Rapport d'information n° 54 (2013-2014) de Mme Virginie KLÈS et M. Yves DÉTRAIGNE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 octobre 2013
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LISTE DES RECOMMANDATIONS
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AVANT-PROPOS
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TITRE LIMINAIRE - UNE ORGANISATION DES JURIDICTIONS
DE PREMIÈRE INSTANCE COMPLEXE
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I. - LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE
INSTANCE : UNE PERSPECTIVE SÉDUISANTE, MAIS DISCUTÉE
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A. LES QUATRE TRAITS ESSENTIELS DU TRIBUNAL DE
PREMIÈRE INSTANCE
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B. LES CRITIQUES ET LES CRAINTES EXPRIMÉES
À L'ÉGARD DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
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1. La difficile unification des juridictions de
première instance
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2. Des objections d'ordre constitutionnel
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3. La crainte de la disparition de certaines
fonctions spécialisées
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4. Le risque d'éclatement du contentieux des
affaires familiales
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5. Les inquiétudes statutaires des
magistrats et des greffiers
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1. La difficile unification des juridictions de
première instance
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A. LES QUATRE TRAITS ESSENTIELS DU TRIBUNAL DE
PREMIÈRE INSTANCE
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II. - S'ENGAGER SUR LA VOIE DE LA
RÉFORME, EN DONNANT À COURT TERME LA PRIORITÉ
À L'ACCESSIBILITÉ DE LA JUSTICE
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A. LE GUICHET UNIVERSEL DE GREFFE, PREMIÈRE
PIERRE DE L'ÉDIFICE
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B. RENFORCER LES MOYENS DE PROJECTION
JUDICIAIRE
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C. POURSUIVRE LE MOUVEMENT TENDANT À
FOCALISER LE JUGE SUR LA FONCTION DE JUGER
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A. LE GUICHET UNIVERSEL DE GREFFE, PREMIÈRE
PIERRE DE L'ÉDIFICE
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III. - COMMENT ATTEINDRE
L'ÉVENTUELLE ÉTAPE ULTÉRIEURE DU TRIBUNAL DE
PREMIÈRE INSTANCE ?
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A. LES PRÉREQUIS NÉCESSAIRES
À LA RÉALISATION DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
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B. RAPPROCHER LES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE
INSTANCE AVANT DE VOULOIR LES UNIFIER
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C. LES CONTOURS D'UN ÉVENTUEL TRIBUNAL DE
PREMIÈRE INSTANCE
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A. LES PRÉREQUIS NÉCESSAIRES
À LA RÉALISATION DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
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CONCLUSION GÉNÉRALE
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES DÉPLACEMENTS
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXE : CARTE DES IMPLANTATIONS
JUDICIAIRES
N° 54
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 octobre 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la justice de première instance ,
Par Mme Virginie KLÈS et M. Yves DÉTRAIGNE,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto . |
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 Prioritairement à la création éventuelle du tribunal de première instance, mettre enfin en place le système de guichets universels de greffe (GUG) déjà préconisé à plusieurs reprises, afin de permettre au justiciable d'introduire et de suivre son affaire, en tout point du ressort, au tribunal le plus proche de son domicile Recommandation n° 2 Organiser, dans le cadre du guichet universel de greffe, une mutualisation des effectifs de greffe du tribunal d'instance, du conseil des prud'hommes et du TGI, dans le ressort de ce dernier Recommandation n° 3 Apporter aux fonctionnaires des greffes mutualisés la garantie pérenne, dans le cadre de cette mutualisation, d'une affectation dans la même ville ou la même agglomération que leur juridiction d'origine Recommandation n° 4 Engager, au soutien de la création du GUG et de la mutualisation des greffes, une véritable politique de ressources humaines qui s'appuie sur la formation des greffiers et une revalorisation indemnitaire adaptée Recommandation n° 5 Conduire à son terme, de manière prioritaire, le développement de l'application informatique Portalis, qui permettra la connexion de l'ensemble des juridictions et procédures civiles Recommandation n° 6 Renforcer les audiences foraines, lorsqu'elles apparaissent nécessaires, en tirant parti des facilités permises par le GUG et la mutualisation des greffes Recommandation n° 7 Poursuivre le mouvement visant à permettre au juge de se concentrer sur sa fonction initiale, en confiant certaines missions juridictionnelles annexes aux greffiers en chef, et en modifiant certaines procédures pour réserver son intervention aux affaires qui font l'objet d'une contestation sérieuse |
Recommandation n° 8 Supprimer le tribunal de police et attribuer ses compétences et, s'il y a lieu, ses moyens au tribunal correctionnel Recommandation n° 9 Attribuer les compétences des tribunaux paritaires des baux ruraux aux tribunaux d'instance Recommandation n°10 Sans revenir sur la suppression des juridictions de proximité, revoir le statut des juges de proximité afin d'assurer leur pérennisation dans les nouvelles fonctions qui leur ont été attribuées au siège du TGI Recommandation n° 11 Créer une juridiction de sécurité sociale unique échevinée par le regroupement des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et de leurs greffes Recommandation n° 12 Réfléchir à l'évolution de la situation statutaire des greffes des TASS et des TCI dans la perspective du guichet universel de greffe Recommandation n° 13 Maintenir à ce stade l'autonomie juridictionnelle des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce, sans les exclure d'une réflexion ultérieure Recommandation n° 14 Expérimenter la participation de juges consulaires dans les chambres commerciales des cours d'appel Recommandation n° 15 Étudier l'extension des compétences des tribunaux de commerce pour en faire des tribunaux économiques aux compétences élargies à l'ensemble des entreprises |
Recommandation n° 16 Constituer dans un premier temps le tribunal de première instance uniquement par la fusion du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance de son ressort Recommandation n° 17 Créer le TPI au siège actuel de chaque TGI, sans imposer par principe un seul tribunal de première instance par département, et créer un réseau de chambres détachées correspondant aux implantations actuelles des tribunaux d'instance Recommandation n° 18 Confier aux chambres détachées du TPI la charge d'un contentieux de proximité défini par la loi ou le règlement, correspondant à celui actuellement traité au sein des tribunaux d'instance Recommandation n° 19 Prévoir que la compétence de ces chambres détachées puisse être élargie, pour certaines d'entre elles, à des contentieux traités au siège du TPI, notamment le contentieux familial hors divorce, lorsque l'éloignement de la population concernée à la ville siège du TPI est trop important Recommandation n° 20 Recourir, lorsque c'est opportun, aux audiences foraines pour augmenter l'offre de justice apportée au sein des implantations judiciaires déconcentrées du TPI |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Il y a tout juste un an, le 1 er octobre 2012, votre commission des lois présentait au Sénat, lors d'un débat en séance publique, les conclusions du rapport de son groupe de travail sur la réforme de la carte judiciaire.
Les échanges nombreux auxquels ce débat a donné lieu ont montré que le constat dressé par ce premier bilan d'ensemble de la réforme était largement partagé : la réforme, toujours reportée, était nécessaire, mais, mal conçue à l'origine, elle a été conduite à l'envers, puisqu'elle a précédé la réforme de la répartition des contentieux et de l'organisation judiciaire dont elle aurait dû, en principe, découler. Si elle a permis des améliorations dans la localisation et la mise à niveau des juridictions, elle a considérablement pesé sur les personnels judiciaires. Trop souvent mise à profit pour réaliser des économies budgétaires, elle a parfois éloigné la justice du justiciable, ou allongé les délais de procédure.
Loin de se limiter à cet examen rétrospectif sur « l'occasion manquée » par cette réforme, le débat ouvrait sur l'avenir. Nos collègues se sont interrogés, avec les rapporteurs du groupe de travail et la garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Christiane Taubira, sur les voies que pourrait suivre une future réforme de l'organisation des juridictions afin de remédier aux problèmes soulevés et améliorer l'efficacité de la justice.
Aussi votre commission a-t-elle confié à M. Yves Détraigne, déjà rapporteur du groupe de travail sur la réforme de la carte judiciaire, et à Mme Virginie Klès le soin de poursuivre la réflexion ainsi engagée 1 ( * ) .
Inscrivant ses pas dans le prolongement de ceux du groupe de travail sur la réforme de la carte judiciaire, la présente mission d'information s'est penchée sur la question de la justice de première instance aujourd'hui éclatée, selon le montant, le niveau ou le type de contentieux, entre juridiction de proximité, tribunal d'instance, tribunal de grande instance, tribunal de commerce, conseil de prud'hommes et l'ensemble des juridictions spécialisées, du tribunal des affaires de sécurité sociale au tribunal paritaire des baux ruraux 2 ( * ) .
Vos rapporteurs ont souhaité saisir cette question sous l'angle de l'accessibilité de la justice pour le justiciable, à travers le prisme du concept de tribunal de première instance, conçu idéalement pour réunir en une même juridiction toutes celles que nous connaissons actuellement.
Étudiant ce dispositif, dont le rapport sur la réforme de la carte judiciaire s'était fait l'écho, ils ont cherché non seulement à en évaluer l'intérêt ou les limites, mais aussi à définir la méthode qui pourrait être suivie pour mener à bien une réforme de l'organisation judiciaire qui assure au citoyen un accès facilité à son juge et une justice plus efficace.
Parallèlement à la démarche engagée par le ministère de la justice 3 ( * ) , ils ont ainsi souhaité contribuer à l'expertise propre du Sénat, s'il devait être, à l'avenir, saisi par le Gouvernement d'une réforme de ce type.
Au fil de plus d'une trentaine d'auditions, la mission d'information a entendu plus de soixante-dix personnalités qualifiées ou acteurs judiciaires ainsi que les organisations représentatives des magistrats et des personnels de justice.
Vos rapporteurs sont allés à la rencontre de ces mêmes acteurs, sur le terrain, à l'occasion de quatre déplacements dans les ressorts des cours d'appel d'Amiens, de Bordeaux et de Rennes, ainsi qu'au sein du tribunal de grande instance de Bobigny.
Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs s'accordent sur l'intérêt d'une simplification de l'organisation de la justice de première instance. Le tribunal de première instance est, à cet égard, une perspective séduisante, mais qui ne peut être envisagée qu'à long terme, compte tenu des conditions préalables nécessaires à sa réalisation. En revanche, d'ores et déjà, il est possible de s'engager sur cette voie, à travers, notamment, le guichet universel de greffe, en offrant ainsi rapidement au justiciable la plus grande part du bénéfice qu'il pourrait tirer de cette réforme.
TITRE LIMINAIRE - UNE ORGANISATION DES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE INSTANCE COMPLEXE
Le constat de la complexité et du manque de lisibilité de l'organisation judiciaire française n'est plus à faire.
Dès 1997, le rapport du groupe d'étude présidé par le premier président de la cour d'appel d'Orléans, M. Francis Casorla, soulignait l'« extrême atomisation » des juridictions et remarquait qu'« à ce véritable puzzle judiciaire s'ajoute une imbrication inextricable de ressorts, chacune de ces juridictions, y compris les juridictions non autonomes, possédant son propre ressort allant de quelques cantons jusqu'au département, toutes sortes de juges , nommés, élus ou tirés au sort, et des compositions variables » 4 ( * ) .
Partageant, dix ans plus tard, la même analyse 5 ( * ) , la commission sur la répartition des contentieux présidée par le doyen Serge Guinchard ajoutait en 2008que « force est de reconnaître que l'organisation de la justice, telle qu'elle résulte aujourd'hui des strates successives accumulées au fil des ans, est devenue peu lisible pour nos concitoyens ; or, une justice pour tous, c'est d'abord une justice que l'on comprend, une justice intelligible. La répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et, depuis peu, le juge de proximité, fondée sur le critère de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par avocat, a perdu de sa pertinence ; elle est devenue trop complexe et ne correspond plus à la situation actuelle. Les critères d'origine ont été brouillés ; ils ne fondent plus la distinction traditionnelle des ordres de juridiction. Le pointillisme, pour ne pas dire l'impressionnisme, des compétences a remplacé le bel ordonnancement des initiateurs de la réforme de 1958 » 6 ( * ) .
Le constat n'a pas varié depuis, en dépit des réformes intervenues : autour du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, coexistent nombre de juridictions spécialisées, dites « juridictions d'attribution ».
A. LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE, JURIDICTION DE DROIT COMMUN
Le tribunal de grande instance (TGI), dénommé tribunal correctionnel lorsqu'il statue en matière pénale, est la juridiction de première instance de droit commun 7 ( * ) .
Toutefois, cette compétence de principe connaît une double limite :
- de nombreux contentieux sont attribués à d'autres juridictions, compte tenu de la nature de l'affaire. Ainsi, la presque totalité des contentieux social et commercial échappe au TGI, qui connaît principalement des affaires civiles ou pénales ;
- même dans le champ civil, le TGI ne connaît que des demandes indéterminées ou de celles d'un montant supérieur à 10 000 euros (le tribunal d'instance étant compétent en deçà). Par exception à cette règle, il arrive que la loi attribue expressément une compétence exclusive au tribunal de grande instance, indépendamment de son montant 8 ( * ) . En matière pénale, le tribunal correctionnel connaît exclusivement des délits 9 ( * ) .
En principe, le tribunal de grande instance statue en formation collégiale. Les exceptions à cette règle sont cependant très nombreuses : tel est le cas pour le juge aux affaires familiales, qui siège seul, sauf demande de renvoi à la formation collégiale.
De la même manière, si, en principe, la constitution d'avocat est obligatoire devant le TGI, nombre de matières échappent à cette règle, notamment en matière familiale, hors divorce.
D'un point de vue administratif, comme d'un point de vue juridictionnel, le TGI constitue la pierre angulaire de l'organisation judiciaire française : le parquet y est rattaché, ainsi que le barreau. Le TGI accueille en son sein la plupart des autres juridictions non pourvues d'un greffe autonome, et il rassemble l'ensemble des magistrats exerçant dans le ressort, même ceux d'instance.
Les 161 tribunaux de grande instance (dont 7 TGI ultramarins) 10 ( * ) constituent aujourd'hui le niveau pertinent de mise en oeuvre des politiques pénales et juridictionnelles, sous la responsabilité du président du tribunal et du procureur de la République.
Les tribunaux de première instance ultramarins 11 ( * ) occupent une place à part dans cette organisation judiciaire, puisqu'ils réunissent, au sein de la même structure, la compétence du TGI et celle du tribunal d'instance. Ils répondent toutefois, dans ces collectivités, à des problématiques territoriales spécifiques.
B. DE MULTIPLES JURIDICTIONS D'ATTRIBUTION AUX COMPOSITIONS TRÈS DIFFÉRENTES
L'expression « juridiction » est suffisamment large pour embrasser sous une même notion des réalités très différentes. Ce qui distingue une juridiction d'une autre est la matière qui lui est dévolue et la procédure qu'elle suit.
Le code de l'organisation judiciaire recense ainsi presqu'une vingtaine de juridictions d'attribution.
Nombre d'entre elles, toutefois, se rattachent au TGI, parce qu'elles sont composées de magistrats de ce tribunal comme le tribunal d'instance, ou que, faute de disposer d'un greffe ou de moyens propres, elles dépendent de ceux du TGI, comme la juridiction de l'expropriation.
Quelques-unes, cependant, s'en distinguent nettement par leur composition : soit les juges sont élus, comme au sein des conseils de prud'hommes ou des tribunaux de commerce, soit le magistrat professionnel est assisté de magistrats non professionnels, selon la logique de l'échevinage, comme pour le tribunal paritaire des baux ruraux ou le tribunal des affaires de sécurité sociale
Ces différences de composition reflètent des différences dans la mission qui leur est dévolue, que traduisent aussi leurs particularités procédurales.
1. Les juridictions composées de magistrats du TGI
a) Le tribunal d'instance
Héritier des juges de paix, le tribunal d'instance est souvent présenté comme la juridiction du quotidien et de la précarité. Son champ de compétence est large, puisqu'il connaît de toutes les affaires civiles personnelles ou mobilières d'un montant inférieur à 10 000 euros, sous réserve des compétences des juridictions de proximité ( cf. infra ).
Le tribunal d'instance connaît aussi de la saisie des rémunérations, du traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel. Enfin, il est juge des tutelles et juge de l'exécution pour les matières de sa compétence. Constitué en tribunal de police, il se prononce sur les contraventions.
Le tribunal d'instance statue à juge unique, selon une procédure simple, sans représentation obligatoire d'avocat, qui laisse une large place à la conciliation.
Il est constitué de magistrats du TGI, spécialement affectés à l'instance par leur décret de nomination, mais qui peuvent être appelés à participer aux travaux du tribunal de grande instance, lorsque leur charge à l'instance est inférieure à un temps plein. En revanche, les personnels de greffe sont spécifiquement affectés au tribunal d'instance et ne peuvent, sauf temporairement, accomplir leur service au TGI.
Jusqu'au 1 er janvier 2015, date de la suppression de la juridiction de proximité 12 ( * ) , les tribunaux d'instance accueillent ces juridictions et le juge d'instance peut être appelé à suppléer les juges de proximité dans leur charge. À partir de cette date, le contentieux des juridictions de proximité sera reversé auprès des tribunaux d'instance, qui redeviendront compétents pour les litiges civils d'un montant inférieur à 4 000 euros.
La juridiction de proximité, jusqu'au 1 er janvier 2015 Conçue à l'origine comme la juridiction des petits litiges de la vie quotidienne, hébergée au siège du tribunal d'instance, la juridiction de proximité, qui statue à juge unique, exerce ses compétences en matière civile comme en matière pénale. Le juge de proximité est ainsi compétent pour trois types de litiges civils : - les actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Il statue alors en dernier ressort et sa décision ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation (art. L. 231-3 et R. 231-3 du code de l'organisation judiciaire) ; - les demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros. La décision du juge de proximité est alors susceptible d'appel ; - les injonctions de payer et de faire, pour un montant inférieur à 4 000 euros. En matière pénale, le juge de proximité connaît des quatre premières classes de contravention (art. 521 du code de procédure pénale). Toutefois, le tribunal de police reste compétent pour juger les contraventions de la quatrième classe en cas de diffamation ou d'injure non publique (art. R. 41-11 du code de procédure pénale). |
La réforme de la carte judiciaire a principalement touché les tribunaux d'instance, puisqu'elle en a réduit le nombre de près du tiers. Il n'en reste ainsi plus que 305 en 2011, contre 476 en 2008, soit un peu moins du double du nombre de TGI (161).
b) Les juridictions intégrées au TGI
Ces juridictions seront seulement mentionnées pour mémoire. En effet, dans la perspective d'une réflexion sur un tribunal de première instance, leur regroupement au sein du TGI ne ferait pas de difficulté, dans la mesure où elles y sont d'ores et déjà rattachées, sous la forme de chambres ou de services juridictionnels particuliers, et relèvent, pour leur gestion administrative, du président du tribunal de grande instance.
Il en est ainsi, par exemple, de la juridiction de l'instruction, du juge des enfants, du juge de l'expropriation, du tribunal d'application des peines ou du juge aux affaires familiales.
2. Les juridictions composées de juges élus : les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes
Le tribunal de commerce et le conseil des prud'hommes 13 ( * ) ont en commun d'être constitués de juges élus en leur sein par ceux dont ils règleront les différends.
Cette composition a partie liée avec les domaines couverts par ces deux juridictions, les affaires commerciales pour le premier, et les litiges individuels du contrat de travail pour le second 14 ( * ) .
Elle s'explique par la technicité de ces contentieux, la nécessité d'être averti des usages professionnels en vigueur et, pour les conseils des prud'hommes, l'influence du paritarisme.
Elle contribue à l'autonomie de ces deux juridictions au sein de l'organisation judiciaire française.
Leur autonomie administrative est garantie : les deux juridictions sont administrées par leur président, élu, et disposent d'un greffe distinct de celui du tribunal de grande instance. Le greffe des tribunaux de commerce présente la particularité de ne pas être constitué de fonctionnaires, contrairement aux autres, mais d'être assuré par des titulaires de charge.
Leur autonomie juridictionnelle est importante, mais elle n'est toutefois pas absolue : elle se limite au premier degré de juridiction, la cour d'appel étant seule compétente en ces matières en cas d'appel. En outre, en cas de partage égal des voix dans une affaire prud'homale, un magistrat départiteur est nommé. Les tribunaux de commerce sont quant à eux soumis à l'échevinage dans les ressorts des cours d'appel de Colmar et de Metz, et il existe, outre-mer, des tribunaux mixte de commerce, composés de juges élus, mais placés sous la présidence du président du tribunal de première instance.
On compte aujourd'hui, après la réforme de la carte judiciaire, 209 conseils de prud'hommes et 130 tribunaux de commerce.
3. Les juridictions échevinales
L'échevinage désigne la composition d'une juridiction qui réunit auprès de magistrats professionnels des magistrats non professionnels, issus des rangs des citoyens (jury de cour d'assises), de représentants -élus ou désignés- des catégories socioprofessionnelles (assesseurs du tribunal paritaire des baux ruraux ou des juridictions de sécurité sociale) ou de personnalités particulièrement qualifiées (assesseurs du tribunal pour enfants ou assesseurs du tribunal maritime 15 ( * ) ).
Si l'on met de côté l'organisation particulière des tribunaux de commerce en Alsace-Moselle, on compte trois juridictions échevinales civiles 16 ( * ) : le tribunal paritaire des baux ruraux, le tribunal des affaires de sécurité sociale et le tribunal du contentieux de l'incapacité.
• Le tribunal paritaire des baux ruraux
Le tribunal paritaire des baux ruraux est chargé de trancher les litiges qui naissent à l'occasion d'un contrat de bail rural, entre le propriétaire de la terre louée (le « bailleur ») et celui qui la lui loue (le « preneur » du bail).
Il se confond largement avec le tribunal d'instance, puisqu'il recouvre le même ressort et qu'il est présidé par un juge d'instance. Ce tribunal est en principe complété par quatre assesseurs, deux représentants élus des bailleurs et deux des preneurs de baux ruraux. Toutefois, faute de vocation, les carences sont fréquentes, de sorte que le juge d'instance est souvent appelé à statuer seul.
• Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI)
Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît des contentieux relatifs aux cotisations ou aux prestations sociales, qui naissent entre les assurés sociaux et les organismes de sécurité sociale.
Il est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire, assisté de deux assesseurs désignés parmi les représentants des salariés et ceux des employeurs.
Son ressort territorial ne se confond pas avec celui d'une autre juridiction judiciaire, puisqu'il correspond en réalité à tout ou partie de celui de la circonscription des organismes de sécurité sociale.
Surtout, les frais de fonctionnement de cette structure sont largement assumés par la sécurité sociale -à l'exception de la rémunération des magistrats en activité. Le service de greffe présente la particularité d'être assuré par des secrétariats de juridiction gérés par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, et constitués principalement d'agents rémunérés par la sécurité sociale, à ce titre salariés de droit privé.
L'organisation est sensiblement la même pour les tribunaux du contentieux de l'incapacité, qui ont, en revanche, pour mission de statuer sur les questions médicales relatives à l'appréciation des taux d'invalidité, d'incapacité ou de nécessité de soins.
Les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale relèvent, en appel, de la chambre sociale de la cour d'appel du ressort, tandis que celles rendues par le tribunal du contentieux de l'incapacité relèvent en revanche de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, dont le siège est à Amiens.
C. PRIVILÉGIER LA LISIBILITÉ DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE OU SON ACCESSIBILITÉ ?
Cette présentation rapide des juridictions de première instance livre un enseignement.
Le peu de lisibilité de l'organisation judiciaire française tient à ce qu'il n'y a pas toujours de correspondance entre un type de juridiction, le contentieux pour lequel elle est compétente et la nature de la procédure suivie en cette matière.
En effet, en principe, si cette organisation répondait aux exigences de la simplicité, une même juridiction ne devrait connaître qu'une formation de jugement (collégialité ou juge unique) et qu'une procédure (avec ou sans représentation obligatoire d'avocat). La répartition des contentieux devrait suivre ces distinctions : à la collégialité, les affaires les plus complexes, et au juge unique, les affaires les plus simples.
Or, force est de constater que tel n'est pas le cas.
