercriminalité. Ces agents bénéficient d'une formation spécifique et de logiciels qui leur permettent d'effectuer une veille sur Internet, afin d'établir des liens entre différents sites, forums ou mots-clés, et de cartographier les fraudes complexes. La mission de veille consiste essentiellement à identifier les personnes physiques ou morales qui se cachent derrière un site de vente en ligne, une adresse électronique ou un pseudonyme sur un site de petites annonces, un forum, un blog ou un réseau social.

Par exemple, il existait un marché virtuel ( The Silk Road ) où les vendeurs commercialisent ouvertement - et anonymement - toutes les drogues possibles (cocaïne, LSD, amphétamines, khat...). Les achats sont réglés en « bitcoins », une monnaie virtuelle et décentralisée qui peut, a posteriori , être convertie en devises bien réelles 50 ( * ) . Le site, qui a généré entre janvier 2011 et septembre 2013 un chiffre d'affaires de 1,2 milliard de dollars, dont 80 millions de dollars de commissions, a été fermé fin septembre 2013 par le gouvernement américain 51 ( * ) .

La veille menée par Cyberdouane peut ainsi déboucher sur une enquête menée par le service national des douanes judiciaire (SNDJ) , qui peut être saisi par le procureur de la République à la suite d'une constatation douanière (cf. supra ). Aujourd'hui, l'action de Cyberdouane est tout aussi indispensable que les contrôles aéroportuaires pour le déclenchement d'une enquête judiciaire en matière de fraude sur Internet. L'enquête judiciaire peut ainsi être diligentée même si aucune marchandise n'a été saisie sur le territoire national , ce qui est courant lorsque les envois sont morcelés et expédiés directement au client final, sans stockage en France. L'enquête peut porter sur les flux financiers illicites générés par le trafic , qui sont peut-être plus faciles à appréhender que les flux physiques. Enfin, les commissions rogatoires internationales délivrées par les juges d'instructions dans le cadre des enquêtes confiées au SNDJ permettent, en partie, de contourner la difficulté majeure que constitue l'hébergement à l'étranger des sites Internet .

La priorité de Cyberdouane va à l'identification des personnes qui postent des annonces relatives aux produits prohibés ou fortement taxés : contrefaçons, stupéfiants, cigarettes, alcool, armes, espèces protégées etc. Ainsi, sur les 277 dossiers pris en charge par Cyberdouane, près de 40 % (soit 106 dossiers) concernaient la contrefaçon, et près de 30 % (soit 81 dossiers) les médicaments et substances illicites . Dans ce cadre, 676 droits de communication ont été mis en oeuvre 52 ( * ) .

Nombre de dossiers pris en charge par Cyberdouane

Tableau de bord au 30 juin 2013

En matière de lutte contre les trafics, Cyberdouane obtient de bons résultats, au cas par cas comme dans le cadre de la lutte de long terme contre les réseaux criminels internationaux, menée de concert avec la DNRED et les autres administrations.

Lors de leur visite sur place, vos rapporteurs spéciaux ont pu observer le travail qui consiste à « suivre » et à identifier les sites et les vendeurs de produits illicites (stupéfiants, anabolisants etc.), afin d'interrompre les flux et de lancer une procédure judiciaire. L'encadré ci-dessous décrit une autre affaire typique.

Une affaire contentieuse typique en matière de cyberdélinquance

Alerté par la détection de flux de contrefaçons de chaussure de sport et d'articles textiles achetés sur différents sites Internet, les services de la DNRED ont mutualité leurs capacités d'enquêtes et d'interventions afin de remonter les filières d'approvisionnement.

Des banques et des organismes de paiement sécurisés ont été interrogés dans le cadre du droit de communication prévu par le code des douanes pour connaître le volume de ces flux et les transactions réalisées.

Les contrefaçons commercialisées sur ces sites, des chaussures de sport et des produits textiles fabriqués en Chine, étaient acheminés par fret express directement vers les clients finaux en France . Le produit des transactions délictueuses opérées sur ces sites marchands était ensuite transféré sur des comptes bancaires en Suisse appartenant au gestionnaire de ces sites.

Afin de compléter les investigations, une visite domiciliaire (perquisition douanière) a été effectuée dans les locaux de la société et au domicile du gérant.

L'enquête a permis d'établir que 4,6 millions d'euros de marchandises avaient été importés, ce qui avait permis d'éviter le paiement de près de 1,8 million d'euros de droits et taxes, ainsi que le blanchiment de 4,4 millions d'euros transférés vers la Suisse depuis la France.

Les suites judiciaires de l'affaire ont été confiées au service national de douane judiciaire (SNDJ).

Source : dossier de presse de Cyberdouane, 2009

Cyberdouane participe à la « veille coordonnée » des différentes administrations en charge de la cyberdélinquance , aux côtés notamment de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC, rattaché à la police nationale), de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou encore de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF, rattachée à la DGFiP). L'échange d'informations se fait notamment via la plateforme « PHAROS » (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements), mise en place en 2008.

Cyberdouane a également signé des protocoles de coopération avec les entreprises titulaires de droits, les fournisseurs d'accès à Internet, les hébergeurs, les groupements de cartes bancaires et sites de paiement dédiés, ou encore certains sites de vente - comme l'illustre le partenariat signé en octobre 2011 avec le site 2xmoinscher.com .

Le service Cyberdouane est par ailleurs attaché à entretenir des relations suivies avec les administrations d'autres pays par des rencontres régulières et des formations conjointes - ce qui est particulièrement crucial compte tenu de la dimension transnationale de la cybercriminalité. La coopération internationale peut ainsi prendre la forme d'opérations conjointes. Par exemple, l'opération « Pangea VI », qui s'est déroulée du 18 au 25 juin 2013 et a mobilisé 99 pays , a permis des avancées notables dans la lutte contre les réseaux de vente illicite de médicaments sur Internet : dans ce cadre, la DGDDI a ainsi saisi plus de 812 300 médicaments de contrebande et de contrefaçon, dont plus de 668 700 à Roissy 53 ( * ) . La majeure partie provenait d'Inde, de Thaïlande et de Singapour.

B. UNE CELLULE QUI DEMEURE TROP SOUVENT IMPUISSANTE

Vos rapporteurs spéciaux expriment toutefois deux réserves quant à l'action de Cyberdouane en matière de fraude sur Internet.

D'une part, la priorité de Cyberdouane semble être de manière presque exclusive la lutte contre les trafics de marchandises prohibées, et non pas vers la lutte contre les sites offrant des marchandises légales, mais échappant à l'impôt (cf. infra ).

D'autre part, la cellule Cyberdouane est impuissante dès lors que le site Internet est hébergé à l'étranger . Comme l'expliquent les services de la DGDDI, « l'action de notre administration est impossible dès que le site est hébergé à l'étranger , que le nom de domaine est également géré par un bureau d'enregistrement domicilié à l'étranger et qu'aucun lien ne peut être établi, au cours des investigations menées, avec une personne morale ou physique située sur le territoire national 54 ( * ) ». Compte tenu de la facilité, pour un site indélicat, d'être hébergé à l'étranger les services de la DGDDI - et l'administration française en général - sont presque réduits à l'impuissance . Il en va de même pour l'exercice du droit de communication à l'égard des hébergeurs, services financiers etc. : si les tiers français y sont soumis, ceux qui ont leur siège à l'étranger ne sont nullement dans l'obligation de donner suite.

Dans ces conditions, la possibilité de conclure une enquête dépend bien souvent autant de la compétence des services de la DGDDI que de la naïveté des quelques rares vendeurs qui auraient eu la légèreté de faire héberger leur site ou leur compte bancaire en France, ou d'utiliser la même adresse IP sur un site légal et un site illégal...

Certes, une commission rogatoire dans le cadre de l'assistance judiciaire internationale est toujours concevable - mais les multiples pays interrogés (car le pays du donneur d'ordre n'est souvent pas celui de l'hébergeur ni celui du teneur de compte) auront-ils les moyens et la volonté de répondre dans les délais ?

Les « coups d'achat », instrument juridique novateur à disposition notamment des agents de Cyberdouane, connaissent aussi des limites.

C. LES « COUPS D'ACHAT » : UNE POSSIBILITÉ PROMETTEUSE MAIS ENCORE SOUS-EXPLOITÉE

Introduits par la loi du 14 mars 2011 55 ( * ) à l'article 67 bis -I du code des douanes, les « coups d'achat » permettent aux agents des douanes de procéder à l'achat de marchandises illicites, notamment sur Internet , afin « d' identifier l'expéditeur (...), de mettre en cause les personnes physiques résidentes éventuellement liées au trafic, et d' intercepter les colis portant la même référence grâce à une alerte dans les centres de tri postaux 56 ( * ) ». Soumises à l'autorisation du procureur de la République, ces opérations peuvent être réalisées au moyen de pseudonymes, préservant l'anonymat des douaniers.

Article 67 bis -I du code des douanes

Version en vigueur au 1 er janvier 2013

Sans préjudice des dispositions de l'article 67 bis , et aux seules fins de constater l'infraction d'importation, d'exportation ou de détention de produits stupéfiants , d'en identifier les auteurs et complices et d'effectuer les saisies prévues par le présent code, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l'ensemble du territoire national, avec l'autorisation du procureur de la République et sans être pénalement responsables de ces actes :

1° Acquérir des produits stupéfiants ;

2° En vue de l'acquisition des produits stupéfiants, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication ;

3° Lorsque l'infraction est commise en ayant recours à un moyen de communication électronique, faire usage d'une identité d'emprunt en vue de l'acquisition des produits stupéfiants (...).

(...)

L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa du présent article est également applicable, pour les actes commis à seule fin de procéder à l'opération d'acquisition des produits stupéfiants, aux personnes requises par les agents des douanes pour permettre la réalisation de cette opération.

A peine de nullité, l'autorisation du procureur de la République , qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction.

(...)

Le présent article est applicable aux fins de constatation de l'infraction d'importation, d'exportation ou de détention illicite de tabac manufacturé et de marchandises présentées sous une marque contrefaisante (...).

Les coups d'achat représentent une possibilité très prometteuse pour la lutte contre la fraude sur Internet - un jugement que partagent la DGDDI et vos rapporteurs spéciaux. De bons résultats sont attendus en matière de lutte contre le trafic de tabac. Le parquet ne s'est pas opposé, à ce jour, à la mise en oeuvre des procédures. Comme l'expliquent les services de Cyberdouane, « la procédure des coups d'achat ouvre de nouveaux horizons en matière de lutte contre la fraude, en permettant par exemple de lutter contre le développement des trafics opérés via les réseaux sociaux 57 ( * ) ». Le dispositif « permettra non seulement d'évaluer les flux financiers, mais également de mesurer plus précisément l'ampleur de la fraude, via la possibilité de correspondre avec les vendeurs ».

Cependant, le dispositif des coups d'achats souffre de faiblesses importantes qui limitent à ce jour son utilisation, et donc ses résultats .

Tout d'abord, l'article 67 bis -I du code des douanes empêchait, dans sa rédaction initiale, le recours à une société de domiciliation pourtant nécessaire à l'anonymat du compte bancaire et de la transaction. La nouvelle rédaction de l'article 58 ( * ) , en vigueur depuis le 1 er janvier 2013, permet désormais d'avoir recours à ces services, sans que les tiers qui les proposent voient leur responsabilité engagée. La question de la responsabilité des banques, notamment au regard de leurs obligations de signalement à Tracfin, reste néanmoins en suspens - mais vos rapporteurs spéciaux s'étonnent qu'il soit si compliqué de sécuriser juridiquement un cas aussi simple.

Mais surtout, le dispositif porte à ce jour sur un nombre restreint et limitatif de marchandises - stupéfiants, tabacs, contrefaçons . Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il s'agit là d'un frein majeur à l'efficacité du dispositif, auquel il convient de remédier (cf. infra ).

