I. - LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE : UNE PERSPECTIVE SÉDUISANTE, MAIS DISCUTÉE

Depuis plus de quarante ans maintenant, la réflexion sur la simplification de la justice de première instance confronte deux approches différentes.

La première retient comme priorité l'efficacité gestionnaire : la simplification de l'organisation juridictionnelle doit aboutir à des gains de productivité ou faciliter la gestion administrative des juridictions.

La seconde s'attache à préserver la proximité entre le justiciable et son juge. Selon cette conception, la simplification de l'organisation juridictionnelle doit rapprocher la justice du justiciable, en définissant plus clairement ce qui doit relever d'un contentieux de la proximité.

Ces deux approches ne sont pas exclusives l'une de l'autre : l'efficacité doit, in fine , profiter au justiciable, qui bénéficiera d'une justice plus rapide ; la proximité est la clé d'une bonne gestion, lorsqu'elle évite que se traitent devant des formations de jugement qui mobilisent plus de magistrats et selon des procédures plus lourdes, des contentieux mieux tranchés simplement, au plus près des justiciables.

Toutefois, la plus ou moins grande préférence donnée à l'une sur l'autre détermine nécessairement les options retenues et explique que, si beaucoup défendent l'idée du tribunal de première instance, peu s'entendent sur le périmètre ou l'organisation qu'il convient de lui assigner.

La commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard a retracé l'histoire de cette réflexion, depuis le début des années 1970 17 ( * ) , des tentatives pour fusionner les tribunaux d'instance avec les TGI, jusqu'à l'esquisse d'un tribunal de première instance départemental qui rassemblerait la plupart des juridictions au sein du même arrondissement judiciaire.

L'esquisse la plus aboutie est sans conteste celle livrée en 1997 par le rapport du groupe d'étude présidé par Francis Casorla, alors premier président de la cour d'appel d'Orléans.

La réforme de la justice de première instance : un débat récurrent

Évoquant l'échec de la réforme voulue par Raymond Poincaré en 1926, pour créer un unique tribunal départemental, le rapport de la commission sur la répartition des contentieux fait remonter le retour récent de cette thématique au début des années 1970, lorsque le Gouvernement a procédé à la fusion statutaire des juges d'instance et des juges du TGI, en application de la loi n° 70-613 du 10 juillet 1970. Les auteurs de ce rapport notent cependant que la réforme avait été inspirée par des considérations gestionnaires, afin d'affecter partiellement au TGI les juges des tribunaux d'instance dont l'activité était inférieure à un temps plein. Ils relèvent à cet égard que « l'approche exclusivement managériale cristallisera et fédérera les oppositions » et qu'elle introduira « le soupçon dans la perception des projets de réforme portant fusion pure et simple des juridictions de première instance ».

Le rapport de l'inspecteur général des services judiciaires Yves Rocca, au garde des sceaux, Alain Peyrefitte, en 1979, envisage l'éventualité de la fusion des tribunaux d'instance avec le TGI, les premiers étant maintenus en tant que sièges périphériques du second. Les questions liées à la répartition des contentieux entre eux ou à l'affectation des magistrats auraient été décidées au sein de la nouvelle juridiction.

L'idée est reprise en 1994 par le président du comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, Jean-François Carrez, avant d'être développée avec beaucoup plus de précision par Francis Casorla, en 1997.

La commission sur la répartition des contentieux examine une nouvelle fois, en 2008, ce dispositif, avant de l'écarter pour des raisons d'inconstitutionnalité éventuelle ( cf. infra ) et de privilégier plutôt la suppression de la juridiction de proximité et des aménagements dans la répartition des compétences entre le tribunal d'instance et le TGI.