Ainsi, comme on l'a vu précédemment, la collégialité est loin d'être la règle au sein du tribunal de grande instance, de nombreux contentieux, comme celui de la famille, relevant d'un juge siégeant seul. À l'inverse, la collégialité a cours au sein du tribunal d'instance, lorsque par exemple le juge d'instance siège, au côté de ses assesseurs, au sein du tribunal paritaire des baux ruraux.
De la même manière, nombre des contentieux relevant du TGI (en particulier celui de l'autorité parentale) sont dispensés du ministère obligatoire d'avocat.
Il n'existe pas plus de lien entre collégialité et représentation obligatoire par avocat, ou entre juge unique et absence de représentation obligatoire : en matière de divorce, le juge aux affaires familiales statue généralement seul, mais un avocat doit représenter les parties. Inversement, le justiciable ne doit pas nécessairement être accompagné d'un avocat devant le conseil des prud'hommes, ni devant les juridictions sociales, qui sont pourtant collégiales.
Quant à la répartition des contentieux entre les juridictions, le rapport précité de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard a suffisamment montré qu'elle n'obéissait plus aux critères de la collégialité ou de la représentation par avocat. Le constat est toujours valable, en dépit des améliorations intervenues depuis lors.
L'écart est ainsi grand entre la réalité et l'idéal du « jardin à la française ».
Pour autant, faut-il chercher à atteindre cet idéal à tout prix ? Vos rapporteurs ne le pensent pas.
Si l'objectif de lisibilité de l'organisation judiciaire est important, puisqu'il contribue à la facilité d'accès de nos concitoyens à la justice, il ne saurait primer toute autre considération.
Or, les nombreuses exceptions aux critères de répartition des compétences ne sont pas sans justification : imposer le recours à un avocat a un coût pour les parties, qui se comprend moins pour des contentieux du quotidien ou peu juridiques, que pour des contentieux plus complexes. De la même manière, sauf à aggraver les lenteurs de la justice, il ne serait envisageable de restaurer la collégialité pour tous les contentieux du TGI que si l'effectif en magistrats augmentait considérablement.
Par conséquent, plutôt que de chercher à simplifier à outrance l'organisation juridictionnelle, au risque de perdre les avantages qu'elle procure aujourd'hui au justiciable, il semble plus judicieux à vos rapporteurs de réfléchir à la façon dont on pourrait le guider ou l'aider à mieux se repérer dans cette organisation nécessairement complexe, tout en oeuvrant pour sa plus grande lisibilité.
*
Partir du point de vue du justiciable, en attachant leur attention à la facilité d'accès à la justice plus qu'à la clarté formelle de l'organisation juridictionnelle : tel est le principe qui a guidé vos rapporteurs dans la conduite de leurs travaux.
I. - LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE : UNE PERSPECTIVE SÉDUISANTE, MAIS DISCUTÉE
Depuis plus de quarante ans maintenant, la réflexion sur la simplification de la justice de première instance confronte deux approches différentes.
La première retient comme priorité l'efficacité gestionnaire : la simplification de l'organisation juridictionnelle doit aboutir à des gains de productivité ou faciliter la gestion administrative des juridictions.
La seconde s'attache à préserver la proximité entre le justiciable et son juge. Selon cette conception, la simplification de l'organisation juridictionnelle doit rapprocher la justice du justiciable, en définissant plus clairement ce qui doit relever d'un contentieux de la proximité.
Ces deux approches ne sont pas exclusives l'une de l'autre : l'efficacité doit, in fine , profiter au justiciable, qui bénéficiera d'une justice plus rapide ; la proximité est la clé d'une bonne gestion, lorsqu'elle évite que se traitent devant des formations de jugement qui mobilisent plus de magistrats et selon des procédures plus lourdes, des contentieux mieux tranchés simplement, au plus près des justiciables.
Toutefois, la plus ou moins grande préférence donnée à l'une sur l'autre détermine nécessairement les options retenues et explique que, si beaucoup défendent l'idée du tribunal de première instance, peu s'entendent sur le périmètre ou l'organisation qu'il convient de lui assigner.
La commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard a retracé l'histoire de cette réflexion, depuis le début des années 1970 17 ( * ) , des tentatives pour fusionner les tribunaux d'instance avec les TGI, jusqu'à l'esquisse d'un tribunal de première instance départemental qui rassemblerait la plupart des juridictions au sein du même arrondissement judiciaire.
L'esquisse la plus aboutie est sans conteste celle livrée en 1997 par le rapport du groupe d'étude présidé par Francis Casorla, alors premier président de la cour d'appel d'Orléans.
La réforme de la justice de première instance : un débat récurrent Évoquant l'échec de la réforme voulue par Raymond Poincaré en 1926, pour créer un unique tribunal départemental, le rapport de la commission sur la répartition des contentieux fait remonter le retour récent de cette thématique au début des années 1970, lorsque le Gouvernement a procédé à la fusion statutaire des juges d'instance et des juges du TGI, en application de la loi n° 70-613 du 10 juillet 1970. Les auteurs de ce rapport notent cependant que la réforme avait été inspirée par des considérations gestionnaires, afin d'affecter partiellement au TGI les juges des tribunaux d'instance dont l'activité était inférieure à un temps plein. Ils relèvent à cet égard que « l'approche exclusivement managériale cristallisera et fédérera les oppositions » et qu'elle introduira « le soupçon dans la perception des projets de réforme portant fusion pure et simple des juridictions de première instance ». Le rapport de l'inspecteur général des services judiciaires Yves Rocca, au garde des sceaux, Alain Peyrefitte, en 1979, envisage l'éventualité de la fusion des tribunaux d'instance avec le TGI, les premiers étant maintenus en tant que sièges périphériques du second. Les questions liées à la répartition des contentieux entre eux ou à l'affectation des magistrats auraient été décidées au sein de la nouvelle juridiction. L'idée est reprise en 1994 par le président du comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, Jean-François Carrez, avant d'être développée avec beaucoup plus de précision par Francis Casorla, en 1997. La commission sur la répartition des contentieux examine une nouvelle fois, en 2008, ce dispositif, avant de l'écarter pour des raisons d'inconstitutionnalité éventuelle ( cf. infra ) et de privilégier plutôt la suppression de la juridiction de proximité et des aménagements dans la répartition des compétences entre le tribunal d'instance et le TGI. Source : L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, rapport au garde des sceaux de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard , La documentation française, 2008 |
Le débat sur la justice de première instance a été récemment relancé par le Président de la République, dans un discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013 : « notre organisation judiciaire, [ dont la réforme ] aurait dû être préalable à la réforme de la carte judiciaire doit elle-même être plus attentive aux situations de nos concitoyens qui ont besoin du juge pour régler une difficulté familiale, le paiement d'un loyer ou le placement d'un parent âgé sous un régime de protection. Une juridiction de première instance sera donc instituée. Elle regroupera tous les contentieux du quotidien : litiges liés à la consommation, au crédit, au logement, à la dépendance mais aussi et surtout à la famille -je pense en particulier aux procédures de divorce ou de séparation. Le mode de saisine de cette juridiction sera facilité. L'accueil sera mutualisé. Les procédures de conciliation et de médiation seront encouragées » 18 ( * ) .
La réflexion sur le sujet s'est en outre enrichie des premières pistes tracées par la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire, présidée par M. Serge Daël 19 ( * ) . Prochainement, la garde des sceaux, ministre de la justice devrait recevoir les recommandations formulées sur ce point par le groupe de travail présidé par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, M. Didier Marshall, sur la juridiction du XXI ème siècle.
Le débat, cependant, ne se limite pas à ces différents groupes de travail.
Les auditions conduites par vos rapporteurs ont montré l'intérêt que suscite cette perspective parmi les différents acteurs du droit. Bien que tous ne s'accordent pas sur le même dispositif, quelques traits essentiels du tribunal de première instance font consensus.
Nombre d'intervenants ont toutefois aussi émis des réserves. Les craintes qu'ils ont exprimées méritent d'être entendues, car le succès de la réforme dépend de la réponse qui y sera apportée, autant que des moyens mobilisés pour sa mise en oeuvre.
A. LES QUATRE TRAITS ESSENTIELS DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
Le projet du tribunal de première instance ne rallie certes pas tous les suffrages : le professeur Serge Guinchard, les représentants du syndicat de la magistrature, de FO-magistrats, du syndicat des greffiers de France ou du syndicat CGT-Chancellerie ont marqué leur réserve voire, pour certains, leur opposition à cette réforme.
Toutefois, la plupart des personnes entendues par vos rapporteurs a jugé la réflexion sur le sujet légitime, et certains l'ont même défendu avec ardeur.
Le soutien des conférences nationales des chefs de juridictions et des chefs de cour est ainsi unanime. Ceux-ci louent la souplesse de gestion que le TPI autoriserait, et soulignent le bénéfice que le justiciable pourrait en retirer, pour peu qu'on parvienne à définir avec suffisamment de pertinence le bloc du contentieux de la proximité qui serait traité dans les sites détachées.
M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation et président du Conseil supérieur de la magistrature, M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de cette même cour, ou M. Loïc Cadiet, professeur de droit à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ont tous estimé que le tribunal de première instance était une excellente idée, particulièrement nécessaire dans le contexte judiciaire actuel.
Les représentants de l'union syndicale des magistrats (USM) et ceux de l'union nationale des syndicats autonomes - services judiciaires (UNSA-services judiciaires) se sont quant à eux déclarés ouverts à la réflexion, sous réserve toutefois que la réforme offre toutes les garanties requises pour les magistrats et les personnels judiciaires, qu'elle ne soit pas exclusivement destinée à réaliser des économies budgétaires, et qu'elle s'accompagne au contraire des moyens nécessaires à son succès, au profit du justiciable.
Les représentants des professions judiciaires et juridiques réglementées ont pour leur part estimé qu'une telle évolution pouvait être envisagée, à la condition, pour les avocats ou les huissiers, que ne soit pas remis en cause leur rattachement à leur juridiction actuelle.
Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont toutefois constaté que d'un interlocuteur à l'autre, le concept comme le périmètre du tribunal de première instance variaient sensiblement, tous n'entendant pas forcément la même réalité derrière ce mot.
C'est pourquoi, ils ont jugé nécessaire d'en fixer les quelques traits constitutifs. Ces derniers structurent en effet le spectre des options possibles.
1. Une porte d'entrée unique pour la justice
La réflexion sur le tribunal de première instance a indissolublement partie liée avec celle du guichet unique de greffe, comme en témoigne le titre du rapport du groupe d'étude présidé par Francis Casorla : « réflexions sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance ».
La raison en est simple.
Toute réforme de l'organisation judiciaire se condamnerait à n'être qu'une réforme interne, si elle n'apportait aucun changement concret et visible pour le justiciable. Or, en dehors du raccourcissement des délais de jugement, de tels changements concernent l'accessibilité à la justice ou la proximité du juge.
Un guichet unique de greffe, qui accompagnerait la fusion des juridictions réalisée au sein du tribunal de première instance, vise justement à donner une traduction concrète pour le justiciable, en termes d'accessibilité à la justice, à cette fusion.
Actuellement, les greffes autonomes sont clos sur eux-mêmes : un greffe de tribunal d'instance ou un greffe de conseil des prud'hommes ne peuvent recevoir ni transmettre une requête qui devrait être adressée au tribunal de grande instance. Aussi proche soit-elle, la justice reste une bâtisse aux multiples portes, et le justiciable ne peut emprunter que celle qui correspond à sa demande.
Certes, de multiples dispositifs existent pour le guider dans ce choix : les greffes conseillent souvent ceux qui leur paraissent s'être trompés, les maisons de la justice et du droit remplissent leur office d'information et les professionnels du droit savent orienter le justiciable qu'ils représentent. Mais il revient toujours au justiciable de frapper à la bonne porte.
Le guichet unique vise, justement, à organiser une porte d'entrée unique pour la justice : quel que soit le juge ou le tribunal compétent dans le ressort, le justiciable n'aurait à s'adresser qu'à un seul greffe, qui se chargerait ensuite de transmettre administrativement la demande au service ou à la juridiction compétente. Sa saisine serait ainsi enregistrée 20 ( * ) , et la procédure lancée.
L'apport ne se limiterait pas à une simple transmission, car le greffe unique pourrait aussi informer les intéressés, les orienter vers d'autres voies procédurales, ou encore leur adresser les décisions une fois rendues.
Tel est notamment le schéma retenu dans le rapport Casorla : « l'amélioration de l'accès à la justice [...] passe sans doute par une meilleure lisibilité de l'institution judiciaire et singulièrement de son premier degré, là où elle est paradoxalement la plus complexe, là où, pourtant devrait être accueilli le justiciable auquel une information précise devrait être clairement donnée lorsqu'il s'est résolu à se présenter dans une enceinte de justice, là où il devrait pouvoir choisir entre la voie conflictuelle par assignation et la voie non conflictuelle par la conciliation, la médiation, mais aussi la voie de l'accès direct au juge par les modes simplifiés de saisine (requête, déclaration...) et ce grâce à un point d'entrée procédural, [...] le guichet unique de greffe, qui permettrait d'accueillir, d'informer, d'aiguiller vers les professionnels spécialisés (avocats, huissiers...), les instances de conciliation et de médiation, de réceptionner requêtes et déclarations qui seraient transmises aux juges compétents et d'adresser les décisions rendues » 21 ( * ) .
La commission présidée par le doyen Serge Guinchard s'est elle aussi prononcé en faveur d'un dispositif identique, sous la dénomination de « guichet universel de greffe », sans toutefois retenir la solution du tribunal de première instance, signalant, ce faisant, que, quelle que soit leur cohérence d'ensemble, les deux projets étaient détachables.
2. La fusion des juridictions de première instance
a) Une simplification de l'organisation juridictionnelle, sans suppression d'implantations judiciaires
Pour ses inspirateurs, le tribunal de première instance doit réaliser la fusion des juridictions de première instance.
Cette fusion n'est pas censée conduire à la suppression de nouvelles implantations judiciaires.
Au contraire, le réseau juridictionnel devrait être conservé, les anciens tribunaux fusionnés étant transformés en antennes locales du nouveau tribunal de première instance.
Au sein de cette nouvelle juridiction, l'organisation serait proche de ce qui est prévu pour les tribunaux de grande instance avec leurs chambres, éventuellement regroupées en pôles 22 ( * ) , et leurs chambres détachées.
L'organisation d'un TGI en chambres et en chambres détachées Les chambres d'un TGI correspondent aux différentes sections de cette juridiction, spécialisées selon certains contentieux. Elles sont présidées par le président du tribunal, un premier vice-président ou un vice-président 23 ( * ) . Les chambres détachées, quant à elles, correspondent à des sections déconcentrées du tribunal. Elles sont compétentes pour juger, dans leur ressort géographique propre, des affaires civiles et pénales qui leur sont attribuées 24 ( * ) . Il s'agit ni plus ni moins que de projections locales du tribunal. Elles sont présidées et administrées par un magistrat du tribunal de grande instance désigné à cet effet. Le siège et le ressort de ces chambres détachées sont fixés par le pouvoir réglementaire. Actuellement, aucun tribunal de grande instance métropolitain ne possède de chambre détachée. Jusqu'à la création récente d'une telle chambre à Saint-Laurent-du- Maroni, en Guyane, par le décret n° 2013-686 du 24 juillet 2013, seuls les tribunaux de première instance ultramarin disposaient de telles sections détachées (à Koné et Lifou, pour le TPI de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et à Uturoa et Nuku-Hiva, pour le TPI de Papeete, en Polynésie française). La garde des sceaux a toutefois annoncé la création de trois nouvelles chambres détachées à Dôle dans le Jura, Guingamp dans les Côtes-d'Armor et Marmande dans le Lot-et-Garonne, pour remédier aux déséquilibres créés dans ces territoires par la réforme de la carte judiciaire. |
Le siège du tribunal de première instance serait maintenu au siège du TGI. Les anciens tribunaux d'instance ainsi que les autres juridictions seraient remplacés par des chambres détachées du TPI, compétentes, sur l'ancien ressort, pour tout le contentieux qui leur aura été réattribué par le TPI.
b) Une question délicate : le périmètre de la fusion
S'interroger sur le périmètre de la fusion revient à poser deux questions. Quel est le ressort géographique de cette fusion ? Et surtout, quelles juridictions doivent être fusionnées ?
• Le périmètre géographique
Deux solutions sont envisageables : fondre le nouveau TPI dans les limites des TGI actuels, ou bien ne conserver qu'une structure par département.
Vos rapporteurs relèvent toutefois qu'aucune des personnes entendues n'a défendu, pour toute la France, cette dernière option, formulée dans le rapport de l'inspecteur général des services judiciaires, Yves Rocca, en 1979, et parfois suggérée comme un idéal à atteindre.
L'expérience de la carte judiciaire a sans doute compté dans ce choix, puisqu'elle a montré que certains départements regroupaient deux ou trois territoires distincts, qui justifiaient, au nom de la proximité et de la cohérence du ressort, que les TGI infra-départementaux soient conservés.
La réimplantation, décidée par la garde des sceaux, des TGI de Saint-Gaudens, Saumur et Tulle confirme cette analyse.
S'exprimant au nom de la conférence des premiers présidents de cour d'appel, son président, M. Dominique Gaschard, a estimé que, sur cette question, un principe de réalité devait s'imposer.
Partageant cette réflexion, les représentants de la conférence nationale des présidents de TGI et ceux de la conférence des procureurs généraux ont fait valoir que les situations d'un département à l'autre étaient variables, selon l'importance respective des TGI, ce qui interdisait de retenir le principe d'un TPI unique par département.
Les membres du conseil national des barreaux entendus par vos rapporteurs se sont eux aussi ralliés à cette position, en soulignant combien chaque barreau, attaché à un tribunal de grande instance, avait sa culture propre, qui risquerait de se perdre dans une entité départementale.
• Le périmètre fonctionnel
Cette question est plus délicate que la précédente, et les avis sont plus partagés.
Tous ceux qui défendent le TPI s'accordent sur un périmètre minimum, qui réunirait le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et les juridictions non autonomes qui y sont associées, comme le tribunal paritaire des baux ruraux ou le juge des enfants.
L'extension aux juridictions sociales, aux conseils de prud'hommes et aux tribunaux de commerce est envisagée par certains, comme les représentants de la conférence nationale des présidents de TGI, ainsi que ceux de la conférence des premiers présidents de cour d'appel. Les premiers ont notamment souligné que le TGI était d'ores et déjà compétent pour les procédures collectives qui concernent les artisans et qu'il connaissait des conflits collectifs du travail.
D'autres intervenants, comme M. Loïc Cadiet, professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ou MM. Jacques Beaume et Dominique Le Bras, représentants de la conférence des procureurs généraux, ont en revanche exclu cette extension pour ce qui concerne les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes.
Il n'y a donc pas de consensus sur le périmètre de la fusion. Cette question cristallise d'ailleurs plus particulièrement les craintes ou les oppositions exprimées à son encontre, notamment de la part des représentants des juridictions concernées ( cf. infra ).
3. Des facilités de gestion et de mutualisation des moyens
Une fois la fusion réalisée, la gestion du tribunal de première instance serait identique à celle d'un tribunal de grande instance, ce qui soumettrait l'ensemble des juridictions d'origine à l'autorité du président du tribunal de première instance, du procureur de la République et du directeur de greffe.
La direction budgétaire des différentes structures serait donc unifiée, et il pourrait être procédé à une mutualisation complète à l'échelle du ressort du TPI, ce qui permettrait de reverser des magistrats ou des personnels de greffe des anciennes juridictions vers le siège du TPI ou certaines de ses chambres détachées.
Les représentants de l'union syndicale de la magistrature se sont néanmoins interrogés sur les gains attendus, contestant le postulat sous-jacent selon lequel des gisements de productivité existeraient dans certaines juridictions où les personnels seraient sous-employés, alors que, dans la plupart des juridictions, le problème est plutôt celui d'une insuffisance des moyens.
4. Une harmonisation préalable des procédures et une nouvelle répartition des contentieux
La fusion des juridictions et la simplification de l'organisation judiciaire ne seraient que de façade si, sous l'apparente unité, se conservait la diversité des juridictions, chacune avec son contentieux et ses procédures d'origine.
Le projet du tribunal de première instance engage ainsi nécessairement une réflexion sur la répartition des contentieux entre les différentes sections de la juridiction et sur l'harmonisation de leurs procédures.
• La nécessaire harmonisation des procédures
Comme l'ont relevé lors de leur audition Mmes Marie-Jane Ody et Cécile Parisot, représentantes de l'USM, pour fonctionner correctement, le guichet unique de greffe ne doit pas être confronté à un nombre trop élevé de procédures de saisine différentes 25 ( * ) , ce qui suppose d'harmoniser celles en vigueur devant les juridictions.
Cette harmonisation des procédures ne concerne pas que les saisines. Il est en effet souhaitable de faire converger, dans la mesure du possible, les procédures d'examen ou de jugement des juridictions fusionnées. Cette harmonisation doit d'ailleurs être adossée à la nouvelle répartition des contentieux au sein du TPI.
• Une nouvelle répartition des contentieux, avec l'émergence d'un contentieux de la proximité
Au soutien de la défense du tribunal de première instance, ses promoteurs ont souligné qu'il offrait l'occasion de s'interroger sur la ligne de partage entre le contentieux de la proximité, qui doit être traité au plus près du justiciable, et le contentieux ordinaire, plus complexe a priori , qui relèverait plutôt du siège du TPI.
Beaucoup, au premier rang desquels les représentants des présidents des TGI, ont ainsi estimé que la répartition des contentieux selon la valeur du litige n'était plus pertinente, puisque certaines affaires très techniques portaient sur de faibles sommes, tandis que d'autres, financièrement plus importantes, étaient simples à trancher.
Vos rapporteurs ne pensent pas que cet argument suffise à ôter toute pertinence au critère de la valeur du litige. Ce dernier ne sert pas seulement à indiquer la difficulté prévisible de l'affaire, il rend aussi compte du fait que l'enjeu du litige entre dans l'appréciation par le justiciable de l'opportunité de saisir le juge ou pas. Or, plus le juge est loin, plus il faut que l'enjeu de l'affaire soit important pour décider l'intéressé à saisir la juridiction.
En revanche, il est vrai que, par nature, certains contentieux seront plus pertinemment traités dans la juridiction la plus proche. C'est d'ailleurs ce qui sous-tend aujourd'hui la distinction entre le contentieux de l'instance et celui de la grande instance, et ce qui commande la procédure devant ces juridiction : oralité, juge unique et absence de représentation obligatoire pour le premier ; place plus importante de l'écrit, collégialité et représentation obligatoire pour le second.
L'intégration des tribunaux d'instance au sein du TPI ne fait pas disparaître l'intérêt de la distinction. La délimitation d'un nouveau contentieux de la proximité a justement pour fonction, dans le projet des promoteurs du TPI, de ne pas perdre l'avantage que les justiciables retirent du tribunal d'instance ou de la juridiction de proximité, et, au contraire, de l'augmenter encore.
Ce nouveau contentieux de la proximité reprendrait le contentieux dévolu aux tribunaux d'instance et à la juridiction de proximité, celui des petits litiges civils et de consommation, de la précarité et de la protection (surendettement, baux d'habitation, saisie-arrêt sur salaire, tutelle), auquel plusieurs des personnes entendues ont proposé d'adjoindre le contentieux familial hors divorce (obligation alimentaire, autorité parentale) et le petit contentieux pénal.
B. LES CRITIQUES ET LES CRAINTES EXPRIMÉES À L'ÉGARD DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
En dépit de l'adhésion que peut susciter le tribunal de première instance, en particulier parmi les chefs de juridiction et leurs représentants ainsi qu'au sein de la hiérarchie de l'institution judiciaire, vos rapporteurs ont entendu de nombreuses critiques et craintes formulées à son encontre, pour partie fondées sur des difficultés objectives, lors de leurs déplacements et de leurs auditions. Ces critiques et ces craintes concernent tant l'organisation et le fonctionnement des juridictions que les questions statutaires propres aux magistrats et aux personnels judiciaires.