D. DES ÉCHANGES INSUFFISANTS AVEC LES AUTRES SERVICES

Cyberdouane effectue des recherches de sa propre initiative, mais aussi pour le compte d'autres services douaniers. Concrètement, l'échange d'informations entre les bureaux de contrôle de la DGDDI et Cyberdouane, qui se fait via les cellules régionales d'orientation des contrôles (CROC) qui centralisent les demandes, prend essentiellement deux formes :

- les fiches « CERES » signalent à Cyberdouane des éléments pouvant faire l'objet d'une exploitation, par exemple un site Internet commercialisant des marchandises prohibées.

- les « FIC » (fiches d'information Cyberdouane) sont des demandes d'information ponctuelles (cf. annexe) : transactions par système de paiement sur Internet, adresses électroniques, ou encore annonces sur un site de vente. Depuis 2010, 40 FIC ont été adressées à Cyberdouane.

Par ailleurs, Cyberdouane a adressé aux services de contrôle de Roissy « une liste d'expéditeurs de médicaments et une liste de numéros de colis Chronopost susceptibles de contenir des contrefaçons 59 ( * ) ».

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de cette circulation de l'information, mais s'étonnent de sa très faible intensité (40 FIC depuis 2010, quelques « listes » signalées à la douane de Roissy) et regrettent qu'elle ne soit pas renforcée et systématisée.

DEUXIÈME PARTIE - LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE EST PRESQUE INEXISTANTE

I. LES MODALITÉS DU RECOUVREMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN MATIÈRE DE VENTE EN LIGNE

La douane est aussi chargée de lutter contre la fraude de nature fiscale : à la différence par exemple des contrefaçons ou des stupéfiants, les marchandises ne sont pas interdites, mais la fraude porte sur leur taxation .

Administration fiscale, la douane a en effet pour mission de percevoir les droits de douane à l'importation, la TVA à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne 60 ( * ) , les droits d'accise et autres contributions indirectes sur le modèle de la TVA (cf. supra ).

Il existe toutefois des franchises :

- en matière de droits de douane sous le seuil de 150 euros : tous les envois d'une valeur inférieure en sont exemptés.

- en matière de TVA sous le seuil de 22 euros : tous les « envois de valeur négligeable » (EVN) d'une valeur inférieure en sont exemptés.

Pour autant, les marchandises issues de la vente par correspondance (et donc de la vente en ligne) ne bénéficient pas - en théorie - de la franchise en matière de TVA .

La perception des droits et taxes a lieu immédiatement à l'occasion du dédouanement , selon la procédure de droit commun - déclaration, liquidation, paiement. La marchandise est le « gage » des droits et taxes à l'importation, ce qui signifie que la marchandise n'est dédouanée qu'une fois la taxe payée.

En pratique, les droits à l'importation dans l'UE sont acquittés par l'expressiste, qui les facture ensuite au destinataire de la marchandise , le cas échéant augmentés des frais liés à la procédure de déclaration. Les modalités particulières varient en fonction de la procédure choisie par le commissionnaire en douane. En matière de fret postal , aux termes de la Convention postale universelle, c'est en revanche l'expéditeur qui est responsable de la marchandise jusqu'à la livraison finale, et donc en théorie tenu au paiement des taxes.

II. LE RECOUVREMENT DES DROIT ET TAXES N'EST PAS ASSURÉ

Il résulte des travaux de vos rapporteurs spéciaux que très peu de redressements ont lieu en matière de fret express, et quasiment pas en matière de fret postal , c'est-à-dire pour les deux vecteurs privilégiés des ventes en ligne. Loin de suggérer une parfaite conformité des vendeurs et des acheteurs avec leurs obligations fiscales, cela indique plutôt une faiblesse de l'action de la DGDDI en la matière .

Quant à l'action menée sur les sites de vente en ligne , notamment par les services d'enquête de la DGDDI et Cyberdouane, elle n'a, à ce jour, débouché sur aucun redressement en matière fiscale et en matière douanière. L'absence d'instrument juridique à l'égard les sites hébergés à l'étranger fait ici ressentir tous ses effets.

A. LA DGDDI OPÈRE ASSEZ PEU DE REDRESSEMENTS FISCAUX

En 2012, la direction générale des douanes et des droits indirects a recouvré au total 68 milliards d'euros de droits et taxes , essentiellement les droits des douanes et la TVA, auxquels s'ajoutent plusieurs autres droits indirects. Ils sont en hausse de près de 2 milliards d'euros (+ 2,7 %) par rapport à 2011 (66 milliards de droits et taxes recouvrés) 61 ( * ) .

La TVA à l'importation extra-communautaire , principal enjeu en matière de vente en ligne, représente 11 milliards d'euros en 2012 , soit 16 % des recettes fiscales recouvrées par la DGDDI. Les droits à l'importation n'en représentent que 3 % (soit 2 milliards d'euros).

Pour la même année 2012, les droits et taxes redressés ont représenté 294 millions d'euros (+ 11 % par rapport à 2011), et les pénalités recouvrées 40 millions d'euros (- 15 % par rapport à 2011), pour un total de 73 000 constatations en matière de droits de douanes et de droits indirects.

Enjeux fiscaux de la fraude douanière - bilan 2009-2012

2009

2010

2011

2012

Évolution 2011/2012

Nombre de constatations

90 030

84 832

82 626

73 263

- 11 %

Droits et taxes redressés

272 M€

296 M€

265 M€

294 M€

+ 11 %

Pénalités recouvrées

48,8 M€

47,8 M€

45,9 M€

38,9 M€

- 15 %

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

A elle seule, la TVA représente 54,8 % des redressements effectués , soit 161,2 millions d'euros :

Évolution des fraudes et redressements constatés

(en millions d'euros)

2011

2012

Évolution 2011/2012

Droits de douane

29

27,9

- 4 %

TVA

161

161,2

0 %

TGAP

13

11

- 16 %

TICPE

17

27,8

+ 64 %

Contributions indirectes

32

39

+ 22 %

Autres

12

27,3

+ 128 %

TOTAL

265

294,2

+ 11 %

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

Le taux de recouvrement effectif des droits et taxes redressés s'est élevé à 58 % en 2012, contre 45 % en 2011 62 ( * ) .

D'une manière générale, il apparaît que les montants redressés sont relativement modestes par rapport aux montants collectés (294 millions d'euros sur 68 milliards d'euros), ce qui s'explique par la spécificité des missions de la douane . Il convient toutefois de saluer la hausse des redressements (+ 11 %) dans un contexte de baisse des constatations (- 11 %).

A titre de comparaison , la DGFiP a redressé 18,1 milliards d'euros en 2012, pour 535 milliards d'euros de recettes collectées (dont 314 milliards d'euros pour l'Etat) 63 ( * ) . Cette comparaison doit néanmoins être prise avec de grandes précautions, dans la mesure où il ne s'agit ni des mêmes impôts, ni des mêmes activités, ni des mêmes risques.

B. LE RECOUVREMENT DES DROITS ET TAXES DUS EN MATIÈRE DE VENTE EN LIGNE N'EST QUASIMENT PAS ASSURÉ

Comme dans le cas des saisies de marchandises prohibées, les droits et taxes redressés en matière de vente en ligne ne peuvent pas être identifiés directement , mais peuvent être appréhendés au travers des redressements en matière de fret express et de fret postal - même si les chiffres suivants ne correspondent pas tous, bien sûr, à des achats de particuliers sur Internet.

En 2012, les montants redressés en matière de fret express et de fret postal ont atteint 1,34 million d'euros , soit et 0,46 % de l'ensemble des montants redressés par la DGDDI en 2012 (294 millions d'euros). Ce montant, stable par rapport à 2011, est toutefois en hausse par rapport aux années précédentes, témoignant d'un effort en la matière.

Sur ces redressements de 1,34 million d'euros, le fret postal ne représente que 64 000 euros (4,8 %), une somme à mettre en perspective avec les 43,8 millions d'envois postaux traités en 2012 (à Roissy et à Chilly-Mazarin) 64 ( * ) .

Montant des droits et taxes redressés en fret express et fret postal

(en millions d'euros)

Ensemble DGDDI

Fret express et fret postal

En % du total DGDDI

2012

294

1,34

0,46%

2011

265

1,34

0,51%

2010

296

0,72

0,24%

2009

272

0,95

0,35%

Source : d'après la réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

Concernant la direction interrégionale de Roissy, les résultats sont encore plus éloquents :

- 5,5 millions d'euros ont été redressés par la DI de Roissy (soit 5,1 millions d'euros pour le fret et 0,4 millions d'euros pour les voyageurs), sur 1,3 milliard d'euros de droits et taxes collectés.

- seulement 750 267 euros ont été redressés en fret express (soit 14,7 % du total des redressements en fret à Roissy), alors que 8 millions d'envois de fret express 65 ( * ) , pour une valeur déclarée de 3,8 milliards d'euros, ont été recensés cette année . En 2011, seuls 360 563 euros avaient été redressés sur le fret express, et 254 658 euros en 2010.

- et aucun redressement n'a eu lieu en fret postal ... alors que 35 millions d'envois postaux inférieurs à 2 kg ont été traités à Roissy 66 ( * ) .

Montant des droits et taxes redressés à Roissy

Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

NB : « Roissy CDP bureau » indique le fret postal.

Vos rapporteurs spéciaux jugent ces montants extrêmement faibles au regard de l'enjeu que représente la vente en ligne en matière de fraude aux prélèvements obligatoires.

Dès lors se pose inévitablement la question du coût du recouvrement : les moyens humains, matériels et financiers engagés dans les opérations de contrôle sont-ils justifiés au regard des faibles montants effectivement collectés ? Par exemple, 189 agents de la DGDDI étaient entièrement ou partiellement affectés en 2011 aux bureaux de contrôle du fret express et postal à Roissy 67 ( * ) , pour environ 361 000 euros redressés cette année-là ; Cela représente donc environ 1 910 euros redressés par agent et par an en fret express à Roissy - même s'il est entendu que la collecte des taxes n'est pas la seule mission de ces agents, loin s'en faut.

III. MANQUE DE MOYENS, MANQUE D'INFORMATIONS... OU MANQUE D'INTÉRÊT ?

A. UNE IMPUISSANCE EN PARTIE LIÉE AUX CARACTÉRISTIQUES MÊMES DE LA VENTE EN LIGNE ET DU FRET EXPRESS ET POSTAL

Fondamentalement, le problème tient au fait que la collecte des taxes repose sur un régime purement déclaratif : les droits et taxes sont calculés, liquidés et payés sur la seule base de la valeur de la marchandise déclarée dans le document rempli lors du dédouanement. La douane n'a pas les moyens de vérifier la valeur de chaque marchandise.

Les grandes entreprises ou les sites de vente majeurs - dont certains sont d'ailleurs résidents fiscaux en France et sont aisément contrôlables - n'ont pas intérêt à prendre le risque de sous-évaluer la valeur de leurs envois. Ce n'est pas là que se trouve le manque à gagner pour l'Etat.

Mais qu'en est-il pour la multitude des vendeurs en ligne, sites étrangers ou même particuliers présents sur les sites d'enchères comme eBay ou les réseaux sociaux comme Facebook ?

Ils ne risquent rien à sous-évaluer la valeur de leurs envois : la probabilité de contrôle est très faible, et la douane n'aurait de toute façon aucun intérêt à engager une procédure de redressement pour récupérer quelques euros - c'est le grand avantage du morcellement des envois propre à Internet. Plus encore : ils ont un intérêt objectif à la sous-évaluation , dans la mesure où les « envois de valeur négligeable » (EVN) bénéficient d'une franchise de droits de douane (valeur inférieure à 150 euros) et d'une franchise de TVA (valeur inférieure à 22 euros). Certes, la franchise de TVA n'est pas applicable, en théorie, à la vente à distance - mais comment distinguer les envois qui en sont issus ?

Exemple de bordereau en fret express

Ce chargement contenait des accessoires pour smartphone dont la valeur totale excédait de toute évidence la somme mentionnée. On notera que l'adresse du destinataire est en fait celle du bureau de DHL à Nanterre, de sorte que le destinataire réel reste en fait anonyme.