Source : L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, rapport au garde des sceaux de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard , La documentation française, 2008

Le débat sur la justice de première instance a été récemment relancé par le Président de la République, dans un discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013 : « notre organisation judiciaire, [ dont la réforme ] aurait dû être préalable à la réforme de la carte judiciaire doit elle-même être plus attentive aux situations de nos concitoyens qui ont besoin du juge pour régler une difficulté familiale, le paiement d'un loyer ou le placement d'un parent âgé sous un régime de protection. Une juridiction de première instance sera donc instituée. Elle regroupera tous les contentieux du quotidien : litiges liés à la consommation, au crédit, au logement, à la dépendance mais aussi et surtout à la famille -je pense en particulier aux procédures de divorce ou de séparation. Le mode de saisine de cette juridiction sera facilité. L'accueil sera mutualisé. Les procédures de conciliation et de médiation seront encouragées » 18 ( * ) .

La réflexion sur le sujet s'est en outre enrichie des premières pistes tracées par la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire, présidée par M. Serge Daël 19 ( * ) . Prochainement, la garde des sceaux, ministre de la justice devrait recevoir les recommandations formulées sur ce point par le groupe de travail présidé par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, M. Didier Marshall, sur la juridiction du XXI ème siècle.

Le débat, cependant, ne se limite pas à ces différents groupes de travail.

Les auditions conduites par vos rapporteurs ont montré l'intérêt que suscite cette perspective parmi les différents acteurs du droit. Bien que tous ne s'accordent pas sur le même dispositif, quelques traits essentiels du tribunal de première instance font consensus.

Nombre d'intervenants ont toutefois aussi émis des réserves. Les craintes qu'ils ont exprimées méritent d'être entendues, car le succès de la réforme dépend de la réponse qui y sera apportée, autant que des moyens mobilisés pour sa mise en oeuvre.

A. LES QUATRE TRAITS ESSENTIELS DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

Le projet du tribunal de première instance ne rallie certes pas tous les suffrages : le professeur Serge Guinchard, les représentants du syndicat de la magistrature, de FO-magistrats, du syndicat des greffiers de France ou du syndicat CGT-Chancellerie ont marqué leur réserve voire, pour certains, leur opposition à cette réforme.

Toutefois, la plupart des personnes entendues par vos rapporteurs a jugé la réflexion sur le sujet légitime, et certains l'ont même défendu avec ardeur.

Le soutien des conférences nationales des chefs de juridictions et des chefs de cour est ainsi unanime. Ceux-ci louent la souplesse de gestion que le TPI autoriserait, et soulignent le bénéfice que le justiciable pourrait en retirer, pour peu qu'on parvienne à définir avec suffisamment de pertinence le bloc du contentieux de la proximité qui serait traité dans les sites détachées.

M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation et président du Conseil supérieur de la magistrature, M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de cette même cour, ou M. Loïc Cadiet, professeur de droit à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ont tous estimé que le tribunal de première instance était une excellente idée, particulièrement nécessaire dans le contexte judiciaire actuel.

Les représentants de l'union syndicale des magistrats (USM) et ceux de l'union nationale des syndicats autonomes - services judiciaires (UNSA-services judiciaires) se sont quant à eux déclarés ouverts à la réflexion, sous réserve toutefois que la réforme offre toutes les garanties requises pour les magistrats et les personnels judiciaires, qu'elle ne soit pas exclusivement destinée à réaliser des économies budgétaires, et qu'elle s'accompagne au contraire des moyens nécessaires à son succès, au profit du justiciable.

Les représentants des professions judiciaires et juridiques réglementées ont pour leur part estimé qu'une telle évolution pouvait être envisagée, à la condition, pour les avocats ou les huissiers, que ne soit pas remis en cause leur rattachement à leur juridiction actuelle.

Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont toutefois constaté que d'un interlocuteur à l'autre, le concept comme le périmètre du tribunal de première instance variaient sensiblement, tous n'entendant pas forcément la même réalité derrière ce mot.

C'est pourquoi, ils ont jugé nécessaire d'en fixer les quelques traits constitutifs. Ces derniers structurent en effet le spectre des options possibles.