1. La difficile unification des juridictions de première instance
Si la disparité procédurale qui caractérise aujourd'hui les différentes juridictions de première instance ne constitue pas un obstacle dirimant à la mise en place du TPI, la diversité de leur composition semble en revanche à vos rapporteurs beaucoup plus complexe à traiter au sein d'un éventuel TPI, d'autant qu'elle correspond également à un fort attachement des juridictions élues à leur composition spécifique.
a) L'attachement de certaines juridictions à leur singularité
M. Jean-Bertrand Drummen, président de la conférence générale des juges consulaires de France, a expliqué à vos rapporteurs sa réticence à l'intégration des tribunaux de commerce au sein d'un éventuel TPI, même sous forme de chambre à la composition inchangée, car cela signifierait leur suppression, ce à quoi les juges consulaires sont clairement et farouchement hostiles. Il estime que les juridictions commerciales sont des juridictions de proximité, faciles d'accès pour leurs justiciables, de sorte que la question de leur accessibilité ne se pose pas, d'autant qu'il s'agit d'une justice gratuite.
En outre, selon M. Frédéric Barbin, président du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, les tribunaux de commerce constituent bien des juridictions de proximité pour les commerçants et sont bien identifiés par les justiciables concernés, de sorte que leur intégration dans un éventuel TPI serait vraisemblablement perçue comme un éloignement, à rebours du souci de proximité qui anime l'idée de TPI. La familiarité des justiciables avec le tribunal de commerce résulte également du fait que son greffe tient le registre du commerce et des sociétés, auquel ces justiciables sont déjà tenus de réaliser un certain nombre de formalités.
M. Jean-François Merle, président du conseil supérieur de la prud'homie, a considéré quant à lui qu'il n'était pas pertinent de revenir sur la tradition française d'une justice du travail élue par les partenaires sociaux au nom d'une préoccupation d'ordre pratique concernant l'accès du citoyen à la justice. En outre, chacun sait que le conseil de prud'hommes est le juge du contrat de travail : il ne souffre d'aucun déficit de notoriété qui rendrait son accès malaisé pour le salarié justiciable.
Plus largement, vos rapporteurs n'ignorent pas le fort attachement des partenaires sociaux à l'institution prud'homale élue.
Ainsi, tant du côté des tribunaux de commerce que de celui des conseils de prud'hommes, il existe une très forte réticence a priori à rejoindre un éventuel TPI, pour ne pas dire un clair refus. Dans ces conditions, il serait difficile de conduire une réforme qui les inclurait.
b) Des compositions difficilement conciliables dans un tribunal unique
De fait, l'attachement de certaines juridictions à leur autonomie tout comme leur hostilité à toute idée d'intégration au sein d'un éventuel TPI résultent de leur composition particulière et de leur rôle dans l'organisation de la justice, résultat de l'histoire et gage d'efficacité et de cohérence entre la compétence et le contentieux traité.
Les membres des tribunaux de commerce sont des juges élus par les personnes physiques et morales ayant la qualité de commerçant, inscrites à ce titre au registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce. Les juges consulaires sont ainsi élus par les justiciables en leur sein, ce qui leur donne une légitimité du fait de leur connaissance du monde économique. Magistrats élus et bénévoles, les juges consulaires sont donc particulièrement attachés à l'organisation de leur juridiction, qui ne compte aucun magistrat professionnel en son sein. Le parquet dispose toutefois de prérogatives
Les prérogatives du parquet devant les tribunaux de commerce Le parquet dispose de prérogatives importantes dans les procédures collectives ouvertes devant les tribunaux de commerce, organisées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises : sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire. Le rôle du ministère public en matière commerciale vise à assurer le respect de l'ordre public économique et la régularité de la procédure suivie par le tribunal, notamment le respect du principe du contradictoire avec le débiteur. Le ministère public peut saisir le tribunal aux fins d'ouverture de la procédure. Il peut requérir certaines décisions, en particulier pour la désignation des organes de la procédure (administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) et le déroulement des différentes étapes de la procédure, et dispose dans certains cas d'un droit d'opposition à certaines décisions du tribunal. Il peut demander au tribunal d'étendre la procédure à d'autres personnes et d'engager la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. Il peut aussi engager des poursuites en cas d'infractions pénales apparues à l'occasion d'une procédure collective (délit de banqueroute en particulier). En tout état de cause, le ministère public peut présenter son avis avant que le tribunal prenne ses décisions (ouverture de la procédure, fixation de la date de cessation des paiements...) et, le cas échéant, former appel suspensif de ces décisions. De nombreuses informations doivent lui être communiquées, à commencer par les procédures ouvertes et tous les actes de procédure qui en découlent, afin qu'il puisse exercer sa mission : l'absence d'information du parquet est une cause de nullité. Sa présence est obligatoire dans certains cas (ouverture de certaines procédures, cession d'une entreprise de taille importante dans le cadre d'une liquidation judiciaire...). L'intervention du parquet devant les tribunaux de commerce permet d'éviter les dysfonctionnements au sein du tribunal. Toutefois, dans les petits parquets, il est difficile de spécialiser certains magistrats sur le contentieux commercial, de sorte que celui-ci risque parfois d'être délaissé. Par ailleurs, concernant la tenue du registre du commerce et des sociétés, le parquet peut demander au président du tribunal d'enjoindre à un ressortissant du registre de procéder aux formalités auxquelles la loi le soumet. |
Les membres des conseils de prud'hommes sont également élus par les justiciables, chefs d'entreprise et salariés, au sein de deux collèges. Cette composition paritaire correspond à la compétence du conseil, les litiges nés à l'occasion de la conclusion, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail de droit privé entre un employeur et un salarié. Là encore, les conseillers et, plus largement, les partenaires sociaux, sont particulièrement attachés à cette forme d'organisation de leur juridiction.
L'intégration des conseils de prud'hommes comme des tribunaux de commerce au sein d'un TPI unique, constitué sur la base du TGI, composé lui-même exclusivement de magistrats professionnels, sous la présidence aussi d'un magistrat professionnel, semblerait particulièrement complexe à vos rapporteurs, y compris sous la forme de chambres spécialisées du TPI à la compétence identique à celle des juridictions concernées, c'est-à-dire une chambre du travail et une chambre commerciale. Organiser la coexistence de telles chambres élues avec les autres composantes du TPI, composées de magistrats professionnels, ainsi que la répartition entre elles des moyens de fonctionnement de la juridiction, serait vraisemblablement une tâche ardue pour le président du tribunal.
2. Des objections d'ordre constitutionnel
Comme l'a souligné à vos rapporteurs le doyen Serge Guinchard, président de la commission sur la répartition des contentieux, deux objections d'ordre constitutionnel sont habituellement invoquées à l'encontre du tribunal de première instance : l'atteinte au principe d'égalité des justiciables dans l'accès à la justice et l'atteinte au principe d'inamovibilité des magistrats du siège, garanti par l'article 64 de la Constitution.
En conclusion de son développement sur le TPI, le rapport de cette commission indique ainsi :
« Deux hypothèses se dessinent :
« - ou bien la création des sections ou chambres détachées respecte les exigences constitutionnelles (...), mais elles n'offrent, en contrepartie, aucun des avantages attendus de souplesse de gestion et seraient de nature à provoquer un bouleversement de grande ampleur de l'organisation judiciaire (...) ;
« - ou bien l'on privilégie l'objectif recherché par le TPI, à savoir la souplesse de gestion (liberté pour le président du TPI de créer des sections détachées et d'en déterminer la compétence ; liberté d'affectation des personnels) et l'inconstitutionnalité de la solution est patente. » 26 ( * )
Entendus par vos rapporteurs, le Syndicat de la magistrature (SM) comme l'Union syndicale des magistrats (USM) ont d'ailleurs rappelé ces deux objections.
Toutefois, à l'instar de M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, comme de M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la même cour, vos rapporteurs n'ont guère été convaincus par le risque constitutionnel que pourrait receler le TPI.
a) L'atteinte au principe d'égalité des justiciables
La commission présidée par le doyen Serge Guinchard a fait valoir que le fait que les différentes antennes du tribunal de première instance puissent ne pas avoir les mêmes compétences contentieuses que le siège du TPI, voire que la répartition des contentieux entre le siège et les antennes puisse résulter de la libre appréciation du président, pourrait poser un problème au regard de l'égalité d'accès à la justice et de l'égalité des citoyens devant la justice : « l'égalité de traitement de tous les citoyens sur l'ensemble du territoire de la République est consubstantielle à l'organisation judiciaire ». Donner au président du tribunal la responsabilité de créer des chambres détachées et de déterminer leurs compétences reviendrait « à prendre le risque de créer des situations différentes sur le territoire judiciaire national, donc à rompre l'égalité d'accès des justiciables à la justice » 27 ( * ) .
Il conviendrait alors que les compétences attribuées aux diverses composantes géographiques du TPI soient déterminées par la loi ou par le pouvoir réglementaire.
Le professeur Loïc Cadiet estime toutefois que la répartition des contentieux entre les composantes du TPI pourrait tout aussi bien relever de simples mesures d'ordre intérieur de la compétence de son président, sans poser de difficulté constitutionnelle. D'ailleurs, l'organisation d'audiences foraines, qui impose aux magistrats de se déplacer et qui modifie les lieux où la justice est rendue, est de la responsabilité du président du TGI.
En revanche, la création ou la suppression de ces composantes ne pourraient pas être laissées à l'appréciation du président, mais devraient bien relever du ministère de la justice. Telle est d'ailleurs la règle pour la création de chambres détachées, qui à ce jour ne peuvent être créées que par décret, en vertu de l'article D. 212-19 du code de l'organisation judiciaire 28 ( * ) .
b) L'atteinte au principe d'inamovibilité des magistrats
Selon la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, la libre affectation des magistrats dans les antennes extérieures du TPI par le chef de juridiction pourrait aussi heurter le principe d'inamovibilité : « libres de fixer les sections du TPI, les chefs de juridiction pourraient, en créant ou supprimant un détachement, changer l'affectation d'un magistrat ; ils pourraient ainsi discrétionnairement retirer à celui-ci la connaissance d'un contentieux, et donc de dossiers. Or (...), le principe d'inamovibilité des magistrats du siège est lui aussi consubstantiel à l'organisation judiciaire » 29 ( * ) .
Cette objection mérite toutefois d'être relativisée, d'autant qu'il existe déjà des règles d'affectation des magistrats au sein des TGI ainsi que le statut de magistrat placé ou encore les audiences foraines, qui ne sont pas contraires au principe d'inamovibilité. Le professeur Loïc Cadiet estime pour sa part qu'il n'existe aucun risque constitutionnel sur ce fondement.
L'inamovibilité est liée à la nomination dans une fonction au sein d'une juridiction, qui a compétence sur l'ensemble d'un ressort territorial. En l'espèce, le TPI serait une seule juridiction, constituée d'un siège et de plusieurs implantations judiciaires secondaires.
Invoquant la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 sur la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, la conférence nationale des présidents de TGI a rappelé que le principe d'inamovibilité des magistrats du siège n'interdisait pas l'existence d'obligations de mobilité 30 ( * ) . Toutefois, il était question en 2001 de conditions de mobilité liées à l'avancement, alors que dans le cadre du TPI il s'agirait d'une mobilité susceptible d'être décidée à la discrétion du président du tribunal.
Au surplus, dès lors que le TPI serait assorti de certaines garanties statutaires pour les magistrats, en termes d'affectation et de mobilité ( cf . infra ), le risque d'atteinte au principe constitutionnel d'inamovibilité paraît bien modeste. Ainsi, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, estime que ce risque peut être écarté par des garanties suffisantes en matière d'affectation des magistrats nommés au TPI.
3. La crainte de la disparition de certaines fonctions spécialisées
Les magistrats spécialisés tiennent à leur spécialisation et peuvent craindre que le tribunal de première instance, entendu comme un outil de mutualisation des effectifs de magistrats et de greffiers, tende à diluer cette spécialisation. En matière civile, les fonctions spécialisées, mentionnées dans le décret de nomination du magistrat, correspondent pour l'essentiel aux fonctions de juge d'instance et de juge des enfants.
Assez logiquement, la spécialisation garantirait un niveau plus élevé de compétence et un traitement plus efficace des affaires, par des magistrats habitués à traiter toujours le même type de contentieux.
Pour autant, l'association des magistrats de la jeunesse et de la famille (AMJF) n'a pas exprimé d'hostilité à l'égard du TPI, considérant qu'il permettrait une simplicité d'accès et une plus grande proximité pour les populations fragilisées qui ont affaire au juge des enfants. Assorti d'un tribunal pour enfants unique, conservant une double compétence à la fois civile et pénale, le TPI permettrait de disposer de magistrats de l'enfance sur l'ensemble du ressort, à la fois au siège du TPI et dans ses antennes distantes. La liberté d'affectation des magistrats est perçue dans ce cas de façon positive, l'objectif étant de rapprocher les lieux de justice, actuellement le TGI uniquement pour le juge des enfants. Ainsi, vos rapporteurs n'ont pas constaté de crainte de disparition de la spécialisation du juge pour enfants, dont la plus-value est de pouvoir suivre un mineur dans l'ensemble de son parcours judiciaire, civil mais aussi, le cas échéant, pénal.
En revanche, l'intégration de la composante civile de la justice pour enfants dans un vaste pôle de la famille au sein du TPI suscite, quant à elle, la réticence de l'AMJF, car elle signifierait la perte de sa spécificité. La matière actuelle du juge des enfants serait diluée avec la protection des majeurs, les personnes âgées et handicapées, l'hospitalisation d'office... L'association nationale des juges d'instance (ANJI) a elle aussi critiqué l'idée d'un pôle de la famille au sein du TPI.
La conférence nationale des présidents de TGI a toutefois objecté que le tribunal pour enfants, doté d'une identité forte et reconnue, trouverait parfaitement à subsister au sein d'un éventuel TPI, comme actuellement au sein du TGI.
Rappelant que la commission présidée par le doyen Serge Guinchard avait écarté la solution du TPI pour conclure à l'intérêt de conserver le tribunal d'instance, séparé du TGI, l'ANJI a souligné la nécessité de la spécialisation des magistrats pour le bon fonctionnement de la justice dans l'intérêt des justiciables.
Il existe une crainte de la part des juges d'instance, au sein du TPI, d'être détournés de leurs fonctions par le traitement des affaires pénales et de perdre leur spécialisation dans le contentieux d'instance. L'ANJI estime qu'il n'est pas possible de changer tout le temps de fonctions et qu'il y a besoin de fonctions spécialisées.
Selon la conférence nationale des présidents de TGI, entendue par vos rapporteurs, le regroupement des magistrats au sein du TPI n'interdirait en rien le maintien de fonctions spécialisées. Au contraire, la spécialisation des magistrats serait facilitée au sein d'une structure plus vaste, en raison du nombre plus élevé de magistrats au regard d'un contentieux plus important en volume : la spécialisation serait même renforcée.
Vos rapporteurs s'interrogent toutefois sur les différentes acceptions qui peuvent être données du concept de spécialisation. En tout état de cause, le maintien de fonctions spécialisées au sein du TPI ne serait pas forcément incompatible avec la participation à des fonctions communes, par exemple au sein du tribunal correctionnel, jugées très chronophages. En d'autres termes, l'attachement à la spécialisation doit s'entendre, selon les organisations qui représentent les magistrats, comme l'accomplissement de l'ensemble de son service dans des fonctions spécialisées, sans être contraint de se disperser dans d'autres fonctions.
Au demeurant, le tribunal d'instance a été salué par de nombreux interlocuteurs, en particulier syndicaux, comme un tribunal qui fonctionnait bien, du fait de sa relative autonomie ainsi que de l'engagement et de la polyvalence des juges d'instance comme des greffiers. Il en résulte assez naturellement une crainte à l'égard de l'intégration du tribunal d'instance au sein d'un TPI, qui constituerait en pratique une absorption par le TGI des tribunaux d'instance de son ressort, au motif que le contentieux d'instance serait considéré comme de seconde importance pour un président de TGI, en raison de la priorité donnée au contentieux pénal et à la justice familiale.
Selon le Syndicat de la magistrature, le tribunal d'instance serait perçu comme un gisement de moyens humains qui pourraient être utilisés au profit des TGI, souvent engorgés. Pour l'USM, les tribunaux d'instance sont les juridictions de proximité par excellence et fonctionnent plutôt bien, de sorte que la fusion au sein du TPI leur ferait perdre cette spécificité et cette efficacité au détriment des justiciables. De même, FO-Magistrats juge que la création du TPI signifierait la suppression des tribunaux d'instance, alors que c'est une juridiction qui donne satisfaction.
En tout état de cause, en dehors du cas des juges d'instance, la nomination des magistrats au sein du TPI pourrait toujours être assortie de la mention des fonctions spécialisées. En revanche, comme l'a fait remarquer M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, la mention dans le décret du site de la nomination, soit le siège du TPI soit l'une de ses antennes extérieures, ferait perdre beaucoup d'intérêt à la formule du TPI, en supprimant toute souplesse dans la mobilité.
4. Le risque d'éclatement du contentieux des affaires familiales
Aujourd'hui, le contentieux des affaires familiales représente plus de la moitié du contentieux civil des TGI : 54 % en 2010 (380 993 affaires nouvelles enregistrés, sur 702 291 au total).
On distingue au sein du contentieux des affaires familiales le divorce, d'autant plus complexe lorsqu'il suppose, en présence d'enfants ou d'un patrimoine, d'organiser l'autorité parentale et de liquider le régime matrimonial, et le contentieux hors divorce, en particulier le contentieux de l'après-divorce, par exemple l'évolution du régime de la garde des enfants, l'exercice de l'autorité parentale, les pensions alimentaires...
Un grand nombre de partisans du tribunal de première instance entendus par vos rapporteurs proposent de scinder les compétences actuelles du juge aux affaires familiales entre le siège du TPI, seul chargé des affaires complexes, notamment les divorces, et ses antennes extérieures, anciens tribunaux d'instance, chargées des affaires plus simples, afin de nourrir le contentieux de proximité qui devrait être traité dans ces antennes.
Or, au cours des décennies récentes, l'histoire constante de la justice familiale a consisté à attribuer à un seul juge l'ensemble des contentieux de la famille, jusque-là éclatés entre plusieurs juridictions, de façon à leur donner un traitement à la fois autonome et plus cohérent. Cette évolution s'est traduite par l'expérimentation à partir des années 1960 de chambres de la famille au sein de certains TGI, par la création en 1975 au sein du TGI du juge aux affaires matrimoniales (JAM), en charge des divorces par consentement mutuel et de l'ensemble de l'après-divorce - le JAM ne remédiait que très partiellement au problème de dispersion du contentieux compte tenu de sa compétence assez limitée -, enfin par la création en 1993 au sein du TGI également du juge aux affaires familiales (JAF), successeur du JAM, qui regroupa des compétences jusque-là dispersées (ensemble des cas de divorce et après-divorce, obligation alimentaire, autorité parentale, état-civil...). Le JAF n'avait pas en 1993 compétence sur tout le contentieux de la famille - lui échappaient ainsi les régimes matrimoniaux, les tutelles et la filiation, sans parler du juge des enfants -, mais depuis sa création ses compétences ont été étendues, en particulier en matière de séparations en 2004 ou de protection des victimes de violences conjugales en 2010. Même si le JAF ne concentre pas aujourd'hui l'intégralité du contentieux de la famille, du fait notamment de l'existence du juge des tutelles et du juge des enfants, tout au moins constitue-t-il un facteur important d'unification et de cohérence.
Dès lors, une telle dissociation du contentieux qui revient au JAF aujourd'hui, envisagée dans le cadre du tribunal de première instance, constituerait un retour un arrière et une perte de cohérence et irait paradoxalement à l'encontre d'une évolution de plusieurs décennies de concentration du contentieux familial au sein du TGI.
Le rapport de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard relève à cet égard que « ce processus d'unification juridictionnelle et procédurale a constitué un indéniable progrès tant les questions traitées par le juge aux affaires familiales (...) sont liées entre elles et tant leur regroupement participe d'une protection effective de l'intérêt supérieur de l'enfant » 31 ( * ) . La commission a par conséquent recommandé d'éviter tout éclatement des fonctions du JAF entre le tribunal d'instance et le TGI.
À titre de comparaison, la scission de la compétence en matière de mesures de protection entre les tutelles des majeurs, relevant du juge des tutelles au tribunal d'instance, et les tutelles des mineurs, relevant dorénavant du JAF au TGI, opérée par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, a fait l'objet de critiques nombreuses, de sorte qu'une scission analogue du contentieux des affaires familiales suscite l'interrogation de vos rapporteurs.
Toutefois, l'ANJI ne s'est pas montrée hostile dans son principe au transfert du contentieux des affaires familiales hors divorce du JAF vers le tribunal d'instance, tandis que M. Jean-Marie Coulon a jugé difficilement envisageable la présence du JAF dans les antennes de proximité du TPI.
5. Les inquiétudes statutaires des magistrats et des greffiers
Afin de contribuer à leur réflexion sur l'organisation des juridictions de première instance et sur l'éventualité de la mise en place d'un tribunal de première instance, vos rapporteurs ont évidemment tenu à entendre les organisations syndicales représentant les magistrats et les personnels judiciaires. À cet égard, ils ont observé tout au long de leurs travaux un contexte de désaccords entre les différents corps de fonctionnaires au sein des juridictions, magistrats, greffiers en chef et greffiers, désaccords qui semblent accentués par le débat sur le TPI.
La question des règles d'affectation et de la mobilité des magistrats et des greffiers dans les différents sites du TPI (siège, chambres détachées...) soulève des interrogations d'ordre constitutionnel concernant les magistrats, comme cela a déjà été évoqué, mais aussi des réticences d'ordre pratique et statutaire, exprimées par l'ensemble des organisations syndicales.
La mutualisation des effectifs et la mobilité interne constituent en effet des principes majeurs de l'organisation du TPI, ainsi que l'a indiqué devant vos rapporteurs M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation.
a) Les inquiétudes générales à l'égard du TPI
De nombreux interlocuteurs, notamment syndicaux, ont défendu la thèse selon laquelle le TPI est d'abord l'idée des chefs de juridiction, qui souhaitent disposer de davantage d'autonomie de gestion en matière de personnels et d'autorité hiérarchique effective sur les magistrats comme sur les greffiers, via un directeur de greffe unique. De fait, la conférence nationale des présidents de TGI comme la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel approuvent la mise en place du TPI, selon un objectif de mutualisation des effectifs des magistrats comme des personnels de greffe, dans un contexte durable de réduction des effectifs.
Ainsi, entendue par vos rapporteurs, la conférence nationale des présidents de TGI a exprimé son approbation du TPI, au nom d'une plus grande souplesse de gestion et d'affectation des magistrats et des greffiers, d'une plus grande polyvalence et d'une meilleure mutualisation des moyens humains. Le TPI apparaît comme un outil de rationalisation de la gestion des moyens humains des juridictions de première instance, en particulier entre les TGI et les tribunaux d'instance de leur ressort.
L'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) considèrent d'ailleurs que le TPI a pour finalité de donner plus de souplesse et de flexibilité de gestion des moyens humains aux chefs de juridiction, en assurant une unité de direction sous l'autorité hiérarchique du président du tribunal, du procureur de la République et du directeur de greffe.
Les organisations syndicales entendues ont exprimé la crainte d'une généralisation de fait du statut de magistrat ou de greffier placé, susceptible d'être déplacé au gré des besoins entre les différents sites du TPI, afin de parer aux urgences, en cas de libre affectation des magistrats et des personnels judiciaires au siège ou dans les antennes du TPI par le chef de juridiction ou le directeur de greffe. Les syndicats de greffiers craignent plus particulièrement la volonté de mutualiser les effectifs de greffiers et le fait que les greffiers puissent être traités comme des « pions » au sein d'un TPI. Du point de vue des greffiers, la création du TPI ou, de façon plus modeste, la mise en place du guichet unique de greffe, au sens de greffe unique pour plusieurs juridictions, emportent les mêmes conséquences en termes de mutualisation des personnels de greffe.