Source : visite de vos rapporteurs spéciaux à Roissy

Il convient toutefois de signaler que l'essentiel des fausses déclarations de valeur sont constatées « sur le fret supérieur à 22 euros 68 ( * ) » . Cela ne signifie pas forcément que la fraude porte essentiellement sur les envois de valeur supérieure, mais plutôt qu'il n'est pas rentable, pour la DGDDI, de contrôler la multitude d'envois de valeur négligeable.

Peut-on évaluer la part des déclarations sous-estimant la valeur réelle des biens envoyés ? La réponse fournie par la DGDDI est claire : « même très approximativement, il n'est pas possible d'apporter une réponse à cette question », sachant que d'importantes variations sont constatées selon le type de clientèle, le pays d'origine, la période etc.

Aux moyens insuffisants s'ajoute donc une méconnaissance presque totale des véritables enjeux de la fraude en matière de vente en ligne - méconnaissance qui tient aux particularités de ce commerce et que partagent les autres administrations (cf. infra ). Pourtant, vos rapporteurs spéciaux considèrent qu' une estimation des montants en jeu serait possible par le recoupement de plusieurs informations dont disposent les intermédiaires du commerce en ligne - et notamment les intermédiaires de paiement (cartes bancaires ou Paypal) : le montant des transactions pourrait ainsi être rapporté au montant de la TVA et des autres taxes réellement collectées.

B. LE RECOUVREMENT DES IMPÔTS EN MATIÈRE DE COMMERCE ÉLECTRONIQUE N'EST PAS UNE PRIORITÉ POUR LA DGDDI

Au-delà de tous les obstacles pratiques et juridiques qui sont exposés ici, il est apparu à vos rapporteurs spéciaux que la douane ne considère pas comme une priorité la récupération des taxes qui échappent indûment à l'Etat .

La DGDDI reconnaît d'ailleurs cet état de fait : « les montants peuvent apparaître faibles , mais correspondent au faible enjeu fiscal de ce type de fret [fret express et postal] . L'action de la DGDDI porte davantage sur la lutte contre les marchandises prohibées et les trafics : produits stupéfiants, tabacs et cigarettes de contrebande, contrefaçons 69 ( * ) ». La douane se concentre donc sur sa mission de lutte contre les trafics . Ainsi, seuls 7 % des contentieux réalisés en fret express et en fret postal à Roissy portaient sur des fausses déclarations de valeur 70 ( * ) , c'est-à-dire des sous-estimations du montant déclaré en douane.

De fait, la cause du problème est bien l'atomisation des envois propre au commerce sur Internet et à ses vecteurs privilégiés : il n'est plus « rentable » pour la douane d'engager une procédure de recouvrement lorsque l'enjeu n'est que de quelques euros , ce qui explique qu'elle préfère y renoncer.

Cependant, vos rapporteurs spéciaux estiment que ce type de fret ne représente pas dans son ensemble un faible enjeu fiscal , mais au contraire un enjeu très important. De même, ils n'estiment pas que la DGDDI doive porter l'essentiel de son effort sur la lutte contre les trafics, mais que celle-ci devrait également se préoccuper de collecter efficacement les droits et taxes qui sont dus à l'importation .

De plus, l'argument de l'atomisation des envois n'est pas valable au niveau de Cyberdouane et des enquêtes menées par le SNDJ , qui ont la faculté d'enquêter sur les vendeurs et non pas seulement sur les flux. Or il apparaît que ces services se concentrent de manière quasi-exclusive sur leur mission de lutte contre les trafics de marchandises prohibées (stupéfiants, contrefaçons etc.).

Cette absence de priorité pour la DGDDI semble faire écho à une absence de priorité généralisée au sein du ministère , comme en témoigne la comparaison avec la DGFiP.

IV. LA DGFIP : UNE MÊME IMPUISSANCE, DES ENJEUX DIFFÉRENTS

La question de la fraude fiscale dans le domaine de la vente en ligne relève également, bien sûr, de la direction générale des finances publiques (DGFiP) . La DGFiP assure en effet le recouvrement :

- de la TVA intracommunautaire (cf. encadré), là où la DGDDI collecte la TVA sur les importations en provenance de pays hors-UE ;

- de l'impôt sur les sociétés (IS) dont sont redevables les vendeurs en ligne établis en France ;

- ou, le cas échéant, de l'impôt sur le revenu (IR) , au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non-commerciaux (BNC).

Vos rapporteurs spéciaux ont donc recueilli les appréciations des services de la DGFiP sur la problématique de la vente en ligne, dans une perspective comparative et compte tenu, là encore, de l'importance des enjeux financiers 71 ( * ) .

Le régime TVA applicable à la vente à distance de biens matériels

Les règles applicables à la vente par correspondance et à l'achat à distance sont identiques que la commande soit passée par téléphone, à partir d'un catalogue ou via Internet.

La règle générale est le « principe d'origine » , c'est-à-dire l'application du taux de TVA du pays où est établi le fournisseur.

Toutefois, si le niveau des ventes dans tout autre État membre dépasse le seuil annuel de 100 000 euros de chiffre d'affaires (pour la France), c'est le « principe de destination » qui s'applique : le fournisseur doit s'immatriculer dans l'Etat membre où il réalise ses ventes, et facturer la TVA au taux applicable dans cet Etat membre.

Le « principe de destination » est également applicable sous le seuil de 100 000 euros, sur une base volontaire à la demande du fournisseur.

NB : pour les services et les biens immatériels, c'est toujours le « principe d'origine » qui s'applique. Toutefois, à partir de 2015, celui-ci sera entièrement remplacé par le « principe de destination » : la TVA sera facturée au taux en vigueur dans l'Etat du preneur. Le vendeur devra s'enregistrer au « guichet » de l'Etat membre de son choix et reverser la TVA à l'Etat membre du preneur.

Source : Commission européenne

La fraude en matière de vente en ligne constitue donc une fraude de droit commun - à la TVA, à l'IS ou à l'IR -, qui est seulement facilitée par les caractéristiques du commerce sur Internet. Les schémas de fraude sont essentiellement les suivants :

- des fraudes à la TVA ;

- des professionnels se faisant passer pour des « particuliers » sur des sites d'enchères ou de petites annonces, et échappant ainsi à l'imposition au titre de l'IS ou de l'IR 72 ( * ) .

A cela s'ajoute la problématique de « l'établissement stable » , qui relève non pas de la fraude mais de l'optimisation fiscale. Le critère de l'établissement stable permet en effet à un Etat d'imposer les bénéfices réalisés sur son territoire... pour peu que l'entreprise dispose d'installations physiques ou de personnels. Or les acteurs de l'économie numérique peuvent aisément s'en dispenser 73 ( * ) , pour des ventes matérielles et davantage encore pour des ventes immatérielles.

À l'instar de la DGDDI, la DGFiP manque de moyens - avant tout juridiques - pour assurer le recouvrement des impôts dus en matière de commerce électronique, alors même que, là aussi, les enjeux sont sans doute considérables.

Ainsi, les entreprises établies dans un autre Etat membre de l'UE réalisant en France des ventes à distances de biens matériels sont en principe tenues de s'immatriculer auprès de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (DRESG), afin de restituer au Trésor français la TVA facturée 74 ( * ) . Comment expliquer, dès lors, que seulement 599 e-commerçants soient à ce jour enregistrés auprès de la DRESG , alors que 550 000 sites de ventes sont actifs en Europe 75 ( * ) ?

Les contrôles effectués par l'administration fiscale en matière de vente sur Internet reposent principalement sur la mise en oeuvre du droit de communication 76 ( * ) , notamment à l'égard des établissements financiers et, au titre de l'article L.96 G du livre des procédures fiscales (LPF), des opérateurs de communications électroniques, des hébergeurs et des services de courtage de vente en ligne (enchères, annonces etc.). Ce dernier dispositif, introduit récemment 77 ( * ) , commence à porter ses fruits.

Cependant, ces droits de communication souffrent des mêmes faiblesses que ceux de la DGDDI. D'abord, ils sont effectués à la demande de l'administration , ce qui limite considérablement les informations transmises. Ensuite, ils n'ont pas de portée extraterritoriale , ce qui signifie que les tiers sollicités ne sont pas tenus de répondre pour les activités situées hors du territoire français 78 ( * ) . Les agents du fisc sont alors soumis aux vicissitudes de l'assistance administrative internationale... Lors des échanges qu'ils ont eus avec vos rapporteurs spéciaux, les services de la DGFiP ont ainsi clairement indiqué que le passage à l'échange automatique d'informations constituerait un progrès majeur .

Les services de la DGFiP ont mentionné une autre faiblesse majeure du dispositif : les données visées à l'article L. 96 G du LPF ne peuvent pas être conservées plus d'un an par les opérateurs de communications électroniques 79 ( * ) , ce qui est bien peu au regard du temps nécessaire au traitement d'un dossier par l'administration fiscale, notamment lorsque celui-ci implique une demande d'assistance administrative internationale. Bien que cela n'entre pas dans le périmètre du présent contrôle, vos rapporteurs spéciaux estiment que l'augmentation de la durée de conservation de ces données est impérative . Celle-ci pourrait être portée à trois ans , afin de correspondre à la durée de prescription en matière fiscale.

D'une manière générale, la question du recouvrement des impôts en matière de commerce en ligne est donc largement laissée de côté par la DGFiP, faute d'instruments adaptés à ce secteur émergent . Vos rapporteurs spéciaux estiment une fois de plus qu'il est urgent d'entreprendre une action spécifique en la matière.

La coopération entre la DGFiP et la DGDDI
en matière de commerce électronique

Le protocole de coopération entre les deux administrations mentionne explicitement la thématique du commerce électronique. Les modalités de coopération peuvent inclure :

- des échanges spontanés (article L. 83 du livre des procédures fiscales) ;

- le recours aux bulletins de transmission d'une information (BTI) ;

- des formations croisées ;

- des contrôles coordonnés ou conjoints.

Concrètement, la coopération a surtout lieu entre les deux services chargés spécifiquement de la fraude sur Internet : la sixième brigade de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) au sein de la DGFIP, et la cellule Cyberdouane de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) au sein de la DGDDI. Ces deux services comptent tous deux une dizaine de personnes. Toutefois, des échanges ponctuels entre directions régionales des douanes et directions régionales du contrôle fiscal (DIRCOFI) sont possibles.

Sources : DGFiP et DGFDDI

PROPOSITIONS - UN ARSENAL JURIDIQUE RENFORCÉ AU SERVICE DE NOUVELLES PRIORITÉS

Le constat dressé par vos rapporteurs spéciaux est le suivant : la vente de biens matériels sur Internet pose à l'administration des douanes - mais aussi à l'administration fiscale - des difficultés qui sont difficilement surmontables en l'état actuel des moyens humains, matériels et surtout juridiques . Ces difficultés n'empêchent pas de bons résultats en matière de lutte contre la contrefaçon et les trafics, mais rendent largement illusoire un recouvrement des droits et taxes à hauteur de ce qui est dû .

Ces difficultés tiennent largement aux caractéristiques mêmes du commerce en ligne (l'atomisation des envois) et des droits et taxes à l'importation (qui sont déclaratifs) , et se situent donc bien au-delà du champ du présent rapport. De fait, il n'est pas possible - et ne sera jamais possible - d'ouvrir chaque colis pour en examiner le contenu et calculer sa valeur... Dès lors, la lutte contre la fraude sur Internet doit passer par un renforcement et une amélioration des outils de contrôle existants .

Vos rapporteurs spéciaux formulent donc plusieurs propositions qui, en pratique, pourraient améliorer à la fois la lutte contre les trafics de marchandises prohibées et le recouvrement des droits et taxes.

D'une manière générale, la douane doit impérativement réorienter ses efforts vers les enjeux fiscaux , qu'il s'agisse des critères de ciblage du fret, des enquêtes et actions contentieuses, des informations transmises entre services de la DGDDI et avec les autres administrations. Vos rapporteurs spéciaux seront très attentifs à cette réorientation, et insistent pour qu'elle se traduise par des indicateurs de résultats mis en valeur chaque année.