1. Une porte d'entrée unique pour la justice

La réflexion sur le tribunal de première instance a indissolublement partie liée avec celle du guichet unique de greffe, comme en témoigne le titre du rapport du groupe d'étude présidé par Francis Casorla : « réflexions sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance ».

La raison en est simple.

Toute réforme de l'organisation judiciaire se condamnerait à n'être qu'une réforme interne, si elle n'apportait aucun changement concret et visible pour le justiciable. Or, en dehors du raccourcissement des délais de jugement, de tels changements concernent l'accessibilité à la justice ou la proximité du juge.

Un guichet unique de greffe, qui accompagnerait la fusion des juridictions réalisée au sein du tribunal de première instance, vise justement à donner une traduction concrète pour le justiciable, en termes d'accessibilité à la justice, à cette fusion.

Actuellement, les greffes autonomes sont clos sur eux-mêmes : un greffe de tribunal d'instance ou un greffe de conseil des prud'hommes ne peuvent recevoir ni transmettre une requête qui devrait être adressée au tribunal de grande instance. Aussi proche soit-elle, la justice reste une bâtisse aux multiples portes, et le justiciable ne peut emprunter que celle qui correspond à sa demande.

Certes, de multiples dispositifs existent pour le guider dans ce choix : les greffes conseillent souvent ceux qui leur paraissent s'être trompés, les maisons de la justice et du droit remplissent leur office d'information et les professionnels du droit savent orienter le justiciable qu'ils représentent. Mais il revient toujours au justiciable de frapper à la bonne porte.

Le guichet unique vise, justement, à organiser une porte d'entrée unique pour la justice : quel que soit le juge ou le tribunal compétent dans le ressort, le justiciable n'aurait à s'adresser qu'à un seul greffe, qui se chargerait ensuite de transmettre administrativement la demande au service ou à la juridiction compétente. Sa saisine serait ainsi enregistrée 20 ( * ) , et la procédure lancée.

L'apport ne se limiterait pas à une simple transmission, car le greffe unique pourrait aussi informer les intéressés, les orienter vers d'autres voies procédurales, ou encore leur adresser les décisions une fois rendues.

Tel est notamment le schéma retenu dans le rapport Casorla : « l'amélioration de l'accès à la justice [...] passe sans doute par une meilleure lisibilité de l'institution judiciaire et singulièrement de son premier degré, là où elle est paradoxalement la plus complexe, là où, pourtant devrait être accueilli le justiciable auquel une information précise devrait être clairement donnée lorsqu'il s'est résolu à se présenter dans une enceinte de justice, là où il devrait pouvoir choisir entre la voie conflictuelle par assignation et la voie non conflictuelle par la conciliation, la médiation, mais aussi la voie de l'accès direct au juge par les modes simplifiés de saisine (requête, déclaration...) et ce grâce à un point d'entrée procédural, [...] le guichet unique de greffe, qui permettrait d'accueillir, d'informer, d'aiguiller vers les professionnels spécialisés (avocats, huissiers...), les instances de conciliation et de médiation, de réceptionner requêtes et déclarations qui seraient transmises aux juges compétents et d'adresser les décisions rendues » 21 ( * ) .

La commission présidée par le doyen Serge Guinchard s'est elle aussi prononcé en faveur d'un dispositif identique, sous la dénomination de « guichet universel de greffe », sans toutefois retenir la solution du tribunal de première instance, signalant, ce faisant, que, quelle que soit leur cohérence d'ensemble, les deux projets étaient détachables.

2. La fusion des juridictions de première instance
a) Une simplification de l'organisation juridictionnelle, sans suppression d'implantations judiciaires

Pour ses inspirateurs, le tribunal de première instance doit réaliser la fusion des juridictions de première instance.

Cette fusion n'est pas censée conduire à la suppression de nouvelles implantations judiciaires.