La CGT et le Syndicat des greffiers de France (SGF) estiment que le TPI renforcerait le pouvoir des présidents de juridiction, alors que la compétence managériale et gestionnaire des magistrats n'est pas toujours avérée, a fortiori dans le contexte de dyarchie entre président et procureur à la tête de la juridiction. Vos rapporteurs ont d'ailleurs constaté au long de leurs travaux une contestation récurrente du rôle comme de la capacité des magistrats dans la gestion administrative et financière des juridictions. L'exemple du directeur d'hôpital, qui n'est pas un médecin, a d'ailleurs souvent été invoqué par les représentants des greffiers pour justifier le fait que la gestion des juridictions ne devrait pas relever pas des magistrats mais d'un corps s'apparentant à celui des greffiers en chef.
b) Les préoccupations statutaires propres aux magistrats
La crainte statutaire principale à l'égard du TPI pour les magistrats concerne les règles d'affectation et de mobilité au sein du TPI.
Aujourd'hui par exemple, le décret de nomination d'un magistrat d'instance l'affecte au TGI, tout en précisant qu'il est chargé du service d'un tribunal d'instance. L'affectation au TGI ou au tribunal d'instance ne résulte pas de la libre appréciation du président du TGI, au gré des besoins, ce qui pourrait être le cas avec le TPI.
Pour le SM, l'affectation des magistrats au sein des différents sites du TPI devrait relever du décret de nomination, comme actuellement pour les tribunaux d'instance, et non de la libre appréciation du président du tribunal, même après avis de l'assemblée générale des magistrats.
Pour FO-Magistrats, il ne faudrait pas confier l'affectation des magistrats au seul président du TPI, en particulier dans les juridictions les plus importantes, sauf à mettre en cause les principes d'inamovibilité et de spécialisation, que l'on retrouve en particulier dans les tribunaux d'instance aujourd'hui.
L'USM craint l'arbitraire des décisions du président du TPI en cas d'attribution du pouvoir d'affectation, ainsi que le risque de pressions sur les magistrats et d'affectation discrétionnaire dans un site détaché. Afin d'y remédier, un avis conforme de l'assemblée générale pourrait être envisagé pour toute décision d'affectation d'un magistrat en dehors du siège du TPI.
L'association nationale des juges d'instance (ANJI), quant à elle, estime que la préservation des moyens affectés au contentieux d'instance est indispensable, de sorte que, dans le cadre d'un éventuel TPI, les magistrats ne devraient pas être librement affectés par le président du tribunal, sans quoi le contentieux d'instance serait sacrifié, en particulier au profit du contentieux pénal, les magistrats d'instance devenant la variable d'ajustement du tribunal correctionnel.
La conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel a considéré qu'il était tout à fait possible, dans le cadre du TPI, d'apporter aux magistrats les garanties statutaires nécessaires pour lever leurs inquiétudes. Comme c'est le cas actuellement pour les tribunaux d'instance, les magistrats pourraient être nommés par décret dans un TPI ainsi que, le cas échéant, dans une antenne du TPI (chambre détachée, pôle de proximité, section...), sans que leur mobilité au sein du TPI soit à la discrétion de son président. Toutefois, pour conserver de la souplesse, le président du TPI devrait pouvoir affecter dans une antenne sur avis conforme de l'assemblée générale des magistrats du TPI.
c) Les préoccupations statutaires propres aux greffiers
Les organisations représentant les chefs de juridiction partagent toutes le constat d'une rigidité de l'affectation des personnels de greffe, due notamment à la distinction entre TGI et tribunal d'instance, puisque les greffiers sont nommés dans une juridiction. En effet, contrairement aux juges d'instance, les greffiers sont affectés auprès d'une seule juridiction, tribunal d'instance, TGI ou conseil de prud'hommes par exemple. Les emplois de greffiers sont ainsi localisés, de sorte qu'un greffier ne peut pas, sauf de manière ponctuelle et très limitée dans le temps, sous forme d'une délégation sur décision du président du TGI ( cf. infra ), être affecté à un autre tribunal que celui auprès duquel il a été nommé.
Il conviendrait donc selon les représentants des chefs de juridiction de retrouver, grâce à la mutualisation des personnels de greffe qui pourrait découler du tribunal de première instance, des marges de manoeuvre administratives. M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, estime même que la mutualisation des effectifs de greffe serait plus utile encore que celle des effectifs de magistrats.
Un argument important avancé en faveur du TPI par la conférence nationale des présidents de TGI est celui de la mutualisation et de la souplesse de gestion des personnels de greffe, davantage encore que pour les magistrats, dans un contexte de faiblesse des moyens de la justice. Cet argument est particulièrement avancé concernant les greffes des conseils de prud'hommes, dont les effectifs seraient parfois sans rapport avec la charge d'activité dans certains conseils de petite taille, auquel cas cela traduirait une mauvaise allocation des effectifs entre les différentes juridictions de première instance. Il s'agirait pour le président du TPI, en fonction de l'évolution de la charge de travail et des éventuelles vacances de poste, de pouvoir adapter en permanence la répartition des personnels de greffe entre les différentes missions.
La conférence nationale des procureurs généraux a également insisté sur le problème de la rigidité de l'allocation des postes de greffiers, alors que souvent les grands tribunaux seraient sous-dotés et les petits sur-dotés.
Selon M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, il y aurait aujourd'hui une pénurie de greffiers en chef et donc de directeurs de greffe, circonstance qui plaide pour le regroupement des greffes au sein du TPI, sous l'autorité hiérarchique d'un unique directeur.
Favorable au TPI, la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel a aussi souligné le problème de la mutualisation des moyens dans les juridictions de première instance.
Le constat de l'insuffisante mutualisation des greffes entre TGI et tribunaux d'instance est également partagé par la conférence nationale des procureurs de la République, selon laquelle les effectifs de greffiers sont importants dans les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes, mais insuffisants dans les TGI. Les demandes de mutation seraient d'ailleurs plus nombreuses émanant des TGI, compte tenu des contraintes particulières qui y règnent (permanences, audiences tardives...), pour solliciter des postes dans les tribunaux d'instance, les conseils de prud'hommes ou les cours d'appel, où le régime de travail est réputé moins contraignant.
Selon l'ANJI, il existe déjà une tendance à récupérer des moyens des tribunaux d'instance au profit des TGI, tendance qui serait accentuée dans le cadre du TPI.
Selon FO-Magistrats, en défendant le principe du TPI, l'objectif des présidents de juridiction est principalement de récupérer des effectifs de greffe dans les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes au profit du TGI. Cela conduirait certes à une mutualisation des effectifs, mais aussi des dysfonctionnements aujourd'hui constatés dans les TGI, au détriment de la qualité du traitement du contentieux d'instance.
Toutes les organisations syndicales de greffiers entendues par vos rapporteurs ont exprimé un fort attachement au maintien de la localisation géographique des emplois, principe qui pourrait ne plus être pleinement respecté dans le cadre d'un TPI qui comporterait plusieurs implantations géographiques, ne serait-ce qu'entre le siège de l'ancien TGI et les sièges des anciens tribunaux d'instance périphériques. Cette difficulté se poserait moins pour celles des juridictions regroupées qui avaient déjà le même siège, en particulier pour les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes actuellement situés dans la même ville qu'un TGI.
Ainsi, l'UNSA-Services judiciaires, organisation majoritaire au sein des services judiciaires, demande, dans l'éventualité de la création du TPI, une garantie de localisation des emplois des personnels de greffe sur des sites géographiques et pas seulement auprès du TPI, car le directeur de greffe ne doit pas pouvoir déplacer à sa guise des personnels entre les sites du TPI. L'UNSA a fait part à vos rapporteurs de sa complète opposition à la mobilité discrétionnaire des personnels de greffe.
En outre, la multiplication des greffiers placés, de droit ou de fait, qui existent aujourd'hui de façon ponctuelle et bénéficient de compensations financières, serait une source de perte d'efficacité et de compétence.
Les organisations syndicales ont également rappelé la mobilité que de nombreux personnels avaient dû effectuer à la suite de la fermeture de leur tribunal d'affectation à l'occasion de la réforme de la carte judiciaire, de sorte que la question de la mobilité revêt une sensibilité particulière chez les greffiers, davantage que chez les magistrats. La réforme de la carte judiciaire a ainsi bouleversé la vie privée et familiale d'un grand nombre de magistrats et surtout de personnels de greffe, qui ont dû déménager pour suivre leur nouvelle affectation.
Vos rapporteurs ont également perçu le
particularisme des greffes de conseil de prud'hommes, dont les personnels sont
attachés aux missions spécifiques de cette juridiction et
souhaitent y demeurer. Est également invoqué l'argument selon
lequel les greffiers des conseils de prud'hommes jouent un rôle important
d'assistance à la rédaction des jugements, auprès des
magistrats non professionnels que sont les conseillers
prud'homaux
-rôle qui ne serait pas comparable au rôle habituel
des greffiers de TGI ou de tribunal d'instance.
Toutefois, M. Jean-François Merle, président du conseil supérieur de la prud'homie, n'a pas formulé d'opposition de principe à l'intégration des greffes des conseils de prud'hommes au sein d'un greffe mutualisé sein du TGI, avec les tribunaux d'instance, ou le cas échéant d'un TPI, sous la réserve de la prise en compte du rôle particulier des directeurs de greffe dans l'assistance qu'ils apportent aux conseillers prud'homaux pour la motivation et la rédaction de leurs jugements 32 ( * ) . De même, le ministère du travail n'a pas formulé de préférence de principe quant au maintien d'un greffe propre pour chaque conseil de prud'hommes ou bien d'un greffe mutualisé au sein du TGI ou d'un éventuel TPI, énonçant cependant la même réserve.
Par ailleurs, certaines organisations syndicales ont exprimé la crainte selon laquelle les méthodes autoritaires de management des personnels de greffe, qu'elles critiquent déjà, tendraient à se renforcer du fait des exigences de la gestion mutualisée au sein du greffe.
Enfin, en cohérence avec les positions des syndicats de magistrats à propos du tribunal d'instance, la CGT et le SGF ont estimé qu'en termes d'affectation de personnel, la priorité est aujourd'hui accordée aux TGI en raison du développement du contentieux pénal. Selon eux, la création du TPI accentuerait ce phénomène au détriment du traitement du contentieux civil de proximité. Les TGI fonctionneraient plutôt moins bien que les tribunaux d'instance, de sorte qu'il serait contestable de dissoudre les seconds dans les premiers, au risque de dégrader la qualité du service public de la justice.
*
À l'issue de leurs travaux, vos rapporteurs estiment que le projet du tribunal de première instance est prometteur, en dépit des craintes et des critiques légitimes auxquelles il convient de répondre de manière appropriée.
Toutefois, ils observent que le principal gain, pour le justiciable, est obtenu dès la création, avec le guichet universel de greffe, d'une porte d'entrée unique dans l'institution judiciaire.
La fusion des juridictions présente avant tout un intérêt pour la gestion de celles-ci. Son bénéfice est principalement gestionnaire, et elle ne profite au justiciable que secondairement, par les gains de productivité qu'elle permet. En outre, elle pose, selon le périmètre qu'elle recouvre, de réelles questions et présente un risque, si les contentieux sont mal conçus ou mal répartis entre les différents services juridictionnels, d'éloignement de la justice des citoyens.
L'observation de la commission présidée par Serge Guinchard, aux termes de laquelle « l'idée d'un TPI est séduisante, mais elle n'est pas aboutie et n'a pas abouti » 33 ( * ) , sonne comme un avertissement dont il faut prendre la mesure.
Ces considérations ne sauraient cependant conduire à écarter a priori cette réforme, alors qu'il est possible, en la délimitant correctement, de n'en conserver que la part positive.
Toutefois, elles incitent à ne pas précipiter les choses et à procéder par étape, en privilégiant ce qui profite le plus immédiatement au justiciable.
Vos rapporteurs se sont par conséquent attachés à définir quel chemin la réforme de la justice de première instance pourrait emprunter, étape par étape. Certaines mesures peuvent être prises à court terme, d'autres doivent être envisagées à plus long terme.
Ils observent, à cet égard, que, pour peu que la marche soit résolue, on n'avance pas moins vite à pas mesurés que par grandes enjambées incertaines.
II. - S'ENGAGER SUR LA VOIE DE LA RÉFORME, EN DONNANT À COURT TERME LA PRIORITÉ À L'ACCESSIBILITÉ DE LA JUSTICE
Trois chantiers de réforme de la justice de première instance peuvent être d'ores et déjà engagés, sans nécessairement attendre la fusion des juridictions. Au contraire, ils permettront sans doute, s'ils aboutissent, de faciliter cette fusion, si elle devait être décidée.
Le premier est la création d'un guichet universel de greffe, le second, le renforcement des moyens de projection judiciaire afin de maintenir une présence judiciaire là où elle risquerait de manquer, et le dernier, le développement de procédures permettant au juge de se concentrer sur la fonction de juger.
A. LE GUICHET UNIVERSEL DE GREFFE, PREMIÈRE PIERRE DE L'ÉDIFICE
L'expression de « guichet unique de greffe » est trompeuse. En effet, la réalité ne correspond pas à ce qu'entendaient par-là les auteurs du rapport Casorla.
Ceux-ci estimaient en effet que « le principe même du guichet unique de greffe implique qu'il puisse devenir effectivement un point unifié d'entrée dans le système judiciaire pour l'accomplissement de certaines formalités administratives ou judiciaires même si le contentieux n'est pas jugé sur le lieu où est physiquement implanté ce guichet ».
Conscient de l'importance d'une telle innovation, ils précisaient que « la réalisation de cet objectif suppose non seulement des moyens financiers importants, surtout à droit constant, mais également des modifications profondes qui touchent non seulement à l'organisation du travail, mais aussi à des dispositions législatives et réglementaires tant procédurales que d'organisation judiciaire » 34 ( * ) .
Sans doute l'ampleur des prérequis explique-t-elle que les guichets uniques créés par le ministère de la justice soient encore éloignés de ce qui était visé dans ce rapport ( cf. encadré).
Les guichets uniques de greffe en activité Les guichets uniques de greffe aujourd'hui en activité dans les juridictions se présentent comme des accueils mutualisés qui permettent d'effectuer des actes de greffe ou de procédure induits par un transfert de tâches en provenance des services en aval, de la ou des juridictions qui participent à son fonctionnement. Ils comprennent à cette fin un ou plusieurs box de confidentialité pour la réalisation de ces actes. Cette structure d'accueil du justiciable conciliant à la fois accessibilité, confidentialité et sécurité est en permanence en liaison avec l'ensemble des greffes des juridictions. La mise en place de ces guichets uniques vise à améliorer les conditions de travail du personnel de justice et la qualité du service public. Il s'agit aussi de renforcer la sécurité des agents en limitant l'accès du public dans les services et les bureaux des juridictions. Lorsque l'implantation du GUG n'est pas possible pour des raisons immobilières ou des problématiques d'effectifs, il est parfois mis en place un accueil informatisé (AI). Ce dernier permet d'informer les justiciables sur les procédures au moyen d'une consultation des applications informatiques de la ou des juridictions présentes sur le site. Selon les chiffres fournis par la Chancellerie, on comptait, en avril 2013, 99 guichets uniques et 228 accueils informatisés, pour 640 sites judiciaires recevant du public. 15,.3% des bâtiments judiciaires sont ainsi équipés d'un guichet unique et 34% d'un accueil informatisé. Sur les 99 guichets uniques de greffe existants, seuls 88 sont en fonctionnement. Les raisons invoquées par les juridictions pour expliquer l'inactivité de la structure sont généralement liées à une insuffisance des effectifs, conjuguée à la rotation des personnels et à la vacance des emplois. Le ministère de la justice s'est engagé dans un programme de création de nouveaux guichets uniques, à la faveur notamment des grandes opérations de restructuration immobilière des palais de justice, et espère qu'ainsi, 155 soient en place en 2017. |
Vos rapporteurs ont pu constater, en se rendant au TGI de Bobigny, l'intérêt qu'une telle structure présente pour l'accueil du public.
Toutefois, ils observent que dans l'immense majorité des cas (93 sur 99), le guichet unique est implanté dans un palais de justice qui réunit en son sein une ou plusieurs juridictions, et qu'il n'est compétent que pour traiter leur contentieux. S'il facilite l'accueil, il n'offre aucun bénéfice supplémentaire en termes de proximité.
Ainsi, il n'existe pas de guichet unique de greffe déconcentré : on ne peut, en se présentant au greffe d'un tribunal d'instance d'une autre commune du ressort, déposer une requête destinée au tribunal de grande instance de la ville centre.
La commission présidée par le doyen Serge Guinchard avait déjà mis en avant cette lacune, ce qui l'avait conduite à revenir au dispositif proposé par le groupe d'étude présidée par Francis Casorla et à recommander la mise en place de véritables guichets universels de greffe « permettant aux justiciables et aux auxiliaires de justice d'introduire une instance judiciaire ou d'obtenir des informations concernant une procédure depuis n'importe quel site judiciaire » 35 ( * ) .
L'intitulé « guichet universel » apparaît préférable à celui de « guichet unique », car il traduit le fait qu'il ne s'agit pas que d'une concentration des greffes d'un palais de justice donné en un seul lieu, mais bien d'une mise en commun de tous les greffes des juridictions.
Vos rapporteurs considèrent que c'est bien cette solution ambitieuse qu'il convient de retenir.
Recommandation n° 1 Prioritairement à la création éventuelle du tribunal de première instance, mettre enfin en place le système de guichets universels de greffe déjà préconisé à plusieurs reprises, afin de permettre au justiciable d'introduire et de suivre son affaire, en tout point du ressort, au tribunal le plus proche de son domicile |
Une telle réforme suppose, en créant le guichet universel, d'organiser la mutualisation des greffes des différentes juridictions. Elle ne peut néanmoins avoir lieu sans moyens techniques suffisants ni sans garanties pour les personnels judiciaires.
1. Créer le guichet universel de greffe et organiser la mutualisation des greffes
Au-delà de l'intérêt pratique pour les justiciables d'une porte d'entrée unique, l'intérêt d'un guichet universel de greffe (GUG), rassemblant les greffes de différentes juridictions, est triple.
• La création d'une nouvelle proximité judiciaire
En premier lieu, ce dispositif est créateur de proximité judiciaire. Il procède en effet d'une nouvelle conception de l'accès à la justice.
Pour reprendre les termes employés par M. Philippe Lemaire, procureur général près la cour d'appel d'Amiens, l'important, pour le justiciable, est moins que l'audience se tienne à chaque fois au plus près de son domicile que de pouvoir toujours déposer et suivre sa requête au lieu le plus proche.
Or, c'est exactement ce que réalise le guichet universel de greffe, puisque le justiciable est ainsi assuré de pouvoir saisir le juge qu'il souhaite, même s'il siège dans une autre ville du ressort, au greffe de l'implantation judiciaire la plus proche et d'être informé des progrès de la procédure. Seule lui restera l'obligation de se déplacer pour les audiences éventuelles.
Ainsi, le guichet universel de greffe permet de mettre à profit l'important réseau juridictionnel des tribunaux d'instance : à défaut de déplacer le juge, il rend la justice plus proche.
• Le bénéfice de la mutualisation des effectifs de greffe
En second lieu, le dispositif permet la mutualisation des services et des effectifs de greffe.
Comme on l'a vu précédemment, plusieurs juridictions possèdent leur propre service de greffe : le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et le conseil des prud'hommes 36 ( * ) . Les fonctionnaires qui y sont affectés ne peuvent en principe, sauf mutation ou affectation très temporaire ( cf. encadré), participer au fonctionnement du greffe d'une autre juridiction du ressort.
Ainsi que l'a observé M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, le code de l'organisation judiciaire n'a sans doute pas tiré toutes les conséquences de la fonctionnarisation des greffes intervenue en 1965 37 ( * ) , puisqu'il a maintenu pour chaque juridiction l'autonomie de gestion, sous la responsabilité du directeur de greffe, dont bénéficiaient les anciens greffiers titulaires de leur charge.
Le statut des fonctionnaires des greffes Les fonctionnaires des greffes sont soumis au statut général de la fonction publique et notamment à l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'État, qui précise que l'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. Au regard de ces dispositions les fonctionnaires des greffes sont nommés puis affectés dans une juridiction et ne peuvent être déplacés dans une autre. Toutefois, les agents des greffes peuvent être temporairement délégués dans les services d'une autre juridiction du ressort de la même cour d'appel (article R. 123-17 du code de l'organisation judiciaire). Cette délégation est prononcée par décision du premier président de la cour d'appel et du procureur général près cette cour. Elle ne peut excéder une durée de deux mois. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut la renouveler dans la limite d'une durée totale de huit mois. Dans les départements d'outre-mer, elle ne peut excéder une durée de six mois, renouvelable, le cas échéant, par le garde des sceaux. |
La mise en commun des personnels de greffe dans un même ressort judiciaire permettrait au contraire, comme c'est le cas pour les magistrats d'instance, administrativement rattachés au TGI, que les agents d'une juridiction puissent être affectés de manière pérenne au greffe -et avec les garanties nécessaires ( cf. infra )- d'une autre juridiction du ressort, sur décision du chef du TGI.
Comme on l'a vu précédemment, les chefs de juridictions et les chefs de cours appellent de leurs voeux une telle mutualisation des effectifs de greffe, la plus étendue possible.
La question clé est celle du périmètre : faut-il limiter le regroupement aux agents des greffes des tribunaux d'instance et du TGI ou y inclure aussi ceux des conseils de prud'hommes ?
Vos rapporteurs privilégient cette seconde option pour deux raisons.
Tout d'abord, l'unité du corps des greffiers est un atout : tous ceux affectés dans une de ces trois juridictions possèdent une formation identique et connaissent les métiers des deux autres.
Surtout, la mutualisation est d'autant plus performante qu'elle porte sur un nombre élevé d'agents dans un même ressort.
Recommandation n° 2 Organiser, dans le cadre du guichet universel de greffe, une mutualisation des effectifs de greffe du tribunal d'instance, du conseil des prud'hommes et du TGI, dans le ressort de ce dernier |
• La réduction des conflits de compétence
Le troisième intérêt de la création du guichet universel de greffe est, par l'information qui sera délivrée par les greffiers, de diminuer le nombre des saisines adressées à la mauvaise juridiction, et, partant, le nombre de décisions d'incompétence prononcées par les juges concernés. Celles-ci représentent un peu moins de 2 % du nombre de décisions rendues chaque année par les juridictions civiles, ce qui n'est pas négligeable.
Nombre de décisions d'incompétence rendues en 2012 par : |
|
Les tribunaux d'instance |
4 462 |
Les TGI |
4 627 |
Les conseils de prud'hommes, tribunaux paritaires des baux ruraux et tribunaux des pensions militaires 38 ( * ) |
2 192 |
Source : ministère de la justice
Vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité d'accompagner ce premier dispositif d'un second, qui confierait aux greffes eux-mêmes la tâche de transmettre la saisine, en la corrigeant, à la bonne juridiction, si elle est mal adressée par le justiciable.
Ce dispositif a déjà été examiné par la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, sous la forme d'un service judiciaire d'orientation des affaires.
Cette commission s'est toutefois prononcée contre un tel service, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, ceci représenterait une charge de travail supplémentaire pour les greffes, déjà mobilisés par le guichet universel.
En second lieu, le dispositif serait difficilement compatible avec la procédure d'assignation, laquelle emporte convocation, par le plaignant, de son adversaire à une audience déterminée de la juridiction compétente. À défaut, pour le requérant, de désigner cette juridiction, il reviendrait au greffe, une fois la requête correctement adressée, de faire procéder à la convocation du défendeur. Or, ceci aurait un coût et retarderait d'autant la procédure.
Enfin, le service ne pourrait trancher, à la place du requérant, lorsqu'il faudrait faire le choix entre plusieurs juridictions possibles devant lesquelles porter l'affaire.