Certaines des propositions de vos rapporteurs spéciaux relèvent du domaine de la législation douanière européenne - aussi gagneraient-elles à être reprises dans le cadre des négociations qui se déroulent actuellement entre les Etats membres, la Commission européenne et le Parlement européen (cf. encadré).

La révision de la législation douanière européenne

Actuellement, la législation douanière de l'UE est régie par le Code des douanes communautaire (CDC) (règlement CEE n° 2913/92 du Conseil) et ses Dispositions d'application consolidées (DAC) (règlement CEE n° 2913/93 de la Commission).

Le règlement CE n° 450/2008 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2008 a établi un Code des douanes modernisé (CDM) , mais celui-ci n'est pas encore applicable .

En effet, une grande partie des nouveaux processus douaniers prévus par le CDM nécessite la mise en place, par les administrations nationales, d'un grand nombre de systèmes électroniques . Or cela implique des investissements lourds, et des travaux de coordination importants entre Etats membres et avec les opérateurs économiques. Pour l'essentiel, ces systèmes n'ont pas encore vu le jour.

Le 20 février 2012, la Commission a donc proposé la refonte du Code des douanes modernisé , afin de prendre en compte ces contraintes et d'adapter certains dispositifs aux évolutions économiques et au traité de Lisbonne. Le code s'appellera désormais Code des douanes de l'Union (CDU) . Il est en cours d'examen par le Parlement européen.

La date butoir pour la mise en oeuvre des nouveaux processus fondés sur le recours aux systèmes d'information en cours de développement est fixée à 2020.

I. CRÉER DE NOUVEAUX INSTRUMENTS JURIDIQUES

A. INSTAURER UN DROIT DE COMMUNICATION AUTOMATIQUE À L'ÉGARD DES INTERMÉDIAIRES DU COMMERCE EN LIGNE

Vos rapporteurs spéciaux font donc l'analyse suivante : puisque l'action contre la fraude sur Internet ne peut pas se porter sur les deux extrémités de la chaîne - les millions de clients individuels et les milliers de sites aussi douteux qu'éphémères -, la DGDDI doit renforcer ses liens avec les principaux « intermédiaires » du commerce en ligne :

- les opérateurs de fret express et postal , tels que FedEx, DHL, UPS, La Poste, Chronopost etc., qui sont choisis par la quasi-totalité des acheteurs en ligne ;

- les intermédiaires de paiement , tels que PayPal, les groupements de cartes bancaires (Visa, Mastercard etc.) et les établissements financiers, qui disposent d'informations financières détaillées sur les recettes des vendeurs.

- les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ;

- les sites Internet majeurs où sont susceptibles de se dérouler des transactions entre tiers , tels que les sites de petites annonces ou d'enchères (eBay etc.).

Moins nombreux et plus facilement identifiables, ces « maillons » incontournables disposent non seulement d'éléments sur les flux physiques, mais aussi - et surtout - sur les flux financiers en matière de vente sur Internet , qui à ce jour font défaut à l'administration pour exercer un contrôle suivi et efficace (cf. supra ). L'analyse de ces flux financiers doit pouvoir permettre de lier des envois en apparence disparates à un seul et même vendeur, et d' éviter ainsi le piège des redressements aux enjeux si dérisoires qu'ils ne valent pas la peine d'être conduits .

Part des principaux services de paiement utilisés pour le commerce sur Internet
(en % des acheteurs en ligne)

Source : FEVAD 2013

Vos rapporteurs spéciaux proposent donc d'instaurer un droit de communication automatique à l'égard des principaux intermédiaires du commerce en ligne : opérateurs de fret express et postal, fournisseurs d'accès à Internet (FAI), intermédiaires de paiement et sites d'enchères ou d'annonces.

Proposition n° 1 : instaurer un système d'échange automatique d'informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne, sous la forme d'un droit de communication de l'administration.

Actuellement , le droit de communication à l'égard des tiers s'exerce à la demande de l'administration , ce qui limite considérablement le volume et la pertinence des informations transmises. La procédure de ciblage automatique des risques ne peut donc s'effectuer qu'à partir des maigres données obligatoires fournies dans le cadre de la procédure de dédouanement (cf. supra ). La communication automatique d'informations logistiques, commerciales et surtout financières permettra d'identifier les flux douteux dans leur ensemble , et le cas échéant de les interrompre ou d'opérer les redressements qui s'imposent. La capacité à agir immédiatement est ici primordiale, compte tenu de l'adaptabilité très rapide des acteurs les plus indélicats de la vente sur Internet.

En fait, il s'agit de généraliser et de rendre obligatoire ce qui, à ce jour, repose sur la seule bonne volonté de certains acteurs qui ont conclu des conventions d'échange d'informations avec la DGDDI - par exemple la compagnie Air France (cf. supra ). Cette modification est de portée législative (article 65 du code des douanes), mais une initiative coordonnée à l'échelle européenne est indispensable pour parvenir à un dispositif efficace et acceptable pour tous les acteurs.

Bien entendu une attention particulière devra être portée à la protection des données personnelles . Ce nouveau droit de communication porterait sur les données déjà existantes dans les systèmes des intermédiaires, strictement et limitativement définies.

La mise en place de ces droits de communication rendrait indispensable le renouvellement des systèmes d'information de la douane , afin de pouvoir en assurer le traitement effectif. Aussi des investissements informatiques doivent-ils être réalisés (cf. infra ).

La question d'un droit de communication automatique à l'égard des intermédiaires du commerce en ligne se pose en des termes différents pour les transporteurs, d'une part, et les intermédiaires des transactions, d'autre part.

1. Avec les opérateurs de fret express et de fret postal : de la bonne volonté à l'obligation juridique

La priorité va à la mise en place d'un droit de communication à l'égard des opérateurs de fret express , qui est d'ores et déjà à l'étude et correspond d'ailleurs à une demande récurrente des services de la DGDDI : « il est impératif d'avoir accès aux bases de données des différents opérateurs afin de pouvoir cibler les envois qui paraissent sensibles selon nos missions. En effet, un tel accès serait de nature à accroître de manière très sensible notre efficacité 80 ( * ) ».

La mise en place de cet échange automatique ne présente pas de difficulté technique particulière. L'obstacle est juridique. En effet, les expressistes disposent déjà des informations en question dans leurs systèmes , qu'ils communiquent d'ailleurs automatiquement à plusieurs pays, dont les Etats-Unis 81 ( * ) .

Les opérateurs de fret postal, en revanche, disposent d'informations très parcellaires sur les envois traités 82 ( * ) , mais celles-ci n'en sont pas moins nécessaires aux douaniers. Il faut toutefois rappeler que les - très légères - obligations déclaratives en matière postale pèsent pour l'essentiel sur l'expéditeur : il est dès lors difficile de s'assurer de leur bon accomplissement, et a fortiori d'en imposer de nouvelles 83 ( * ) .

La mise en place d'un droit de communication automatique à l'égard des opérateurs de fret express et postal devra bien entendu intervenir dans le cadre de la révision de la législation douanière de l'Union européenne . La DGDDI est fondée à insister sur ce point : « il faut veiller à ne pas créer des divergences réglementaires ou faire peser en France des obligations qui n'existeraient pas dans d'autres Etats membres 84 ( * ) ».

2. Avec les intermédiaires de paiement et de ventes : la question de l'extraterritorialité

Vos rapporteurs spéciaux proposent également d'instaurer un droit de communication automatique à l'égard des sociétés offrant des services de paiement (par portefeuille virtuel ou par carte bleue), ainsi que, le cas échéant, des sites d'enchères ou de petites annonces.

Ces intermédiaires de vente et de paiement sur Internet disposent de données financières cruciales dans le cadre de la lutte contre la fraude et du recouvrement des prélèvements obligatoires. En effet, si les envois sont éclatés et les transactions multiples, les flux financiers, eux, peuvent être regroupés et tracés jusqu'à leur bénéficiaire ultime .

Il importera de trouver un critère juridique permettant de déclencher l'obligation de transmission automatique à partir d'un certain seuil - par exemple, de chiffre d'affaires, de montant des ventes ou encore de nombre de visiteurs. Là encore, les informations transmises devront être strictement définies, et la protection des données personnelles devra être assurée.

Ce droit de communication pourrait être ouvert à la DGFiP autant qu'à la DGDDI.

A la différence des opérateurs de fret express et de fret postal qui opèrent physiquement sur le territoire français, les intermédiaires de vente et de paiement ne sont pas nécessairement situés en France 85 ( * ) : le droit de communication bute donc sur un problème classique de territorialité , où l'alternative est entre une fin de non-recevoir et un recours à l'assistance administrative internationale.

Cela dit, la généralisation d'un échange automatique d'informations de portée extraterritoriale ne devrait pas être écartée d'un revers de main : peu nombreux et disposant de part de marché importantes, les intermédiaires de paiement auraient un intérêt objectif à s'y conformer. En fin de compte, le raisonnement est similaire à celui qui a permis la mise en place du dispositif « FATCA » par les Etats-Unis 86 ( * ) : cette loi unilatérale et extraterritoriale, qui fera en 2014 obligation à toutes les banques du monde de fournir à l' Internal Revenue Service (IRS) toutes les informations qu'elles détiennent sur les comptes bancaires des ressortissants américains, doit son efficacité au fait que les Etats-Unis représentent une « masse critique », et qu'aucune institution financière ne peut se permettre de se voir fermer le marché américain. Le vote de la loi FATCA a déclenché une véritable prise de conscience internationale et européenne sur la nécessité de passer à l'échange automatique d'informations à des fins fiscales ; peut-être un tel dispositif transposé à la vente en ligne pourra-t-il entraîner un même mouvement de lutte contre la fraude sur Internet, dont les enjeux, notamment fiscaux, dépassent très largement le simple cadre de l'administration des douanes.

B. INSTAURER UN PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE LA TVA À L'IMPORTATION, AU MOMENT DE LA TRANSACTION EN LIGNE

D'une manière générale, la TVA à l'importation est toujours due au moment du dédouanement , sur la base des déclarations soumises par l'importateur ou son représentant. L'exportateur, situé dans un pays extérieur à l'Union européenne, vend toujours hors taxes 87 ( * ) . Si ce système fonctionne correctement pour le fret général, en raison de la possibilité de vérifier l'exactitude des informations fournies par le déclarant, il est en revanche presque inopérant pour les envois issus de la vente en ligne : en effet, les envois en fret express et en fret postal, très morcelés, font l'objet de déclarations allégées, voire superficielles, qui sont impossibles à vérifier. Au final, les droits et taxes à l'importation ne sont donc presque jamais collectés à leur juste niveau.

En réponse à ce problème, vos rapporteurs spéciaux proposent donc d'instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l'importation (et des droits de douane le cas échéant), au moment de la transaction . Le consommateur final, redevable de la taxe, payerait ses droits au moment de l'achat en ligne.

Proposition n° 2 : instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l'importation, payée par l'acheteur au moment de la transaction et collectée via les intermédiaires de paiement en ligne.

Concrètement, la fonction de liquidation et de collecte de la taxe pourrait incomber aux intermédiaires de paiement , en tant que tiers de confiance chargés de prélever de manière forfaitaire un montant équivalent aux taxes dues 88 ( * ) et de le reverser ensuite au Trésor. En effet, les moyens de paiement en ligne ont l'avantage d'être très peu nombreux (à l'inverse des acheteurs et des vendeurs), et d'avoir une prise directe sur les flux financiers issus du commerce en ligne. Cette proposition va donc bien au-delà du droit de communication automatique mentionné plus haut : il s'agit véritablement de confier une nouvelle fonction aux opérateurs de paiement - dont les modalités restent à approfondir. Ce système s'appliquerait dès lors que les achats en ligne sont réalisés sur un site extracommunautaire.