Au contraire, le réseau juridictionnel devrait être conservé, les anciens tribunaux fusionnés étant transformés en antennes locales du nouveau tribunal de première instance.

Au sein de cette nouvelle juridiction, l'organisation serait proche de ce qui est prévu pour les tribunaux de grande instance avec leurs chambres, éventuellement regroupées en pôles 22 ( * ) , et leurs chambres détachées.

L'organisation d'un TGI en chambres et en chambres détachées

Les chambres d'un TGI correspondent aux différentes sections de cette juridiction, spécialisées selon certains contentieux. Elles sont présidées par le président du tribunal, un premier vice-président ou un vice-président 23 ( * ) .

Les chambres détachées, quant à elles, correspondent à des sections déconcentrées du tribunal. Elles sont compétentes pour juger, dans leur ressort géographique propre, des affaires civiles et pénales qui leur sont attribuées 24 ( * ) . Il s'agit ni plus ni moins que de projections locales du tribunal. Elles sont présidées et administrées par un magistrat du tribunal de grande instance désigné à cet effet. Le siège et le ressort de ces chambres détachées sont fixés par le pouvoir réglementaire.

Actuellement, aucun tribunal de grande instance métropolitain ne possède de chambre détachée. Jusqu'à la création récente d'une telle chambre à Saint-Laurent-du- Maroni, en Guyane, par le décret n° 2013-686 du 24 juillet 2013, seuls les tribunaux de première instance ultramarin disposaient de telles sections détachées (à Koné et Lifou, pour le TPI de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et à Uturoa et Nuku-Hiva, pour le TPI de Papeete, en Polynésie française).

La garde des sceaux a toutefois annoncé la création de trois nouvelles chambres détachées à Dôle dans le Jura, Guingamp dans les Côtes-d'Armor et Marmande dans le Lot-et-Garonne, pour remédier aux déséquilibres créés dans ces territoires par la réforme de la carte judiciaire.

Le siège du tribunal de première instance serait maintenu au siège du TGI. Les anciens tribunaux d'instance ainsi que les autres juridictions seraient remplacés par des chambres détachées du TPI, compétentes, sur l'ancien ressort, pour tout le contentieux qui leur aura été réattribué par le TPI.

b) Une question délicate : le périmètre de la fusion

S'interroger sur le périmètre de la fusion revient à poser deux questions. Quel est le ressort géographique de cette fusion ? Et surtout, quelles juridictions doivent être fusionnées ?

• Le périmètre géographique

Deux solutions sont envisageables : fondre le nouveau TPI dans les limites des TGI actuels, ou bien ne conserver qu'une structure par département.

Vos rapporteurs relèvent toutefois qu'aucune des personnes entendues n'a défendu, pour toute la France, cette dernière option, formulée dans le rapport de l'inspecteur général des services judiciaires, Yves Rocca, en 1979, et parfois suggérée comme un idéal à atteindre.

L'expérience de la carte judiciaire a sans doute compté dans ce choix, puisqu'elle a montré que certains départements regroupaient deux ou trois territoires distincts, qui justifiaient, au nom de la proximité et de la cohérence du ressort, que les TGI infra-départementaux soient conservés.

La réimplantation, décidée par la garde des sceaux, des TGI de Saint-Gaudens, Saumur et Tulle confirme cette analyse.

S'exprimant au nom de la conférence des premiers présidents de cour d'appel, son président, M. Dominique Gaschard, a estimé que, sur cette question, un principe de réalité devait s'imposer.

Partageant cette réflexion, les représentants de la conférence nationale des présidents de TGI et ceux de la conférence des procureurs généraux ont fait valoir que les situations d'un département à l'autre étaient variables, selon l'importance respective des TGI, ce qui interdisait de retenir le principe d'un TPI unique par département.