Vos rapporteurs partagent cette analyse et ne recommandent pas à ce stade, pour les mêmes raisons, la mise en place d'un tel service, dans le cadre d'un GUG. Ils observent toutefois, que les mêmes arguments sont inopérants s'agissant d'un guichet unique intégré à un tribunal de première instance, dans la mesure où il n'y a plus qu'une seule juridiction qui puisse être saisie : le TPI.
2. Prévoir des garanties et des moyens suffisants
Vos rapporteurs ont entendu les inquiétudes exprimées par les représentants des personnels de greffes, qui craignent que la mutualisation engagée par le guichet universel de greffe transforme les fonctionnaires en cause en l'équivalent de fonctionnaires placés, librement déplaçables d'un service à l'autre, au gré du chef de juridiction.
Ils n'ont pas oublié que nombre de ces agents ont été durement affectés par la réforme de la carte judiciaire, qui les a parfois contraints à quitter la ville de leur affectation d'origine, où ils avaient construit leur vie.
C'est la raison pour laquelle ils jugent nécessaire d'apporter aux intéressés des garanties suffisantes sur leur localisation et leurs affectations possibles.
Cette mutualisation doit être accompagnée d'une politique adaptée de ressources humaines.
Enfin, il s'avère que le succès de cette entreprise dépend, sur le plan technique, de la mise en place d'applications informatiques adaptées.
a) Garantir la localisation et les affectations des personnels judiciaires
La souplesse de gestion que pourrait apporter la mutualisation des greffes ne doit pas devenir une source d'insécurité ou d'instabilité pour les personnels intéressés.
Elle doit être encadrée et ne doit pas aboutir à imposer contre leur volonté aux fonctionnaires, après une réaffectation à une nouvelle juridiction, des temps de trajet considérablement allongés, voire un déménagement.
Vos rapporteurs proposent ainsi que l'affectation initiale des fonctionnaires au greffe mutualisé du tribunal de grande instance s'accompagne d'une précision sur la zone géographique dans laquelle ils pourront être affectés, en cas de nécessité de service, d'une juridiction à l'autre. L'étendue de cette zone géographique devrait être la ville ou l'agglomération de la première juridiction dans laquelle ils entreront effectivement en fonction.
Cette garantie devra trouver sa traduction dans le code de l'organisation judiciaire.
Une telle disposition s'appliquera facilement dans la ville siège du TGI, car elle accueille généralement aussi un tribunal d'instance et un conseil des prud'hommes.
Dans les autres implantations, le conseil des prud'hommes est presque toujours dans la même ville que le tribunal d'instance 39 ( * ) , ce qui permet de tirer parti de la mutualisation entre les deux.
Les fonctionnaires affectés dans des communes où la seule implantation judiciaire est un tribunal d'instance, ne devraient en revanche pas pouvoir être affectés contre leur volonté, du jour au lendemain, sur la seule décision du chef de juridiction, dans une autre localité.
Les règles actuelles auraient vocation à s'appliquer lorsque, du fait de la garantie de localisation, il ne serait pas au pouvoir du seul président du tribunal d'affecter un agent au poste requis : l'intéressé pourrait faire l'objet d'une mutation après avis de la commission administrative paritaire ou d'une délégation temporaire. En outre, en cas d'activité insuffisante au regard de l'effectif, il serait aussi envisageable de supprimer budgétairement le poste pour le remployer ailleurs.
Vos rapporteurs soulignent par ailleurs que la facilité de gestion qu'autorise la mutualisation des personnels de greffe ne se limite pas aux réaffectations entre plusieurs juridictions. Il est tout à fait possible qu'un fonctionnaire reste dans son tribunal d'origine, mais qu'il soit employé, pour le temps non occupé par les tâches propres à cette juridiction, à traiter des procédures d'une autre juridiction.
Un tel dispositif avait été utilisé à Fécamp et Bolbec, dans le ressort de la cour d'appel de Rouen, sous l'autorité du premier président d'alors, M. Vincent Lamanda, aujourd'hui premier président de la Cour de cassation, pour maintenir à leur poste des fonctionnaires de greffes détachés, en leur confiant la gestion administrative des injonctions de payer de tout le ressort.
Recommandation n° 3 Apporter aux fonctionnaires des greffes mutualisés la garantie pérenne, dans le cadre de cette mutualisation, d'une affectation dans la même ville ou la même agglomération que leur juridiction d'origine |
b) Mettre en place une politique adaptée de ressources humaines
La réforme du guichet universel et celle de la mutualisation des greffes reposeront sur la polyvalence des fonctionnaires, qui devront être familiers de l'évolution des procédures devant chaque juridiction.
Elles supposent, par conséquent, qu'un effort supplémentaire soit fourni pour la formation professionnelle continue des greffiers.
À cet égard, M. Frédéric Hardouin, directeur de l'école nationale des greffes (ENG), a exposé avec précision à vos rapporteurs le niveau croissant de recrutement des greffiers en chef et des greffiers, l'accroissement de leur polyvalence comme de leurs compétences juridiques. Selon lui, le niveau actuel des greffiers permet d'envisager le renforcement de leurs missions dans le cadre d'un guichet universel de greffe ou du TPI.
Au-delà, vos rapporteurs constatent que la création du guichet universel et la mutualisation des greffes, évoquées depuis si longtemps, mais jamais réalisées, constitueraient une évolution majeure, comparable à la fonctionnarisation des greffes, il y aura bientôt cinquante ans.
Une telle évolution du greffe, et du métier de greffe, justifierait, à leurs yeux, une revalorisation indemnitaire pour ces personnels, dans la mesure qu'autorise l'objectif de redressement des comptes publics. Une telle revalorisation serait d'autant plus légitime, que les greffiers n'ont bénéficié, ces dernières années, d'aucune mesure indemnitaire, contrairement à d'autres personnels judiciaires, comme notre collègue Mme Catherine Tasca s'en est fait l'écho, récemment, dans son rapport pour avis au nom de votre commission des lois, sur le budget de la justice pour 2013. 40 ( * )
En recommandant ainsi des efforts en faveur de la formation continue et de la revalorisation indemnitaire des greffiers, vos rapporteurs appellent à une véritable politique de ressource humaine de soutien à la réforme proposée.
Recommandation n° 4 Engager, au soutien de la création du GUG et de la mutualisation des greffes, une véritable politique de ressources humaines qui s'appuie sur la formation des greffiers et une revalorisation indemnitaire adaptée |
c) Adapter en conséquence l'outil informatique civil
Dans son esprit, le guichet universel de greffe, porte d'entrée unique sur la justice, suppose qu'un fonctionnaire de greffe d'une quelconque implantation judiciaire puisse enregistrer la saisine d'une autre juridiction par le justiciable ou accéder à l'état de la procédure devant cette juridiction, afin de l'informer des progrès en cours.
De telles fonctionnalités ne sont possibles que si les deux juridictions ont un accès commun à distance aux mêmes applications informatiques, et que chacune est informée, en temps réel, de toute modification apportée par l'autre.
Or, aujourd'hui, chaque type de juridiction possède ses propres applications, nationales ou d'initiative locale, dont la plupart ne sont pas accessibles à distance.
En l'état des architectures techniques des applications informatiques, un tel accès à distance n'est possible que pour les seules applications de type web, comme l'application Cassiopée en matière pénale, qui permet à tous les parquets d'avoir accès aux mêmes informations.
En matière civile, seule l'application IPWEB, relative aux injonctions de payer est accessible à distance.
La solution toutefois existe : la création d'une application commune à toutes les procédures civiles, identique, dans son esprit, à l'application pénale Cassiopée.
Le ministère de la justice en a d'ores et déjà conçu le projet. Il s'agit de l'application Portalis.
Les représentants de la Chancellerie ont toutefois indiqué au cours des auditions que ce projet n'en était qu'à son commencement, et que son déploiement devrait prendre un peu plus de quatre ans.
Vos rapporteurs estiment que ce chantier devrait être classé prioritaire, car en l'absence d'un tel dispositif, la réforme du guichet universel est impossible.
Recommandation n° 5 Conduire à son terme, de manière prioritaire, le développement de l'application informatique Portalis, qui permettra la connexion de l'ensemble des juridictions et procédures civiles |
B. RENFORCER LES MOYENS DE PROJECTION JUDICIAIRE
Le guichet universel de greffe apporte une première réponse au problème de la proximité judiciaire. Toutefois, il se limite à une information et une entrée dans la procédure.
Dans leur rapport sur la réforme de la carte judiciaire, les membres du groupe de travail avaient appelé au développement des audiences foraines, pour remédier à l'éloignement trop important de la juridiction de regroupement par rapport à la juridiction supprimée. Le juge du TGI se serait ainsi déplacé, à date fixe, pour tenir une audience au sein du tribunal d'instance et éviter aux justiciables d'avoir, eux, à faire ce déplacement.
Force est toutefois de constater que l'observation qu'ils faisaient peut être aujourd'hui reconduite à l'identique : très peu, et de moins en moins, de juridictions organisent de telles audiences.
Interrogés sur ce point par vos rapporteurs, les représentants des chefs de cour et de juridiction ont été unanimes à souligner leurs limites : ces audiences sont facultatives et très lourdes à organiser ; la charge de travail des magistrats n'est pas conciliable avec les temps de déplacement qu'elles imposent, ce qui conduit à les abandonner rapidement.
Pourtant, vos rapporteurs ont pu mesurer lors de leur déplacement dans le ressort de la cour d'appel d'Amiens, le succès que rencontraient les audiences organisées en matière de contentieux familial hors divorce à Péronne et Abbeville. Ce succès tient largement à l'investissement des magistrats et des greffiers concernés, et au soutien qu'ils reçoivent de leurs chefs de juridiction.
Pour autant, ce succès est précaire, car les difficultés sont nombreuses : il n'y a pas de greffe du TGI sur place, ce qui impose au magistrat d'être accompagné de son greffier ; les tribunaux d'instance d'Abbeville et de Péronne ne disposent pas des applications informatiques du TGI, ce qui oblige à procéder aux saisies, après l'audience, au siège du TGI d'Amiens ; et les moyens mis à disposition pour le déplacement du magistrat et de son greffier ne suivent pas toujours.
Vos rapporteurs remarquent toutefois qu'au moins deux des difficultés précitées seraient levées si un guichet universel de greffe était créé et si les effectifs de greffe étaient mutualisés.
En effet, d'une part, le magistrat pourrait faire appel aux services d'un des greffiers polyvalents du tribunal d'instance, et, d'autre part, ce même tribunal serait raccordé au même réseau informatique que le tribunal de grande instance, ce qui permettrait de saisir la procédure sur place.
La troisième difficulté est moindre que les deux précédentes, et devrait pouvoir être résolue facilement, pour peu que les crédits nécessaires soient mis en place.
La réforme du guichet universel de greffe est ainsi susceptible de faciliter la tenue des audiences foraines, afin de remédier ponctuellement à certaines lacunes du réseau juridictionnel de première instance.
Pour vos rapporteurs, ce renforcement des moyens de projection judiciaire est lui-même susceptible d'aider à la mise en place éventuelle des tribunaux de première instance.
En effet, s'il se confirmait que le nouveau contentieux de la proximité pris en charge par les sections déconcentrées du TPI, incluait des matières supplémentaires par rapport à celui dévolu aux tribunaux d'instance, comme une partie du contentieux familial, il serait nécessaire d'adapter en conséquence l'effectif de ces implantations judiciaires. La tenue d'audiences foraines, facilitée par la mise en commun des greffes, pourrait constituer une solution pertinente, qui éviterait l'affectation de magistrats supplémentaires, tout en garantissant l'apport d'une aide ponctuelle.
Recommandation n° 6 Renforcer les audiences foraines, lorsqu'elles apparaissent nécessaires, en tirant parti des facilités permises par le GUG et la mutualisation des greffes |
La création du GUG ne ferait pas perdre aux maisons de la justice et du droit (MJD) ou aux points d'accès au droit leur intérêt, bien au contraire : ces structures aident à l'information des citoyens et leur offrent un véritable service judiciaire de proximité, comme vos rapporteurs ont pu le vérifier lors de leur déplacement à Bordeaux, puisqu'elles accueillent en leur sein des professionnels du droit, avocats, médiateurs ou conciliateurs, susceptibles d'aider et d'orienter les justiciables dans leurs litiges.
Toutefois, vos rapporteurs soulignent que la grande majorité des MJD est localisée dans la même ville ou la même agglomération que le tribunal de grande instance. Elles répondent ainsi moins à un éloignement géographique qu'à un éloignement social du justiciable vis-à-vis de la justice, auquel elles tentent de remédier.
Surtout, comme les rapporteurs du groupe de travail de votre commission sur la réforme de la carte judiciaire l'avaient relevé 41 ( * ) , la pérennité financière des MJD n'est pas assurée, puisqu'elle dépend de l'investissement des collectivités territoriales, qui règlent leurs frais de fonctionnement, l'État ayant financé le premier équipement. En outre, peu de MJD disposent d'un greffier mis à disposition par le TGI, alors que ce devrait être la règle : l'utilité de la structure en dépend.
Si les efforts doivent être poursuivis dans le déploiement ou le renforcement de ces MJD, celles-ci ne sauraient se substituer au GUG, dont elles sont complémentaires.
C. POURSUIVRE LE MOUVEMENT TENDANT À FOCALISER LE JUGE SUR LA FONCTION DE JUGER
La réforme de la justice de première instance ne peut se limiter à une réforme des structures. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire et compte tenu de l'importance de la charge de travail qui pèse aujourd'hui sur les magistrats, elle doit inclure une réflexion sur l'office du juge, afin de lui permettre de se concentrer sur sa fonction principale et retrouver ainsi des marges de manoeuvre pour le mobiliser sur les actions qui le méritent.
Vos rapporteurs saluent de ce point de vue la cohérence de l'approche retenue par la garde des sceaux, qui a constitué simultanément deux groupes de travail, l'un chargé de réfléchir à la juridiction du XXI ème siècle, l'autre au juge du XXI ème siècle.
Concentrer le juge sur sa fonction de juger peut se faire de deux manières : en déjudiciarisant les actes qui ne requièrent pas son intervention, ou en reportant celle-ci au seul moment de la procédure où elle est réellement nécessaire.
La première voie a été largement explorée par la commission sur la répartition du contentieux présidée par Serge Guinchard. Les débats ont notamment porté sur la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, que cette commission a rejetée.
Il semble à vos rapporteurs qu'une autre voie pourrait être suivie, celle de l'attribution aux greffiers en chef de certaines prérogatives juridictionnelles limitées, aujourd'hui détenues par le juge. La formation qu'ont reçue les greffiers en chef le permettrait, comme l'a indiqué, lors de son audition, M. Stéphane Hardouin, directeur de l'école nationale des greffes. M. le professeur Serge Guinchard, les représentants de l'union syndicale des magistrats ou ceux de l'UNSA-services judiciaires se sont eux aussi prononcés en faveur d'une telle évolution. Celle-ci butte toutefois sur une difficulté : le manque de greffiers, en dépit des efforts de recrutement accomplis.
La seconde voie pour recentrer le juge sur sa fonction est celle, selon l'expression du professeur Loïc Cadiet, de « l'inversion des contentieux », ou selon celle de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, de « l'intervention retardée du juge ».
Le modèle en est la procédure d'injonction de payer : plutôt que d'ouvrir immédiatement un procès entre le créancier et le débiteur, cette procédure autorise le créancier à s'adresser au juge pour qu'il lui délivre une ordonnance portant injonction de payer si sa créance est certaine. Il signifie alors cette décision au débiteur qui dispose d'un délai d'un mois pour faire opposition. Ce n'est que quand ce dernier forme opposition que s'ouvre véritablement le procès. La première phase de la procédure est traitée très rapidement, et la seconde, plus longue, n'intervient qu'éventuellement.
De telles procédures doivent être développées, lorsqu'elles portent sur des affaires où il y a peu de contestations possibles.
Recommandation n° 7 Poursuivre le mouvement visant à permettre au juge de se concentrer sur sa fonction initiale, en confiant certaines missions juridictionnelles annexes aux greffiers en chef, et en modifiant certaines procédures pour réserver son intervention aux affaires qui font l'objet d'une contestation sérieuse |
III. - COMMENT ATTEINDRE L'ÉVENTUELLE ÉTAPE ULTÉRIEURE DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE ?
Ainsi qu'ils l'ont indiqué plus haut, vos rapporteurs considèrent que la première étape à accomplir, en vue de renforcer l'accessibilité de la justice de première instance, est de mettre en place le guichet universel de greffe. S'il était envisagé d'aller plus loin vers la réalisation du tribunal de première instance, ils souhaitent en préciser les prérequis, qui recoupent en large part les conditions nécessaires à la mise en place du GUG.
Au-delà, avant de tracer les contours d'un éventuel futur TPI, vos rapporteurs ont tenu à formuler, de façon toujours pragmatique, en complément de la création du GUG, plusieurs propositions de réorganisation et de rapprochement des actuelles juridictions de première instance, afin d'en améliorer l'accès, le fonctionnement et la lisibilité pour les justiciables.
A. LES PRÉREQUIS NÉCESSAIRES À LA RÉALISATION DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
Si le projet de création du TPI devait se concrétiser, sous les réserves émises plus haut, vos rapporteurs tiennent à insister sur les écueils à éviter et les conditions à réunir afin d'assurer la réussite d'une telle réforme. De plus, au terme de leurs déplacements et de leurs nombreuses auditions, ils attirent l'attention sur le fait que les plaies ouvertes par la réforme de la carte judiciaire sont encore loin d'être refermées, rendant plus délicate la conduite d'une réforme de structure de l'organisation juridictionnelle, a fortiori dans un contexte de pénurie des effectifs et dans la perspective du départ à la retraite de 1 400 magistrats de 2012 à 2017 selon le Gouvernement. Le besoin d'une pause dans les réformes s'est souvent exprimé.
1. Éviter l'écueil de la réforme purement comptable
Si le TPI devait être mis en place, il ne devrait être ni une réforme purement budgétaire destinée à accompagner le manque de moyens de la justice, ni une réforme visant uniquement la rationalisation dans la gestion des effectifs de magistrats et de greffiers.
Ainsi que cela a été indiqué à vos rapporteurs par la conférence nationale des procureurs de la République, la création éventuelle du TPI ne doit pas être le prétexte à une nouvelle régulation à la baisse des effectifs, en particulier de personnels judiciaires, qui annihilerait les effets positifs issus de la mutualisation des effectifs au sein du TPI.
Selon vos rapporteurs, il faut absolument éviter de faire une réforme à finalité budgétaire sous couvert d'une amélioration de l'accessibilité de la justice pour les citoyens. Rien ne serait pire, en effet, que de profiter de la mutualisation des effectifs qui pourrait en résulter pour peser davantage encore sur les effectifs et réduire les moyens de la justice. En pareil cas, la réussite de cette réforme serait sérieusement compromise. Le TPI doit s'accompagner d'une vrai simplification dans l'accès à la justice, faute de quoi il ne serait qu'une réforme cosmétique, source de déceptions pour le justiciable.
2. Les conditions à réunir : attribuer des moyens à la hauteur des enjeux de la réforme
Les prérequis positifs pour réaliser le tribunal de première instance s'apparentent à l'évidence à ceux qui sont nécessaires pour la mise en place du guichet universel de greffe. Le GUG est d'ailleurs une condition de la mise en place réussie du TPI, de sorte que vos rapporteurs insistent à nouveau sur la conduite des projets informatiques à mener à bien et sur les enjeux de formation des personnels de greffe, qui s'attachent autant au GUG qu'au projet de TPI.
Les organisations syndicales de magistrats et de greffiers ont insisté sur la nécessité d'allouer des moyens suffisants si l'on voulait réussir une réforme ambitieuse comme le TPI. Par exemple, selon FO-Magistrats, il conviendrait d'abord de discuter des moyens susceptibles d'être alloués à la réforme de l'organisation juridictionnelle, puis des garanties statutaires pour les magistrats et les personnels, avant de discuter de la réforme elle-même.
La mise en place du TPI suppose l'engagement de moyens matériels, financiers, humains et informatiques à la hauteur des enjeux, alors que les finances de l'État sont durablement soumises à de fortes tensions. Comme l'a affirmé le professeur Loïc Cadiet, on ne peut pas réussir une réforme de l'organisation judiciaire avec une réduction des moyens budgétaires dévolus à la justice. Une réforme de structure est nécessairement coûteuse.
B. RAPPROCHER LES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE INSTANCE AVANT DE VOULOIR LES UNIFIER
Avant d'étudier les composantes d'un éventuel TPI, c'est-à-dire les juridictions existantes qui pourraient y être intégrées, vos rapporteurs ont souhaité formuler des recommandations en vue de simplifier, à plus court terme, l'organisation juridictionnelle actuelle de première instance et rendre plus accessible la justice de première instance, en cohérence avec leur perspective du TPI comme étape ultime éventuelle d'un chemin de réforme comportant des étapes intermédiaires susceptibles de se suffire à elle-même.
1. La réorganisation du tribunal d'instance
a) La suppression du tribunal de police
Le rapport établi par le groupe de travail présidé par le doyen Serge Guinchard proposait la suppression du tribunal de police et la reprise de ses missions, résiduelles en pratique, par le tribunal correctionnel au sein du TGI. Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs font leur cette proposition.
Recommandation n° 8 Supprimer le tribunal de police et attribuer ses compétences et, s'il y a lieu, ses moyens au tribunal correctionnel |
La conférence nationale des procureurs généraux considère que le tribunal de police est d'ores et déjà en voie d'extinction, du fait de la forfaitisation des contraventions (infractions au code de la route), de la correctionnalisation de certaines infractions, c'est-à-dire de la transformation de contraventions en délits (en matière de violences notamment) et du développement des ordonnances pénales. Les audiences du tribunal de police sont de plus en plus rares, ne concernant pour l'essentiel que les grands excès de vitesse et les petites violences.
Le transfert des compétences du tribunal de police au tribunal correctionnel doit s'accompagner, dans les cas où l'activité du tribunal de police le justifie, du transfert des moyens correspondants.
b) L'absorption complète du tribunal paritaire des baux ruraux
Les tribunaux paritaires des baux ruraux (TPBR) se réunissent sous la présidence d'un magistrat du tribunal d'instance, assisté d'assesseurs représentant les bailleurs et les preneurs. Or, en pratique, il est fréquent qu'ils se réunissent sans assesseurs, faute de vocations, de sorte que, de fait, ils fonctionnent comme un tribunal d'instance. Dès lors, leur absorption par les tribunaux d'instance n'aurait que peu d'inconvénients pratiques et constituerait une réelle simplification de l'organisation juridictionnelle.
Par ailleurs, la compétence des tribunaux d'instance en matière de rapports locatifs et de baux d'habitation plaide en faveur de l'intégration complète des tribunaux paritaires des baux ruraux en leur sein, d'autant que leur siège est déjà fixé au tribunal d'instance. Les compétences des TPBR supprimés seraient ainsi attribuées aux tribunaux d'instance.
Recommandation n° 9 Attribuer les compétences des tribunaux paritaires des baux ruraux aux tribunaux d'instance |
c) La confirmation de la suppression de la juridiction de proximité et le maintien des juges de proximité
Comme on l'a vu précédemment, la juridiction de proximité devrait être supprimée à compter du 1 er janvier 2015. Les juges de proximité seraient en revanche maintenus, mais reversés au tribunal de grande instance, pour y exercer principalement les fonctions d'assesseurs dans les formations collégiales civiles ou pénales, statuer sur les requêtes en injonction de payer, ou connaître des contraventions des quatre premières classes.
L'association nationale des juges de proximité (ANJP) a toutefois exprimé à vos rapporteurs l'attachement des juges de proximité au traitement du contentieux civil de proximité.
En revanche, selon l'Union syndicale des magistrats, sous réserve de la question des effectifs de magistrats, l'intégration de la juridiction de proximité au sein des tribunaux d'instance est une bonne chose, car la distinction entre les deux contentieux était un facteur objectif de complexité de l'organisation judiciaire.
Les syndicats de greffiers CGT et SGF ont exprimé leur hostilité aux juridictions de proximité mais également leur scepticisme à l'égard des juges de proximité, car ils solliciteraient davantage les greffiers en raison d'une compétence moindre que celles des magistrats professionnels.