En revanche, l'extension de ce système aux ventes par des sites installés dans l'Union européenne n'apparaît pas opportune . En effet, la TVA intracommunautaire, par définition, n'est pas due à l'importation mais fait l'objet de la chaîne classique de déductions à chaque étape de la production. L'instauration d'un mécanisme d'auto-liquidation au niveau du consommateur final aurait probablement pour effet d'accroître - et non pas de diminuer - le risque de fraude, en concentrant l'enjeu sur le dernier chaînon. Le régime actuel de la TVA intracommunautaire en matière de vente à distance (cf. supra ) permet globalement de collecter la taxe, même si celle-ci n'est pas perçue au bon taux et par le bon Etat membre. L'enjeu en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu est en revanche intact.

De tels changements nécessitent, quoi qu'il en soit, une révision du droit européen applicable en matière de TVA.

C. REMETTRE EN QUESTION LES EXEMPTIONS DONT BÉNÉFICIENT LES « ENVOIS DE VALEUR NÉGLIGEABLE » (EVN) ET LE FRET POSTAL

Actuellement, les « envois de valeur négligeable » en fret express (c'est-à-dire inférieurs à 22 euros) ainsi que l'ensemble du fret postal aérien sont dispensés de « déclaration sommaire d'entrée » (ENS) à des fins de sûreté-sécurité à l'entrée sur le territoire de l'Union européenne. Cette situation est hautement préjudiciable, dans la mesure où les données logistiques et commerciales contenues dans les ENS sont cruciales pour la mise en place d'un ciblage efficace des risques .

Aussi vos rapporteurs spéciaux proposent-ils de lever les exemptions dont bénéficient les « envois de valeur négligeable » et le fret postal 89 ( * ) en matière d'obligations déclaratives . En d'autres termes, il s'agit d'intégrer clairement ces flux de marchandises dans l' Import Control System européen (ICS). Une réflexion dans ce sens est actuellement menée à l'échelle de l'Union européenne 90 ( * ) et de l'Union postale universelle 91 ( * ) . Par ailleurs, la DGDDI et La Poste se sont portées volontaires, dans le cadre du projet AMAS, pour expérimenter l'analyse préalable des données de la déclaration CN23, fournies par voie électronique. La levée de ces exemptions rendra nécessaire la mise en place d'un système d'information douanier en matière de fret postal analogue à celui qui existe pour le fret express (cf. infra ).

Au-delà même des exemptions en matière de sécurité, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la pertinence même des franchises fiscales applicables aux EVN . Ces franchises permettent d'assurer la fluidité des échanges internationaux : elles ont à ce titre une justification qui ne saurait être remise en cause. Cependant, le régime de taxation étant déclaratif, elles permettent aussi une fraude massive : une interrogation sur le niveau de ces franchises est donc indispensable. Ainsi, les seuils de 150 euros en matière de droit de douane, voire de 22 euros en matière de TVA, pourraient être abaissés .

Proposition n° 3 : remettre en question les exemptions dont bénéficient le fret postal et les « envois de valeur négligeable » en fret express, tant en matière d'obligations déclaratives que de franchises fiscales.

Ce changement, certes, n'empêcherait pas la sous-déclaration des envois, quel que soit le seuil retenu ; mais il permettrait un contrôle plus resserré , devenu indispensable avec l'explosion de la vente en ligne. Il implique une révision de la réglementation douanière européenne et de la convention postale universelle , mais pourrait être mis en oeuvre « en amont » au niveau de quelques pays sous la forme de partenariats.

D. ÉLARGIR ET UTILISER LE DISPOSITIF DES « COUPS D'ACHAT »

Le dispositif des « coups d'achat » (cf. supra ), qui permet aux agents des douanes de procéder à des achats en ligne de marchandises illicites ou fortement taxées afin d'en identifier le vendeur et d'en arrêter les flux dans leur ensemble, constitue un outil juridique prometteur dans le cas de la lutte contre la fraude sur Internet.

Vos rapporteurs spéciaux estiment donc que le recours à ce dispositif doit être encouragé et même systématisé dans les cas les plus importants. Des modifications dans l'organisation des services pourraient intervenir en conséquence.

Proposition n° 4 : encourager le recours au dispositif des « coups d'achat », qui permet aux agents des douanes de procéder anonymement à des achats de marchandises illicites, et élargir le dispositif notamment aux marchandises qui, sans être illicites, représentent de forts enjeux fiscaux.

A ce jour, la mise en oeuvre de cette procédure n'a pas fait l'objet de réserves de la part de l'autorité judiciaire. Les services de Cyberdouane appellent toutefois à la prudence dans l'utilisation de la possibilité de correspondre avec les vendeurs en amont de la transaction, dans la mesure où le délit d' « incitation » à la fraude est à ce jour dépourvu de définition juridique claire . Si le juge sera probablement amené à se prononcer sur le sujet, vos rapporteurs spéciaux estiment qu'une réflexion pourrait aussi être menée sur la sécurisation de cette possibilité au niveau législatif .

Ensuite, il s'agit d'étendre le champ des marchandises concernées . A ce jour, les coups d'achats sont en effet limités à trois types de marchandises : stupéfiants, tabacs et contrefaçons. Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il convient d'en accroître le champ du dispositif, et surtout de l'élargir aux marchandises qui, sans être illicites, représentent de forts enjeux en matière de fraude fiscale . C'est là un autre élément de la nécessaire réorientation de l'effort de la DGDDI en matière de recouvrement des prélèvements obligatoires, qui pourrait faire l'objet d'une modification de l'article 67 bis -I du code des douanes.

II. ADAPTER LES MOYENS EN CONSÉQUENCE

A. ADAPTER LES SYSTÈMES D'INFORMATION DE LA DOUANE AUX CARACTÉRISTIQUES DE LA FRAUDE SUR INTERNET

L'amélioration des systèmes d'information de la DGDDI est le corollaire indispensable de la mise en place d'un droit de communication automatique à l'égard des opérateurs de fret express et postal.

Actuellement, les informations disponibles sont parcellaires en matière de fret express, et presque inexistantes en matière de fret postal, ce que les propositions précédentes devraient contribuer à améliorer. Mais surtout, ces informations sont insuffisamment exploitées, et le ciblage du fret s'en trouve pénalisé . Vos rapporteurs spéciaux ont relevé quatre faiblesses du dispositif actuel de contrôle du fret :

1) Les données du logiciel Delta X (dédouanement du fret express) et de l' Import Control System (sûreté-sécurité) ne sont que partiellement croisées . Cette situation paraît anachronique au regard des techniques modernes d'analyse automatique du risque ( datamining ) ;

2) Le système ne couvre pas le fret postal , condamnant la plupart du temps au simple tri visuel ;

3) Le système manque de données , telles que le numéro de nomenclature tarifaire des marchandises ou les données commerciales et logistiques des opérateurs de fret ;

4) Le système n'est pas systématiquement alimenté par des éléments en provenance de Cyberdouane ou des autres services d'enquête, qui pourraient pourtant permettre un meilleur ciblage.

Proposition n° 5 : adapter les systèmes d'information de la DGDDI aux volumes et caractéristiques du fret express et postal, ainsi qu'aux spécificités de la fraude sur Internet.

Aux dires de la DGDDI, si le système Delta X est un bon outil commercial de dédouanement, il n'est aujourd'hui pas un bon outil de lutte contre la fraude - en matière de marchandises prohibées comme de droits et de taxes.

Remédier à ces faiblesses pourrait permettre de contrôler et, le cas échéant, d'interrompre systématiquement un flux d'envois suspects , dès lors que les premiers colis ont donné lieu à des constatations douanières. Les contrefaçons ou les substances prohibées, par exemple, ont souvent les mêmes expéditeurs. Certes, les noms et adresses inscrits sur les bordereaux varient souvent, compliquant le ciblage du fret. Mais d'autres éléments plus « stables » existent et pourraient être pris en compte et recoupés avec les informations disponibles : aspect physique du colis, région d'origine, langue utilisée etc. Par ailleurs, les informations obtenues par Cyberdouane, notamment par la mise en oeuvre des coups d'achats, gagneraient à être intégrées au système, afin notamment « d'intercepter les colis portant la même référence grâce à une alerte dans les centres de tri postaux 92 ( * ) ».

Là encore, vos rapporteurs spéciaux insistent pour que l'amélioration du ciblage ne se fasse pas seulement au profit de la lutte contre les marchandises prohibées, mais aussi au profit d'un meilleur recouvrement des droit et taxes dus à l'importation, en ciblant notamment les envois à fort enjeu fiscal .

B. REDÉPLOYER LES EFFECTIFS AFIN DE RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SUR INTERNET

Afin d'accroître l'attention portée au recouvrement des prélèvements obligatoires, vos rapporteurs spéciaux proposent enfin un redéploiement des effectifs au sein des différents services concernés, et notamment :

- les brigades de contrôle du fret express et du fret postal, afin de pouvoir procéder à davantage de contrôles ex ante et ex post ;

- le service Cyberdouane , et plus généralement la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ;

- le service national des douanes judiciaires (SNDJ) .

Vos rapporteurs spéciaux ont été surpris de constater que seule une quinzaine d'agents sur les 17 000 que compte la DGDDI sont spécifiquement en charge de la cyberdélinquance, et qu'à peine quelques dizaines d'agents étaient chargés de contrôler le contenu des centaines de tonnes de marchandises transitant chaque jour à Roissy.

Compte tenu du nécessaire effort de maîtrise des finances publiques, ce n'est pas tant à des hausses d'effectifs qu'à d' importants redéploiements que la douane pourrait procéder.

Proposition n° 6 : redéployer les effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet, sous réserve d'un renforcement préalable des instruments juridiques.

Par ailleurs, le renforcement des moyens humains et matériels ne pourrait être envisagé que dans le cas où les instruments juridiques auraient été préalablement renforcés . De fait, en l'état actuel du droit, même une augmentation très importante des effectifs ne permettrait pas d'obtenir des résultats substantiellement différents des résultats actuels, notamment en matière de recouvrement des prélèvements obligatoires. Les services concernés n'ont d'ailleurs pas estimé, dans leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux, manquer de moyens pour accomplir leurs missions dans le cadre actuel.

Enfin, une plus grande coopération des différents services concernés par la fraude sur Internet est nécessaire, non seulement dans le cadre de la DGDDI mais également avec d'autres administrations.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 octobre 2013 sous la présidence de
M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de MM. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, sur le rôle des douanes dans la lutte contre la fraude sur Internet.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Ce sujet s'inscrit dans la suite des travaux de la commission des finances. En effet, à l'initiative du président Philippe Marini et depuis quelques années, nous nous sommes fait une spécialité de la question de l'optimisation fiscale pratiquée par les géants de l'Internet, qui délocalisent d'autant plus facilement leurs profits que leurs ventes sont constituées de biens immatériels - les films, la musique ou encore la publicité.

Aujourd'hui, nous souhaiterions aborder la vente sur Internet de biens matériels - ceux que l'on peut acheter sur les grands sites tels que la Fnac, Amazon, eBay, de particulier à particulier... mais aussi sur des milliers d'autres. Or cette fois-ci, ce n'est plus d'optimisation dont il s'agit, mais de fraude fiscale pure et simple.

Quel est l'enjeu ? Vous avez ici les chiffres, qui sont relativement importants : aujourd'hui, la vente en ligne représente en France 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel pour les biens matériels et immatériels, et environ 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel pour la vente à distance de biens matériels. Tout cela ne fait que croître et embellir. En France, 117 000 sites Internet sont actifs, et près de 550 000 en Europe. On estime que 69 % des Français et 250 millions d'Européens achètent en ligne.

Un mot sur le rapport de la Commission européenne paru récemment, qui estimait le manque à gagner en matière de TVA à 32 milliards d'euros pour la France. Ces chiffres ont certes fait l'objet de polémiques car leur mode de calcul n'est pas connu, mais ils donnent une idée des enjeux, qui sont considérables.

Nous avons donc mené une mission de contrôle sur le rôle de l'administration des douanes (la Direction générale des douanes et droits indirects, DGDDI) dans le commerce en ligne. Je vous livre tout de suite notre conclusion. En matière de lutte contre les trafics (stupéfiants, tabacs, alcools, contrefaçons...), la douane conduit ses missions correctement, mais en matière de recouvrement des droits et taxes qui sont dus, nous sommes très en-dessous de ce qu'il serait nécessaire de faire.