Les membres du conseil national des barreaux entendus par vos rapporteurs se sont eux aussi ralliés à cette position, en soulignant combien chaque barreau, attaché à un tribunal de grande instance, avait sa culture propre, qui risquerait de se perdre dans une entité départementale.

• Le périmètre fonctionnel

Cette question est plus délicate que la précédente, et les avis sont plus partagés.

Tous ceux qui défendent le TPI s'accordent sur un périmètre minimum, qui réunirait le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et les juridictions non autonomes qui y sont associées, comme le tribunal paritaire des baux ruraux ou le juge des enfants.

L'extension aux juridictions sociales, aux conseils de prud'hommes et aux tribunaux de commerce est envisagée par certains, comme les représentants de la conférence nationale des présidents de TGI, ainsi que ceux de la conférence des premiers présidents de cour d'appel. Les premiers ont notamment souligné que le TGI était d'ores et déjà compétent pour les procédures collectives qui concernent les artisans et qu'il connaissait des conflits collectifs du travail.

D'autres intervenants, comme M. Loïc Cadiet, professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ou MM. Jacques Beaume et Dominique Le Bras, représentants de la conférence des procureurs généraux, ont en revanche exclu cette extension pour ce qui concerne les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes.

Il n'y a donc pas de consensus sur le périmètre de la fusion. Cette question cristallise d'ailleurs plus particulièrement les craintes ou les oppositions exprimées à son encontre, notamment de la part des représentants des juridictions concernées ( cf. infra ).

3. Des facilités de gestion et de mutualisation des moyens

Une fois la fusion réalisée, la gestion du tribunal de première instance serait identique à celle d'un tribunal de grande instance, ce qui soumettrait l'ensemble des juridictions d'origine à l'autorité du président du tribunal de première instance, du procureur de la République et du directeur de greffe.

La direction budgétaire des différentes structures serait donc unifiée, et il pourrait être procédé à une mutualisation complète à l'échelle du ressort du TPI, ce qui permettrait de reverser des magistrats ou des personnels de greffe des anciennes juridictions vers le siège du TPI ou certaines de ses chambres détachées.

Les représentants de l'union syndicale de la magistrature se sont néanmoins interrogés sur les gains attendus, contestant le postulat sous-jacent selon lequel des gisements de productivité existeraient dans certaines juridictions où les personnels seraient sous-employés, alors que, dans la plupart des juridictions, le problème est plutôt celui d'une insuffisance des moyens.

4. Une harmonisation préalable des procédures et une nouvelle répartition des contentieux

La fusion des juridictions et la simplification de l'organisation judiciaire ne seraient que de façade si, sous l'apparente unité, se conservait la diversité des juridictions, chacune avec son contentieux et ses procédures d'origine.

Le projet du tribunal de première instance engage ainsi nécessairement une réflexion sur la répartition des contentieux entre les différentes sections de la juridiction et sur l'harmonisation de leurs procédures.

• La nécessaire harmonisation des procédures

Comme l'ont relevé lors de leur audition Mmes Marie-Jane Ody et Cécile Parisot, représentantes de l'USM, pour fonctionner correctement, le guichet unique de greffe ne doit pas être confronté à un nombre trop élevé de procédures de saisine différentes 25 ( * ) , ce qui suppose d'harmoniser celles en vigueur devant les juridictions.

Cette harmonisation des procédures ne concerne pas que les saisines. Il est en effet souhaitable de faire converger, dans la mesure du possible, les procédures d'examen ou de jugement des juridictions fusionnées. Cette harmonisation doit d'ailleurs être adossée à la nouvelle répartition des contentieux au sein du TPI.

• Une nouvelle répartition des contentieux, avec l'émergence d'un contentieux de la proximité

Au soutien de la défense du tribunal de première instance, ses promoteurs ont souligné qu'il offrait l'occasion de s'interroger sur la ligne de partage entre le contentieux de la proximité, qui doit être traité au plus près du justiciable, et le contentieux ordinaire, plus complexe a priori , qui relèverait plutôt du siège du TPI.