Si vos rapporteurs ne jugent pas opportun de remettre en cause la suppression des juridictions de proximité, ils estiment nécessaire de maintenir les juges de proximité eux-mêmes. Au surplus, ils ajoutent que le projet de tribunal de première instance, qui intégrerait le contentieux de proximité, valide la suppression de la juridiction de proximité, tout en permettant aux juges de proximité de continuer à participer aux missions de la justice.
En effet, compte tenu de l'état actuel des effectifs de magistrats, ceux-ci sont aujourd'hui indispensables pour le bon fonctionnement des juridictions, palliant l'insuffisance du nombre de magistrats professionnels. Après des débuts quelque peu difficiles, les exigences de recrutement et de formation des juges de proximité présentent des garanties suffisantes de sérieux et de compétence professionnelle.
Cependant, la question de la pérennisation de leur recrutement n'a toujours pas été réglée : les premiers juges nommés parviennent actuellement à la fin de leur mandat unique de sept ans, et ne peuvent être renouvelés dans leur fonction. Dans le même temps, l'incertitude sur le sort de la juridiction de proximité et le manque de visibilité sur les tâches auxquelles ils seront employés au sein du TGI découragent les vocations.
Il semble urgent d'apporter des éclaircissements sur ces points. Ainsi, prévoir la possibilité de renouveler une fois le mandat de l'intéressé, ou étendre sa durée d'une ou deux années supplémentaires permettrait de tirer parti de l'expérience acquise par l'intéressé.
Recommandation n° 10 Sans revenir sur la suppression des juridictions de proximité, revoir le statut des juges de proximité afin d'assurer leur pérennisation dans les nouvelles fonctions qui leur ont été attribuées au siège du TGI |
2. La fusion des tribunaux sociaux
On ne recense pas moins de quatre juridictions particulières ayant une compétence en matière sociale : le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), le plus connu d'entre eux, le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), qui lui est apparenté, le tribunal des pensions militaires d'invalidité (TPMI) ainsi que la commission départementale d'aide sociale (CDAS), qui constitue, en dépit de son nom, une juridiction. Les deux premières relèvent de l'ordre judiciaire et les deux secondes de l'ordre administratif.
Conséquence du paritarisme de la sécurité sociale, les juridictions compétentes pour le contentieux de la sécurité sociale se caractérisent par leur composition échevinée. Ainsi, le TASS comme le TCI se composent d'un magistrat, parfois honoraire, d'un représentant des employeurs et d'un représentant des salariés. Dans ces conditions, une fusion du TASS et du TCI serait relativement aisée à conduire, avant une éventuelle intégration comme chambre spécialisée du TPI, avec une composition particulière.
Recommandation n° 11 Créer une juridiction de sécurité sociale unique échevinée par le regroupement des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et de leurs greffes |
Il semble à vos rapporteurs que la mise en place d'une juridiction sociale unifiée regroupant les compétences des TASS et des TCI doit se réaliser sans remise en cause des implantations existantes de ces juridictions, à carte judiciaire inchangée.
La question des greffes des TASS et des TCI, compétents en matière de contentieux de la sécurité sociale, a particulièrement retenu l'attention de vos rapporteurs. Ces greffes relèvent de la tutelle du ministère des affaires sociales et sont très majoritairement composés d'agents de droit privé dont la rémunération est prise en charge par la sécurité sociale 42 ( * ) , outre certains agents publics, alors même qu'ils ont un rôle important dans la rédaction des jugements et contribuent à l'accomplissement d'une mission régalienne.
Le statut actuel des greffes des TASS et des TCI constitue un frein à une future intégration au sein du guichet universel de greffe comme au sein d'un éventuel tribunal de première instance. Il faudrait préalablement reprendre au sein des greffes publics des TPI les missions particulières des greffes de ces tribunaux, avec des recrutements de personnels, de sorte qu'une première étape consisterait à fusionner TASS et TCI avec leurs greffes actuels. Compte tenu de la particularité de leurs missions et de leurs compétences, les personnels de ces greffes pourraient être transférés au ministère de la justice et intégrés au sein du greffe du TGI ou d'un éventuel TPI, mais la question de leur connaissance des procédures juridictionnelles de droit commun se poserait inévitablement.
En dehors même du projet de TPI, la situation de ces greffes est une singularité à laquelle il convient de remédier. En tout état de cause, il serait cohérent que les greffes des tribunaux de sécurité sociale, à terme, rejoignent le guichet universel de greffe, à la condition que leur situation statutaire soit revue.
Recommandation n° 12 Réfléchir à l'évolution de la situation statutaire des greffes des TASS et des TCI dans la perspective du guichet universel de greffe |
Le fonctionnement des tribunaux sociaux ne pourrait que bénéficier d'une intégration au sein d'un guichet universel de greffe voire d'un TPI.
Outre le TASS et le TCI, il existe dans le domaine social deux autres juridictions particulières : la commission départementale d'aide sociale (CDAS) et le tribunal des pensions militaires d'invalidité (TPMI).
Relevant de l'ordre administratif mais présidée par un magistrat judiciaire, la CDAS est compétente en matière de prestations d'aide sociale, c'est-à-dire financées par les départements, y compris lorsqu'elles sont en pratique versées par les caisses d'allocations familiales, à la différence du TASS et du TCI compétents en matière de sécurité sociale exclusivement. Cette distinction est peu compréhensible pour le justiciable.
Selon le ministère des affaires sociales, depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, les CDAS ne fonctionnent plus de manière satisfaisante. Le Conseil a en effet déclaré leur composition contraire à la Constitution, pour défaut de garanties d'indépendance et d'impartialité, car elle comprenait, outre son président, trois fonctionnaires de l'État et trois conseillers généraux. À ce jour, les CDAS ne fonctionnent qu'avec le magistrat qui assure leur présidence.
Sous réserve d'évaluer l'opportunité de rattacher ce contentieux de l'aide sociale à l'ordre judiciaire, dans un souci de bonne administration de la justice en matière sociale et de lisibilité pour le justiciable, la compétence des CDAS pourrait être intégrée dans la juridiction sociale échevinée issue de la fusion du TASS et du TCI, ce qui offrirait au demeurant les garanties d'indépendance et d'impartialité qui lui manquaient.
Vos rapporteurs relèvent toutefois que la composition échevinée des TASS et des TCI résulte du caractère paritaire de la sécurité sociale, qui n'existe pas par définition en matière d'aide sociale, puisqu'il s'agit d'un contentieux entre une personne publique et une personne privée, qui est de nature parfaitement administrative.
Quel que soit l'avenir des CDAS, il est en tout cas urgent de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, de façon à ce qu'elles retrouvent un fonctionnement collégial normal. L'attribution des missions des CDAS à une juridiction sociale unifiée aurait l'avantage de la simplicité.
L'autre solution, encore plus simple et cohérente en termes de répartition des contentieux, consisterait à transférer ce contentieux au tribunal administratif, compte tenu de son caractère administratif.
Vos rapporteurs soulignent en effet qu'en matière sociale d'autres contentieux peuvent également relever du tribunal administratif (prestations d'aide sociale communale, revenu de solidarité active...) ainsi que du tribunal des pensions militaires d'invalidité 43 ( * ) . Leur attribution à une grande juridiction sociale unique échevinée peut aussi être envisagée, dans un souci d'accessibilité de la justice : il s'agit en effet d'un contentieux qui concerne par nature des personnes socialement et financièrement vulnérables, pour lesquelles l'enjeu de simplicité et d'accessibilité de la justice est primordial. Pour autant, une telle réforme ambitieuse mériterait une étude particulière plus approfondie, compte tenu des enjeux en termes de répartition du contentieux entre les deux ordres de juridiction, à l'occasion par exemple de travaux d'information sur les juridictions sociales - sujet qui relèverait aussi de la compétence de la commission des affaires sociales.
3. Le maintien des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce, sans préjudice d'une réflexion ultérieure
Dans le principe, on peut aisément imaginer in abstracto l'intégration au sein d'un éventuel tribunal de première instance des conseils de prud'hommes comme des tribunaux de commerce, sous forme de chambres spécialisées qui conserveraient leur composition élue propre, le cas échéant échevinée. D'ailleurs, dès 1999, la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel avait pris position en faveur de l'intégration des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce au sein d'une juridiction unique de première instance.
Toutefois, sans rappeler les réticences, évoquées plus haut, qu'une telle hypothèse suscite chez les membres de ces deux juridictions mais aussi chez d'autres acteurs du monde judiciaire, ni invoquer le principe de réalité politique, vos rapporteurs font part de leur scepticisme à l'égard de cette hypothèse, dont l'intérêt pour le justiciable n'apparaît pas clairement et dont les modalités pratiques pourraient être complexes et coûteuses.
Les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce sont des juridictions très spécifiques, dotées d'une identité forte et reconnue par les justiciables auxquels ils s'adressent, de sorte qu'ils n'ont pas vocation, selon vos rapporteurs, à rejoindre un éventuel TPI, tout au moins dans une première étape. Ces juridictions n'ont aucun problème d'accessibilité.
L'idée d'une juridiction unique de première instance englobant aussi le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce paraît illusoire à court et moyen terme pour la majorité des personnes entendues par vos rapporteurs. À cet égard, M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, pour qui le TPI est une « nécessité absolue dans le contexte judiciaire actuel » pour simplifier et rationaliser l'organisation juridictionnelle, considère qu'il convient de laisser de côté le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce au profit du regroupement du TGI et des tribunaux d'instance, pour ne pas risquer de compromettre la réforme éventuelle du TPI.
Ceci étant, dans leur perspective gradualiste de la réforme de la justice de première instance, vos rapporteurs n'écartent pas par principe, à plus long terme, une réflexion sur la participation éventuelle des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce à un TPI déjà bien installé dans l'organisation judiciaire, selon des modalités à déterminer et à condition de préserver leur proximité avec leurs justiciables.
Recommandation n° 13 Maintenir à ce stade l'autonomie juridictionnelle des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce, sans les exclure d'une réflexion ultérieure |
Comme cela a déjà été indiqué plus haut, le maintien du conseil de prud'hommes en tant que juridiction autonome n'interdit pas, en pratique, la mutualisation de son greffe avec les greffes du tribunal d'instance et du TGI, au sein d'un TPI regroupant le TGI et le tribunal d'instance ou uniquement d'un guichet universel de greffe. Si la juridiction ne souffre pas d'un manque de visibilité, son greffe peut participer à la logique d'accessibilité de la justice par la mutualisation des greffes.
Des pistes d'évolution sont aussi envisageables pour les tribunaux de commerce, indépendamment de la réflexion sur le GUG ou le TPI.
Concernant le sujet épineux de l'échevinage en matière commerciale - l'intégration du tribunal de commerce au sein du TPI pourrait être, selon certaines personnes, l'occasion d'en faire une chambre échevinée, de même que pour les conseils de prud'hommes -, vos rapporteurs expriment leur intérêt pour expérimenter la participation de juges consulaires issus des tribunaux de commerce au sein des chambres commerciales de certaines cours d'appel 44 ( * ) . En effet, ceci permettrait de faire siéger ensemble juges professionnels et juges élus et de contribuer à apaiser le débat sur la présence de juges professionnels au sein des tribunaux de commerce. Entendu par vos rapporteurs, M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, a d'ailleurs formulé cette idée, de nature à améliorer la connaissance mutuelle entre juges consulaires et magistrats professionnels et à rapprocher éventuellement les cultures juridictionnelles.
Recommandation n° 14 Expérimenter la participation de juges consulaires dans les chambres commerciales des cours d'appel |
Au surplus, la situation actuelle des finances publiques ne permet pas d'envisager la création d'un nombre suffisant de magistrats de carrière pour siéger au sein de tribunaux de commerce échevinés. La présence de magistrats professionnels pourrait également passer par une participation renforcée du parquet dans les procédures traitées au sein de ces tribunaux, notamment grâce à des effectifs supplémentaires dédiés à ces missions.
Par ailleurs, selon que l'on est artisan, agriculteur, professionnel libéral ou commerçant, la même affaire pourra relever du TGI ou du tribunal de commerce, par exemple dans le cas d'une procédure collective. Sur ce point, la conférence nationale des présidents de TGI a suggéré d'étendre la compétence du tribunal de commerce à l'ensemble des entreprises, quel que soit leur statut. Les tribunaux de commerce deviendraient en quelque sorte des « tribunaux économiques » complets, ce qui supposerait d'en revoir les modalités d'élection pour élargir leur corps électoral. De fait, la conférence considèrerait implicitement que les TGI ne sont pas les mieux à même de traiter de ces questions de vie économique des entreprises.
Recommandation n °15 Étudier l'extension des compétences des tribunaux de commerce pour en faire des tribunaux économiques aux compétences élargies à l'ensemble des entreprises |
À cet égard, M. Marc Sénéchal, président du conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, tire de son expérience des TGI que les magistrats professionnels, à ce jour, manquent souvent de spécialisation en matière commerciale, contentieux peu valorisé.
En outre, à l'inverse des conseils de prud'hommes, la particularité des greffiers des tribunaux de commerce, officiers publics et ministériels, professionnels libéraux 45 ( * ) , empêche en l'état d'envisager leur intégration au sein d'un guichet universel de greffe et constitue un obstacle manifeste à l'intégration des tribunaux de commerce au sein d'un éventuel TPI.
S'il fallait à terme intégrer les tribunaux de commerce au sein d'un TPI, il conviendrait de s'interroger sur le maintien d'un greffe privé pour les affaires commerciales, qui se trouverait être distinct du greffe du TPI. Ceci supposerait d'envisager la fonctionnarisation des greffes des tribunaux de commerce, c'est-à-dire le recrutement de greffiers fonctionnaires au sein du greffe unique du TPI et l'indemnisation des actuels greffiers titulaires de charge. Se poserait en outre la question de la reprise des missions des greffiers ne relevant pas stricto sensu des missions de greffe du tribunal, c'est-à-dire la participation à la prévention des difficultés des entreprises, la tenue de registres légaux et la diffusion d'informations sur les entreprises, autant de tâches étrangères aux missions actuelles des greffiers publics. Un tel processus serait coûteux. Du point de vue du justiciable professionnel, la dissociation entre greffe de la juridiction commerciale et tenue des registres, en particulier le registre du commerce et des sociétés, constituerait une perte d'efficacité.
C. LES CONTOURS D'UN ÉVENTUEL TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
Au-delà de la réorganisation des juridictions actuelles de première instance et de la mise en place d'un guichet universel de greffe mutualisé entre elles, si une forme de tribunal de première instance devait être mise en place, vos rapporteurs envisagent de limiter, dans un premier temps, son périmètre aux actuels TGI et tribunaux d'instance.
1. Quelles juridictions regrouper au sein du TPI ?
Les partisans unanimes du TPI défendent la fusion du TGI et des tribunaux d'instance de son ressort, avant d'envisager une extension plus incertaine à d'autres juridictions, susceptibles d'être transformées en chambres échevinées ou élues du TPI. La priorité consisterait donc à mutualiser les effectifs des magistrats et surtout des greffiers du TGI et des tribunaux d'instance, afin de retrouver de la souplesse de gestion dans un contexte de pénurie des moyens.
Le regroupement du TGI et des tribunaux d'instance de son ressort pour constituer le TPI s'entend en prenant en compte les réorganisations déjà proposées par vos rapporteurs pour le tribunal d'instance.
Recommandation n° 16 Constituer dans un premier temps le tribunal de première instance uniquement par la fusion du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance de son ressort |
Vos rapporteurs écartent l'idée d'intégrer, dans un premier temps, la juridiction de sécurité sociale unique échevinée qu'ils proposent de créer par regroupement du tribunal des affaires de sécurité sociale et du tribunal du contentieux de l'incapacité. Au surplus, le caractère écheviné des tribunaux sociaux, même après leur fusion, ne plaide pas nécessairement pour leur intégration rapide au sein d'un éventuel TPI.
Enfin, comme ils l'ont déjà indiqué plus haut, vos rapporteurs considèrent que les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce, en raison des particularités de leur composition et de leur accessibilité, n'ont pas vocation à rejoindre un éventuel TPI à ce stade, sans préjudice d'une réflexion ultérieure.
2. Faut-il un TPI départemental ?
Comme de nombreux acteurs judiciaires entendus en audition, vos rapporteurs écartent le principe d'un TPI par département, qui conduirait à créer des juridictions très lourdes à gérer et éventuellement à supprimer de nouvelles implantations judiciaires.
Au regard de la taille actuelle des TGI dans certains départements qui en comptent aujourd'hui plusieurs (Nord, Bouches-du-Rhône, Var...) et de la masse des affaires qu'ils ont à traiter, il n'y a pas de justification à les regrouper dans une nouvelle juridiction unique de taille plus importante. En effet, selon l'expérience quasi unanime des personnes rencontrées, les juridictions les plus grosses ne sont pas toujours celles qui fonctionnent le mieux. Ainsi, les syndicats de personnels judiciaires CGT et SGF comme le Syndicat de la magistrature et FO-Magistrats considèrent que les tribunaux trop gros fonctionnent mal - comme les tribunaux trop petits d'ailleurs -, ce qui conduit à devoir privilégier les tribunaux de taille moyenne, ce qui plaide contre l'idée de TPI départemental unique. L'Union syndicale des magistrats a insisté plus précisément sur la notion de taille efficiente d'un tribunal, qui ne peut être qu'une taille moyenne. Les difficultés de gestion sont récurrentes dans les petits TGI, même si les délais de jugement comme l'accueil du public sont généralement meilleurs, tandis qu'à l'inverse la gestion est déficiente et déshumanisante dans les gros TGI.
A cet égard, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, a détaillé devant vos rapporteurs le contenu de la réforme de l'organisation judiciaire entrée en vigueur aux Pays-Bas en 2013 : outre une réduction du nombre de tribunaux, il s'est agi de constituer des tribunaux de taille moyenne, afin de s'assurer qu'ils puissent rendre le meilleur service, avec la même qualité sur tout le territoire.
En outre, alors que la réforme de la carte judiciaire demeure un fort sujet de mécontentement, en particulier chez les personnels judiciaires, il paraît inopportun de regrouper plusieurs TGI pour constituer des TPI départementaux, compte tenu des éventuelles conséquences en termes de changements d'affectation des personnels.
Dans ces conditions, vos rapporteurs estiment que les ressorts des TPI devraient, sauf exception spécialement justifiée par des circonstances locales, correspondre à ceux des actuels TGI. En pratique, ceci reviendrait le plus souvent à un TPI dans les départements les moins peuplés, jusqu'à deux ou trois TPI dans les plus gros départements.
Recommandation n° 17 Créer le tribunal de première instance au siège actuel de chaque TGI, sans imposer par principe un seul tribunal de première instance par département, et créer un réseau de chambres détachées correspondant aux implantations actuelles des tribunaux d'instance |
En outre, une majorité de personnes entendues ont indiqué qu'il serait mal perçu d'engager une nouvelle réforme s'apparentant à la refonte de la carte judiciaire, de sorte que, si le TPI devait être mis en place, cette réforme devrait être conduite à carte judiciaire au moins constante .
3. Quelle répartition des contentieux et quelle organisation au sein du TPI ?
Une fois les juridictions regroupées au sein d'un même TPI, la question se pose de son organisation et de la répartition des contentieux entre ses différentes formations.
Le tribunal de première instance serait constitué de son siège et de chambres détachées, correspondant aux implantations judiciaires des anciens tribunaux d'instance. En effet, comme il a été dit précédemment, la réforme de la justice de première instance ne doit pas être une nouvelle réforme de la carte judiciaire : il est donc nécessaire de conserver la présence judiciaire apportée par le réseau des tribunaux d'instance.
À son siège, le TPI serait organisé, comme aujourd'hui, suivant plusieurs chambres spécialisées, éventuellement regroupées en pôles, dont le nombre et le périmètre de compétence seraient fixés par décision de son président. Plusieurs configurations ont été évoquées au cours des auditions (pôle civil général, pôle familial, pôle social, pôle pénal et pôle de la proximité...) : il ne faut toutefois pas lier l'appréciation du chef de juridiction sur ce point 46 ( * ) .
Comme on l'a vu précédemment, les représentants des juges d'instance se sont inquiétés de ce que leur affectation au sein de la chambre détachée puisse relever de la seule décision du président de la juridiction, faute d'être nommé spécifiquement à cette place. Vos rapporteurs observent que le droit en vigueur établit déjà un équilibre entre le respect de la spécialisation de l'instance et une certaine souplesse de fonctionnement, puisque le juge d'instance est en réalité nommé au siège du TGI pour occuper cette fonction, ce qui permet au chef de juridiction de l'affecter, en complément, si nécessaire à un autre service juridictionnel de ce TGI. Vos rapporteurs considèrent qu'il est raisonnable de penser qu'un équilibre équivalent pourrait être trouvé dans la configuration du TPI, que l'affectation au contentieux de la chambre détachée fasse l'objet d'une mention dans le décret de nomination ou qu'une autre garantie soit apportée au magistrat, par exemple un avis formulé par l'assemblée générale des magistrats du siège de la juridiction.
L'identification d'un bloc de compétence lié au contentieux de la proximité et du quotidien, et attribué aux implantations déconcentrées, 47 ( * ) fait consensus. Il conserverait le bloc de compétence actuellement dévolu au tribunal d'instance et à la juridiction de proximité, récemment enrichi conformément aux recommandations du rapport de la commission présidée par Serge Guinchard :
- le contentieux civil général d'un montant inférieur à 10 000 euros ;
- le crédit à la consommation ;
- le contentieux de l'impayé (injonction de payer, saisie des rémunérations, paiement direct des pensions alimentaires) et du surendettement 48 ( * ) ;
- les baux d'habitation ;
- les tutelles des majeurs ;
- les litiges ruraux ou ceux de voisinage ;
- le contentieux électoral judiciaire ;
- certains contentieux ponctuels, comme les contestations relatives à l'organisation des funérailles.
S'ajouterait à ce contentieux celui reçu des tribunaux paritaires des baux ruraux, qui enrichirait la compétence relative aux litiges ruraux.
Cette solution permettrait de conserver, pour ce contentieux, l'homogénéité qui caractérise actuellement la procédure devant le tribunal d'instance : absence de représentation obligatoire par avocat, tentative de conciliation, oralité plus marquée.
La délimitation de ce contentieux de proximité, qui constituerait une garantie pour le justiciable, pour la proximité d'accès à la justice , ne pourrait être laissé à la seule décision des chefs de juridiction et relèverait de la loi ou du règlement .
L'implantation déconcentrée pourrait accueillir les délégués du procureur et héberger ainsi, comme actuellement les tribunaux d'instance, une partie des alternatives pénales aux poursuites. En revanche, le contentieux du tribunal de police ayant été reversé au tribunal correctionnel, l'activité juridictionnelle se limiterait à une activité civile.
Comme on l'a vu précédemment, la question la plus débattue au cours des auditions au sujet du contentieux de la proximité a été le transfert ou nom d'une partie du contentieux familial de la juridiction siège aux juridictions déconcentrées.
Si l'implantation judiciaire de proximité doit permettre au justiciable de disposer d'un juge pour les litiges du quotidien, il est évident que la matière familiale devrait faire partie de son champ de compétence.
En outre, en dehors du divorce, qui relève d'une procédure avec représentation obligatoire, le contentieux familial ne nécessite pas la présence d'un avocat, ce qui rend plus facile de l'assimiler au contentieux de proximité actuellement traité au sein des tribunaux d'instance.
Toutefois, bien qu'ils en comprennent l'inspiration, vos rapporteurs ne jugent pas cette proposition réaliste.
En effet, le contentieux familial représentent plus de la moitié du contentieux civil porté devant les TGI . Ce que l'on nomme parfois le contentieux familial hors divorce , et qui recouvre celui de l'après divorce (révision de la prestation compensatoire ou de la pension alimentaire, du droit de visite, etc .), celui de l'autorité parentale et celui des obligations alimentaires, représente lui-même la moitié (51 %) de tout le contentieux familial . Ceci correspond à un peu plus du quart (27 %) de l'ensemble du contentieux civil (194 656 affaires nouvelles enregistrées en 2010, pour 702 291 affaires civiles au total).