Comment se déroulent les contrôles ? Nous nous sommes rendus sur place, à Roissy, pour observer la manière dont sont examinés les colis en provenance de l'étranger, par fret express (par FedEx, UPS, DHL...) et en fret postal. En effet, la quasi-totalité des particuliers qui achètent sur Internet se font envoyer leurs envois par ces moyens-là.

Quatre heures avant l'arrivée de l'avion, les transporteurs doivent envoyer à la douane, par voie électronique, une série d'informations sur les marchandises transportées. Lors du dédouanement, à l'arrivée, une déclaration en douane est remplie, qui permet d'attribuer un statut à la marchandise et de calculer les taxes afférentes. Toutes ces informations sont entrées dans un système de « ciblage », qui permet d'identifier les envois a priori douteux qui seront mis de côté pour être examinés. Ce système est enrichi par de nouvelles données au fil du temps, afin d'interrompre les envois venant d'un même expéditeur.

C'est à ce moment-là qu'ont lieu les contrôles, dans chacun des entrepôts répartis sur la plateforme aéroportuaire. Les agents peuvent se limiter au contrôle des documents, mais ussi ouvrir les colis pour examiner la marchandise. Le cas échéant, celles-ci sont saisies et peuvent donner lieu à une procédure judiciaire.

Pour le fret postal, les choses sont beaucoup plus compliquées puisque les déclarations ne sont pas informatisées. Il est donc impossible d'effectuer un ciblage automatique. Les agents sont alors condamnés au « tri visuel » - autant dire que les résultats ne peuvent pas être à la hauteur de nos espérances, compte tenu à la fois des faibles moyens humains engagés et du secret de la correspondance qui protège les envois postaux.

Quels sont les résultats obtenus en matière de lutte contre les trafics ? Ils peuvent être considérés comme satisfaisants, comme en témoignent les chiffres suivants. En ce qui concerne le fret express et le fret postal, en 2012, la douane a saisi 2,8 tonnes de stupéfiants, 29,5 tonnes de cigarettes de contrebande et 1,4 million d'articles de contrefaçon. Ces résultats représentent une part importante du total des saisies effectuées par la douane en 2012. Cela dit, il convient de relativiser ces résultats : par définition, on ignore le volume des trafics qui réussissent à « passer » sans être contrôlés. D'autant que les moyens humains sont très limités : sur place, une dizaine d'agents sont chargés d'ouvrir à la main les colis dans chaque bureau de contrôle, ce qui paraît bien peu par rapport aux centaines de milliers d'envois qui transitent chaque jour par la plateforme aéroportuaire. Vous avez là quelques photos montrant les saisies effectuées à Roissy : médicaments, accessoires pour smartphone , contrefaçons de vêtements, etc.

Par contre, en matière de recouvrement des prélèvements obligatoires, les méthodes employées sont très largement inefficaces, et c'est surtout sur cet aspect-là que nous pourrions améliorer les choses.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Une petite précision : lorsque nous avons assisté à l'ouverture des colis au centre de tri postal par une dizaine de douaniers et d'agents de la Poste, presque 100 % des colis ouverts contenaient des contrefaçons : cela montre que les agents savent, par habitude et à l'aspect du paquet, ce qu'il contient. Cela dit, il faut préciser que 300 tonnes de fret postal transitent chaque jour à Roissy, pour plus de 35 millions d'envois postaux par an : à huit ou dix personnes, seule une petite minorité d'envois peuvent être ouverts... Il y a donc un ciblage par provenance : quand une enveloppe épaisse vient d'Inde, les chances sont très fortes pour qu'il s'agisse de médicaments de contrefaçon - qui seront certainement placebo, si ce n'est dangereux. Le difficile travail manuel d'ouverture est fait très sérieusement, mais avec toutes les réserves qu'implique le nombre considérable d'envois postaux.

Mais la douane n'a pas qu'une mission de lutte contre les trafics et la contrefaçon. Elle a aussi une mission fiscale, qui porte sur la TVA à l'importation en provenance de pays hors Union européenne, les droits de douane, et plusieurs autres taxes alignées sur la TVA.

Vous voyez ici un bordereau d'envoi en fret express qui accompagne un colis en provenance de Chine : l'expéditeur envoie 850 accessoires pour smartphone , déclarés à 260 euros au total, soit 10 ou 20 centimes d'euros/pièce. Ceci n'est évidemment pas leur valeur dans le commerce... Or c'est cette valeur, purement déclarative, qui sert à établir les droits et taxes à l'importation.

Bien sûr, les grandes entreprises telles que Darty, Amazon ou la Fnac - dont certaines sont d'ailleurs résidents fiscaux en France - ne prendront pas le risque de sous-évaluer la valeur des biens. Mais qu'en est-il pour la multitude des sites de vente, installés notamment à l'étranger ? Naturellement, ces sites dont le nombre est considérable ont un intérêt objectif à la sous-déclaration. En clair : ils ne risquent rien ou presque. La probabilité de contrôle est très faible, et la douane n'aurait de toute façon aucun intérêt à engager une procédure pour récupérer quelques euros. Pour opérer un redressement, il faudrait pouvoir établir la valeur de chaque bien, ce qui - on nous l'a dit très clairement - conduit la douane à abandonner les poursuites dans la plupart des cas. Il y a donc un intérêt des opérateurs à un morcellement des envois.

De plus, les « envois de valeur négligeable » (EVN) bénéficient d'une franchise de droits de douane si leur valeur déclarée est inférieure à 150 euros, et d'une franchise de TVA si elle est inférieure à 22 euros. En pratique, de très nombreux bordereaux mentionnent une valeur inférieure à ces seuils afin d'échapper au contrôle, et ceci quel que soit leur contenu ! Théoriquement, la franchise de TVA n'est pas applicable à la vente à distance - mais il est impossible de faire la distinction en pratique. Ces franchises sont donc une porte ouverte à la fraude massive. C'est pour cela que les redressements opérés à Roissy en matière de fret postal s'élèvent à zéro euro, et les redressements en matière de fret express à 750 000 euros seulement.

Il faut donc se demander si les moyens engagés sont justifiés au regard des faibles montants collectés. Par exemple, 104 agents étaient affectés au contrôle fret express et postal à Roissy en 2012. Ce nombre est bien insuffisant au regard de l'explosion du fret express (8 millions d'envois par an à Roissy) et du fret postal (35 millions d'envois par an à Roissy) qui accompagne la croissance du commerce électronique. Rapporté au montant de taxes redressées à Roissy, on parvient seulement à 7 200 euros redressés par agent et par an...

Les agents font donc tout leur possible en matière de lutte contre la contrefaçon et les stupéfiants, mais ils sont évidemment totalement démunis face à l'enjeu du redressement des droits et taxes.

Au-delà même de ces obstacles pratiques et juridiques, il nous est apparu - et c'est plus grave - que la récupération des droits à l'importation et de la TVA n'était pas une priorité pour la douane. Les services de la DGDDI nous ont clairement dit que leur priorité était de lutter contre les trafics, ce qu'ils font je pense très bien (avec toutes les limites déjà mentionnées). Pour la douane, les enjeux fiscaux ne sont pas prioritaires, du fait du morcellement sous forme d'envois de faible valeur. Mais la somme de ces envois correspond tout de même à des enjeux massifs ! Rappelons les chiffres : le commerce en ligne représente 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France et 312 milliards d'euros en Europe, le secteur bénéficiant par ailleurs d'une croissance à deux chiffres certaines années.

Un mot sur la cellule « Cyberdouane », que nous avons également visitée. Il s'agit d'un service spécialisé dans la lutte contre la cyberdélinquance, placé depuis 2009 au sein de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Les agents de Cyberdouane ont pour but de mener une veille sur Internet et de conduire des enquêtes sur un certain nombre de sites.

Là aussi, il nous est apparu que la priorité était de lutter contre les trafics de marchandises, de faux médicaments, de stupéfiants, de contrefaçons etc. qui sont contrôlés par des réseaux criminels. Les enquêtes menées par Cyberdouane produisent à cet égard de bons résultats : sur les 277 dossiers pris en charge depuis 2010, près de 40 % concernent les contrefaçons, suivi des trafics de médicaments, stupéfiants et anabolisants. Ces marchandises prohibées suivies par Cyberdouane sont souvent disponibles sur des sites Internet « cachés », comme nous avons pu le voir lors de notre visite. Mais la lutte contre la vente de marchandises légales qui échappent à l'impôt est totalement oubliée. Le recouvrement de la TVA et des autres taxes ne fait pas partie des priorités de Cyberdouane.

Un autre problème se pose pour faire payer les sites en question : la douane perd sa compétence dès lors qu'un site est hébergé à l'étranger - c'est-à-dire l'immense majorité des cas, y compris les sites en « .fr ».

Nous nous sommes donc demandé si l'enjeu du recouvrement de la TVA - mais aussi de l'impôt sur les sociétés (IS) ou de l'impôt sur le revenu (IR) - faisait partie des priorités de la DGFiP, par contraste avec la DGDDI. Cette question n'entre pas dans le champ de notre contrôle, mais compte tenu des enjeux considérables du commerce en ligne, elle mérite d'être posée.

Là encore, nous sommes dubitatifs. Il est ressorti d'un entretien avec le service du contrôle fiscal que seulement 599 « e-commerçants » européens s'étaient déclarés auprès de l'administration fiscale française, sur 550 000 sites recensés en Europe... Normalement, tout site de vente à distance établi dans l'Union européenne et réalisant plus de 100 000 euros de chiffre d'affaires annuel doit se déclarer auprès de la DGFiP ; mais en pratique, il n'existe aucun moyen de vérifier le respect de cette obligation. Pour savoir si un site dépasse ce seuil, la DGFiP doit s'adresser à l'administration fiscale du pays d'établissement de la société, par exemple la Belgique ou le Luxembourg, dont vous imaginez la bonne volonté...

Le directeur général des finances publiques, Bruno Bézard, avec qui je me suis entretenu avant-hier, est bien conscient des enjeux, mais a confirmé que l'administration manquait de moyens juridiques, que le droit était en retard par rapport à la pratique. J'estime donc que le sujet n'est donc pas la priorité de la DGFiP, qui préfère multiplier les contrôles fiscaux quotidiens sur les contribuables moins « complexes ».

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - A la suite de ce tableau très mitigé, pour ne pas dire inquiétant, quelles sont les propositions envisageables pour améliorer les choses ? Dans le contexte actuel, il nous paraît pour le moins difficile de proposer une augmentation des effectifs de la DGDDI. Nos propositions portent donc sur la récupération de l'information, qui permettra d'améliorer le recouvrement des prélèvements obligatoires.

Nous proposons donc d'instaurer un droit de communication automatique à l'égard des intermédiaires du commerce en ligne, qui disposent d'informations qui permettront non seulement d'évaluer les montants en jeu, mais aussi de recouper les données en amont, afin de parvenir à un ciblage efficace. Les intermédiaires concernés par cette obligation de transmission d'informations sont les opérateurs de fret bien sûr, mais aussi les fournisseurs d'accès à Internet, les sites de paiement dont le plus connu est PayPal etc.

Une autre idée, peut-être un peu compliquée à mettre en oeuvre, mérite tout de même réflexion : pourquoi ne pas collecter la TVA au moment même où se fait la transaction en ligne entre l'acheteur et le vendeur ? Par définition, les banques et les sites de paiement disposent de ces informations : pourquoi dès lors ne prélever d'un côté le montant de l'achat, et de l'autre côté les taxes afférentes ? D'un point de vue technique, cela imposerait la mise en place - relativement compliquée - d'un système informatique impliquant les banques et les intermédiaires de paiement, mais ce n'est pas impossible. Cette voie permettrait de récupérer une partie significative des droits qui sont dus, et devrait être explorée.

Nous proposons ensuite de lever les exemptions dont bénéficient le fret postal et les « envois de valeur négligeable » inférieurs à 22 euros en fret express. Une réflexion doit être engagée tant sur les obligations déclaratives que sur la pertinence de ces franchises. Naturellement se pose ensuite la question du respect de ces règles dans la pratique.

