C. POURSUIVRE LE MOUVEMENT TENDANT À FOCALISER LE JUGE SUR LA FONCTION DE JUGER
La réforme de la justice de première instance ne peut se limiter à une réforme des structures. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire et compte tenu de l'importance de la charge de travail qui pèse aujourd'hui sur les magistrats, elle doit inclure une réflexion sur l'office du juge, afin de lui permettre de se concentrer sur sa fonction principale et retrouver ainsi des marges de manoeuvre pour le mobiliser sur les actions qui le méritent.
Vos rapporteurs saluent de ce point de vue la cohérence de l'approche retenue par la garde des sceaux, qui a constitué simultanément deux groupes de travail, l'un chargé de réfléchir à la juridiction du XXI ème siècle, l'autre au juge du XXI ème siècle.
Concentrer le juge sur sa fonction de juger peut se faire de deux manières : en déjudiciarisant les actes qui ne requièrent pas son intervention, ou en reportant celle-ci au seul moment de la procédure où elle est réellement nécessaire.
La première voie a été largement explorée par la commission sur la répartition du contentieux présidée par Serge Guinchard. Les débats ont notamment porté sur la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, que cette commission a rejetée.
Il semble à vos rapporteurs qu'une autre voie pourrait être suivie, celle de l'attribution aux greffiers en chef de certaines prérogatives juridictionnelles limitées, aujourd'hui détenues par le juge. La formation qu'ont reçue les greffiers en chef le permettrait, comme l'a indiqué, lors de son audition, M. Stéphane Hardouin, directeur de l'école nationale des greffes. M. le professeur Serge Guinchard, les représentants de l'union syndicale des magistrats ou ceux de l'UNSA-services judiciaires se sont eux aussi prononcés en faveur d'une telle évolution. Celle-ci butte toutefois sur une difficulté : le manque de greffiers, en dépit des efforts de recrutement accomplis.
La seconde voie pour recentrer le juge sur sa fonction est celle, selon l'expression du professeur Loïc Cadiet, de « l'inversion des contentieux », ou selon celle de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, de « l'intervention retardée du juge ».
Le modèle en est la procédure d'injonction de payer : plutôt que d'ouvrir immédiatement un procès entre le créancier et le débiteur, cette procédure autorise le créancier à s'adresser au juge pour qu'il lui délivre une ordonnance portant injonction de payer si sa créance est certaine. Il signifie alors cette décision au débiteur qui dispose d'un délai d'un mois pour faire opposition. Ce n'est que quand ce dernier forme opposition que s'ouvre véritablement le procès. La première phase de la procédure est traitée très rapidement, et la seconde, plus longue, n'intervient qu'éventuellement.
De telles procédures doivent être développées, lorsqu'elles portent sur des affaires où il y a peu de contestations possibles.
Recommandation n° 7 Poursuivre le mouvement visant à permettre au juge de se concentrer sur sa fonction initiale, en confiant certaines missions juridictionnelles annexes aux greffiers en chef, et en modifiant certaines procédures pour réserver son intervention aux affaires qui font l'objet d'une contestation sérieuse |