Beaucoup, au premier rang desquels les représentants des présidents des TGI, ont ainsi estimé que la répartition des contentieux selon la valeur du litige n'était plus pertinente, puisque certaines affaires très techniques portaient sur de faibles sommes, tandis que d'autres, financièrement plus importantes, étaient simples à trancher.

Vos rapporteurs ne pensent pas que cet argument suffise à ôter toute pertinence au critère de la valeur du litige. Ce dernier ne sert pas seulement à indiquer la difficulté prévisible de l'affaire, il rend aussi compte du fait que l'enjeu du litige entre dans l'appréciation par le justiciable de l'opportunité de saisir le juge ou pas. Or, plus le juge est loin, plus il faut que l'enjeu de l'affaire soit important pour décider l'intéressé à saisir la juridiction.

En revanche, il est vrai que, par nature, certains contentieux seront plus pertinemment traités dans la juridiction la plus proche. C'est d'ailleurs ce qui sous-tend aujourd'hui la distinction entre le contentieux de l'instance et celui de la grande instance, et ce qui commande la procédure devant ces juridiction : oralité, juge unique et absence de représentation obligatoire pour le premier ; place plus importante de l'écrit, collégialité et représentation obligatoire pour le second.

L'intégration des tribunaux d'instance au sein du TPI ne fait pas disparaître l'intérêt de la distinction. La délimitation d'un nouveau contentieux de la proximité a justement pour fonction, dans le projet des promoteurs du TPI, de ne pas perdre l'avantage que les justiciables retirent du tribunal d'instance ou de la juridiction de proximité, et, au contraire, de l'augmenter encore.

Ce nouveau contentieux de la proximité reprendrait le contentieux dévolu aux tribunaux d'instance et à la juridiction de proximité, celui des petits litiges civils et de consommation, de la précarité et de la protection (surendettement, baux d'habitation, saisie-arrêt sur salaire, tutelle), auquel plusieurs des personnes entendues ont proposé d'adjoindre le contentieux familial hors divorce (obligation alimentaire, autorité parentale) et le petit contentieux pénal.


* 17 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 187-191.

* 18 Discours du Président de la République prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013 (http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-a-l-occasion-de-l-audience-solennelle-de-rentree-de-la-cour-de-cassation/).

* 19 Rapport au garde des sceaux de la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire, présidée par M. Serge Daël , 10 février 2013.

* 20 Le dispositif ne concernerait toutefois que les saisines sans représentation obligatoire, dans la mesure où les autres peuvent être accomplies par l'avocat.

* 21 Rapport Casorla, op. cit. , p. 48.

* 22 Ces pôles correspondraient à des regroupements thématiques de plusieurs chambres ou de plusieurs juridictions, en fonction du contentieux qu'elles traitent, à des fins de lisibilité administrative, et pour créer une cohésion entre les magistrats qui s'occupent des mêmes types de litiges.

* 23 Art. R. 212-3 du COJ.

* 24 Art. R. 212-18 du COJ.

* 25 La procédure de saisine la plus commune, en matière civile, est la citation directe du défendeur auprès de la juridiction compétente, aussi appelée assignation lorsqu'elle est faite par acte d'huissier. Une fois remise au greffe, cette citation a pour effet de saisir le juge. D'autres modalités existent : la requête, qui, contrairement à l'assignation, débute par la saisine du juge, à charge pour le greffe de citer lui-même le défendeur à comparaître. La requête conjointe se pratique aussi, lorsque les deux parties souhaitent saisir le juge d'un commun accord, tout comme, devant certaines juridictions d'exception, la présentation volontaire des parties devant le juge. Certaines procédures de saisine, par requête simple, ne prévoient pas l'appel d'un défendeur, notamment en matière gracieuse, ou lorsque la nécessité commande que la décision soit rendue à l'insu de l'autre partie.

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