Nous proposons également d'élargir et de sécuriser le dispositif des « coups d'achats », qui autorise les agents des douanes à acheter anonymement des produits illicites, afin de pouvoir remonter jusqu'aux vendeurs.

La dernière proposition consiste à renforcer les systèmes informatiques et à redéployer les effectifs - dans la mesure du possible bien sûr. Mais une chose est certaine : ce ne sont pas des moyens humains supplémentaires qui permettront de progresser, mais des dispositifs juridiques permettant de récupérer les informations pertinentes auprès des intermédiaires. Ainsi pourrons-nous récupérer les quelques milliards d'euros - je ne donne pas de chiffre - qui échappent à ce jour à l'impôt.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Une petite précision : la DGDDI a redressé, en 2012, 294 millions d'euros sur 68 milliards d'euros collectés, soit une proportion de 0,4 %. Par comparaison, la DGFiP a redressé 18 milliards d'euros sur environ 450 milliards de recettes fiscales, soit une proportion de 4 %...

Je partage ce que vient de dire Philippe Dallier : les flux de marchandises sont tellement importants qu'il est illusoire d'espérer tous les contrôler ; il faut se concentrer sur les flux financiers. En effet, tout achat en ligne donne lieu à un paiement, presque toujours par un compte PayPal ou par carte bancaire.

Nous pourrions aussi évoquer le monde des plateformes de mise en relation entre vendeurs et acheteurs : eBay, Leboncoin, voire même Facebook où de plus en plus de commerce a lieu. De plus en plus de professionnels ou de quasi-professionnels interviennent sur ces sites, où ils échappent largement aux services fiscaux et douaniers. C'est la réalité aujourd'hui.

M. Philippe Marini , président . - Ce contrôle est exemplaire, par ses méthodes, par son caractère concret, et bien entendu par le choix du sujet - qui est majeur et ne cessera de grossir davantage. En matière de douane « classique », il existe des dispositifs permettant de s'assurer de la rectitude des déclarations et de l'exactitude des valeurs. Ces dispositifs reposent sur des tiers de confiance, les commissionnaires agréés, qui agissent comme les représentants fiscaux en douane et prennent la responsabilité des valeurs déclarées. Sans doute ce système a-t-il éclaté à la fois du fait des règles européennes - qui prouvent une nouvelle fois leur fréquente nocivité - et du fait du développement du commerce électronique. L'objectif ne devrait-il pas être de retrouver cette catégorie de tiers de confiance agissant comme déclarants auprès de l'administration ?

La proposition consistant à liquider la TVA au moment de la transaction réalisée par le client au moment de l'achat est une bonne approche. Il en est de même pour le projet de doter la douane de nouveaux outils juridiques, et notamment la levée des exonérations dont bénéficient les envois de faible valeur déclarée, qui constituent une formidable opportunité de fraude. Tout ce travail pourrait-il être repris sous forme de propositions législatives et réglementaires, le cas échéant en coopération avec la DGDDI ? Pourrait-il aussi faire l'objet d'une présentation publique ?

M. François Marc , rapporteur général . - La répartition des dossiers pris en charge depuis 2010 par Cyberdouane qui nous a été présentée est-elle différente de la répartition en matière de commerce traditionnel ? Je pense notamment à la question des stupéfiants et anabolisants : y a-t-il une spécificité du commerce en ligne ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Concernant la question du rapporteur général, la logique de la cellule Cyberdouane n'est pas la même que celle du contrôle des marchandises : d'un côté, il s'agit de mener des enquêtes sur les trafiquants, de l'autre, il s'agit d'examiner des envois. Nous avons pu observer le travail de Cyberdouane dans le cas d'un trafiquant proposant de livrer des stupéfiants commandés par Internet : il s'agit d'abord de déterminer qui se cache derrière les adresses IP masquées sur Internet, pour remonter ensuite jusqu'à la personne physique, avec son adresse réelle. C'est un travail qui est très long, sans comparaison avec ce qui est fait à Roissy.

Concernant la question du président, il y a effectivement une rupture avec le fret cargo classique, où les marchandises étaient connues, puis stockées dans des entrepôts en France que l'on pouvait visiter. L'essor du fret express et l'utilisation du fret postal par la vente en ligne ont complètement changé la donne, et l'administration ne s'est pas vraiment adaptée. Les contrôles physiques tels que réalisés auparavant sont devenus impossibles. Il faut donc changer d'approche.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Il faut distinguer la Poste du fret express. Pour la Poste, il n'y a pas vraiment de commissionnaire en douane : les obligations déclaratives pèsent directement sur l'expéditeur, et sont sous sa responsabilité. En fret express, on privilégie la rapidité, car l'acheteur sur Internet veut recevoir ses colis tout de suite : il est donc hors de question, comme en fret classique, de retenir les marchandises en douane. C'est un enjeu de compétitivité pour les plateformes de fret express. A cela s'ajoute le cas des marchandises en transit pour seulement quelques heures. De plus, à la différence des opérateurs cargo classiques, les expressistes disposent de très peu d'informations, et n'ont pas le numéro de nomenclature de la marchandise : pour vérifier ce que l'on entend par « chargeur de téléphone », il faudrait ouvrir tous les envois... Aujourd'hui, la fluidité et la rapidité l'emportent sur la précision des informations. Les douaniers sont donc condamnés au contrôle physique au cas par cas, c'est-à-dire à un travail long, ingrat et demandant des moyens humains considérables.

M. Jean Germain . - Il y a en fait deux sujets : l'importation d'une part, et la question des droits indirects d'autre part. En matière d'importation, la TVA est due à l'entrée sur le territoire français, et pas avant : le paiement de la TVA au moment de la transaction implique des changements normatifs à l'échelle de l'Union européenne. Par ailleurs, le cas est différent selon que l'importation est le fait d'un particulier ou d'une entreprise. Le chemin va donc être long.

Par ailleurs, il est important de respecter la liberté individuelle et d'éviter le matraquage fiscal : la suppression des exemptions aura de lourdes répercussions pour les particuliers qui, de bonne foi, achètent en ligne. Il faut être très prudent sur ce sujet. Je suis donc plutôt favorable à l'idée précédente, consistant à changer le moment où l'on paye les taxes sur les produits importés. Un système comparable existe pour les droits indirects, notamment pour l'alcool. Cela dit, d'un point de vue juridique, le problème est complexe : comment pourrait-on obliger un particulier à payer au moment où il achète, là où une entreprise importatrice n'aurait à payer qu'au moment du dédouanement ? D'autant que ce projet requiert la mise en place d'un système informatique mondial assez lourd.

Il ne faut pas l'oublier qu'une fois les entrepôts franchis, la douane dispose d'un droit de suite très étendu, qu'elle peut exercer sur tout le territoire : le sujet pourrait aussi être traité par là.

M. Richard Yung . - Deux observations sur la TVA. D'abord, l'article 42 du code des douanes : ce régime permet de payer la TVA non pas dans le pays d'arrivée sur le territoire de l'Union européenne, mais dans le pays de consommation - et comme par hasard, il y a beaucoup d'évaporation entre temps. On estime les pertes de recettes de TVA liées à ce « régime 42 » à 2 milliards d'euros. L'autre question est la suivante : est-ce normal que ce soit la douane, et pas l'administration fiscale, qui s'occupe de la TVA ?

M. Philippe Marini . - On peut aussi se demander si ces deux administrations ont vocation à rester éternellement deux directions générales différentes...

M. Richard Yung . - Le 20 novembre prochain sera discutée une proposition de loi que nous avons déposée pour combattre un certain nombre des dérives que vous avez pointées, en particulier en donnant des pouvoirs additionnels forts aux douanes : les « coups d'achat » que vous mentionnez, l'infiltration etc. Il s'agit aussi de revenir sur le grand scandale de l'arrêt « Nokia » de la Cour de justice de l'Union européenne, qui interdit aux douanes de pouvoir saisir des marchandises en transbordement, même en sachant que le container est plein de marchandises contrefaites. Il faut combattre cet arrêt pervers qui fera l'objet de différentes propositions.

M. François Trucy . - Je suis scandalisé que ces dernières années, les administrations de l'Etat ne se soient pas mobilisées sur ce sujet, à l'échelle nationale comme européenne. Heureusement que le Sénat est là !

M. Marc Massion . - Les « aviseurs » peuvent-ils aider l'administration des douanes en matière de commerce en ligne ?

M. Éric Doligé . - L'enjeu est considérable... et n'est pas une priorité. Que faire pour résoudre cette antinomie ? Concernant les effectifs, si on ne peut pas les redéployer à la base, peut-être peut-on les redéployer au sommet, afin d'identifier les nouvelles priorités ? Par ailleurs, que fait-on dans les pays voisins, qui font face aux mêmes problématiques ?

M. Jean-Paul Emorine . - Je suis assez surpris par les obligations différenciées en matière d'exemptions qui pèsent sur la Poste et sur les opérateurs de fret express, dans la mesure où la Poste peut concurrencer ces derniers.

M. Philippe Marini . - Une fois encore, il serait particulièrement utile que le rapport soit conclu par des propositions d'amélioration du droit, de niveau réglementaire ou de niveau législatif.

M. Philippe Dallier . - Jean Germain évoque un problème de liberté et de matraquage fiscal, mais il faut bien avoir conscience que la base fiscale est en train de s'évaporer à toute vitesse.

M. Philippe Marini . - Chacun comprend que, pour contrôler, il faille réduire la liberté. Le contrôle est indispensable à l'intérêt général.

M. Philippe Dallier . - Bien sûr, il ne s'agit pas de créer un Big brother au niveau mondial permettant de prélever la TVA en chaque point de la planète. Les sujet sont divers : échanges communautaires et extracommunautaires, échanges B2B (entre deux entreprises) et surtout B2C (d'une entreprise vers un particulier qui achète sur Internet). Je pense pour ma part que le prélèvement des droits au moment où le client paie son achat est le meilleur moyen d'éviter l'évaporation fiscale, sans dépendre du moment où le colis arrive sur le sol français.

M. Albéric de Montgolfier . - Un client qui achète sur un site de e-commerce français - par exemple La Redoute - va payer la TVA à 19,6 % au moment de la transaction. Au nom de quoi un client achetant sur un site étranger échapperait-il à ce paiement ? Il y a là un problème d'équité ! La question n'est pas celle du matraquage fiscal, mais du recouvrement de droits et taxes qui sont dus.

M. Jean Germain . - Mais il existe bien une différence juridique actuellement.

M. Albéric de Montgolfier . - Nous sommes évidemment d'accord : c'est une matière extrêmement complexe, qui malheureusement ne relève pas de la simple loi française. Nous ne suggérons que des pistes à explorer, dont nous ne négligeons pas les difficultés. Mais si nous ne faisons rien, la base fiscale s'évaporera. Et cela pose un problème d'équité entre commerçants classiques installés en France qui payent toutes taxes comprises, et exportateurs soumis à l'étranger qui y échappent et payent hors taxe.

La question du régime de l'article 42 du code des douanes soulevée par Richard Yung s'applique plutôt au fret classique.

L'arrêt « Nokia » ne concerne pas non plus directement notre sujet ; il interdit de saisir des marchandises contrefaites ou prohibées dès lors qu'elles ne font que transiter en France, par exemple en provenance de Chine et à destination de l'Italie. Cet arrêt a eu pour conséquence de diminuer de moitié en un an les saisies de contrefaçons. Richard Yung semble suggérer que des voies juridiques peuvent être explorées - mais je vois mal comment une loi française pourrait contrevenir à un arrêt de la CJUE.

Les « aviseurs » des douanes ne servent strictement à rien en matière de fraude sur Internet : il y a une telle multitude de sites qui se créent à chaque instant et dont les montages impliquent tellement de pays et tellement d'intervenants que, dans la pratique, les moyens traditionnellement utilisés pour lutter contre les trafics organisés ne servent à rien.