Décider de traiter ce contentieux dans les implantations judiciaires de proximité du TPI installées au siège des actuels tribunaux d'instance, imposerait, par conséquent, de réaffecter près du quart des emplois de magistrats aujourd'hui dédiés au traitement du contentieux civil du TGI.
Ceci irait à rebours de la logique de spécialisation qui a justifié la concentration du contentieux familial au sein du TGI 49 ( * ) , afin de permettre la création d'un pôle familial identifié. En outre, se poserait inévitablement la question de l'encombrement de tribunaux déjà surchargés, par importation d'un contentieux massif.
Faut-il pour autant renoncer absolument à rapprocher la justice aux affaires familiales 50 ( * ) du justiciable ?
Vos rapporteurs considèrent que d'autres voies méritent d'être explorées.
Les audiences foraines en sont une. L'expérience montre d'ailleurs qu'elles sont principalement organisées en matière familiale. Elles évitent de dissoudre l'unité du pôle familial, puisque le juge ne se déplace que certains jours et siège sinon au tribunal de grande instance. Elles permettent aux justiciables de rencontrer leur juge au plus près de leur domicile.
La création de chambres détachées au périmètre renforcé pourrait être une seconde solution . C'est d'ailleurs celle qu'a préconisée la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire, présidée par Serge Daël, pour remédier à l'éloignement de la justice consécutif à la suppression d'un TGI.
Toutefois, il serait possible au chef de juridiction de doter certaines chambres détachées d'attribution renforcées : au contentieux de proximité, défini par la loi ou le règlement, s'ajouterait, ainsi, par exemple, le contentieux familial hors divorce. Le choix de ces chambres détachées au champ de compétence élargi se ferait en considération de la faible présence judiciaire dans un territoire ou de l'éloignement par rapport au siège du TPI 51 ( * ) . Une offre de justice plus importante serait apportée aux justiciables concernés afin de remédier, au moins en partie, à cet éloignement.
La souplesse de gestion qu'autorise le TPI est un atout, dont les justiciables doivent profiter.
Recommandations n° s 18, 19 et 20 Confier aux chambres détachées du TPI la charge d'un contentieux de proximité défini par la loi ou le règlement, correspondant à celui actuellement traité au sein des tribunaux d'instance Prévoir que la compétence de ces chambres détachées puisse être élargie, pour certaines d'entre elles, à des contentieux traités au siège du TPI, notamment le contentieux familial hors divorce, lorsque l'éloignement de la population concernée à la ville siège du TPI est trop important Recourir, lorsque c'est opportun, aux audiences foraines pour augmenter l'offre de justice apportée au sein des implantations judiciaires déconcentrées du TPI |
Examinant la question sous l'angle de l'accessibilité de la justice, vos rapporteurs ne se sont pas prononcés sur les évolutions éventuelles de procédures que pourrait justifier cette répartition des contentieux, laissant ces questions à une réflexion ultérieure qui leur serait plus particulièrement dédiée.
CONCLUSION GÉNÉRALE
De leurs travaux, vos rapporteurs retiennent deux enseignements.
La complexité et le manque de lisibilité de l'organisation judiciaire française sont certains. Il faut au justiciable être particulièrement instruit des subtilités du droit, ou efficacement guidé, pour s'adresser à coup sûr à la juridiction compétente pour son affaire. Cette complexité est donc bien un obstacle pour l'accès au juge. L'obstacle, cependant, peut être levé en simplifiant l'organisation judiciaire, ou, plus simplement, en apportant à l'intéressé le conseil qui lui manque.
Le second enseignement que livrent ces travaux, est que la justice dispose, en France -même s'il a été amoindri par la réforme de la carte judiciaire- d'un remarquable réseau d'implantations judiciaires, dont il est dommage qu'il ne soit pas davantage mis à profit.
Chaque tribunal, avec son greffe, chaque palais de justice, devrait pouvoir être, pour le justiciable, un point d'entrée pour toute la justice judiciaire, indépendamment de la compétence particulière de la juridiction en cause.
Il y a là un véritable gisement de proximité et d'accessibilité de la justice, qu'il appartient à la prochaine réforme des juridictions de première instance de mettre à jour.
Le projet d'un tribunal de première instance oeuvre dans ce sens.
Toutefois, vos rapporteurs ont entendu les réserves légitimes qu'il susciterait s'il n'était conçu que dans une perspective gestionnaire ou si, souhaitant embrasser trop de juridictions, il forçait à la fusion de juridictions trop différentes dans leur compétence, leur organisation et leur composition.
Ils sont aussi conscients qu'après la vague des réformes successives qu'ils ont connues, et, particulièrement, celle de la carte judiciaire, les magistrats et les personnels judiciaires ont besoin d'une pause.
Surtout, vos rapporteurs estiment que la réforme de la justice de première instance doit être avant tout conçue pour les justiciables et faire primer l'impératif d'accessibilité.
Pour toutes ces raisons, ils ont considéré que le tribunal de première instance, fusionnant la plupart des juridictions, ne pouvait être qu'une perspective de long terme, à laquelle il faudrait aboutir par étapes.
À cet égard, la première pierre de l'édifice serait d'enfin mettre en place le guichet universel de greffe, qui permettrait à chaque justiciable de saisir la justice, et d'être informé sur les progrès de la procédure, au tribunal le plus proche de son domicile.
Cette réalisation s'accompagnerait de la mutualisation des personnels de greffe, qui faciliterait la gestion des juridictions. Le succès de cette entreprise suppose toutefois que des garanties suffisantes soient données aux personnels et que le projet d'application informatique unique en matière civile, Portalis, aboutisse enfin.
Parallèlement, les audiences foraines devraient être encouragées pour pallier l'absence de juridiction sur certains territoires et donner plus de souplesse à l'avenir. Afin de permettre au juge de se concentrer sur les tâches qui exigent son concours, vos rapporteurs recommandent de confier aux greffiers en chef des attributions juridictionnelles et de poursuivre la réforme des contentieux, pour réserver l'intervention des magistrats au moment où elle est vraiment nécessaire.
Ce n'est que dans un second temps que la fusion des juridictions de première instance en un TPI serait envisageable. Celle-ci permettrait, par la définition d'un nouveau contentieux de la proximité, plus proche des besoins quotidiens des citoyens, de rapprocher la justice des justiciables.
Ce TPI résulterait de la fusion du TGI, avec les juridictions qui y sont attachées, et du tribunal d'instance, également avec les juridictions qui y sont rattachées. Les conseils des prud'hommes et les tribunaux de commerce resteraient en dehors, afin de conserver leurs spécificités. Les juridictions sociales en seraient pour la même raison exclues, mais il semble à vos rapporteurs, qu'en revanche, elles pourraient fusionner entre elles.
Ainsi conçu, progressant par étapes, le projet du tribunal de première instance traduirait l'achèvement d'une véritable et complète réforme de la justice de première instance.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Le rapport que nous vous présentons s'inscrit dans le prolongement de celui du groupe de travail que notre commission avait constitué sur la réforme de la carte judiciaire. Ce dernier avait souligné l'ampleur de la réforme : suppression du tiers des juridictions, réduction du nombre de tribunaux d'instance de 37 %, 23 % pour les CPH, 30 % pour les tribunaux de commerce et 12 % pour les TGI, qui furent relativement épargnés.
J'étais moi-même membre de ce groupe de travail et nous vous en avions présenté les conclusions avec Nicole Borvo Cohen-Seat, le 11 juillet 2012. Il avait fourni la base du débat en séance publique que le Sénat avait tenu sur le sujet le 1 er octobre de la même année.
Notre rapport soulignait que la réforme, longtemps repoussée, avait été conduite à l'envers car elle avait précédé celle des contentieux et de l'organisation judiciaire dont elle aurait dû découler. Elle avait contribué à éloigner la justice du justiciable. Nous recommandions une pause et plutôt qu'une nouvelle réforme des implantations judiciaires, une réforme de l'organisation judiciaire. Nous évoquions deux pistes : le guichet unique de greffe et le tribunal de première instance.
La mission d'information que nous rapportons avec Virginie Klès vise à poursuivre la réflexion sur ces points. Comment améliorer l'accessibilité de la justice aujourd'hui éclatée dans une multitude de juridictions : tribunal d'instance, tribunal de grande instance, conseil de prud'hommes, tribunal de commerce, tribunal paritaire des baux ruraux, etc.
La ministre de la justice a, de son côté, constitué deux groupes de travail sur le juge et la juridiction du XXI ème siècle dont elle a respectivement confié la présidence à MM. Pierre Delmas-Goyon et Didier Marshall qui rendront prochainement leurs conclusions.
Déjà, avant la réforme de la carte judiciaire, en 1997, le rapport de M. Francis Casorla avait examiné ces questions comme, en 2008, le rapport de la commission présidée par Serge Guinchard.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - La complexité de l'organisation de la justice de première instance n'est plus à démontrer. Nous avons besoin de redonner de la lisibilité pour le justiciable, sans bouleverser un monde judiciaire déjà sérieusement ébranlé par la réforme de la carte judiciaire. Il ne faut pas remettre en cause les implantations géographiques actuelles.
Par exemple, il est compliqué pour un justiciable de savoir à quel tribunal s'adresser en matière de tutelle, car selon l'âge de la personne, c'est le tribunal d'instance ou le TGI qui est compétent. Pourquoi y a-t-il représentation obligatoire par un avocat dans certains cas et pas dans d'autres ? De même, la procédure est dans certains cas orale et dans d'autres écrite. Ces différences ne recoupent pas complètement la répartition des compétences entre TGI et tribunal d'instance. On le voit, la situation est incompréhensible et illisible pour le justiciable.
Dans un premier temps, nous avons voulu réfléchir en vue de faciliter l'entrée du justiciable dans la justice de première instance, même si la complexité demeure en arrière-plan dans le traitement juridictionnel de son affaire. En conséquence, nous proposons de commencer par la mise en place du guichet universel de greffe, car c'est par le greffe que le justiciable entre dans le système judiciaire. Le guichet universel de greffe est donc prioritaire, de sorte que le TPI ne pourrait être qu'une étape ultérieure.
On parle de guichet « universel » et non de guichet « unique » de greffe, pour signifier qu'un justiciable peut réaliser au greffe le plus près de son domicile toutes les démarches et les requêtes et y suivre ses affaires en proximité, tandis que le lieu de l'audience et du jugement peut être plus éloigné. Comme on a besoin moins souvent de se rendre à une audience, on peut envisager d'avoir à se déplacer plus loin.
Même le guichet universel de greffe rencontre des obstacles et des difficultés, en partie de la part des magistrats et des greffiers. Les inquiétudes exprimées par les greffiers sont d'ailleurs plus importantes que celles des magistrats. Le fonctionnement d'un guichet universel de greffe exige un effort de formation supplémentaire pour les greffiers, des compétences plus diversifiées et une plus grande polyvalence, ce qui suppose une indemnisation supplémentaire... Les greffiers ont besoin de garanties statutaires en termes d'affectation géographique, sans quoi une forte opposition à la réforme s'exprimerait.
La réforme de la justice de première instance doit également prendre en compte la situation des moyens financiers de l'État. La mutualisation des effectifs, en particulier des effectifs de personnels judiciaires au sein d'un guichet universel de greffe, permettrait une plus grande souplesse dans la gestion des moyens humains. C'est une préoccupation importante affirmée par les chefs de juridiction.
Il y a également d'importants moyens informatiques à mettre en place pour faire fonctionner le guichet universel de greffe. Il est indispensable d'accélérer le développement du projet informatique Portalis pour permettre l'interconnexion au sein du guichet universel de greffe de tous les sites judiciaires d'un même ressort de TGI.
Le guichet universel de greffe est donc la première étape.
Ensuite, on peut envisager à plus long terme la création du tribunal de première instance, mais de nombreuses questions resteraient à régler dans cette perspective, par exemple la répartition du contentieux des affaires familiales. En matière de compétence contentieuse des différents sites du tribunal de première instance, qu'est-ce qui devrait être fixé par la loi et qu'est-ce qui devrait être fixé par décision du chef de juridiction ? Il faudrait avoir un socle minimal dans la loi.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - La création du guichet universel de greffe est la première pierre de l'édifice. Ainsi, le justiciable pourrait engager une procédure ou s'informer sur ses progrès au greffe du tribunal le plus proche, même si elle concerne une autre juridiction située dans le ressort du tribunal de grande instance, ce qui lui évitera d'avoir à se déplacer jusqu'au moment de l'instance.
J'insiste sur la distinction, dont a fait état Virginie Klès, entre le guichet « unique » et le guichet « universel » de greffe. Nous avons vu le premier fonctionner au TGI de Bobigny : il y a bien un guichet unique mais sa compétence se limite au seul tribunal où il est implanté. Le guichet universel de greffe vaut, lui, pour tous les tribunaux du ressort. Nous recommandons en outre de mutualiser les effectifs des greffes des tribunaux d'instance, du conseil de prud'hommes et des TGI.
J'ajoute qu'il est effectivement indispensable de conduire à son terme le développement de l'application Portalis afin que tous les greffes puissent accéder à la même base d'information. Une fois cet outil mis en place, il sera, de plus, possible de recourir plus fréquemment aux audiences foraines dont le développement est malheureusement freiné à cause de l'absence d'applications informatiques communes.
Nous proposons la suppression du tribunal de police dont les compétences seraient reversées au tribunal correctionnel. La forfaitisation des amendes a en effet fortement diminué l'intérêt de cette juridiction.
Nous recommandons aussi l'intégration du tribunal paritaire des baux ruraux au tribunal d'instance. Les juridictions sociales, tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), devraient être fusionnées en une juridiction unique échevinée. Il faudra réfléchir à l'évolution statutaire de leurs personnels de greffe.
En revanche, nous considérons qu'à ce stade, l'autonomie juridictionnelle des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes doit être préservée.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Concernant les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes, il ne faut pas bousculer les choses, mais la réflexion doit être immédiate sur les greffes des conseils de prud'hommes, composés de fonctionnaires qui peuvent rejoindre le guichet universel de greffe.
Nous proposons d'expérimenter le travail en commun de juges consulaires et de magistrats professionnels concernant les affaires commerciales. Rejoindre le tribunal de première instance ne pourrait être qu'une perspective de plus long terme pour les tribunaux de commerce.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nous recommandons de faire participer des juges consulaires aux formations commerciales des cours d'appel, et pas l'inverse à ce stade. Vous connaissez l'hostilité des juges consulaires à l'échevinage. En revanche, l'expérimentation peut être rapidement conduite dans les cours d'appel.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Concernant l'organisation du tribunal de première instance s'il devait être mis en place, dans un premier temps -qui ne sera pas dans l'immédiat-, le tribunal de première instance regrouperait le tribunal d'instance ainsi que nous proposons de le réorganiser et le TGI. Pour nous, si le tribunal de première instance doit être mis en place, cela devrait être à carte judiciaire inchangée, c'est-à-dire que le siège actuel de chaque TGI accueillerait le siège du tribunal de première instance et le siège actuel de chaque tribunal d'instance accueillerait des chambres détachées du tribunal de première instance.
Le contentieux de proximité obligatoirement attribué aux chambres détachées du tribunal de première instance serait fixé par la loi, tandis que des compétences facultatives supplémentaires, en fonction des circonstances locales pourraient leur être attribuées par le président du tribunal. En tant que de besoin, des audiences foraines pourraient être organisées, dès lors que le système informatique serait au niveau pour permettre l'interconnexion entre le siège du tribunal de première instance et les chambres détachées.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nos propositions ont été conçues à effectif constant. La réforme ne peut être un alibi pour procéder à une réduction du nombre de magistrats ou de greffiers, alors même que d'importantes vagues de départs à la retraite sont à venir et que les recrutements sont encore insuffisants.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Je précise que nous n'avons pas souhaité entrer dans le détail de la répartition du contentieux familial. Notre commission a en effet confié à Michel Mercier et Catherine Tasca la tâche de réfléchir à la justice aux affaires familiales.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je tiens à remercier chaleureusement nos rapporteurs. Votre rapport trace d'intéressantes perspectives pour le moyen et le long terme.
Mme Catherine Tasca . - Je salue le travail de nos rapporteurs. En apparence modeste, il me paraît particulièrement utile dans le contexte que traverse actuellement notre institution judiciaire. La priorité donnée au rapprochement physique de la justice et des justiciables me paraît essentielle, alors que nous prenons chaque jour la mesure des dégâts causés par la réforme de la carte judiciaire, qui a éloigné la justice des citoyens... Le travail que la commission des lois m'a confié, ainsi qu'à Michel Mercier, sur la justice familiale est encore en cours, et il viendra compléter votre réflexion. J'espère que nous pourrons vous présenter nos conclusions d'ici la fin de l'année.
Je souhaiterais vous poser une question : dans quel état d'esprit avez-vous trouvé les personnels des greffes lors de vos visites en juridictions ? Dans l'avis budgétaire que je suis amenée à faire chaque année sur les crédits alloués à la justice judiciaire, j'ai été amenée l'année dernière à souligner la grande déception de ces personnels, dont les difficultés ne sont pas entendues. Je crains que le projet de loi de finances pour 2014 ne leur apporte guère plus de satisfaction... Or je constate avec beaucoup d'intérêt que vous faites des greffes les pivots de votre réflexion : pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
M. Patrice Gélard . - À mon tour d'adresser mes félicitations à nos rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ce dernier n'a rien de révolutionnaire : j'observe que vous n'allez pas jusqu'à proposer la suppression du plein contentieux en matière administrative par exemple...
Je regrette pour ma part la disparition des juges de proximité. Nous avions beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment avec notre ancien collègue Pierre Fauchon. C'était une bonne idée, mais les magistrats professionnels n'en ont pas voulu. C'est dommage. Je relève que vous ne les avez même pas mentionnés...
Un point de détail : les « juridictions » auxquelles vous faites référence ne sont pas toutes des juridictions à proprement parler, certaines ne sont que des subdivisions du tribunal d'instance.
J'en viens à présent à la question des greffes. Pour bien connaître « mon » greffe, au tribunal de grande instance du Havre, où pas moins de 20 postes sont vacants, je sais bien qu'il s'agit d'une institution malade. Il est urgent de procéder à des recrutements massifs ! Il faudrait également rétablir des greffes dans les tribunaux d'instance supprimés par la réforme de la carte judiciaire. Il n'est pas acceptable que des justiciables soient contraints de faire 80 kilomètres pour accéder à la justice. Ne pourrait-on pas, d'ailleurs, faire le lien avec les maisons de la justice et du droit ?
Je crains que votre proposition tendant à supprimer le tribunal de police ne change rien à la situation que nous connaissons actuellement : des dizaines d'affaires traitées à la chaîne en quelques minutes chacune, des renvois dès que l'avocat n'est pas là... Ce système est absurde ! Renvoyer le traitement de ce contentieux au tribunal correctionnel sans une réflexion préalable sur la façon d'éviter ce type de « justice d'abattage » n'améliorera pas les choses.
Je suis opposé à votre proposition n°14, qui propose de fondre les tribunaux de commerce dans des tribunaux économiques aux compétences plus larges : le droit comparé nous enseigne qu'un tel système peut conduire à des catastrophes. Souvent, ces tribunaux économiques n'ont pas la même jurisprudence que les tribunaux civils. C'est le cas en Russie notamment, où, en outre, aucun tribunal des conflits n'est prévu pour apporter une solution à ces divergences. Par ailleurs, nos juges consulaires ne sont sans doute pas adaptés pour traiter de contentieux économiques : il faut réserver ce genre d'affaires aux magistrats professionnels. J'ajoute qu'il faudrait qu'un jour, nous nous penchions sur les syndics de liquidation des entreprises, qui nous posent souvent des problèmes. Il y a là une confusion entre les différents rôles du syndic, ainsi qu'avec le rôle des juges...
Je soutiens en revanche votre recommandation n°16, qui écarte l'idée d'un unique TPI départemental, ce qui me paraît sage. Tous les départements sont différents. Prenons mon département, la Seine Maritime. Le Havre compte 250 000 habitants, Rouen 400 000. Il serait absurde de n'avoir qu'un TGI à Rouen, d'autant plus que le contentieux intéressant (sur les affaires maritimes notamment) relève du ressort du Havre. À moins, bien sûr, d'installer le TGI du département au Havre...
S'agissant de l'échelon supérieur, ne pourrait-on pas envisager, à terme, de retenir le principe d'une cour d'appel par région ?
En conclusion, je vous indique que je suis bien évidemment favorable à ce que cet intéressant rapport fasse l'objet d'une publication.
M. Alain Richard . - Je voudrais féliciter la démarche gradualiste et pragmatique adoptée par nos rapporteurs. Tous nos collègues n'ont pas toujours ce réflexe et n'hésitent pas, dans un rapport d'information, à définir des choses souhaitables tout en renvoyant à d'autres la question de savoir si elles sont possibles ...
La piste que vous avez définie -créer un tribunal de première instance à partir des compétences des tribunaux d'instance et de grande instance- est la bonne, mais comment organise-t-on concrètement les choses ? Il y a la question des lieux, mais également celle des formations spécialisées. Beaucoup de choses peuvent être décidées par le chef de juridiction, mais il y a des limites : en particulier, ce n'est pas au chef de juridiction de décider ce qui relève du juge unique et ce qui relève d'une audience collégiale. En outre, un certain nombre de ces formations spécialisées comportent un échevinage... Il y a tout un travail à faire pour définir les différentes composantes spécialisées ou à compétences limitées du TPI qui, au fond, recouvrerait tout ce qui ne relève pas du TGI collégial et généraliste. La solution est d'avancer par étapes sur ces sujets.
La question du greffe est une question-clé. Mais je n'ai pas entendu nos rapporteurs sur la question de l'informatique judiciaire : depuis 40 ans, j'entends des discours apocalyptiques sur ce sujet. Le guichet universel de greffe est-il réalisable compte tenu des systèmes informatiques du ministère de la justice ?
Enfin, il faut être réalistes, le choix de poste est un marché comme un autre : pour les magistrats, il y a des fonctions attractives, d'autres nettement moins... Il faut prendre en compte cette question et y remédier, par exemple en envisageant des déjudiciarisations lorsque cela est possible.
M. Jean-Pierre Vial . - Je m'associe aux félicitations qui ont été adressées à nos rapporteurs. Permettez-moi quelques questions. Il me semble d'abord que la question de la perception par le justiciable de la complexité du monde judiciaire et sa compréhension des circuits de suivi des dossiers, qui me paraissaient être un axe fort de votre réflexion, a peut-être été trop rapidement évacuée dans votre présentation. L'expérience nous montre que les maisons de la justice et du droit fonctionnent bien. Qu'en est-il ? Que peut-on en attendre de plus ? Comment s'articulent leurs missions avec les questions de médiation et de juges de proximité ?
Quant au second volet de votre réflexion, qui concerne la modernisation de la « strate » de première instance, y a-t-il eu une évaluation de la réforme de la carte judiciaire ? Sur la question de la taille souhaitable des cours d'appel, d'un côté, j'entends les chefs de cour vanter les mérites d'une cour d'appel resserrée et spécialisée, tandis que de l'autre, je lis ce qu'en disent les medias, dont l'appréciation est bien différente... Vaut-il mieux de grosses ou de petites structures ?
Sur la spécificité des juridictions spécialisées, comment prendre en compte les magistrats non professionnels ? Ceux-ci ont l'intérêt d'être des praticiens. Il faudrait les remplacer si on retenait une composition non échevinale.
Votre recommandation concernant la création de tribunaux économiques pose également la question de savoir si les juges consulaires -qui sont des magistrats non professionnels, des commerçants la plupart du temps- auront la compétence nécessaire pour connaître d'affaires qui, aujourd'hui, n'entrent pas dans la compétence des tribunaux de commerce. N'y a-t-il pas un risque de hiatus de ce point de vue ?
Enfin, je m'interroge moi aussi sur le ressenti des personnels judiciaires, qu'il s'agisse des personnels de greffe ou des magistrats.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je rebondis sur l'observation que vient de faire Patrice Gélard concernant les juges de proximité. Comme vous le savez, j'avais déposé une proposition de loi, qui a été adoptée, pour reporter de deux ans la disparition des juridictions de proximité afin de nous donner le temps d'une réflexion. Leur suppression au 1 er janvier 2013 aurait été une folie : qu'aurait-on fait des dizaines de dossiers qui restaient à traiter dans ces juridictions ? Le délai de deux ans avait pour but de mettre en oeuvre la réforme de la justice de première instance. Votre rapport va contribuer très utilement à la réflexion. Sur ce point, qu'envisagez-vous ? Doit-on supprimer les juridictions de proximité en 2015 ? Et que faire des juges de proximité, dont les chefs de juridictions nous disent que nombreux d'entre eux sont compétents et utiles ?
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Dans notre esprit, les juges de proximité ne disparaissent pas, ils sont reversés au tribunal de première instance (comme aujourd'hui il est prévu qu'ils le soient au tribunal de grande instance). Il est toutefois nécessaire de poursuivre le travail avec la Chancellerie sur la question des juges de proximité. Il faut apporter des réponses à toutes les questions posées sur la formation, la durée des contrats, leur renouvellement ....
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Êtes-vous partisan du renouvellement de leur mandat ?
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Oui, clairement. S'ils reçoivent une formation suffisante et efficace, il serait dommage de se priver de leurs services.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Il faudrait l'inscrire dans le rapport.
M. Patrice Gélard . - Ils pourraient même faire de la médiation et de l'arbitrage judiciaire comme en Grande-Bretagne.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Les entretiens que nous avons eus avec les représentants des médiateurs ainsi que les visites que nous avons faites sur le terrain confirment ce que l'on voit depuis plusieurs années : les juges de proximité prennent leur place et les chefs de juridiction souhaitent leur présence. Nous allons compléter le rapport pour que cela soit clair.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Oui. En ce qui concerne l'état d'esprit des personnels judiciaires, greffes et magistrats : celui des personnels des greffes est très tendu. Ils ne sont pas opposés à toute réforme mais demandent de meilleures conditions de salaire, de travail, des garanties statutaires sur leur lieu de travail. Ils craignent que la réforme soit uniquement conçue à des fins budgétaires et souhaitent qu'on n'en profite pas pour réduire les effectifs. Sous ces réserves donc, ils ne sont pas farouchement hostiles.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Ces garanties sont indispensables. C'est l'objet de nos propositions n os 3 et 4.
Autant la notion de TPI intéresse beaucoup les gens qui sont dans les TGI, autant dans les tribunaux d'instance où les personnels travaillent moins dans l'urgence que dans les TGI, on perçoit la crainte d'être discrétionnairement réaffectés par le président du TPI, du TGI aujourd'hui. Les propositions n° 3 et 4 reviennent sur cela.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Les magistrats des tribunaux d'instance partagent les mêmes inquiétudes que les personnels des greffes, mais moins fortes ; les magistrats de TGI semblent, eux, plus favorables au TPI.
Je réponds à Alain Richard sur la notion de marché : je suis entièrement d'accord. Dans le rapport, nous proposons de déjudiciariser un certain nombre de fonctions pour se recentrer sur la fonction de juger. Le fait d'imposer par la loi un bloc de contentieux de proximité est fait pour cela, pour se concentrer sur ce qui est important.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nos propositions ne sont pas révolutionnaires mais les tribunaux ont été suffisamment marqués par la réforme de la carte judiciaire, pour que nous n'ajoutions pas à cet état de fait. Nous faisons donc des propositions réalisables plutôt que de bouleverser à nouveau le monde judiciaire.
A la question de Patrice Gélard, la polyvalence des greffes est-elle suffisante ? Le directeur de l'école nationale des greffes nous a rassurés sur le plan des formations qui insistent sur la polyvalence. Nos idées ne l'ont donc pas effrayé. L'école nationale des greffes avance déjà dans cette voie.
Les maisons de la justice et du droit : un de nos premiers déplacements au TGI de Bordeaux, nous a permis de constater qu'existait déjà un guichet unique d'accessibilité à la justice à travers la maison de la justice et du droit qui fonctionne très bien. Mais si les collectivités locales ne mettent pas la « main à la pâte », on a des maisons de la justice et du droit « croupion ». Il faut aussi que le ministère de la justice garantisse la présence d'un greffier.
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Nous partageons les inquiétudes d'Alain Richard sur l'informatique de la justice. En conséquence, l'application Portalis doit être prioritaire.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Pour Portalis (qui est l'équivalent pour les procédures civiles de Cassiopée en matière pénale), la Chancellerie nous dit qu'en l'état actuel des choses, le développement durera quatre ans. Si on ne parvient pas à cela, il y aura une déception pour le guichet universel des greffes.
M. Alain Richard . - Une partie du système est-elle fonctionnelle ?
Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - À la question sur la taille des structures, je réponds qu'il faut des structures moyennes. Les grosses structures sont une source de déperdition d'énergie et de contact avec le terrain. Les petites structures sont aussi une source de déperdition d'énergie en termes d'emploi des personnels. La moyenne structure est souvent la bonne mesure.
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Sur les tribunaux économiques, il s'agit d'étendre le champ de compétence des tribunaux de commerce aux agriculteurs et aux artisans. Il ne faut pas de mitage des juridictions concernant les questions économiques.
M. Patrice Gélard . - Quand la garde des sceaux va-t-elle établir un programme de recrutement sur dix ans pour éviter les phénomènes d'accordéon que nous connaissons ?
M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Il faudra en saisir la Chancellerie.
La publication du rapport d'information est autorisée.
LISTE DES DÉPLACEMENTS
Déplacement dans le ressort de la cour d'appel de Bordeaux, le 22 avril 2013
- Échange avec MM. Jean Seither , président du TGI de Bordeaux, et Claude Laplaud , procureur de la République
- Rencontre avec les magistrats du TGI de Bordeaux
- Rencontre avec les représentants des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires
- Réunion avec les magistrats et les fonctionnaires du tribunal d'instance de Bordeaux
- Réunion sur l'accès au droit, en présence des chefs de juridictions, des greffières en charge des maisons de la justice et du droit, et de partenaires locaux du conseil départemental de l'accès au droit
- Rencontre avec Me Bernard Quesnel , bâtonnier, et Me Anne Cadiot-Feidt
- Réunion avec Mme Chantal Bussière , première présidente de la cour d'appel, et M. André Ride , procureur général
Déplacement dans le ressort de la cour d'appel d'Amiens, le 30 avril 2013
- Réunion avec MM. Guy Pasquier de Franclieu , premier président de la cour d'appel, et Philippe Lemaire , procureur général
- Table ronde, sous la présidence de M. Thierry Polle , président du TGI d'Amiens, avec M. Bernard Farret , procureur de la République, plusieurs magistrats et personnels du TGI et des tribunaux d'instance du ressort, ainsi que les partenaires judiciaires, sur la mise en place des audiences foraines consécutive à la suppression des TGI de Péronne et d'Abbeville
- Table ronde avec les magistrats et personnels du TGI d'Amiens, les partenaires locaux du conseil départemental d'accès au droit, et des personnels des maisons de la justice et du droit sur l'accès au droit dans le ressort
- Réunion avec les représentants syndicaux des magistrats et des fonctionnaires des juridictions
Déplacement dans le ressort de la cour d'appel de Rennes, le 6 mai 2013
- Réunion avec MM. Philippe Jeannin , premier président de la cour d'appel de Rennes, Léonard Bernard de la Gâtinais , procureur général, Pascal Morère , directeur délégué à l'administration régionale judiciaire, et Mmes Marie Besse et Patricia Grange-Pitel , secrétaires générales de la cour d'appel
- Table ronde avec les chefs de cour, MM. Dominique Couturier , président du TGI de Rennes, Thierry Pocquet du Haut-Jussé , procureur de la République, et les magistrats et personnels du TGI
- Visite au TGI de Saint-Brieuc et table ronde avec les chefs de cour, M. Gérard Zaug , procureur de la république près le TGI de Saint-Brieuc, Mme Stéphanie Guégan-Surget , présidente par intérim du TGI, et les magistrats et fonctionnaires du TGI
Déplacement au tribunal de grande instance de Bobigny, le 12 juillet 2013
- Visite et présentation de l'accueil centralisé du TGI de Bobigny, par M. Rémy Heitz , président du tribunal, et Mme Sylvie Moisson , procureure de la République.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Direction des services judiciaires
- M. Jean-François Beynel , directeur des services judiciaires
- Mme Véronique Andriollo , sous-directrice des ressources humaines des greffes
- Mme Valérie Amand , chef du bureau du droit de l'organisation judiciaire,
- Mme Stéphanie Houdayer , chef du bureau du suivi des applications informatiques des services judiciaires
Secrétariat général
- M. Mathieu Herondart , secrétaire général adjoint
- M. Benjamin Camus , sous-directeur de la statistique et des études
École nationale des greffes
- M. Stéphane Hardouin , directeur
MINISTÈRE DU TRAVAIL
- Mme Valérie Delahaye-Guillocheau , chef de service
MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES
- Mme Raymonde Tailleur , directeur de projet à la direction de la sécurité sociale
CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES
- M. Jean-Louis Deroussen, président
- Mme Véronique Delaunay-Guivarch , direction de l'action sociale
- Mme Patricia Chantin , responsable des relations avec le Parlement
CORPS JUDICIAIRE
Conseil supérieur de la magistrature
- M. Vincent Lamanda , président, premier président de la Cour de cassation
Conférence des premiers présidents de cour d'appel
- M. Dominique Gaschard , premier président de la cour d'appel de Poitiers
- M. Dominique Vonau, premier président de la cour d'appel de Toulouse
Conférence des procureurs généraux
- M. Jacques Beaume , président, procureur général de Lyon
- M. Dominique Le Bras , procureur général de Rouen
Conférence nationale des présidents de tribunal de grande instance
- M. Paul-André Breton , président, président du TGI de Lyon
- M. Gilles Accomando , vice-président, président du TGI d'Avignon
- M. Henri de Larosière de Champfeu , membre du conseil d'administration, président du TGI de Toulouse
Conférence nationale des procureurs de la République
- M. Robert Gelli , président
- Mme Caroline Nisand , procureur de la République de Saverne
Conférence générale des juges consulaires de France
- M. Jean-Bertrand Drummen , président
Conseil supérieur de la prud'homie
- M. Jean-François Merle , président
Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille
- Mme Marie-Pierre Hourcade, présidente
- Mme Marand Michon , vice-présidente, chargée des fonctions de juge des enfants à Créteil
Association nationale des juges d'instance (ANJI)
- Mme Émilie Pecqueur , présidente
Association nationale des juges de proximité (ANJP)
- M. Jean-Charles Detharre , président
- Mme Monique Loew-Deval , ancienne présidente
- M. Jean-Pierre Faure , trésorier
FO-Magistrats
- M. Emmanuel Poinas , secrétaire national
Syndicat de la magistrature (SM)
- M. Xavier Gadrat , secrétaire national
- Mme Laurence Mengin , secrétaire nationale
Union syndicale des magistrats (USM)
Mme Marie-Jane Ody , secrétaire nationale
Mme Cécile Parisot, trésorière adjointe
Syndicat CGT services judiciaires
- M. Michel Demoule , secrétaire général
- M. Joël Theillard , secrétaire général adjoint
CFDT ( excusée )
Syndicat des greffiers de France
- Mme Sophie Grimault , greffière au TGI de Limoges
- Mme Isabelle Besnier-Houben , greffière au conseil de prud'hommes de Caen
Unsa services judiciaires :
- M. Hervé Bonglet , secrétaire général adjoint
- Mme Brigitte Bruneau-Berchere , secrétaire générale adjointe
PROFESSIONS JUDICIAIRES ET JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES ET PARTENAIRES DE JUSTICE
Conseil national des barreaux
- Mme Catherine Glon , membre du bureau du Conseil national des barreaux
- M. François-Antoine Cros , membre du Conseil national des barreaux, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Tours
- Mme Michèle Jaudel , responsable de la commission ouverte au barreau de Paris sur la médiation
Conseil supérieur du notariat
- M. Didier Coiffard , vice-président, chargé du développement et de la localisation
- M. Jean-Marie Ohnet , président de l'Institut d'Études Juridiques
- Mme Christine Mandelli , administrateur, chargée des relations avec les institutions
Chambre nationale des huissiers de justice
- M. Jean-Daniel Lachkar , président
- M. Jean-François Bauvin , vice-président
- M. Patrick Sannino , vice-président
Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires
- M. Marc Senechal , président
Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires
- M. Alain Turpin , président
Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce
- M. Frédéric Barbin , président
- M. Philippe Bobet , vice-président
- M. Christophe Hazard , secrétaire général
- Mme Karla Nguena , chargée de mission
Conciliateurs de France
- M. Alain Auric , président
- M. Bernard Mecucci-Micucci , vice-président
- M. Pierre Julien , vice-président
- Mme Renée Dolla-Vial , avocat honoraire
Fédération nationale de la médiation familiale
- Mme Sophie Lasalle , secrétaire générale
- M. Roger Leconte , président d'honneur et fondateur
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Assemblée des départements de France
- contribution écrite
Association des maires ruraux de France (AMRF)
- M. Jean Claude Hergot , président des maires ruraux de Côte d'Armor et maire de la commune de Saint-Glen
Association des petites villes de France (APVF) ( excusée )
PROFESSEURS DE DROIT
- M. Loïc Cadiet , professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- M. Serge Guinchard , professeur émérite à l'université Paris 2 Panthéon-Assas
PERSONNALITÉS QUALIFIÉES
- M. Jean-Marie Coulon , ancien premier président de la Cour d'appel de Paris
- M. Jacques Degrandi , premier président de la Cour d'appel de Paris
ANNEXE : CARTE DES IMPLANTATIONS JUDICIAIRES
(source : ministère de la justice)
* 1 Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur avec M. Yves Détraigne du groupe de travail sur la réforme de la carte judiciaire ayant démissionné de son mandat le 30 septembre 2012, n'a pu prendre part aux travaux de ce nouveau groupe de travail.
* 2 Sur l'organisation judiciaire française, cf. infra , le titre préliminaire.
* 3 La garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Christiane Taubira a en effet constitué deux groupes de travail, dont elle a confié la présidence à M. Pierre Delmas Goyon, premier président de la cour d'appel d'Angers, et M. Didier Marshall, premier président de la cour d'appel de Montpellier, sur, respectivement, le juge XXI ème siècle et la juridiction du XXI ème siècle. Ceux-ci devraient présenter prochainement le résultat de leurs travaux.
* 4 Rapport au garde des sceaux du groupe d'étude et de réflexion sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance, présidé par M. Francis Casorla , 1997, dit « rapport Casorla », p. 14 et 15.
* 5 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, rapport au garde des sceaux de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard , La documentation française, 2008, p. 183.
* 6 Ibid ., p. 34-35.
* 7 Art. L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire (COJ).
* 8 Tel est le cas, par exemple, en matière de demandes relatives aux frais, émoluments et débours des auxiliaires de justices et des officiers publics ou ministériels (art. L. 211-6 du COJ).
* 9 Art. 381 du code de procédure pénale.
* 10 Ils seront 160 à compter du 1 er juillet 2014, lorsque les TGI de Bourgoin-Jallieu et Vienne auront fusionnés au sein du nouveau TGI de Villefontaine.
* 11 Il existe quatre tribunaux de première instance : ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
* 12 La suppression de ces juridictions a été décidée dans la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, conformément à la recommandation de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le doyen Serge Guinchard. Celle-ci, qui devait intervenir au 1 er janvier 2013 a cependant été reportée de deux ans par la loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité.
* 13 Relèvent de la même logique, quoique pour traiter des relations entre les pêcheurs de Méditerranée, les prud'homies de pêche, dont le régime est défini par le décret du 19 novembre 1859 sur la police de la pêche côtière dans le cinquième arrondissement maritime.
* 14 Les litiges relatifs aux conflits collectifs du travail relèvent en revanche du TGI.
* 15 Ce tribunal maritime remplace le tribunal maritime commercial pour connaître des infractions maritimes, en vertu de l'ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime.
* 16 Les juridictions pénales échevinales sont, elles au nombre de quatre : la cour d'assises, la cour d'assises pour mineurs, le tribunal pour enfants et le tribunal maritime. En revanche, le tribunal correctionnel pour mineurs, qui n'est qu'une formation spécialisée du tribunal correctionnel, n'est pas échevinal.
* 17 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 187-191.
* 18 Discours du Président de la République prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013 (http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-a-l-occasion-de-l-audience-solennelle-de-rentree-de-la-cour-de-cassation/).
* 19 Rapport au garde des sceaux de la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire, présidée par M. Serge Daël , 10 février 2013.
* 20 Le dispositif ne concernerait toutefois que les saisines sans représentation obligatoire, dans la mesure où les autres peuvent être accomplies par l'avocat.
* 21 Rapport Casorla, op. cit. , p. 48.
* 22 Ces pôles correspondraient à des regroupements thématiques de plusieurs chambres ou de plusieurs juridictions, en fonction du contentieux qu'elles traitent, à des fins de lisibilité administrative, et pour créer une cohésion entre les magistrats qui s'occupent des mêmes types de litiges.
* 23 Art. R. 212-3 du COJ.
* 24 Art. R. 212-18 du COJ.
* 25 La procédure de saisine la plus commune, en matière civile, est la citation directe du défendeur auprès de la juridiction compétente, aussi appelée assignation lorsqu'elle est faite par acte d'huissier. Une fois remise au greffe, cette citation a pour effet de saisir le juge. D'autres modalités existent : la requête, qui, contrairement à l'assignation, débute par la saisine du juge, à charge pour le greffe de citer lui-même le défendeur à comparaître. La requête conjointe se pratique aussi, lorsque les deux parties souhaitent saisir le juge d'un commun accord, tout comme, devant certaines juridictions d'exception, la présentation volontaire des parties devant le juge. Certaines procédures de saisine, par requête simple, ne prévoient pas l'appel d'un défendeur, notamment en matière gracieuse, ou lorsque la nécessité commande que la décision soit rendue à l'insu de l'autre partie.
* 26 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 199.
* 27 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 195.
* 28 En dehors de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, collectivités d'outre-mer dotées d'une organisation judiciaire particulière, il n'existe qu'une seule chambre détachée, celle du TGI de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, créée par le décret n° 2013-686 du 24 juillet 2013.
* 29 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 195.
* 30 Cette décision indique ainsi : « Considérant que toutes ces dispositions subordonnent l'avancement des magistrats ou leur accès à des fonctions de chef de juridiction à des conditions de mobilité géographique ou fonctionnelle ; que ces conditions, définies par le législateur organique, n'ont pour effet de porter atteinte ni au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège ni à aucun autre principe ou exigence de valeur constitutionnelle. »
* 31 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 220.
* 32 Il convient d'ajouter que la réforme de la carte judiciaire, s'agissant des conseils de prud'hommes, a été réalisée à effectif global constant de conseillers prud'homaux, de sorte que leur nombre a crû au sein de chaque juridiction conservée.
* 33 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 191.
* 34 Rapport Casorla, op. cit. , p. 68. Les termes mis en gras le sont par vos rapporteurs.
* 35 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 251.
* 36 Les tribunaux de commerce et les juridictions sociales sont mis de côté, les premiers parce que leur greffe est assuré par des officiers ministériels, titulaires d'une charge, les secondes, parce que leurs greffiers sont majoritairement des agents de droit privé qui relèvent des organismes de sécurité sociale et non du ministère de la justice.
* 37 Loi n° 65-1002 du 30 novembre 1965 portant réforme des greffes des juridictions civiles et pénales et supprimant la vénalité des charges.
* 38 Bien que son organisation soit gérée par la cour d'appel, le tribunal des pensions militaires n'est pas une juridiction judiciaire, mais relève de l'ordre administratif.
* 39 Deux conseils des prud'hommes échappent à cette règle : Épernay et Longwy.
* 40 Avis n° 154 (2012-2013) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois, sur le budget de la justice pour 2013, p. 34 (www.senat.fr/rap/a12-154-13/a12-154-13.html).
* 41 La réforme de la carte judiciaire : une occasion manquée , op. cit. , p. 47-49 et 112-113.
* 42 Les greffes des TASS et des TCI dépendent aujourd'hui des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). Selon les chiffres fournis par le ministère des affaires sociales, les greffes des TASS comptent 375 agents, dont 75 % de droit privé, et ceux des TCI comptent 200 agents, dont 80 % de droit privé.
* 43 Relevant également de l'ordre administratif et présidé par un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel, le TPMI est doté d'une compétence contentieuse très spécifique, qui s'apparente à celle du TCI, avec une part d'expertise médicale, à l'égard de justiciables peu nombreux. Sa composition est également particulière, puisqu'elle comporte des médecins et des représentants des associations de mutilés ou de réformés. En l'état, il ne semble pas à vos rapporteurs qu'une telle juridiction puisse rejoindre une juridiction sociale unifiée, d'autant que le caractère administratif de cette juridiction est particulièrement marqué.
* 44 Une telle expérimentation supposerait l'existence d'une chambre spécialisée compétente en matière commerciale au sein des cours d'appel concernées et sa généralisation supposerait de prévoir dans le code de l'organisation judiciaire l'existence systématique d'une telle chambre.
* 45 Intervenue en 1965 pour la Cour de cassation, les cours d'appel, les TGI et les TI puis en 1979 pour les CPH, la fonctionnarisation des greffes a laissé de côté les tribunaux de commerce.
* 46 En effet, l'affectation des magistrats au TPI s'effectuerait comme actuellement, sous le régime des articles L. 121-3 et R. 121-1 du code de l'organisation judiciaire : le président de la juridiction déciderait, dans l'ordonnance dite « de roulement » de la répartition des juges dans les différents services du tribunal, sous réserve du respect de la spécialisation des magistrats nommés par décret à certaines fonctions (aujourd'hui : juge des enfants, juge d'instruction, juge de l'application des peines et juge chargé du service d'un tribunal d'instance).
* 47 Le siège du TPI, intégrerait lui aussi une telle chambre, à côté des autres chambres pénales et civiles qui composeraient le TPI.
* 48 La commission sur la répartition du contentieux avait proposé que le juge d'instance devienne juge de l'exécution pour toutes les actions mobilières. Toutefois, prenant en compte une jurisprudence de la Cour de cassation qui imposait au juge de l'exécution de statuer sur la validité de la créance, le législateur avait rejeté cette recommandation, afin de conserver une cohérence entre le fait d'être compétent au fond sur la créance dont l'exécution est demandée et le fait de statuer sur cette exécution. Par exception toutefois, il a validé le transfert du contentieux du surendettement au juge d'instance (art. 11 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées).
* 49 Cf. supra .
* 50 Votre commission des lois a mis en place une mission d'information, confiée à nos collègues Mme Catherine Tasca et M. Michel Mercier, chargée de réfléchir plus particulièrement à la justice aux affaires familiales. Vos rapporteurs limitent, pour cette raison, leur propos à ce qui relève exclusivement du TPI.
* 51 La délimitation de ce périmètre élargi, constitué autour du bloc de compétence de proximité définie par la loi ou le règlement, relèverait de la décision du président du TPI. La crainte, parfois évoquée, d'une rupture d'égalité dans l'accès à la justice ne paraît pas fondée, ce principe n'ayant jamais été consacré au sujet de la localisation d'un tribunal. En outre, tous les justiciables auraient la garantie que leur affaire serait traitée devant la même juridiction, le TPI. La loi définirait de plus un contentieux de proximité minimal, pour le tout le territoire, au sein des chambres détachées. Plutôt qu'à la création d'une nouvelle espèce de juridiction, la chambre détachée renforcée s'apparenterait à une audience foraine, dont la constitutionnalité n'est pas douteuse. En l'occurrence, le contentieux traité au sein de cette chambre détachée renforcée ne se distinguerait ni par la procédure, ni par la composition du tribunal, de celui traité devant le TPI siège.