M. Philippe Dallier . - Pour répondre à la question d'Éric Doligé au sujet des comparaisons avec d'autres pays : nous ne nous sommes pas rendus sur place, mais on nous a dit que nous étions parmi les plus avancés - ce qui ne nous rassure pas sur l'efficacité de nos partenaires européens !

M. Albéric de Montgolfier . - En réponse à la question de Jean-Paul Emorine, il faut distinguer la Poste dans ses activités classiques de fret postal, qui impliquent une multitude de petits paquets dont les bordereaux sont remplis sous la responsabilité de l'expéditeur, et la Poste dans ses activités de fret express - c'est-à-dire Chronopost.

M. Philippe Marini . - Le sujet est suffisamment intéressant pour ne pas en rester là. Il faut poursuivre le travail avec ténacité, et formuler des propositions de nature à faire évoluer le droit. On ne peut pas faire plaisir à tout le monde : faire progresser l'intérêt général suppose quelques atteintes, notamment aux libertés de communication, de transaction et du commerce.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de leur communication à Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

- Jean-Paul BALZAMO, sous-directeur des affaires juridiques, du contentieux et de la lutte contre la fraude (DGDDI), le 13 février 2013 ;

- Bastien LLORCA, sous-directeur du contrôle fiscal (DGFiP), le jeudi 19 septembre 2013.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Direction interrégionale des douanes de Roissy (le 18 juillet 2013), en présence de :

- Dominique LABICHE, directeur interrégional ;

- Corinne CLEOSTRATE, directrice régionale à Roissy - Voyageurs ;

- Philippe LEGUE, directeur régional à Roissy - Fret ;

- Sébastien TIRAN, secrétaire général interrégional ;

- Jean-Michel THILLIER, sous-directeur du commerce international ;

- Jean-Paul BALZAMO, sous-directeur des affaires juridiques, du contentieux et de la lutte contre la fraude ;

- Laurence JACLARD, chargée des relations institutionnelles - Élus.

Cellule « Cyberdouane » (à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, le jeudi 26 septembre 2013), en présence de :

- Thierry PICART, directeur des enquêtes douanières ;

- Serge PUCCETTI, directeur de la communication de la douane ;

- Sophie DEPAQUIT, adjointe au chef de la division ciblage et contrôle de la contrebande ;

- Luc STROHMANN, responsable du service Cyberdouane.

ANNEXES

Annexe 1 : organisation fonctionnelle de la DGDDI

Annexe 2 : organigramme de la DI de Roissy

Annexe 3 : plan de la DI de Roissy

Annexe 4 : droits et taxes redressés en fret express et en fret postal

Annexe 5 : fiche d'information Cyberdouane (FIC)


* 1 Voir notamment voir la proposition de loi (n° 726) de Philippe Marini tendant à renforcer la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales des entreprises multinationales (n° 1243) déposée le 4 juillet 2013

* 2 Article 153 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 3 Couvertes par la Convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction.

* 4 Plus exactement 16 662 ETPT (équivalents temps plein travaillé) demandés en PLF pour 2014, contre 16 870 ETPT en 2013 (soit - 208 ETPT). Source : projet annuel de performance du programme 302 annexé au PLF pour 2014.

* 5 Source : projet de loi de finances pour 2014, évaluation des voies et moyens. Ce ratio n'est qu'indicatif dans la mesure où toutes les taxes collectées par la DGDDI ne sont pas affectées à l'Etat.

* 6 A l'exception toutefois des services financiers, régie par le code monétaire et financier.

* 7 Source : FEVAD 2013 (Fédération e-commerce et vente à distance)

* 8 Source : e-commerce Europe 2013

* 9 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 10 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 11 Source : DGDDI, rapport annuel de performance 2012.

* 12 Source : FEVAD 2013.

* 13 Par opposition à l'action sur l'offre (cf. infra ).

* 14 Son équivalent à l'export est le système « ECS » ( Export Control System ).

* 15 La télé-procédure Delta (dédouanement en ligne par traitement automatisé) permet aux opérateurs de déposer leur déclaration par voie électronique, ce qui permet un gain de temps et un allègement procédural notables pour les entreprises, ainsi qu'une liquidation automatique des droits et taxes et une interopérabilité avec les systèmes douaniers des autres Etats membres. La télé-procédure Delta se décline en Delta C (général cargo), Delta D (domicilié, avec une déclaration globale mensuelle ou décadaire) et Delta X (pour le fret express).

* 16 Article 68 du code des douanes communautaire (CDC).

* 17 Article 65 du code des douanes.

* 18 Article 63 ter du code des douanes. Ce droit d'accès donne lieu à information préalable du procureur de la République et ne peut être conduit que par des agents habilités, entre 8h et 20h.

* 19 Définie à l'article 64 du code des douanes, la visite domiciliaire permet aux agents habilités de « procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ». Les marchandises et documents peuvent être saisis. La visite domiciliaire doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention, et les agents des douanes doivent être accompagnés d'un officier de police judiciaire. Cette procédure est également prévue par le livre des procédures fiscales (articles L. 16 B et L. 38).

* 20 Articles 412 et 414 du code des douanes.

* 21 Il convient de distinguer la sûreté (lutte contre les menaces terroristes) de la sécurité (protection du consommateur, produits dangereux etc.).

* 22 Il existe des cellules au Havre et à Marseille pour le fret maritime.

* 23 Le risque A, qui entraîne l'interdiction de chargement dans le pays de départ (« do not load »), ne concerne aujourd'hui que le fret maritime de longue distance.

* 24 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 25 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 26 La déclaration CN 22 porte sur les envois d'une valeur inférieure ou égale à 380 euros. La déclaration CN 23 porte sur les envois d'une valeur comprise entre 380 et 8 000 euros.

* 27 Articles 226-15 et 432-9 du code pénal et article 66 du code des douanes.

* 28 Article 63 ter du code des douanes précité.

* 29 Article 66 du code des douanes précité.

* 30 Le SNDJ ne peut pas s'autosaisir.

* 31 Article 14 du code de procédure pénale.

* 32 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 33 Source : rapport 2012 du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes.

* 34 En vertu de l'article 350 du code des douanes, la DGDDI est autorisée à transiger sur les pénalités en jeu.

* 35 Si les conséquences de ce manque d'informations sont déjà sérieuses pour le contrôle des marchandises prohibées, elles le sont naturellement encore plus en ce qui concerne le recouvrement des droits et taxes (cf. infra ).

* 36 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 37 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux. La remarque vaut d'autant plus en ce qui concerne les - rares - expressistes qui dédouanent encore au moyen de documents papier.

* 38 Sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

* 39 Source : DGDDI.

* 40 Si l'outil de traitement automatisé du fret est naturellement perfectible, il faut tout de même noter que la douane française est en avance sur ses homologues européens en la matière.

* 41 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 42 Sauf pour les envois de plus de 8 000 euros soumis à la procédure de droit commun.

* 43 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 44 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 45 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 46 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 47 En import et en export. Source : DGDDI.

* 48 CJUE, 1 er décembre 2011, Philips (aff. C-446/09) et Nokia (aff. C-495/09).

* 49 Article 414 du code des douanes.

* 50 Le cours du « bitcoin » avoisine actuellement les 130 dollars.

* 51 « Silk Road : le FBI ferme un supermarché du crime en ligne », Les Echos, 3 octobre 2013.

* 52 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 53 Par comparaison, l'opération « Pangea V » (septembre 2012) a permis la saisie en France par la douane de 427 000 médicaments de contrebande et de contrefaçon.

* 54 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 55 Article 108 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite loi LOPPSI).

* 56 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 57 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 58 Article 13 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 59 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 60 Contrairement à la TVA intracommunautaire, la TVA à l'importation est due par l'acheteur de la marchandise. L'entreprise exportatrice n'est pas redevable, sauf dans le cas (rare) où elle réalise des opérations assujetties à la TVA en France - auquel cas elle est tenue de s'immatriculer auprès de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (DRESG) afin de pouvoir reverser la TVA collectée au Trésor public, ou le cas échant déduire la TVA payée en France (cf. infra).

* 61 Source : rapport annuel (2012) du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes. La hausse observée (passage de 66,15 milliards d'euros en 2011 à 67,95 milliards d'euros en 2012) est légèrement supérieure à la tendance de long terme, notamment en raison de la perception de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers.

* 62 Source : DGDDI, rapport annuel de performance 2012.

* 63 Source : DGFiP, rapport d'activité 2012.

* 64 En import et en export, soit 5,8 millions > 2 kg et 38 millions < 2 kg. Source : DGDDI.

* 65 En import et en export. Source : DGDDI.

* 66 En import et en export. Source : DGDDI.

* 67 Les effectifs pour l'année 2012 ne sont pas encore connus.

* 68 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 69 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 70 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux. Les contentieux réalisés en fret express et en fret postal représentent 82 % des dossiers contentieux de la direction interrégionale de Roissy.

* 71 La question des prélèvements sociaux est laissée en dehors du champ du présent rapport, mais le manque à gagner vient bien sûr s'ajouter à celui qui est identifié pour la DGDDI et la DGFiP.

* 72 Le seuil permettant de distinguer un « professionnel » d'un « particulier » est déterminé au cas par car par les services fiscaux, mais une personne commercialisant en série sur un site d'enchères des biens achetés à un fournisseurs relèverait typiquement de la première catégorie.

* 73 Sur la question de l'établissement stable, voir la proposition de loi (n° 726) de Philippe Marini tendant à renforcer la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales des entreprises multinationales (n° 1243) déposée le 4 juillet 2013, et le rapport d'information fait par Pierre-Alain Muet et Éric Woerth au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'optimisation fiscale « agressive » des entreprises multinationales, déposé le 10 juillet 2013.

* 74 Au taux français, en application de la règle du seuil de 100 000 euros.

* 75 Source : e-commerce Europe 2013.

* 76 Prévu par les articles L. 82 A à L. 102 du livre des procédures fiscales, le droit de communication de l'administration fiscale couvre un périmètre très large de tiers : entreprises, administrations publiques, autorités judiciaires etc.

* 77 Article 55 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

* 78 Ceci dit, dans le cadre d'une « perquisition fiscale » (articles L. 16 B et L. 38 du LPF), toutes les données accessibles depuis les locaux visités sont susceptibles d'être retenues.

* 79 Article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques.

* 80 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 81 Lors de l'expérimentation concernant les envois express (ACAS) réalisée sur trois mois entre la DGDDI et la société FedEx, cette dernière a ainsi ouvert ses bases de données à l'administration, permettant un ciblage bien plus performant des risques. Cette expérience n'a cependant pas été renouvelée.

* 82 Le numéro de vol, le numéro du conteneur, le numéro LTA (lettre de transport aérien) et la dépêche postale (cf. supra ). Menée depuis septembre 2012 entre plusieurs Etats membres, l'expérimentation concernant les envois postaux (AMAS), visant à instaurer une transmission préalable et automatique des informations, a pour l'instant donné des résultats insuffisants.

* 83 On rappellera à ce titre qu'un tiers des bureaux de poste dans le monde n'ont pas d'électricité...

* 84 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 85 Par exemple, PayPal Europe est une société de droit luxembourgois.

* 86 Au sujet de FATCA, voir le rapport pour avis n° 730 du 9 juillet 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 87 A cet égard, la TVA à l'importation, qui ne fait pas intervenir de déductions en chaîne, s'apparente plutôt à une « sales tax » pesant sur le consommateur final, comme il en existe aux Etats-Unis.

* 88 Pour la TVA, par exemple, un prélèvement forfaitaire de 20 % (taux normal en vigueur au 1 er janvier 2014) pourrait être prévu. Cela reviendrait à instaurer une « présomption de taux normal », charge au consommateur d'apporter les justifications nécessaires si la marchandise est soumise au taux réduit ou au taux intermédiaire.

* 89 A l'exception toutefois du courrier personnel (lettres personnelles, cartes postales etc.).

* 90 Dans le cadre de la révision de la législation douanière (cf. supra ).

* 91 Dans le cadre de la révision de la Convention de l'UPU, et notamment par l'inscription de la notion de transmission préalable par voie électronique à son article 9.

* 92 Source : réponse de la DGDDI au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

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